Skip to main content

Full text of "Méthode complète de chant Grégorien d'après les principes de l'École de Solesmes"

See other formats


i 

Œ. 

n^ 

ECO 

r\ 

=  00 

5ITY( 

=  lÔ 

CD 


CO 


D.  GRÉGOIRE  M^  SUNOL  O.  S.  B. 
Moine  de  Montserrat 

MÉTHODE  COMPLÈTE 

DE 

CHANT  GRÉGORIEN 

D'APRÈS 

LES  PRINCIPES  DE  L'ÉCOLE  DE  SOLESMES 


SEPTIEME  EDITION 


TRADUCTION    ET   PRÉFACE 

PAR 

D.   MAUR  SABLAYROLLES  O.  S.   B. 
loine  de  l'abbaye  Saint-Benoît  d'En  Galcat,  Dourgne,  (Tarn) 


SOCIÉTÉ  SAINT  JEAN  L'ÉVANGÉLISTE 

DESCLÉE  &  CiE 

Imprimeurs  du  Saint  Siège  et  de  la  Sacrée  Congrégation  des  Rites 

PARIS,  TOURNAI,   ROME 


Ir  t.  ^  ^ 


METHODE  COMPLÈTE 


DE 


CHANT  GRÉGORIEN 


No  674 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2011  with  funding  from 

University  of  Toronto 


http://www.archive.org/details/mthodecompltOOsu 


D.  GRÉGOIRE  M^  SUNOL  O,  S.  B. 
Moine  de  Montserrat 


MÉTHODE  COMPLÈTE 

DE 

CHANT  GRÉGORIEN 

D'APRÈS 

LES  PRINCIPES  DE  L'ÉCOLE  DE  SOLESMES 


SEPTIEME  EDITION 


■ÜBBWPI—il.»    Jl'i   .IJBI.,e5WfH>WIW—i 


UNIVERSITY  OF  TORONTO 

JUN1219S3 

EDWARS>  JOHNSON 
MUSIC  LfBRARY 


TRADUCTION    ET  PRÉFACE 

PAR 

D.  MAUR  SABLAYROLLES  O.  S.  B. 
Moine  de  l'abbaye  Saint-Benoît  d'En  Galcat,  Dourgne,  (Tarn) 


SOCIÉTÉ  SAINT  JEAN  L'ÊVANGÉLISTE 

DESCLÉE  &  CiE 

Imprimeurs  du  Saint  Siège  et  de  la  Sacrée  Congrégation  des  Rites 

PARIS,  TOURNAI,  ROME 


Avec  la  permission  des  Supérieurs  de  l'Ordre. 


Imprimatur. 
Tornaci,  die  24  Novembris  1922. 


MT 

U  .  ..  Ou.  iv-  1953       j 

8  5 1»  8  2  (I 


V.  Cantineau,  Vie.  Gen. 


TOUS    DROITS   RESERVES. 


Copyright  1922  by  DesclÉE  &  Co,  Paris. 


PAX 

Préface  de  la  première  édition. 

AU  LECTEUR. 

Enthousiaste  autant  qu'on  peut  l'être  pour  le  vrai  chant  de 
S.  Grégoire,  je  me  suis  décidé  à  publier  cette  Méthode  pour 
seconder  dans  la  mesure  de  mes  forces  les  désirs  des  Souverains 
Pontifes  Léon  XIII  et  Pie  X,  et  contribuer  moi  aussi,  ne  fût-ce 
que  par  une  petite  pierre,  à  la  reconstruction  du  grand  édifice  du 
chant  liturgique. 

Ma  doctrine  n'est  pas  de  moi,  je  tiens  à  le  dire  tout  de  suite. 
Mon  unique  but  a  été  de  reproduire  avec  clarté  et  exactitude  les 
enseignements  de  l'Ecole  de  Solesmes,  à  laquelle  revient  aujour- 
d'hui l'honneur  d'avoir  servi  si  magnifiquement  l'Eglise  en  lui 
restituant  son  vrai  chant,  ce  chant  si  beau,  si  grave,  si  conforme  à 
sa  sainteté,  ce  chant  inspiré  de  Dieu  et  sorti  du  cœur  d'un  de  ses 
plus  illustres  enfants,  comme  d'un  instrument  délicat,  sensible 
aux  touches  de  l'Esprit-Saint. 

La  meilleure  récompense  que  j'aie  pu  recevoir  déjà  de  ce  travail 
est  l'approbation  que  m'en  a  donnée  le  T.  R.  P.  Dom  André 
Mocquereau,  Prieur  de  Solesmes,  le  personnage  le  plus  compétent 
aujourd'hui  en  matière  d'études  critiques  grégoriennes. 

Voici  en  effet  la  lettre  qu'il  a  bien  voulu  m'adresser  : 

Mon  Révérend  et  cher  Père  Suñol, 

«  C'est  pour  moi  une  grande  joie  de  pouvoir  donner  à  votre 
Méthode  la  plus  complète  approbation. 

«  Il  m'était  impossible  de  mieux  faire.  Vous  reproduisez  avec 
précision,  clarté  et  exactitude  les  enseignements  de  l'Ecole  de 
Solesmes. 

«  Que  N.  D.  de  Montserrat  bénisse  votre  livre.  Nul  doute 
qu'écrit  à  ses  pieds  avec  foi  et  amour,  elle  ne  le  répande  dans 


vj.  Préface  de  la  première  édition. 

toute  l'Espagne  et  n'enseigne,  par  son  moyen,  à  chanter  avec  art 
et  piété  les  gloires  de  son  divin  Fils. 

«  Daignez  recevoir,  mon  Révérend  et  cher  Père,  l'expression  de 
mon  affection  en  Notre-Seigneur.  » 

Fr.  André  Mocquereau,  O.  S.  B. 
Prieur  de  Solesmes. 
Appuldurcombe,  8  Juillet  1905. 

Après  cette  lettre  nous  n'avons  rien  à  ajouter.  Au  lecteur 
maintenant  de  faire  à  cet  ouvrage  l'honneur  de  le  parcourir,  et 
d'être  indulgent  pour  les  fautes  qui  peuvent  s'y  rencontrer. 

Monastère  de  Montserrat,  15  Août  1905. 

L'Auteur. 


1.  O.  G.  D. 


PAX 

Préface  du  Traducteur. 

La  Méthode  théorique  et  pratique  de  chant  grégorien,  dont 
nous  donnons  la  traduction  française,  était  faite  pour  l'Espagne. 
Dom  Gregorio  Suñol  dit  lui-même  les  motifs  et  le  but  qui  la  lui 
ont  fait  entreprendre. 

Mais  ce  que  l'auteur  ne  pouvait  pas  dire  alors  et  qu'il  nous  est 
permis  de  dévoiler  aujourd'hui  sans  blesser  sa  modestie,  c'est  le 
succès  complet  qu'elle  a  remporté  en  Catalogne  et  dans  la 
Péninsule  hispanique  entière. 

Les  nombreuses  et  élogieuses  appréciations  qui  en  ont  été 
données  à  maintes  reprises  dans  les  revues  et  journaux  espagnols; 
les  opinions  non  moins  flatteuses  et  non  moins  autorisées  que  nous 
en  ont  personnellement  exprimées  les  Maîtres  de  chapelle  et  ceux 
qui  s'occupent  activement  de  la  diffusion  du  chant  grégorien  en  ce 
pays;  enfin  les  résultats  incontestables  que  nous  avons  nous-même 
obtenus,  en  nous  servant  de  cette  Méthode  pour  enseigner  le  chant 
grégorien  dans  plusieurs  cathédrales,  séminaires  et  maisons  reli- 
gieuses d'Espagne,  nous  en  ont  montré  jusqu'à  l'évidence  le  mérite 
et  la  valeur.  Ils  proviennent,  sans  nul  doute,  de  la  compétence 
personnelle  notoire  du  moine  espagnol,  de  son  grand  esprit 
pratique  et  de  sa  longue  habitude  de  la  direction  des  chœurs  ; 
mais  ils  proviennent  aussi  et  surtout  de  son  enseignement  et  de  la 
compétence  des  maîtres  autorisés  auxquels  il  l'emprunte. 

Le  chant  liturgique,  en  effet,  est  un  sujet  complexe  qui,  faute 
de  règles  précises  léguées  par  les  anciens,  se  prête  aux  interpréta- 
tions les  plus  variées  et  parfois  les  plus  fantaisistes.  Il  n'est  pas  si 
facile  qu'on  pourrait  le  croire  d'en  parler;  c'est  même  d'autant 
plus  difficile,  à  l'heure  où  nous  écrivons  ces  lignes,  que  ceux  qui  en 
parlent  sont  plus  nombreux  que  jamais.  Quelle  opinion  suivre  au 
milieu  du  chassé-croisé  de  tant  d'opinions  diverses?  Quelle  voix 
écouter  au  milieu  de  tant  de  voix  discordantes? 

Avec  une  sûreté  de  vue  et  un  bon  sens  pratique  qui  lui  font  le 
plus  grand  honneur,  Dom  Suñol  n'a  pas  hésité  sur  le  parti  qu'il 
avait  à  prendre  :  il  est  allé  droit  aux  opinions  et  aux  voix  Soles- 
miennes  ;  et  le  public  espagnol  y  a  répondu,  en  faisant  à  son  livre 
l'accueil  flatteur  auquel  nous  sommes  nous-même  très  heureux 
d'applaudir. 

La  Méthode  de  notre  confrère  se  recommande  donc  suffisam- 
ment d'elle-même.  C'est  une  œuvre  nouvelle,  sérieuse,  doctrinale, 
pratique,  aussi  utile  à  ceux  qui  donnent  l'enseignement  du  chant, 


viij.  Préface  du  Traducteur. 

qu'à  ceux  qui  le  reçoivent.  Le  lecteur  comprendra  qu'il  est  superflu 
de  donner  à  nos  éloges  plus  de  développement  :  ils  sont  sans 
restriction  aucune. 

Mais  l'auteur,  dans  la  seconde  partie  de  son  travail,  a  traité,  en 
parlant  du  rythme,  une  matière  trop  importante  pour  ne  pas  lui 
consacrer  nous-même  quelques  pages.  Nous  ne  pouvons  pas  ne 
pas  en  parler.  Partisan  convaincu  de  la  doctrine  de  l'Ecole  de 
Solesmes  sur  le  chant  grégorien,  loin  de  nous,  certes,  la  prétention 
de  défendre  cette  doctrine  :  elle  se  défend  par  elle-même.  Mais 
nous  voudrions,  en  quelques  mots  précis  et  succincts,  en  faire 
l'exposé  doctrinal;  en  montrer  l'ampleur,  la  sûreté,  la  profondeur, 
et  contribuer  ainsi,  pour  la  part  que  Dieu  seul  connaît,  à  faire 
l'unité  des  esprits  sur  une  question  qui,  de  plus  en  plus  étudiée, 
nous  paraît  la  plus  rationnelle,  la  plus  scientifique,  la  plus  pratique 
et,  pour  tout  dire  en  un  mot,  la  plus  conforme  à  la  juste  compré- 
hension de  l'art  musical  quel  qu'il  soit  et  du  caractère  même 
du  chant  grégorien. 


Nous  venons  de  dire,  il  n'y  a  qu'un  instant,  qu'il  n'est  pas  facile 
de  traiter  les  questions  de  chant  :  c'est  une  matière  trop  complexe. 
Mais  combien  la  chose  est  encore  plus  difficile  et  plus  délicate, 
quand  il  s'agit  du  rythme! 

La  théorie  du  rythme  suppose,  en  effet,  dans  celui  qui  se  croit 
assez  compétent  et  suffisam^ment  prêt  pour  l'exposer,  une  connais- 
sance profonde  des  éléments  qui  constituent  le  rythme  et  une 
étude  sérieuse  et  très  raisonnée  de  la  manière  dont  les  maîtres  en 
ont  fait  l'application  dans  leurs  œuvres. 

C'est  une  des  gloires  du  dernier  siècle  d'avoir  produit  des 
hommes,  assez  artistes  pour  se  livrer  à  ce  travail,  assez  sagaces  et 
assez  pénétrants,  pour  ramener  l'art  de  la  composition  ou  de 
l'interprétation  des  oeuvres  des  grands  maîtres  à  une  doctrine  qui 
en  est  la  base  fondamentale,  celle  du  rythme. 

Méconnue  ou  altérée  par  le  temps  ou  le  mauvais  goût  des 
éditeurs,  cette  doctrine,  si  belle  et  si  profonde,  revit  tout  entière 
dans  les  livres  remarquables  où  elle  est  exposée. 

Le  mérite  des  hommes  éminents  auxquels  nous  les  devons,  est 
non  seulement  d'avoir  montré  le  sens  musical  et  classique  des 
grands  maîtres,  mais  encore  d'avoir  élevé  le  rythme  à  la  hauteur 
d'une  doctrine  et  de  l'avoir  exposée  et  développée  avec  l'éclat 
et  la  magnificence  qui  assurent  à  leur  nom  une  gloire  impérissable. 

Or,  ce  que  les  grands  musicologues  contemporains  ont  fait  pour 
la  musique  en  général,  les  Bénédictins  de  Solesmes  l'ont  fait  pour 
le  chant  grégorien  en  particulier. 


Préface  du  Traducteur.  ix. 

Partant  de  ce  principe,  posé  par  Dom  Pothier  dans  les  Mélodies 
grégoriennes,  à  savoir,  que  le  rythme  grégorien  est  le  rythme 
oratoire,  ils  se  mirent  à  étudier  de  plus  près,  dans  les  belles 
éditions  du  chant  traditionnel  qu'ils  venaient  de  reproduire,  ce 
rythme  sur  lequel  on  n'avait  encore  que  des  idées  vagues  et 
imprécises  et,  après  de  longues  années,  exposèrent,  en  des  travaux 
excessivement  remarquables,  le  fruit  de  leurs  études  et  de  leur 
expérience  personnelle. 

Ce  sont  ces  travaux  qui  constituent  ce  que  nous  pourrions 
appeler  l'édifice  de  la  rythmique  grégorienne  ou  de  la  théorie  du 
rythme  dans  le  chant. 

Il  est  vraiment  imposant. 

Nous  ne  pouvons  nous  lasser  de  l'admirer,  de  l'étudier  et  de 
nous  en  pénétrer. 

Il  comprend  deux  parties  bien  distinctes. 

Dans  la  première,  on  trouve  d'abord  l'étude  approfondie  de  la 
langue  latine  et  de  sa  rythmique,  menée  de  front  avec  celle  des 
mélodies  ;  puis,  tour  à  tour,  les  études  comparées  des  rapports  du 
texte  avec  la  mélodie  et  de  leurs  influences  réciproques;  d'autres 
études  non  moins  remarquables  sur  la  structure  des  phrases,  leurs 
formes  et  leurs  cadences,  modelées  sur  des  types  syllabiques  ;  ces 
formes,  démontrées  invariables,  quelles  que  soient  les  paroles  qui 
viennent  s'y  adapter,  parce  qu'elles  ne  peuvent  les  perdre  sans 
perdre  immédiatement  leur  rythme  ;  tous  les  secrets  de  l'art  de  la 
composition  arrachés  aux  auteurs  du  chant  grégorien,  grâce  à  ces 
profondes  analyses  auxquelles  les  théoriciens  du  moyen  âge  ne 
songèrent  jamais  :  telle  est  la  première  partie  de  ce  splendide 
édifice. 

La  seconde  s'élève  non  moins  grandiose  et  non  moins 
imposante. 

Nous  y  voyons,  en  effet,  l'accent  latin,  élément  générateur 
principal  du  rythme  oratoire,  étudié  dans  les  compositions  des 
plus  grands  polyphonistes  et  dans  les  chefs-d'œuvre  de  l'art 
grégorien  ;  puis  les  divers  éléments  du  rythme  :  relations  d'arsis  et 
de  thésis,  d'élan  et  d'appui,  de  temps  léger  et  de  temps  lourd; 
rapports  des  membres  de  phrase,  des  phrases  et  des  périodes; 
liens  qui  les  enchaînent;  caractères  qui  les  distinguent,  toutes  ces 
nuances  si  délicates  admirablement  exposées;  enfin  la  marche 
harmonieuse  elle-même  du  rythme,  analysée  dans  chacun  de  ses 
pas,  dans  chacun  de  ses  mouvements  binaires  ou  ternaires. 

Tel  est,  dans  son  ensemble  et  dans  ses  parties,  l'édifice  que  les 
moines  de  Solesmes  ont  élevé  sur  la  base  inébranlable  du  rythme 
7nusical  libre  et  qui,  par  ses  admirables  proportions,  fait  involon- 
tairement penser  à  cet  autre  édifice  matériel  inachevé,  aujourd'hui 


X.  Préface  du  Traducteur. 

désert,  l'honneur  du  moine  qui  l'a  conçu  et  l'objet  de  l'admiration 
de  tous  les  hommes  de  l'art. 

Mais  le  rythme  ne  saurait  rester  exclusivement  dans  l'ordre 
spéculatif  auquel  il  n'appartient  d'ailleurs  que  dans  une  mesure 
déterminée  :  la  mesure  nécessaire  pour  régler  et  ordonner  ses 
mouvements. 

Le  rythme,  en  effet,  est  l'âme  de  la  mélodie.  Or,  l'âme  se 
manifeste  par  la  vie  et  le  mouvement.  Le  rythme,  étant  donc 
mouvement  et  vie,  tombe  rigoureusement  dans  le  domaine  de  la 
pratique. 

C'est  pourquoi  les  études  profondes  et  les  analyses  pénétrantes 
n'auraient  pas  suffi  aux  Bénédictins  de  Solesmes  pour  le  définir  et 
en  exposer  les  divers  éléments.  Il  leur  fallait  un  troisième  instru- 
ment de  travail  :  l'expérience  ou  la  p7'atique  fréquente  du  chant 
liturgique  ;  il  fallait  que  celle-ci  vînt  au  secours  de  leurs  savantes 
recherches,  se  joignît  à  elles  et  les  conduisît  pas  à  pas  à  travers  les 
difficultés  du  chemin,  pour  les  empêcher  de  s'égarer  ou  de  faire 
fausse  route. 

Or,  nous  savons  si  la  pratique  du  chant  est  venue  d'elle-même 
se  mettre  à  leur  service!  et  dans  quelle  mesure!! 

Le  propre  de  la  vie  du  moine,  la  condition  principale,  la  plus 
noble,  la  plus  élevée,  la  plus  sainte  de  son  existence,  est  de 
chanter,  au  nom  de  l'Eglise  qui  la  lui  impose,  la  louange  de 
Dieu.  Saintement  passionnés  pour  cette  «  œuvre  divine  »  comme 
l'appelle  S.  Benoît  dans  sa  Règle,  ce  n'était  pas  assez  pour  les 
moines  de  Solesmes,  de  rétablir  dans  sa  pureté  primitive  le  chant 
qui  en  est  la  vivante  expression,  il  fallait  surtout  l'exécuter  avec 
l'art  et  la  perfection  qui  lui  conviennent. 

Or,  qui  dans  l'Eglise,  même  parmi  les  artistes,  admirateurs  du 
chant  grégorien,  peut  se  flatter  d'avoir  eu  autant  qu'eux  la 
pratique  de  ce  chant  ;  pratique  non  individuelle,  mais  collective; 
non  transitoire,  mais  continuelle;  non  routinière  et  inconsciente, 
mais  intelligente,  réfléchie,  toujours  soutenue  par  cette  piété  qui 
est  <i  utile  à  tout  »  et  dont  l'influence  très  heureuse  n'a  pu  que 
contribuer  à  développer  extraordinairement  en  eux  le  sens  musical  ; 
pratique  enfin  qui  en  les  mettant,  jour  et  nuit,  en  contact  direct 
avec  le  rythme  vivant  lui-même,  avec  ce  qu'il  y  a  de  plus  intime, 
avec  ce  que  nous  appellerions  volontiers  :  sa  moelle,  a  fini  par  en 
faire  des  chantres  parfaits  de  la  louange  divine? 

Si  donc  les  Bénédictins  de  Solesmes,  par  suite  de  leur  vocation 
privilégiée  et  de  leurs  connaissances  personnelles  très  étendues  en 
matière  de  chant,  ont  pu  mettre  en  jeu  tant  de  moyens  réunis  et 
si  puissants,  on  comprend  aisément  qu'avec  le  temps  et  l'expé- 
rience, ils  se  soient   trouvés  en    état    de   traiter  magistralement 


Préface  du  Traducteur.  xj. 

toutes   les   questions    grégoriennes,    notamment   la   question    du 

rythme.  On  comprendra  surtout  que  ces  questions  aient  pu  être 

poussées   si    loin,  si    l'on    veut   bien   se    rappeler   qu'après   Dom 

Guéranger  et  Dom  Pothier  qui  en  ont  été  les  premiers  initiateurs, 

elles  ont  été  dirigées  et  conduites  par  un  savant  et  un   artiste 

éminent,  Dom  Mocquereau,  l'illustre  fondateur  et  directeur  de  la 

Paléographie  musicale. 

* 
*  * 

La  Paléographie  musicale! 

Qui  n'a  déjà  reconnu  dans  cette  «  publication  sans  pareille  (i)  > 
le  splendide  édifice  dont  nous  avons  retracé  tout  à  l'heure  les 
grandioses  proportions!  Qui,  à  mesure  que  nous  le  décrivions,  ne 
l'a  vu  s'élever  graduellement  jusqu'au  faîte,  c'est-à-dire  jusqu'au 
septième  volume  qui  en  est  le  digne  couronnement! 

Composé  avec  cette  unité  de  principes  qui  n'exclut  point  le 
progrès  continu  et  ascendant  des  idées,  avec  ce  déploiement  de 
science,  ce  luxe  de  preuves  et  cette  puissance  de  démonstration 
qui  sont  le  caractère  dominant  de  la  Paléographie  musicale,  ce 
septième  volume  est  incontestablement  le  traité  complet,  solide  et 
lumineux  du  rythme  grégorien.  On  sent,  en  le  lisant,  qu'il  a  été 
écrit  par  un  profond  musicologue  et  un  grand  artiste,  joignant  à 
une  connaissance  musicale  très  étendue  une  prodigieuse  connais- 
sance grégorienne. 

Aussi,  après  l'avoir  lu  et  relu,  nous  rappelant  ce  que  J.  Comba- 
rieu  a  dit  du  quatrième  volume  de  la  grande  publication,  «  qu'à  lui 
seul  il  aurait  suffi  à  assurer  la  gloire  d'un  savant  »,  volontiers  nous 
dirions  à  notre  tour  du  septième  volume,  qu'à  lui  seul  il  suffirait 
pour  assurer  à  jamais  la  gloire  d'un  musicographe. 


* 


A  n'en  juger  que  par  les  apparences,  il  semble  qu'après  tout  ce 
que  nous  venons  de  dire,  nous  voilà  bien  loin  de  la  Méthode  de 
Dom  Suñol. 

Il  n'en  est  rien;  car  cette  Méthode  n'est,  dans  sa  partie 
doctrinale  et  rythmique,  que  l'analyse  pure  et  simple  du  septième 
volume  de  la  Paléographie  musicale. 

Loin  donc,  en  parlant  comme  nous  l'avons  fait  de  cette  œuvre 
grandiose,  de  nous  être  écarté  du  travail  de  notre  confrère,  nous 
n'avons  fait  au  contraire  qu'en  grandir  l'importance  et  rehausser 
la  valeur. 

C'est  là  une  première  constatation. 

(l)  H.  RiEMANN. 


xij.  Préface  du  Traducteur. 

Il  en  est  d'autres  qui  s'imposent  et  que  nous  tenons  à  bien 
mettre  en  relief. 

En  faisant  entrer  dans  les  limites  restreintes  d'une  Méthode  les 
principes  de  l'Ecole  de  Solesmes,  Dom  Suñol  a  rendu  d'abord  aux 
nombreux  amis  de  cette  Ecole  un  service  signalé  ;  de  plus,  par  sa 
Méthode,  il  a  trouvé  le  moyen  le  plus  pratique  de  les  introduire 
dans  les  milieux  où  ils  étaient  jusqu'ici  inconnus  et,  par  consé- 
quent, le  moyen  de  contribuer,  pour  une  très  large  part,  à  leur 
développement. 

La  Paléographie  musicale  ne  peut,  en  effet,  à  cause  des  condi- 
tions vraiment  dignes  dans  lesquelles  elle  est  publiée,  être  que  le 
privilège  des  savants  ou  des  amateurs  et,  pour  cette  raison,  le 
septième  volume  ne  pourra  jamais  devenir  un  Manuel  pratique 
pour  les  séminaires  et  autres  établissements  ecclésiastiques  ou 
religieux.  Il  fallait  donc  rendre  accessible  à  tous  les  doctrines  qu'il 
contient  ;  il  le  fallait,  surtout,  pour  la  perfection  du  chant  dont  la 
beauté  dépend  de  l'exécution,  c'est-à-dire,  du  rythme. 

Or,  c'est  ce  que  Dom  Suñol,  le  premier,  a  fait,  du  moins  dans 
cette  mesure,  et  l'on  ne  peut  lui  en  être  trop  reconnaissant. 

%  * 

Il  ne  nous  reste  plus  maintenant,  comme  conclusion  à  donner  à 
cette  Préface,  qu'à  présenter  au  lecteur  la  traduction  de  la  Méthode 
de  notre  confrère  de  Montserrat. 

Nous  ne  l'avons  entreprise  qu'à  la  sollicitation  pressante  des 
amis  du  chant  grégorien,  et  dans  l'intérêt  de  cette  cause  qui  nous 
est  très  chère  et  que  nous  avons  toujours  voulu  servir  depuis  nos 
plus  tendres  années. 

On  a  vu,  dans  les  développements  que  nous  avons  donnés  au 
cours  de  cette  Préface,  l'importance  de  la  doctrine  pour  la  bonne 
exécution  du  chant.  Cette  Méthode  l'expose  avec  la  clarté,  la 
précision  et  l'autorité  de  la  source  où  elle  a  été  abondamment 
puisée. 

Qu'on  lui  fasse  bon  accueil. 

Elle  a  été  bien  reçue  en  Espagne  ;  qu'elle  le  soit  également  en 
France.  Qu'elle  pénètre  dans  le  monde  ecclésiastique,  religieux  et 
laïque;  qu'elle  pénètre  surtout  dans  les  séminaires  et  maisons 
d'éducation  et  que,  sous  la  conduite  de  maîtres  expérimentés,  elle 
y  enseigne  à  chanter  les  mélodies  grégoriennes,  comme  on  les 
chante  au  Conservatoire  grégorien  de  Solesmes. 

*  * 

C'est  en  1907  et  en  Espagne  que  nous  écrivions  les  lignes 
précédentes.  Dom  Suñol  n'avait  pu  utiliser  alors  que  le  septième 


Préface  du  Traducteur.  xiij. 

volume  de  la  Paléographie  musicale.  Depuis  ont  paru  successive- 
ment le  dixième  volume  de  la  Paléographie,  le  Nombre  Musical 
Grégorien  et  les  Monographies  Grégoriennes.  C'est  à  toutes  ces 
sources  réunies  que  Dom  Suñol  a  puisé  à  partir  de  la  quatrième 
édition  de  sa  Méthode.  Nous-même,  avec  la  traduction,  nous 
avons  apporté  notre  modeste  contribution  personnelle  à  la  cin- 
quième édition  française  par  des  changements,  des  développements, 
des  chapitres  et  des  notes  qui  la  diiTérencient  de  l'édition  espa- 
gnole et  que  l'auteur  nous  a  permis. 


Dom  Maur  Sablayrolles. 
Abbaye  Saint-Benoît  d'En  Calcat. 
DOURGNE  (Tarn) 


II  Juillet  1922,  en  la  fête  de  la  Translation  de  notre  glorieux 
Père  S.  Benoît. 


CeUe  septième  édition  française  reproduit  exactement  la  précédente.  Le 
manque  de  temps  ne  nous  a  pas  permis  d'utiliser  les  modifications  apportées 
par  l'auteur  à  la  sienne. 


Constitution  apostolique 

de  Sa  Sainteté  le  Pape  Pie  XI 

recommandant  une  pratique  toujours  plus  parfaite 

de  la  Liturgie  et  du  chant  grégorien 

et  de  la  musique  sacrée  '. 

PIE,  évêque,  Serviteur  des  Serviteurs  de  Dieu, 
pour  perpétuelle  mémoire. 

L'Eglise  a  reçu  du  Christ,  son  Fondateur,  la  charge  de  veiller 
sur  la  sainteté  du  culte  divin.  Il  lui  appartient  donc  —  tout  en 
sauvegardant  l'essence  du  Saint  Sacrifice  et  des  Sacrements  — 
d'édicter  tout  ce  qui  assure  la  parfaite  ordonnance  de  ce  ministère 
auguste  et  public  :  les  cérémonies,  les  rites,  les  textes,  les  prières, 
le  chant.  C'est  ce  qui  s'appelle,  de  son  nom  propre,  la  Liturgie^  ou 
«  action  sacrée  »  par  excellence. 

La  liturgie,  en  effet,  est  une  chose  sacrée.  Par  elle  nous  nous 
élevons  jusqu'à  Dieu  et  nous  lui  sommes  unis  :  nous  professons 
devant  Lui  notre  foi  ;  nous  nous  acquittons  envers  Lui  d'un  grave 
devoir  de  reconnaissance  pour  les  bienfaits  et  les  secours  qu'il 
nous  accorde  et  dont  nous  avons  un  perpétuel  besoin  ;  de  là,  une 
certaine  connexion  entre  le  dogme  et  la  liturgie,  comme  aussi 
entre  le  culte  chrétien  et  la  sanctification  du  peuple.  Aussi  le  pape 
Célestin  I^^  estimait-il  que  la  règle  de  la  foi  est  exprimée  dans  !es 
vénérables  formules  de  la  liturgie.  Il  disait  en  effet  :  «  Que  la  loi 
de  la  prière  détermine  la  loi  de  la  croyance.  Car  lorsque  les  chefs 
des  saintes  assemblées  s'acquittent  de  leurs  fonctions  en  vertu  de 
la  délégation  qu'ils  ont  reçue,  ils  plaident  devant  la  clémence 
divine  la  cause  du  genre  humain  et  ils  prient  et  ils  supplient  avec 
l'Eglise  tout  entière  qui  unit  ses  gémissements  aux  leurs  ». 

Ces  communes  supplications  appelées  d'abord  «  œuvre  de 
Dieu  »  —  opus  Dei^  puis  «  office  divin  »  officium  divinuni^  — 
comme  une  dette  dont  nous  sommes  quotidiennement  redevables 
envers  Dieu,  avaient  lieu  jadis  de  nuit  et  de  jour,  et  de  nombreux 
chrétiens  y  prenaient  part.  Et  c'est  merveille  de  constater,  dès 
l'antiquité  même,  combien  les  mélodies  naïves  qui  ornaient  les 
prières  sacrées  et  l'action  liturgique  contribuaient  à  favoriser  la 

'  Nous  empruntons  à  la  Semaine  religieuse  de  Paris  la  traduction  française 
du  document  pontifical. 

N°  674.  —  b 


xvj.  Constitution  apostolique 

piété  du  peuple.  Dans  les  vieilles  basiliques  en  particulier,  où 
l'évêque,  le  clergé  et  les  fidèles  chantaient,  en  alternant,  les 
louanges  divines,  les  chants  liturgiques  ont  contribué  pour  beau- 
coup —  l'histoire  l'atteste  —  à  amener  un  grand  nombre  de 
barbares  au  christianisme  et  à  la  civilisation.  Dans  les  temples, 
les  adversaires  de  la  foi  catholique  apprirent  à  connaître  plus 
à  fond  le  dogme  de  la  communion  des  Saints.  Ainsi  l'empereur 
arien  Valens,  frappé  comme  d'une  stupeur  inouïe  devant  la 
majesté  du  divin  mystère  célébré  par  saint  Basile,  tombait  en 
défaillance;  ainsi,  à  Milan,  les  hérétiques  reprochaient  à  saint 
Ambroise  de  fasciner  les  foules  par  les  chants  liturgiques,  ces 
chants  qui  frappèrent  Augustin  lui-même  et  lui  inspirèrent  la 
résolution  d'embrasser  la  foi  chrétienne.  Plus  tard,  dans  les  églises, 
où  de  presque  toute  la  cité  se  formait  un  chœur  immense,  artisans, 
ouvriers  du  bâtiment,  peintres,  sculpteurs,  gens  d'études  eux-mêmes 
s'imprégnaient,  grâce  à  la  liturgie,  de  cette  connaissance  des 
choses  théologiques  qui  aujourd'hui  brille  avec  tant  d'éclat  dans 
les  monuments  du  moyen  âge. 

On  comprend  dès  lors  pourquoi  les  Pontifes  romains  ont 
apporté  tant  de  sollicitude  à  défendre  et  à  sauvegarder  la  liturgie 
et  pourquoi  le  même  soin  minutieux  qu'ils  mettaient  à  exprimer 
le  dogme  par  des  formules  exactes,  ils  l'ont  appliqué  à  établir, 
à  défendre  et  à  sauvegarder  de  toute  altération  les  lois  sacrées  de 
la  liturgie.  On  le  voit  aussi,  c'est  la  raison  pour  laquelle  les  Saints 
Pères  ont  recommandé  par  leurs  paroles  et  leurs  écrits  la  liturgie 
sacrée  (la  loi  de  la  prière)  et  le  Concile  de  Trente  a  voulu  qu'elle 
fût  exposée  et  expliquée  au  peuple  chrétien. 

De  nos  jours,  Pie  X,  il  y  a  vingt-cinq  ans,  dans  les  règles 
promulguées  par  son  Motu  Proprio  relatif  au  chant  grégorien  et 
à  la  musique  sacrée,  s'est  proposé  tout  d'abord  de  réveiller  et 
d'alimenter  dans  le  peuple  l'esprit  chrétien,  écartant  avec  sagesse 
tout  ce  qui  ne  conviendrait  pas  à  la  sainteté  et  à  la  majesté  de 
nos  temples.  Les  fidèles,  en  effet,  se  réunissent  dans  le  lieu  saint 
pour  y  puiser  la  piété  comme  à  sa  source  principale,  prenant  une 
part  active  aux  vénérables  mystères  de  l'Eglise  et  aux  prières 
publiques  et  solennelles.  Il  importe  donc  grandement  que  tout  ce 
qui  sert  d'ornement  à  la  liturgie  soit  réglementé  par  certaines  lois 
et  prescriptions  de  l'Eglise,  afin  que  les  arts,  ainsi  qu'il  convient, 
contribuent  au  culte  divin  comme  de  très  nobles  serviteurs.  Les 
arts,  utilisés  dans  les  églises,  n'en  éprouveront  aucun  dommage; 
bien  plutôt  ils  y  trouveront  à  coup  sûr  un  accroissement  de 
dignité  et  d'éclat.  C'est  ce  qui  est  arrivé  à  merveille  pour  la 
musique  sacrée  :  partout  où  les  règles  édictées  ont  été  appliquées 
avec  soin,  on  a  vu  revivre  la  beauté  de  cet  art  exquis  et  refleurir 
largement  l'esprit  religieux   :  c'est  que  le  peuple  chrétien,  plus 


de  S.  S.  Pie  XI.  xvij. 


profondément  pénétré  du  sens  liturgique,  s'est  mis  à  participer 
plus  activement  et  au  rite  eucharistique  et  à  la  psalmodie  sacrée 
et  aux  supplications  publiques.  Nous  l'avons  Nous-même  expéri- 
menté avec  satisfaction  quand,  la  première  année  de  Notre  Pon- 
tificat, un  chœur  nombreux  de  clercs  de  toutes  nations  a  rehaussé 
par  le  chant  des  mélodies  grégoriennes  la  messe  solennelle  que 
Nous  célébrions  dans  la  basilique  vaticane. 

Nous  devons  le  déplorer  ici  :  en  certains  endroits  ces  règles  très 
sages  n'ont  pas  été  complètement  appliquées;  aussi  n'en  a-t-on 
pas  recueilli  les  fruits  espérés.  Nous  le  savons  parfaitement  : 
quelques-uns  ont  prétendu  que  ces  règles,  pourtant  promulguées 
solennellement,  ne  les  obligeaient  pas;  quelques  autres,  après  s'y 
être  soumis,  se  sont  peu  à  peu  montrés  complaisants  pour  un 
genre  de  musique  qu'il  faut  absolument  écarter  des  églises;  enfin, 
en  quelques  endroits,  particulièrement  pour  la  célébration  solen- 
nelle de  centenaires  de  musiciens  illustres,  on  a  pris  occasion  de 
faire  exécuter  dans  le  temple  des  œuvres,  très  belles  sans  doute 
par  elles-mêmes,  mais  qui,  séant  mal  à  la  sainteté  du  lieu  et  de  la 
liturgie,  ne  devaient  pas  être  jouées  dans  les  églises. 

Mais  pour  que  le  clergé  et  le  peuple  obéissent  plus  conscien- 
cieusement aux  règles  et  prescriptions  qui  doivent  être  observées 
religieusement  et  inviolablement  dans  l'Eglise  universelle,  il  Nous 
a  plu  d'y  faire  ici  quelques  additions.  Nous  appuyant  sur 
l'expérience  de  ces  vingt-cinq  dernières  années.  Et  nous  le  faisons 
d'autant  plus  volontiers  que  cette  année  Nous  célébrons  non 
seulement,  comme  Nous  l'avons  dit,  le  souvenir  de  la  restauration 
de  la  musique  sacrée,  mais  aussi  la  mémoire  de  l'illustre  moine 
Guy  d'Arezzo.  Celui-ci,  —  voici  à  peu  près  neuf  cents  ans,  —  vint 
à  Rome  sur  l'ordre  du  Pape  et  fit  connaître  son  ingénieuse 
invention  grâce  à  laquelle  les  chants  liturgiques,  transmis  depuis 
l'antiquité,  furent  facilement  divulgués,  et,  pour  l'utilité  et  pour 
l'honneur  de  l'Eglise  et  de  l'Art  lui-même,  conservés  sans 
altération  pour  les  générations  à  venir. 

Au  Palais  de  Latran,  où  jadis  saint  Grégoire  le  Grand,  après 
avoir  rassemblé,  ordonné  et  accru  le  trésor  des  mélodies  sacrées, 
—  héritage  et  souvenir  des  Pères,  —  avait  si  sagement  fondé  sa 
célèbre  Schola  pour  perpétuer  la  vraie  interprétation  des  chants 
liturgiques,  le  moine  Guy  fit  l'expérience  de  sa  merveilleuse 
invention,  en  présence  du  clergé  romain  et  du  Souverain  Pontife 
lui-même.  Le  Pape  approuva  pleinement  et  loua  comme  il  le 
méritait  ce  nouveau  procédé  qui,  grâce  à  lui,  se  propagea  peu 
à  peu  au  loin  et  fit  faire  à  tous  les  genres  de  musique  des  progrès 
considérables. 

Aux  Evêques  donc  et  aux  Ordinaires,  qui,  comme  gardiens  de 
la  liturgie,  doivent  s'occuper  des  arts  sacrés  dans  les  églises,  Nous 


xviij.  Constitution  apostolique 

voulons  faire  quelques  recommandations  répondant  aux  vœux  de 
nombreux  congrès  de  musique  et  particulièrement  du  récent 
congrès  tenu  à  Rome.  Ces  vœux,  à  Nous  adressés  par  un  grand 
nombre  de  pasteurs  des  âmes  et  de  maîtres  en  l'art  musical,  à  qui 
Nous  adressons  ici  les  félicitations  qu'ils  méritent,  Nous  en 
ordonnons  la  mise  en  pratique  par  des  voies  et  moyens  plus 
efficaces. 

I.  —  Que  tous  les  candidats  au  sacerdoce,  non  seulement  dans 
les  Séminaires,  mais  dans  les  Maisons  religieuses,  soient  instruits, 
dès  leur  enfance,  du  chant  grégorien  et  de  la  musique  sacrée  : 
à  cet  âge  ils  apprennent  plus  facilement  tout  ce  qui  a  trait  aux 
mélodies  et  aux  sons;  et  des  défauts  de  voix,  s'ils  en  ont,  ils 
peuvent  se  débarrasser  ou  du  moins  les  corriger;  plus  tard,  ayant 
grandi,  ils  seraient  impuissants  à  y  remédier.  L'étude  du  chant  et 
de  la  musique  doit  commencer  dès  les  écoles  élémentaires  et  se 
poursuivre  ensuite  dans  l'enseignement  secondaire.  Ainsi  ceux  qui 
sont  appelés  à  recevoir  les  saints  Ordres,  instruits  peu  à  peu  du 
chant,  peuvent,  au  cours  de  leurs  études  théologiques,  sans  effort 
et  sans  difficulté,  se  former  à  cette  science  plus  élevée  qu'on 
appellerait  avec  raison  V esthétique  de  la  mélodie  grégorienne  et  de 
l'art  musical,  de  la  polyphonie  et  de  l'orgue,  science  qu'il  convient 
absolument  au  clergé  de  connaître. 

II.  —  Qu'il  y  ait  donc  dans  les  Séminaires  et  dans  toutes  les 
autres  maisons  d'études,  pour  la  formation  rationnelle  de  l'un  et 
l'autre  clergé,  fréquemment  et  presque  tous  les  jours,  une  brève 
leçon  —  ou  exercice  —  de  chant  grégorien  et  de  musique  sacrée. 
S'ils  s'y  donnent  avec  un  esprit  liturgique,  ce  sera  plutôt  pour  les 
élèves  un  repos  qu'une  fatigue,  après  l'étude  de  sciences  plus 
austères.  Ainsi  la  formation  plus  soignée  et  plus  complète  des 
deux  clergés  à  la  musique  liturgique  aura  pour  effet  de  rendre 
à  son  antique  dignité  et  splendeur  l'office  du  chœur,  qui  est  la 
partie  principale  du  culte  divin.  Il  en  résultera  aussi  que  les  Scholœ 
et  «  chapelles  »  de  musiciens,  comme  on  les  appelle,  retrouveront 
leur  gloire  antique. 

III.  —  Que  tous  ceux  qui  règlent  et  exercent  le  culte  dans  les 
basiliques,  cathédrales,  églises  collégiales  ou  conventuelles  de 
Religieux,  travaillent  de  toutes  leurs  forces  à  restaurer,  selon  les 
préceptes  de  l'Eglise,  l'Office  du  chœur;  non  seulement  pour  ce 
qui  est  du  commun  précepte  qui  oblige  à  célébrer  toujours  l'Office 
divin  avec  dignité,  aitentiojt  et  dévotion,  mais  aussi  pour  ce  qui 
regarde  le  chant.  Car,  dans  la  psalmodie,  il  faut  avoir  soin 
d'observer  les  tons  indiqués,  avec  leur  mediante  et  les  clausules 
adaptées  à  la  tonalité  et  le  repos  convenable  à  l'astérisque,  et  enfin 
l'unisson  parfait  dans  l'exécution  des  versets,  des  psaumes  et  des 


de  S.  S.  Pie  XI.  xix. 


strophes  des  hymnes.  Si  tout  cela  est  observé  avec  art,  tous  ceux 
qui  chantent  selon  les  règles,  témoignant  admirablement  de 
l'union  de  leurs  âmes  dans  l'adoration  de  Dieu,  semblent  par 
l'alternance  régulière  des  deux  parties  du  chœur  imiter  l'éternelle 
louange  des  Séraphins  qui  se  renvoyaient  leurs  acclamations  : 
Saint,  Saint,  Saint. 

IV.  —  Mais  pour  que  personne  à  l'avenir  ne  mette  en  avant  de 
faciles  excuses  pour  se  croire  dispensé  d'obéir  aux  lois  de  l'Eglise  : 
que  tous  les  ordres  de  chanoines,  que  toutes  les  communautés 
religieuses  soumises  aux  mêmes  règles,  traitent  de  ces  questions 
dans  leurs  réunions  officielles.  Et  comme  autrefois  existait  un 
chantre  {cantor^  ou  chef  de  chœur  {^rector  chori),  ainsi  à  l'avenir 
que  dans  les  chœurs  des  chanoines  et  des  religieux,  on  choisisse 
quelqu'un  de  compétent  pour  veiller  à  la  pratique  des  règles  de  la 
liturgie  et  du  chant  choral,  et  pour  corriger  les  fautes  commises 
individuellement  ou  par  le  chœur  entier.  Il  est  bon  de  le  rappeler 
à  ce  sujet  :  d'après  une  antique  et  constante  discipline  de  l'Eglise, 
comme  d'après  les  constitutions  capitulaires  encore  en  vigueur, 
tous  ceux  qui  sont  tenus  à  l'Office  du  chœur  doivent  parfaitement 
connaître  au  moins  le  chant  grégorien.  Or  le  chant  grégorien,  dont 
l'usage  est  prescrit  dans  toutes  les  églises  de  quelque  ordre  qu'elles 
soient,  est  celui-là  même  qui,  reconstitué  d'après  les  anciens 
manuscrits,  a  été  proposé  par  l'Eglise  dans  une  édition  authentique 
publiée  par  l'imprimerie  vaticane. 

V.  —  Nous  voulons  attirer  ici  l'intérêt  des  personnes  qualifiées 
à  cet  égard  sur  les  «  chapelles  »  de  musiciens.  Ce  sont  elles  qui,  peu 
à  peu  succédant  aux  anciennes  scholœ,  se  sont  constituées  dans  les 
basiliques  et  les  grandes  églises  pour  exécuter  plus  spécialement 
la  musique  polyphonique.  Or,  et  avec  raison,  la  polyphonie  sacrée 
tient  la  première  place  après  le  chant  grégorien  :  aussi  souhaitons- 
Nous  vivement  que  les  chapelles  de  ce  genre,  florissantes  du  XIV'^ 
au  XVI^  siècle,  se  renouvellent  et  prospèrent  là  surtout  où  la 
fréquence  et  l'ampleur  du  culte  divin  réclament  un  nombre  plus 
grand,  un  choix  plus  excellent  de  chanteurs. 

VI.  —  Que  des  scholœ  d'enfants  soient  formées  non  seulement 
dans  les  grandes  églises  et  les  cathédrales,  mais  même  dans  les 
églises  plus  modestes  des  simples  paroisses.  Que  ces  enfants  y 
apprennent  à  chanter  selon  les  règles  sous  la  direction  des  maîtres 
de  chapelle,  pour  que  leurs  voix,  selon  l'ancienne  coutume  de 
l'Eglise,  s'unissent  aux  chœurs  des  hommes,  surtout  quand  dans 
la  musique  polyphonique  ils  doivent,  comme  jadis,  exécuter  la 
partie  supérieure  qu'on  appelle  ordinairement  le  chant.  Du  nombre 
de  ces  enfants  sont  sortis,  on  le  sait,  au  XVI^  siècle  en  particulier, 
des  auteurs  très  experts  en  polyphonie,  et  parmi  eux,  celui  qui 


XX.  Constitution  apostolique 


est,  sans  contredit,  leur  maître  à  tous  :  le  célèbre  Jean-Pierre-Louis 
de  Palestrina. 

VII.  —  Ayant  appris  qu'on  essayait  en  quelques  endroits  de 
remettre  à  la  mode  un  certain  genre  de  musique  absolument 
déplacé  dans  la  célébration  des  offices  divins,  surtout  à  cause  de 
l'usage  abusif  des  instruments,  Nous  déclarons  ici  que  le  chant  uni 
à  la  symphonie  n'est  pas  du  tout  tenu  par  l'Eglise  comme  une 
forme  de  musique  plus  parfaite  ou  mieux  adaptée  aux  choses 
saintes;  plus  en  effet  que  les  instruments,  il  convient  que  la  voix 
elle-même  résonne  dans  les  édifices  sacrés.  —  Nous  voulons  dire 
la  voix  du  clergé,  des  chantres  et  du  peuple.  Qu'on  ne  croie  pas 
que  l'Eglise  s'oppose  au  progrès  de  l'art  musical  en  préférant  la 
voix  humaine  à  un  instrument  de  musique  quelconque  :  nul  instru- 
ment, en  effet,  si  excellent,  si  parfait  qu'il  soit,  ne  peut  surpasser  la 
voix  humaine  pour  l'expression  des  sentiments,  surtout  quand  elle 
est  mise  au  service  de  l'âme,  pour  adresser  à  Dieu  Tout  Puissant 
des  prières  et  des  louanges. 

VIII.  —  Il  y  a  un  instrument  qui  nous  vient  des  anciens  et  qui 
est  proprement  d'église,  —  on  l'appelle  l'orgue  (organuin)  :  une 
ampleur  et  une  majesté  admirables  l'ont  rendu  digne  d'être 
associé  aux  rites  liturgiques,  soit  pour  l'accompagnement  du 
chant,  soit,  durant  le  silence  du  chœur,  et  selon  les  règles  pres- 
crites, pour  l'exécution  de  très  suaves  harmonies. 

Or,  en  cela  encore,  il  faut  éviter  le  mélange  du  sacré  et  du 
profane  :  par  la  faute  des  facteurs  d'orgue  ou  de  certains  organistes 
trop  favorables  aux  productions  d'une  musique  ultra-moderne,  on 
en  arriverait  à  faire  dévier  ce  magnifique  instrument  de  la  fin 
à  laquelle  il  est  destiné.  Certes,  les  règles  de  la  liturgie  restant 
sauves.  Nous  souhaitons  Nous-même  que  tout  ce  qui  a  trait 
à  l'orgue  fasse  toujours  de  nouveaux  progrès  ;  mais  Nous  ne 
saurions  pas  ne  pas  Nous  plaindre  des  tentatives  faites  aujour- 
d'hui pour  introduire  dans  le  temple  un  esprit  profane  grâce 
à  des  formes  de  musique  tout  à  fait  modernes,  comme  jadis  on  l'a 
essayé  par  d'autres  procédés  qui  furent  justement  prohibés  par 
l'Eglise.  Si  ce  gence  de  musique  commençait  à  s'introduire, 
l'Eglise  devrait  le  condamner  absolument.  Qu'on  entende  dans  les 
églises  les  accents  de  l'orgue,  mais  qu'ils  expriment  la  majesté 
du  lieu  et  respirent  la  sainteté  des  rites;  à  cette  condition,  l'art 
et  des  constructeurs  dans  la  fabrication,  et  des  musiciens  dans 
l'emploi  des  orgues  refleurira  pour  apporter  une  aide  efficace 
à  la  liturgie  sacrée. 

IX.  —  Afin  que  les  fidèles  prennent  une  part  plus  active  au 
culte  divin,  que  le  chant  grégorien  soit  remis  en  usage  parmi  le 


de  S.  S.  Pie  XI.  xxj. 


peuple,  pour  les  parties  du  moins  qui  lui  sont  réservées.  Il  est 
absolument  nécessaire,  en  effet,  que  les  fidèles  ne  se  comportent 
pas  en  étrangers  ou  en  spectateurs  muets;  mais,  saisis  par  la 
beauté  de  la  liturgie,  ils  doivent  prendre  part  aux  cérémonies 
sacrées,  y  compris  les  cortèges  ou  processions,  comme  on  a 
coutume  d'appeler  celles  où  les  membres  du  clergé  et  des  asso- 
ciations pieuses  marchent  en  rangs,  mêlant  alternativement  leurs 
voix,  selon  les  règles  tracées,  aux  voix  du  prêtre  et  de  la  schola. 
Il  n'adviendra  plus,  dès  lors,  que  le  peuple  ne  réponde  pas,  ou  ne 
réponde  qu'à  peine,  par  une  sorte  de  léger  et  de  faible  murmure, 
aux  prières  communes  récitées  en  langue  liturgique  ou  en  langue 
vulgaire. 

X.  —  Que  les  membres  de  l'un  et  de  l'autre  clergé  mettent 
toute  leur  industrie,  sous  la  direction  des  Evêques  et  des  Ordi- 
naires, à  pourvoir  par  eux-mêmes  ou  par  le  concours  de  personnes 
compétentes  à  la  formation  liturgique  et  musicale  du  peuple, 
formation  d'ailleurs  intimement  liée  à  la  doctrine  chrétienne.  Pour 
y  arriver  plus  facilement,  on  instruira  des  chants  liturgiques 
surtout  les  Scko/œ,  les  associations  pieuses  et  tous  autres  grou- 
pements. Quant  aux  communautés  dé  religieux,  de  sœurs  et  de 
pieuses  femmes,  qu'elles  s'y  adonnent  avec  zèle  dans  les  différents 
Instituts  où  elles  ont  charge  de  l'éducation  et  de  l'enseignement. 
Nous  avons  également  une  très  grande  confiance,  pour  atteindre 
ce  résultat,  dans  les  sociétés  qui,  en  certaines  régions,  déférant 
aux  volontés  des  autorités  ecclésiastiques,  travaillent  à  restaurer  la 
musique  sacrée  selon  les  règles  tracées  par  l'Eglise. 

XI.  —  Pour  réaliser  toutes  ces  espérances,  il  est  absolument 
nécessaire  d'avoir  des  maîtres  habiles  et  très  nombreux.  A  cet 
égard,  nous  décernons  aux  Scholœ  et  Instituts  fondés  ici  et  là 
dans  l'univers  catholique  des  éloges  bien  mérités,  car  par  leurs 
soins  diligents  à  répandre  ces  différentes  connaissances,  ils 
forment  des  maîtres  capables  et  excellents,  mais  en  particulier,  il 
nous  plaît  de  citer  ici  et  de  louer  l'Ecole  supérieure  pontificale  de 
musique  sacrée  fondée  à  Rome  en  1910  par  Pie  X.  Cette  Ecole 
que  Notre  prédécesseur  immédiat  Benoît  XV  a  soutenue  avec  zèle 
et  a  dotée  d'un  nouveau  local.  Nous  l'entourons  Nous  aussi  d'une 
faveur  particulière,  comme  un  héritage  précieux  des  deux  Pon- 
tifes :  aussi  voulons-Nous  la  recommander  vivement  à  tous  les 
Ordinaires. 

Certes  Nous  savons  ce  que  toutes  les  prescriptions  plus  haut 
formulées  demandent  de  soins  et  de  travail  ;  mais  qui  donc  ignore 
les  œuvres  nombreuses  et  réalisées  avec  un  art  remarquable,  que 
nos  ancêtres,  surmontant  tous  les  obstacles,  ont  laissées  à  la 
postérité,  parce  qu'ils  étaient  remplis  de  zèle  pour  la  piété  et  de 


xxij.  Constitution  apostolique  de  S.  S.  Pie  XI. 

l'esprit  de  la  liturgie?  Rien  d'étonnant,  car  tout  ce  qui  a  son 
origine  dans  la  vie  intérieure,  dont  vit  l'Eglise,  dépasse  les  choses 
les  plus  parfaites  de  ce  monde.  Que  les  difficultés  de  cette  entre- 
prise très  sainte  animent  et  excitent,  loin  de  la  briser,  l'ardeur  des 
prélats  de  la  sainte  Eglise;  tous  unis  constamment  dans  l'obéis- 
sance à  Nos  volontés,  ils  réaliseront,  en  l'honneur  de  l'Evêque 
des  Evêques,  une  œuvre  très  digne  de  leur  ministère  episcopal. 

Telles  sont  Nos  prescriptions,  Nos  déclarations,  Nos  ordres. 
Nous  voulons  que  cette  Constitution  apostolique  soit  et  demeure 
toujours  ferme,  valide  et  efficace  et  qu  elle  reçoive  et  obtienne  ses 
effets  pleins  et  entiers,  nonobstant  toute  chose  contraire.  Qu'il  ne 
soit  permis  à  personne  d'enfreindre  cette  Constitution  par  Nous 
promulguée,  ou  d'}-  contredire  par  une  audace  téméraire. 

Donné  à  Rome,  près  de  Saint-Pierre,  au  début  de  la  cinquan- 
tième année  de  Notre  sacerdoce,  le  20  décembre  1928,  de  Notre 
Pontificat  la  septième. 


Fr.  André,  Card.  PRUHWIRTH,        Camille,  Card.  LaURENTI, 
Chancelier  de  la  S.  E.  R.  Pro-Préfet  de  la  S.  C.  R. 

Joseph  WiLPERT,  Doyen  du  Collège  des  Protonotaires  apostoliques. 
Dominique  Spolverini,  Protonotaire  apostolique. 


■  >»»Kni^&^ri»  I 


^N$^:=5^--^?=^  ^ 


PREMIERE  PARTIE. 


l'^e  Leçon. 

Définition  de  la  musique  et  du  chant  grégorien.  —  Les  notes  et 
leurs  noms.  —  La  note  ordinaire  et  ses  modifications.  —  La 
clef.  —  Le  guidon.  —  La  virgule.  —  Les  lignes  de  séparation. 

1.  —  La  musique,  en  général,  est  l'art  de  combiner  les  sons  et 
d'en  régler  la  durée. 

Le  son  est  donc  avant  tout  l'élément  matériel  de  la  musique;  et 
les  différentes  combinaisons  par  lesquelles  on  peut  le  faire 
passer  et  qui  en  sont  l'élément  formel,  constituent,  selon  les 
principes  auxquels  elles  obéissent,  autant  de  branches  diverses  de 
Part  musical. 

2.  —  Le  chant  grégorien  est  une  musique  du  genre  diatonique 
et  de  rythme  libre  que  l'Eglise  a  adoptée  pour  la  célébration 
solennelle  de  sa  liturgie. 

Les  termes  de  cette  définition  seront  expliqués  plus  loin. 

3.  —  Les  sons  musicaux  sont  désignés  par  des  signes  qui 
s'appellent  notes. 

4.  —  Leurs  noms  sont  :  do,  ré,  mi,  fa,  sol,  la,  si.  Elles  se  répètent 
successivement  dans  le  même  ordre. 

5.  —  Ces  noms  sont  dus  à  Guy  d'Arezzo,  O.  S.  B.  (f  1050),  qui 
les  emprunta  aux  premières  syllabes  de  la  strophe  suivante  de 
l'hymne  de  saint  Jean-Baptiste. 


.s ; ^ — 

SI 

"•               «Sa            ■■          «■" 

■^  ■    ■   ñ     1 

_               ■                       ■■                     RIH^Ei 

■    Mi     " 

Ut  qué-ant  lá-xis       ^^-so-ná-re    fíbris      Mí-  ra  gestó- 

■P                  ■    ■            ■    ■ 

■"B                    .     ■                '         "      ■       -        J 

■Ï     .           ■                      1 

■                       . 

fS     ■ 

rum    Fá-vcí\x-  li    tu-  ó-  rum     Sol-    ve    póllu-ti         Lá-\A-    i 

•!  S 

r. 

■S  ■ 

r.      ■  . 

"■a          ■ 

re- á-tum    5áncte    /o-ánnes.  ^ 

'  Édition  typique,  p.  619. 
No  674.  —  1 


Première  Partie. 


En  1673  Bononcini  changea  le  nom  de  ut  par  celui  de  do. 

Le  nom  de  la  note  si,  composé  des  deux  premières  lettres  des 
deux  derniers  mots,  fut  introduit  plus  tard. 

6.  —  Avant  Guy  d'Arezzo  on  désignait  les  notes  par  les  lettres 
de  Talphabet  : 

C     D     E     F     G     A     B 

do     ré    mi  fa    sol    la     si  (b  ou  b). 

7.  —  La  note  ordinaire  du  chant  grégorien  s'appelle  punctum 
quadratuni  et  s'écrit  ainsi  : 


8.  —  Sa  valeur  se  modifie  diversement  par  l'addition  du  point  ■• 
ou  par  Xépishne  de  reta7'd  | 

9.  —  Les  notes  se  placent  sur  une  portée  composée  de  quatre 
lignes  horizontales  et  de  trois  espaces  blancs  ou  interlignes  : 


l  3 

Lignes   2 2    Interlignes 


10.  —  Quand  les  notes  dépassent  la  portée,  on  emploie,  pour 
les  recevoir,  d'autres  lignes  qui  s'appellent  lignes  supplémentaires  : 


r^ 


A^ 


II.  —  On  connaît  le  nom  des  notes  sur  la  portée  au  moyen  d'un 
signe  appelé  clef,  qui  dérive  des  anciennes  lettres  musicales. 

Actuellement  deux   clefs   sont  seules  en   usage  en  chant  gré- 
gorien, les  clefs 


de^.g(C)    etde/.^(/J. 


Toutes  les  notes,  qui  se  trouvent  sur  la  même  ligne  que  la  clef, 
portent  son  nom.  On  part  de  cette  ligne  pour  connaître,  soit  en 
montant  soit  en  descendant,  le  nom  des  autres  notes. 


.-fVa 


!»■«  Leçon. 


Voici  quelques  exemples  de  clefs  sur  différentes  lignes  : 

do      ré  mi  fa  do       ré  mi  fa  sol  la 


-««•- 


do       si    la  sol  fa  mi  ré  do 


f 

■ 

— «- 

s 

■ 

B 

-■ = 

do       si    la  sol  fa  mi  ré 


do        ré  mi  fa  sol  la  si  do 


*  .1.  ; 


do       si    la  sol  fa  mi 


aP 

fa 

sol  la 

si 

■m 

--■  ■ 

'5 

■     ■ 

■ 

■ 

■ 

-«- 

fa      sol  la   si  do  ré 


HMHh 


fa     mi    ré  do  si   la  solfa 


fa      mi   ré  do  si  la 


Le  maître  dev7'a  écrire  sur  un  tableau  rayé  une  série  de  notes ^  à 
intervalles  tantôt  conjoints  et  tantôt  disf oints ^  et  demander  leur  nom 
aux  élèves.  Il  leur  demandera  aussi  quelle  note  est  sur  telle  partie  de 
la  portée^  quand  la  clef  est  sur  telle  ligne,  etc. 

12.  —  Le  guidon  est  un  signe  q^ui  se  place  à  la  fin  de  la  portée 
pour  indiquer  d'avance  la  première  note  de  la  portée  suivante. 

On  l'emploie  aussi  en  pleine  portée  lorsque  l'extension  de  la 
mélodie  oblige  à  un  changement  de  clef,  sans  qu'il  y  ait  pour  cela 
un  changement  de  ton  : 


c   ■"'Sñ 


'fi^ 


1 


-a-i — ■- 


do     Láu-dem 

13'  —  La  virgule  (5)  indique  une  respiration  très  rapide  et  qui 
doit  être  prise  sur  la  durée  de  la  note  précédente. 


Première  Partie. 


14.  —  Le  quart  de  bai're  et  la  demi-barre 


quart  de  barre     demi-barre 

marquent  des  pauses  secondaires  qui  se  font  également  en  prenant 
sur  la  valeur  de  la  note  antérieure. 

On  verra  plus  loin  le  rôle  que  joue  chacun  de  ces  signes  dans  la 
ponctuation  de  la  phrase  musicale. 

15.  —  La  gra7îde  barre 


représente   un   silence  de  la  durée  d'un  temps  ou  de  la  valeur 
d'une  note. 

2^  Leçon. 

Echelle  diatonique.  —  Tons  et  de^ni-tons.  —  Le  bémol. 
Le  bécarre.  —  Echelle  chromatique. 

16.  —  On  a  dit,  en  définissant  le  chant  grégorien,  qu'il  est  une 
musique  du  ge^ire  diatonique. 

Pour  comprendre  cette  première  partie  de  la  définition,  il  faut 
savoir  que  Véchelle  ou  la  ga^nme  diatonique  est  une  série  de  sept 
sons  qui  procèdent  naturellement  par  tons  et  demi-tons. 

17.  —  Il  n'y  a  que  deux  demi-tons  dans  la  gamme  diatonique. 
Ils  se  trouvent  entre  mi,  fa  et  si,  do.  Toutes  les  autres  notes 

sont  à  intervalles  d'un  ton. 

g ,    ■     ■ 


ton     ton    Yz  ton  ton    ton    ton    yi  ton 


18.  —  Une  seule  altération  est  permise  en  chant  grégorien.  Elle 
consiste  à  transporter  entre  le  la  et  le  si  le  demi-ton  qui  se  trouve 
entre  le  si  et  le  do. 

Cette  opération  se  fait  au  moyen  du  bémol^. 

\ r-nri — ■ — 


fi  

ton     ton  Yz  ton  ton   ton    Yi  ton  ton 


S'"*^  Leçon,  5 

19.  —  Dans  rédition  vaticane  et  ses  reproductions,  l'effet  du 
bémol  se  prolonge  :  i*^  tant  que  dure  la  parole  en  tête  de  laquelle 
il  est  placé,  et  2°  jusqu'à  la  première  barre  de  séparation  qui  se 
présente. 

Si  avant  une  nouvelle  parole  ou  une  barre  de  séparation  le  si 
doit  recouvrer  son  état  naturel,  on  emploie  le  bécarre  \. 

20.  —  La  gamme  chromatique  de  la  musique  moderne  se  dis- 
tingue de  la  gamme  diatonique,  seule  employée  dans  le  chant 
grégorien,  par  la  subdivision  de  tous  les  tons  en  demi-tons  au 
moyen  du  dièse  \. 


\ 


DIATON. 


CHROMAT. 


■  l^^^fa^^j^^ife^^^ 


d.     d.      d.      d.     d.     d.     d. 


d. 


3e  Leçon. 

Intervalle.  —  Intervalles  conjoints  et  disjoints. 
Intervalle  de  seconde  :  majeure  et  m,ineure.  —  Exercices. 

21.  —  La  distance  entre  deux  sons  quelconques  de  la  gamme 
diatonique  s'appelle  intervalle  musical. 

22.  —  Les  intervalles  sont  conjoints  ou  disjoints. 

Ils   sont   conjoints   quand    ils    se    suivent    immédiatement,   et 
disjoints  quand  ils  sont  séparés  par  d'autres  intervalles. 


e 


Conjoints. 


-•^^ 


-«=^ 


(ré) 
Disjoints. 


(mi-fa) 


(sol,  la,  si) 


Première  Partie. 


23.  —  En  chant  grégorien  les  intervalles  peuvent  comprendre 
jusqu'à  huit  notes.  Selon  leur  étendue,  on  les  appelle  :  seconde^ 
tierce^  quarte^  quinte^  sixte,  septième  et  octave. 

24.  —  Par  intervalle  de  seconde  on  entend  la  distance  d'un  ton 
ou  d'un  demi-ton. 

25.  —  L'intervalle  de  seconde  peut  être  majeur  ou  '¡nineur. 

26.  —  Il  est  majeur  quand  la  distance  est  d'un  ton,  et  mineur 
quand  elle  n'est  que  d'un  demi-ton. 

Le  maître  devra  indiquer  quelles  sont  dans  réchelle  diatonique, 
m.êm,e  qua7îd  le  si  est  bémol,  les  secondes  ^najeur^s  et  m.ineures. 

Quon  ait  soin  de  chanter  lentement  les  deux  exercices  suivants 
jusqu'à  ce  que  V élève  se  rende  compte  par  lui-7nême  de  la  parfaite 
émission  de  chaque  note.  Il  appartiendra  au  maître  de  faire  prolonger 
les  notes  à  son  gré. 


1 

■ 

■ 

-— n 

— »- 

■      - 

■    ■    ■ 

■ 

. 

-    ■ 

■      ■      .              il 

■ 

^» 

^ 

"      ■• 

1 

-    ■    " 

■    - 

-  ■• 

,  ■ 

■" 

■    ■ 

• 

■    - 

_ .  •  ■ 

" 

■    ■    .    . 

27. 


28. 


4^  Leçon. 

Parfaite  émission  des  notes.  —  Exercices  de  solfège 
par  intervalles  de  seconde. 

Les  exercices  suivants  ont  pour  but  d'obtenir  la  précision  et  la 
clarté  dans  l'émission  des  notes  en  même  temps  que  la  sûreté  en 
passant  de  l'une  à  l'autre. 

29.  —  Que  l'attaque  de  chaque  note  se  fasse  sans  hésitation, 
directement,  sans  aspiration,  sans  port  de  voix.  On  aura  atteint  la 
perfection  lorsque  chaque  note  sera  émise  sans  effort  apparent, 
sans  rudesse  et  avec  netteté. 

Le  maître  peut  aider  beaucoup  ses  élèves  à  obtenir  ce  résultat. 

Il  devra  toujours  accompagner  le  chant  du  geste  rythmique  de 
la  main,  d'après  l'exposition  qui  en  est  faite  au  chap.  IX  (IP  partie). 

En  demandant  à  ses  élèves  d'imiter  son  exemple,  qu'il  les 
avertisse  de  faire  coïncider  très  exactement  les  notes  affectées  de 
l'épisème  vertical  (appui  rythmique)  avec  le  baissé  de  la  main. 


4""^  Leçon 

7 

arsis 

arsis   thésis 

1 

^0. 

-        -           .■-■-. 

1 

-■-■-• 

■    ^ 

-■"■•'   7        7 

■    "    ■•      T         7         "        ' 

1 

-             -■-■-. 

■        ■        - 

H             B         * 

■   " 

.    ■    ■• 

7         7" 

■    ■    ■ 

"    ■• 

1              1 

1         1 

•         • 

a.         t. 

t.      ; 

-• 

C  î  ■  ? 

■     ■      . 

■      1      ■• 

•         •* 

, 

1   ■   1   ■          ■  a 

?   ■    ■ 

1            B            B* 

,      ■      1      ■ 

m 

t. 

a.         t. 

m 

■        ■         -* 

?    ■    ? 

■     -       '      ■            ■            ■• 

— m—^ 

.  ■  ■  ■•-! 

a.         a.         t. 

1 

a.              t. 

1 

•                                        '                                                                             '                               m- 

:^i.                                           ■*■■■•■■■■" 

■       ■             ■    1   ■ 

1              i 

fi                     1                 -•          --■••-■-■■il 

n       .       ■■•'■■■■ 

■    -    ■    -           1     -     .     -                    1 

■  ■  ■  ■          ■  ,  ■ 

'           ' 

1             1 

a.         t.         t.             a.              t. 

Í     •          •               ■ 

1                     1-                    l-l-,-               ■"■.■••J 

II"                            i 

P                                                             1                                                             1 

Í    .    ■    ■         n-            ■                    '                                                          ' 

■              ■■o"'         ■■.         ■•             a                         1 

'■               ■.■«■         ■■■.■•        J 

1          •     ■              ' 

a.              t. 

« 

«?.,.■■• 

1 

8 


Première  Partie. 


(E 

xercice  de  D.  Mocquereau). 

t.          t.            a.         a.              t. 

1 

E                          > 

1 

1 

1\2. 

■ 

m 

■ 

.* 

1 

■ 

-•           ■■'■■■• 

m    ■ 

?    ■ 

1 

■ 

1 

■    ■            ?                    ■ 

1 

• 

■      ■      ■ 

-    ■ 

1 

■    . 

m* 

1 

,    ■ 

1 

■ 

■ 

■• 

■    ■         ?    ■    ■               7 

1 

• 

P           . 

■ 

■•       I        ■    ■  "^  ■    ■    ■• 

a. 

t. 

t. 

■* 

1    S 

c  ■  ■ 

1 

■ 

■     '     T             ■        , 

I 

1 

1 

a. 

t. 

t. 

■ 

■*         -             -        ' 

C    '  ■ 

■ 

7    ■    ,    ■    "    ■• 

■      - 

.    ■ 

.•      ( 

J 

1 

■                            ,    -    ,    -         - 

i                                                               1                         1 

^                            1                                                          ' 

c   ,           .       ' 

' 

T  ■ 

■ 

" 

■•         ■          ■  ■  ■• 

■ 

■ 

1 

■  ■  ■  ■      ■ 

7    ■ 

■    ■ 

■• 

1 

7 

1 

5-»^ 

, 

J^ 

-»^ 

5e  Leçon. 

N  eûmes  :  de  deux^  de  trois  et  de  quatre  notes.  —  N  eûmes  spéciaux. 

Exercices. 

33.  —  La  réunion  de  plusieurs  notes  en  un  seul  groupe  s'appelle 
neu7ne. 

Les  neumes  en  usage  dans  la  notation  actuelle  du  chant  gré- 
gorien sont  les  suivants  : 


34.  —  a)  NEUMES   DE   DEUX   NOTES. 


Pes  ou  Podatus 
_  fa  sol    fa  la     sol  do 

1 -7 — r- 


Clivis 
la  sol     do  sol    la  ré 


Bivirga 


í=í 


HHV- 


-^-n- 


5"^*  Leçon, 


35.  —  b)   NEUMES   DE   TROIS    NOTES. 

Torcuîus  Porrectus  Climacus 

.do  la  si     la  sol  la     fa  ré  sol  ^ 


tus 


í¿ 


Scandicus 


Salicus 


il  J  J 


Í— î 


■  ■ 


36.  —  c)   NEUMES   DE   QUATRE    NOTES. 
Porrectus  flexus  Scandicus  flexus  Salicus  flexus 


^=t 


m m- 


Torculus  resupinus 


Climacus  resupinus 


1 

-"♦ , 

♦•■ 

♦■ 

V 

\ 


37.  —  d)   NEUMES   SPÉCIAUX. 
Quilisma        Apostropha.  Dist.  Trist.  Oriscus 


h-^ 


w 


-■-■- 


^+ 


^ ^ 


-H^- 


HHMh 


OU 


OU 


38.  —  SEMIVOCAUX   ET    LIQUESCENTS. 

EpipJionus  Cephalicus  Ancus 

ou  Podafus  liqiiescent  ou  Clivis  liquescenie  ou  Climacus  liquescent 

g g g_ ^ 


U- 


Prcssus 


5;: 


39.     ]%     F'p.  z:^ 


10 


Première  Partie. 


a.a.t.  t. 


a.a.t.  t. 


a.  a.    t. 


a.a.    t.  t. 


a.t.a.    t.  t. 

■ 


r»^ 


40. 


A 


T^ 


U 


^^. 


Nt 


t.  a.t.  t. 


a.      t.      t. 


*- — 1M^.- 


a.  a.  t.   t.    a.a.t.  t.  a.a.  t.  t. 


a.     t.    t. 


a.t.  a.     t. 


41. 


1    ♦ 


^♦r* 


■»43 


a.     t.     a.  t. 


M^ 


a.  1. 1.    a.  t. 


a.a.  t.     t.    a.  t. 


^-^^ 


a.  a.t. 


42. 


♦^      »5, 


¡♦^i^ 


♦-=-*r»^ 


k5« 


*♦: 


5Í 


♦  î 


WA. — i 


a.  t.   a.t.  t.   t. 


*♦! 


V^^^I^^X*^ 


6«  Leçon. 

Emission  de  la  voix  :  l'ègles.  —   Vocalisation  :  règles  :  exercices. 

43.  —  Dès  qu'on  est  arrivé  à  parcourir  l'échelle  musicale  des 
sons  avec  sûreté  et  perfection,  il  convient,  avant  d'aller  plus  loin, 
de  savoir  ce  qui  se  rapporte  à  la  parfaite  émission  de  la  voix,  dans 
la  crainte  que  ceux  qui  auraient  déjà  contracté  des  défauts  qui  lui 
sont  contraires,  ne  soient  inaptes  à  chanter  comme  il  faut  les 
mélodies  du  chant  grégorien. 

^  La  voix  est,  selon  l'expression  des  auteurs,  l'instrument  admi- 
rable dont  la  divine  Providence  nous  a  doués  pour  exprimer  nos 
pensées  et  nos  sentiments.  Jamais  l'homme  n'arrivera  à  inventer 
un  instrument  aussi  parfait  que  la  voix  humaine.  De  sa  culture 
proviennent,  en  grande  partie,  les  aptitudes  qu'elle  a  à  chanter 
avec  grâce  et  expression  les  paroles  sacrées. 

Pour  chanter  convenablement,  voici  les  règles  qu'il  faut  scrupu- 
leusement observer  : 

44.  —  1°  Autant  que  possible,  on  doit  chanter  debout. 


6""=  Leçon. 


n 


2"  Jamais  la  tête  ne  doit  être  baissée,  mais  plutôt  légèrement 
relevée  en  arrière,  tandis  que  la  poitrine  se  porte  un  peu  en  avant. 

30  II  ne  faut  jamais  croiser  les  bras  sur  la  poitrine,  et  si  on  a  un 
livre  entre  les  mains,  qu'on  le  tienne  à  une  petite  distance  et  à  la 
hauteur  de  la  bouche. 

40  Ouvrir  convenablement  la  bouche  de  façon  à  avoir  les  lèvres 
dans  l'état  où  elles  se  trouvent  quand  on  sourit. 

50  Sa  position,  ainsi  plus  arrondie  qu'ovale,  doit  cependant  se 
modifier  selon  que  l'exige  l'émission  normale  de  chaque  voyelle. 

6°  Que  la  voix  soit  claire,  sans  nasillement  et  sans  conti:action 
des  muscles  du  larynx. 

70  L'aspiration  doit  partir  du  fond  des  poumons  et  se  faire  sans 
bruit.  Retenir  et  ménager  ensuite  l'air  de  manière  à  n'avoir  pas  à 
reprendre  haleine  à  tout  moment. 

Le  professeur  doit  expliquer  pratiquement  toutes  ces  règles^  et 
faire  voir  les  défauts  dans  lesquels  tombent  ceux  qui  ne  les  observent 
pas.  —  Cela  fait,  on  passera  aux  exercices  de  vocalisation. 

45.  —  Vocaliser,  c'est  adapter  les  voyelles  à  des  séries  de  notes, 
soit  sur  le  même  degré,  soit  sur  des  degrés  différents. 

—  L' application  de  cette  règle  aux  exercices  suivants  donnera 
sûrement  cV excellents  résultats. 

46.  —  Pendant  que  dure  l'émission  de  la  même  voyelle,  la 
langue  et  les  lèvres  doivent  rester  immobiles. 

De  plus,  qu'on  fasse  en  sorte  de  ne  pas  marteler  les  sons,  mais 
de  les  lier  les  uns  aux  autres.  Le  professeur  avertira  ses  élèves  de 
renforcer  délicatement  la  voix  quand  il  décrit  de  sa  main  un  mou- 
vement arsique,  et  de  l'adoucir  au  contraire  quand  il  dessine  un 
geste  thétique. 


F  ^' 

a. 

t. 

1 

47. 

• 

1 

_    .^    .^    .-^    -»• 

■  ■■■■■ 

1     1 

■ 

1 

a 

■  ■■■•7  "7""        ' 

e  i  0  u.   a  e  i  0  u. 

b 

• 

■  ■■■■*   ""T 

i 

■  ■■■■■ 

1    1 

1     1 

t    1 

1 

e     ""■ 

t. 

1   B   fl   B   B   fl* 

m 

1 

1 

■  ■■■■•    ■■■■■• 

1 

t 

i 

12 


Première  Partie. 


t.    t. 


■   ■• 


■   ■   ■   ■   ■ 


■   ■■■•■• 

On  chantera  d'abord  très  lentement  l'exercice  suivant,  comme 
si  chaque  note  était  accompagnée  du  point  qui  double  sa  valeur; 
ensuite,  le  maître  marquant  le  rythme  comme  il  a  été  dit,  on 
accélérera  peu  à  peu  le  mouvement  jusqu'à  obtenir  une  exécution 
vive  et  liée.  —  Il  sera  utile  de  varier  l'interprétation  rythmique 
afin  d'habituer  les  élèves  aux  diverses  nuances  du  rythme. 

On  commencera  par  chanter  sur  une  même  voyelle,  puis  on  les 
émettra  successivement  toutes  les  cinq,  ou  bien  de  toute  autre 
manière,  selon  que  le  professeur  jugera  à  propos. 


48. 


t 


A    .  . 

E    .  . 

I    .  . 

O   .  . 

U   .  . 

t.     t. 


Avant  d'aller  plus  loin,  qu'on  revienne  sur  les  exercices  précé- 
dents en  les  vocalisant  comme  nous  venons  de  l'expliquer. 


7e  Leçon. 
Style  lié.  —  Avertissements.  —  Règles. 


Exercices. 


49.  —  Il  est  souverainement  important  que  l'exécution  du  chant 
grégorien  soit  d'un  style  lié. 

Sans  style  lié,  en  effet,  le  chant  liturgique  est  dépourvu  de 
beauté,  de  transparence  et  de  grâce. 

50.  —  Pour  arriver  à  ce  style  lié  il  est  d'abord  nécessaire  de 
grouper  les  notes  de  deux  en  deux,  ou  de  trois  en  trois,  comme  il 
a  été  indiqué  dans  les  précédents  exercices;  il  faut  ensuite  passer 
d'un  groupe  à  un  autre  et  même  distinctement  d'une  note  à  une 
autre  d'un  môme  groupe,  mais  en  coulant  si  bien  les  sons  que. 


7""^  Leçon, 


13 


sans  traîner  la  voix,  notes  et  groupes  soient   émis  comme  d'une 
seule  impulsion. 

51.  —  Les  exercices  suivants  ont  pour  but  de  conduire  à  ce 
résultat.  Voici  comment  on  les  chantera  : 

1°  Aspirer  d'abord  largement  et  à  son  aise,  puis  ménager  l'air  de 
manière  à  ne  pas  le  dépenser  tout  en  un  moment. 

2°  Chaque  exercice  devra  être  chanté  en  entier  sur  chaque 
voyelle,  en  conservant  la  même  du  commencement  à  la  fin. 

30  On  commencera  à  chanter  très  doucement,  à  mz-voix;  ensuite 
on  ira.  peu  à  peu  en  augmentant,  mais  sans  jamais  crier. 

40  De  même,  au  début,  le  mouvement  sera  lent,  puis  plus  rapide, 
mais  toujours  soutenu  de  façon  à  ce  que  toutes  les  notes  aient  une 
égale  valeur. 

Nous  laissons  au  professeur  la  liberté  d'adopter  toutes  les  com- 
binaisons rythmiques  possibles,  en  plaçant  à  son  gré  les  arsis  et 
les  thésis. 


52. 


53. 


54. 


55. 


56. 


f 


tiftr — Hiit — irîiv — a  a  a  a  A. 


ai^ V   a  a^  a^s»  a  a^'  a^  a^»»-  a  a^  a>  a^'  a^v 


Jl\.     a?t>  a^\     t^  i^^^^. 


t\       S\S^\    '  ,a^v,aH,.a^v 

— r*^; — a — ^"a — "^^ — a — ^*i — ^^1 — ^ 


,■♦. 


^'\i^'\:  sJ-^!.a=  \i  'X 


♦•   ■ 


57. .     .!''*♦ 


iH 


t^. — :S^ 


s* ^^ 


a    ■v.a 


^^ 


a    'V.a 


%- 


r*-* 


T*i 


x*-f 


1^*: 


^ 


14 


58. 


Première  Partie. 


^ 


Tt 


^ 


T*i7 


*^ 


V 


■  ■ 


■  ■' 


■  ■' 


V 


■  ■' 


8«  Leçon. 

Intervalles  de  tierce  :  majeure  et  tnineure.  —  Exercices. 

59.  —  L'intervalle  de  tierce  est  celui  qui  comprend  trois  degrés 
immédiats  de  l'échelle. 

60.  —  Si   ces  trois  degrés  ne  renferment  pas  un  demi-ton,  la 
tierce  est  majeure. 

Exemple  : 

Tierce  majeure. 


61. 


\ 


ton     ton 


ton     ton 


ton     ton 


S'ils  contiennent  un  demi-ton,  la  tierce  est  m^ineure. 
Exemple  : 


Tierce  mineure. 


\ 


t 


62. 


ton  demi-t. 


d.-t.  ton 


ton  d.-t. 


d.-t.  ton 


Tous  les  exercices  d'intervalles  doivent  d'abord  être  solfiés  jusquà 
ce  que  l'on  puisse  passer  d'une  note  à  l'autre  sans  broncher  ;  ensuite 
ils  seront  vocalises  de  la  manière  indiquée  plus  haut. 


_    a.         a.         t. 

"                                1 

1 

1                                >                                                                > 

0^                                            -                   ■■■■■■•" 

_     ■                ■     ■     ■            -•        ■     ■      j            ■          1 

■     ■?■.?■'■• 

'                                                                   a.         t.          t. 

'lia--' 

^                    .^"                    1      .t|"             ■• 

"■■"■•'■■             ■                  1 

■     ■?               ■•           ■■n,              ■ 

■             ■             '      ■     ■             ■.         ' 

1 

1                      : 

9"^=  Leçon. 


15 


a.     a.  t. 


F-fr 


^ 


64. 


a.  t. 


■  É~ 


HHI- 


■  ■ 


■*»■ 


■  ■ 


-M- 


a.     a.  t. 


T  «ï 


-M- 


^-^ 


-•#- 


6s. 


a.  t. 


^ 


■  ■ ^ JU 


-** 


ÍSÍ 


Mzísíd 


-N  fsa  ^  A 


a.   t.      a.     t,    t.         a.  t.   a.t,     a.   a.t. 


H» 


a.a.       t.    t.  a.     a.t 


i 


ts-ç 


66. 


* 


♦•     ■ 


i* 


♦^— ^ 


ki       T 


a.  t.        a.      t.        t.     t. 


M--^ 


9«  Leçon. 

Intervalle  de  quarte  .\  juste  et  augmentée.  —  Exercices, 

67.  —  L'intervalle  de  quarte  est  celui  qui  comprend  quatre 
degrés  immédiats  de  l'échelle. 

68.  —  On  l'appelle  quarte  juste  quand  elle  renferme  deux  tons 
et  un  demi-ton,  soit  que  les  deux  tons  se  rencontrent  au  commen- 
cement ou  à  la  fin  de  l'intervalle,  soit  que  le  demi-ton  se  trouve 
intercalé  entre  eux. 


16 


Première  Partie. 


Quarte  juste. 


.9-^. 


ton  ton  demi-t. 


ton  d.-t.  ton 


d.-t.    ton   ton 


69.  —  Si  l'intervalle  de  quarte  compte  trois  tons  successifs,  elle 
reçoit  le  nom  de  quarte  augmentée  ou  triton. 


Quarte  augmentée. 


\ 


ton    ton    ton 


^    a.         a.         t. 

W                               1 

1 

C                    ' 

1 

■ 

70.                        , 

■ 

■ 

■ 

.    ■    ? 

•* 

1 

,    ■    ■ 

■ 

,•      ■    ■ 

• 

■• 

7 

1 
P                    ■           1 

1 

■ 

■ 

a.         t. 
"    ■ 

t. 
■•    1 

■ 

a* 

1              ■    "           ' 

■                          ■ 

■ 

.* 

.    ■    a 

1 

■   ■   ■ 

1 

■    ■     '          ■•         ? 

• 

■ 

■ 
1 

■ 

1                                                                 i                                                                      r 

« 

1 

t.          t.         a.  t. 

b   ■                 ■• 

'    .                 -• 

^                               Il 

'         ■   ■ 

■   ■   ■ 

■                 ■• 

■                      ■ 

?    ■ 

-^-^-^ — 

■ 

a.  t. 


71 


•  — « — ^- 


Î^ 


A.  A-  I  NClA^u 


a.     t.t. 


ÎPS 


10*=  Leçon. 


17 


a.   a.  a.  t. 


72. 


a.     t.     1. 1. 


i^^?±^U 


-ft-'  ,  w  bw 


Í 


'-h 


tfp%= 


10«  Leçon. 

Intervalle  de  quinte  :  juste  et  diminuée.  —  Exercices. 

73.  —  L'intervalle  de  quinte  est  formé  de  cinq  degrés  consécutifs 
de  l'échelle. 

74.  —  Trois  tons  et  un  demi-ton  entrent  dans  la  formation  de 
cet  intervalle. 

Quinte  juste. 


.te^ 


ton    ton  d.  t.  ton  ton  d.  t.  ton  ton 

75*  —  La  quinte  diminuée  contient  deux  tons  et  deux  demi-tons. 

Quinte  diminuée. 


t 


d.  t.    ton    ton  d.-t. 

La  quinte  diminuée  était  inconnue  de  l'ancien  chant  grégorien, 
mais  elle  a  été  parfois  employée  dans  des  compositions  plus 
récentes. 


76. 


\ 


a.         t. 


18 


Première  Partie. 


a.      t. 


f^ 


a. 


t.         t. 


77. 


a.        t. 


+-i 


i 


^^ 


78. 


^ 


■  ■ 


m     ñ 


H 


11«  Leçon. 

Intervalles  de  sixte,  de  septihne  et  d'octave, 

79.  —  L'intervalle  de  sixte,  d'un  usage  très  rare  dans  le  chant 
grégorien,  se  compose  de  six  degrés  de  l'échelle. 

80.  —  Il  peut  être  majeur  ou  mineur.  —  Il  est  majeur  s'il  con- 
tient quatre  tons  et  un  demi-ton  : 

5— 


t.        t.    d.  t.     t.      t.  t.        t.      d.      t.       t. 

Il  est  mineur  s'il  comprend  trois  tons  et  deux  demi-tons  : 

Ê TTï-^ 


t.      d.      t.      t      d. 


12«  Leçon. 


19 


¡  ,  8i.  —  L'intervalle  de  septième  n'est  pas  en  usage  dans  le  vrai 
chant  grégorien.  Il  embrasse  sept  degrés. 


■  \ 

F      ■       n 

^                        °       D 

°        D        □ 

°        ■ 

82.- 

-  Uoctave  renferme  huit  degrés.^ 

F                                                     ■ 

Í                                            G      ° 

Q      Ü      ° 

-      Q      °      ° 

12e  Leçon. 

Importance  de  la  bonne  lecture.  —  Règles  essentielles. 
Prononciation  :  voyelles^  consonnes^  syllabes. 

83.  —  Avant  de  passer  à  la  seconde  partie,  il  convient  de 
connaître  les  règles  pratiques  dont  dépend  la  bonne  lecture  de  la 
langue  latine,  la  seule  en  usage  dans  la  liturgie. 

Pour  bien  chanter,  en  effet,  et  pour  donner  au  chant  toute 
l'expression  qu'il  requiert,  la  première  condition  est  de  bien  lire. 

Les  règles  à  observer  pour  obtenir  une  bonne  lecture  peuvent  se 
ramener  à  trois  chefs  principaux  : 

1°  Prononciation  correcte  des  paroles; 
2°  Accentuation; 
30  Phrasé. 

84.  —  Prononciation. 

Les  lettres  se  divisent  en  voyelles  et  en  consonnes. 

Les  voyelles  étant  l'âme  des  mots,  il  faut  les  prononcer  avec  une 
pureté  et  une  clarté  parfaites.  On  donnera  à  chacune  son  timbre 
propre,  et  pour  ne  pas  porter  à  celui-ci  la  moindre  atteinte,  on 
évitera  soigneusement,  pendant  l'émission  de  la  voyelle,  de  modi- 
fier tant  soit  peu  la  position  première  de  la  langue  et  des  lèvres. 

Les  consonnes,  comme  leur  nom  l'indique,  ne  peuvent  être  pro- 
noncées qu'au  contact  d'un  autre  élément,  les  voyelles.  Il  faut  les 


*  En  fait,  l'intervalle  d'octave  n'existe  pas  en  chant  grégorien.  On  le  rencontre 
quelquefois,  mais  dans  des  compositions  de  la  dernière  période  et  seulement 
entre  deux  phrases  musicales.  Les  Sanctiis  des  messes  IX  et  XIV  en  offrent 
chacun  un  exemple. 


20  Première  Partie. 

émettre  avec  énergie  et  netteté;  sans  cela  les  mots  seraient  inintel- 
ligibles et  la  lecture  manquerait  de  vigueur.  ^ 

85.  —  Les  lettres  s'unissent  pour  former  les  syllabes.  Dans 
l'émission  de  celles-ci  on  doit  bien  se  garder  de  séparer  chaque 
élément  d'une  syllabe  pour  la  joindre  à  une  autre,  en  disant,  par 
exemple, y«¿^27<2-^/¿7  ^our  jubi-la-tio.  2 

86.  —  Quant  à  la  prononciation  des  mots,  se  rappeler  toujours 
la  fameuse  règle  appelée  règle  d'or  :  Non  débet  fieri pausa,  quando 
débet  exprùni  sy liaba  inchoatœ  dictionis.'i 

^  Règles  essentielles  de  la  prononciation  romaine  du  latin.  On  sait  qu'elle 
intéresse  souverainement  la  restauration  intégrale  du  chant  grégorien. 
C    doux  se   prononce  ch  après  une  consonne,  dch  après  une  voyelle  ou  au 
commencement  d'un  mot  :  (itcere  =  diáchere^  Q¿?lum  =  ácheh¿m. 
G     doux  se  prononce  comme  le/  dans  le  français  après  une  consonne  ;  comme 
dj  après  une  voyelle  ou  au  commencement  d'un  mot  :  vigére  —  viagère. 
Gn,  même  prononciation  qu'en  français  :  magnificat  =  7nagmfique. 
H    dans  nihil,  vtiki,  et  leurs  dérivés  se  prononce  k  :  nihil  =  nikil. 
J      se  change  toujours  en  z. 

S      entre  deux  voyelles  est  doux  :  rosa  =  rose;  il  est  dur  après  une  consonne. 
Se    se  prononce  comme  ch  en  français  :  descendit  =  dechennditt. 
T     devant  i  et  non  précédé  dV  ou  de  ;r  a  le  son  de  ss;  précédé  d'une  voyelle, 

il  se  prononce  ds  :  graiia  —  graásia. 
U     se  prononce  toujours  ou. 

X  après  une  voyelle,  e  excepté,  est  toujours  dur  ;  il  est  doux  après  e  .-exalta  = 
examen.  Avant  j  il  reste  dur, quoique  précédé  d'une  voyelle  -.exsulta  =  ^xer. 
'  A  notre  avis,  il  n'est  pas  superflu  d'insérer  ici  en  note  quelques  règles 
relatives  à  V union  et  à  la  division  des  lettres  dans  P écriture  du  latin.  Elles 
seront  d'une  très  appréciable  utilité,  pour  prononcer  les  lettres  comme  il 
convient  à  la  place  qic' elles  occupc7it  dans  la  syllabe  ou  dans  le  mot. 

r°  Règle.  —  On  ne  doit  pas  doubler  une  consonne  au  commencement  et  à 
la  fin  d'un  mot.  Pour  qu'elle  soit  doublée,  il  faut  qu'elle  soit  placée  dans  le 
corps  d'un  mot  entre  deux  voyelles  comme  dans  a7inus.,  ijitelligo.  Si,  dans  le 
corps  d'un  mot,  elle  est  liquide,  il  va  sans  dire  que  la  durée  de  sa  prononciation 
est  encore  moins  longue  :  Afiïigo,  attribuo. 

2^  Règle.  —  Lorsqu'une  consonne  se  trouve  entre  deux  voyelles  dans  les 
mots  sim.ples,  c'est  à  la  seconde  qu'elle  est  jointe  :  A-mor,  Le-por. 

3^  Règle.  —  Lorsque  deux  consonnes  sont  placées  entre  deux  voyelles, 
elles  doivent  être  séparées  :  Ec-ce,  car-neni. 

4*  Règle.  —  Les  consonnes  qui  peuvent  être  jointes  l'une  à  l'autre  au 
commencement  d'un  mot  ne  doivent  jamais  être  séparées  :  0-m?îis.,  A-gnus, 
Pa-stor.,  etc..  Ces  consonnes  sont  les  suivantes  :  Ed.,  Bl,  Br,  Cl,  Cm,  Cn,  Ct, 
Cr,  Dm,  Dn,  Dr,  FI,  Fr,  Gl,  Gn,  Gr,  Mn,  Ph,  Phi,  Phn,  Phr,  Phth,  PI,  Pn, 
Pr,  Ps,  Pt,  Se,  Scr,  Sh,  Sgn,  Sp,  Sph,  St,  Sth,  Str,  Th,  Thn,  Tl,  Tfn,  Tr. 

5^  Règle.  —  Dans  les  mots  composés,  les  consonnes  restent  unies  à  la 
voyelle  avec  laquelle  elles  faisaient  corps  avant  que  le  mot  fut  composé  : 
Ab-eo,  ad-oro,  con-scientia,  et  di-stinctio,  en  \ertu  de  la  règle  4*  {st)  et  de  la  5* 
{distin  et  scio). 

3  Élie  Salomón,  Scientia  artis  musicce.  Cap.  XI. 


14«  Leçon,  21 

13«  Leçon. 

Accentuation.  —  Accent  tonique.  —  Accents  pi'incipal  et  secondaire. 

87.  — •  Ni  la  prononciation  correcte  des  syllabes,  ni  leur  émission 
parfaite,  ne  suffisent  pour  donner  au  mot  son  unité. 

Pour  constituer  le  mot,  ses  éléments  ont  besoin  d'un  principe 
vital,  d'un  facteur  intime  qui  est  \ accent. 

La  syllabe  accentuée  est  comme  un  point  lumineux  qui  répand 
la  lumière  sur  les  autres  syllabes,  ou  comme  la  clef  de  voûte  qui  sou- 
tient les  diverses  arches  d'un  pont.  En  résumé,  elle  est  l'âme  du  mot. 

88.  —  Par  accent  nous  entendons  ici  X accent  tonique^  c'est-à-dire 
une  syllabe  plus  intense  que  les  autres. 

89.  —  L'intensité  qui  caractérise  l'accent  tonique  doit  être 
modérée. 

Elle  n'est  pas  un  poids  qui  l'écrase,  mais  bien  une  impulsion 
qui  le  soulève.  Très  différent  de  l'accent  des  langues  romanes, 
lourd  et  grave,  l'accent  latin  est,  de  sa  nature,  léger  et  aigu. 

90.  —  Tout  ce  que  nous  avons  dit  antérieurement  du  style  lié  dans 
l'exécution  des  neumes,  s'applique  également  à  l'émission  des  mots. 

Comme  les  neumes,  les  mots  doivent  être  prononcés  d'une  seule 
respiration  et  d'une  seule  impulsion. 

91.  —  La  grammaire  enseigne  quels  sont  les  mots  qui  ont  un 
accent  et  quelle  est  la  syllabe  qui  le  porte.  Rappelons  seulement 
ici  que  les  mots  de  plus  de  trois  syllabes  admettent  des  accents 
secondaires,  v.  gr.  :  dóminátiónem^  înitnicus. 

Bien  accentuée,  la  lecture  devient  en  quelque  sorte  un  chant 
que  l'on  entend  avec  satisfaction. 

14^  Leçon. 

Phrasé.  —  Ustión  et  Distinction.  —  Mots  :  incises  : 
membj'es  .-phrase.  —  Accents phraséologiques.  —  Exercices. 

92.  —  Phrasé. 

De  même  que  les  syllabes  s'unissent  entre  elles  pour  former  les 
mots,  de  même  les  mots  se  rassemblent  pour  constituer  les  phrases. 
C'est  sur  cette  dépendance  des  mots  les  uns  à  l'égard  des  autres 
que  repose  essentiellement  \q  phrasé. 

La  réunion  de  plusieurs  syllabes  sous  l'influence  de  l'accent 
tonique  constitue  le  mot.  La  réunion  de  plusieurs  mots,  subor- 
donnés à  un  accent  d'ordre  supérieur  ou  phraséologique,  constitue 
une  phrase  ou  un  membre  de  phrase. 

Savoir  distinguer  et  unir  tout  ensemble  les  divers  membres 
d'une  phrase  est  absolument  nécessaire. 


22 


Première  Partie. 


a 

o 

c 

4-) 

3 
> 

C 
C 


c 


C 


(L> 


;? 

(D 

•s» 

"^- 

V.1 

îi 

-i-i 

•Cî 

C/5 

-u 

Ci 

-rt 

*J 

<1) 

<D 

u. 

5Í 

<— • 

(l> 

y 

i. 

S 

CL 

KJ 

a 

nJ 

v^ 

w^ 

m 

o 

Ov 

y-i 

l  \^  ^.: 


3 


C 

3 

u  ^ 


V 


ni 
u 


■5^ 
—  o"_i 


c  u 
c 


3 

> 

O 
oí 


o  V 


c 
u 

■4—» 

c 

rt 

E 


^H 

1 

4-1 

u  cr 

^ 

c  NU 

a 

— '     (T. 

3 

> 

u=: 

•  v^ 

-c 

V 

et 

>  — 

I 


v-O  ^ 


c  u 

I— (  -4; 

■4-* 

s 


—  in  - — 

Q- 

vH2  V 

fo 


rr* 

o; 

-J-» 

3 

O 

cr 

£ 

t/î 

C) 

(/j 

■4-» 

<i) 

-v 

O 

c 

o 

ifi 

c 

C 

^3 

'o 

•4-* 

S 

(L) 

3 

r" 

O 

O 

a: 

•i-l 

3 

u 

c 

Cl- 

•4-> 

eo 

Í/2 

r" 

t!       :^V>A 


n::    o 
^'% 

c/j     *-• 
O    en 

CL    Ü 
«J   T3 

•4-> 

3     g 

'-  "a 

3     P 
tfï  .3 

CL  -^ 
'5     § 


CL-^ 
—  J 

'<U    vu 
>       JL 

•4-» 

3     O 

-4-»     "O 

^     r- 

^^  I   X 

CL  o 

3  O 

O  C  ¿ 

^  O  c 

u  '^  S 

CLTJ  ^ 

_        o 

2    rt    3 


C 

O 

(t5 


O 

t/5 


Si     3 


3 
!ü 
CO 

C 
3 

(D 


C 

V5      (D 


;^     (D 

a    3 
CL^CT" 

4-r  *c 

c   o 


3    (L) 

rt    CL 
3 
O 


5     =5 

o    <U 


a3  <^ 

Í2    ^ 

?:  -3 
"^    CL 

S   ^    . 

tfî    ü    c 

•§  S  <^ 

5;    o  73 
3  -'-' 

o  o 


^^s;  "^ 


a; 

3 

cr  u 


W3 


tO     ü 

3    î- 
CJ    3 


C   "^  -O  T3 
""     "^    ^^ 

■*-•    3    tJO 

CL^^    O 

P    '-^^ 

=   S^   rt 
.      3    Im 


c 
o 


c; 


8   ais 
^   S   ^  - 


(D  o  .2 
g  21 

•-    CL-Û 

^  -Îj    CL  C    ^ 

c/f    3     Z3  C    V^ 

O     rt    3     O    W    U 

^    O  •  2     ^    03  ^ 

'     3^  i¿       -  c/:    u 

ti  3   53  ^  i5 

v:     3    u    ^ 

CL 
3 


3 

C/) 

<D 

I 

'u 

CL 

S 

V 
X 


<U 

CL 

3 

O 

fcJO 


C 
rt 
en 
en 

'5 

a 

6 


en 

V) 

"(3 

/^ 

c 


o 

e 
s 

«u 

e 

c 

3 


en 
(D 

en 

tn 


'Oj     ,,_, 


3 
en 

ai 
CL   V 


en 

(U 

CL 


a 

en 

U 


3 

3 

NU 

<U 

3 

cr 


^^-(Uj^enî^r-CL  -^ 

^    3    :±;t^'^-:=3T-    4-. 


O 


o 


cr  .o^  o 

'So  =  ::; 

o    o  .t¿ 


■^  .S 


o     ;- 

O    3 


C  --cj    O 


c^    3 


§ 
^ 


O 

o 

"t:   CL  ft 


S^     ^    -3 


ü     -^  — 


en  -^ 

^U  3 

CL  ÍJ 

3  ^ 


O 


Os 


.  -      '■/■.  ^    3 

o     '^     r- 

3 


3-2 
-     30    t£  i 

;j   J   U    •-    -J    y:  ^ 

CL      t:  V 


o 

3 

"o. 


(U 

u 
(J 
oí 


í: 

s 


14«  Leçon.  23 

les  mots  ensemble  ;  il  les  détache  au  contraire  par  son  uniformité 
même.  Donc,  rien  pour  le  phrasé  dans  cette  première  ligne. 

2""'  Ligne.  —  Quatre  accents  se  détachent  légèrement  sur  les  autres. 
C'est  suffisant  pour  obtenir  autant  de  petits  groupements  de  mots 
appelés  incises.  Ce  sont  les  plus  petites  subdivisions  de  la  phrase. 

j""  Ligne.  —  Deux  accents  seulement  prédominent,  mais  avec 
un  degré  supérieur  à  celui  des  précédents.  En  conséquence,,  au 
lifeu  de  réunir  quelques  mots  seulement,  ils  joignent  les  quatre 
incises  deux  par  deux  et  constituent  ainsi  deux  membres  de 
phrase  appelés  membre  antécédent  et  membre  subséquent.  Ce  sont 
les  divisions  principales  de  toute  la  phrase. 

^f^  Ligne.  —  Un  seul  accent;  il  domine  tous  les  autres  et  fait  de 
l'ensemble  des  divisions,  qu'ils  commandent  respectivement,  un 
seul  tout  :  la  phrase.  \.\       ^ 

95.  —  Telle  est  la  puissance  d'unification  des  accents  phraséolo- 
giques.  Aussi  il  faut  bien  se  garder,  en  lisant,  de  donner  la  même 
intensité  à  tous  les  accents  toniques,  les  accents  phraséologiques 
n'étant  en  réalité  que  des  accents  toniques  plus  marqués.        ; 

96.  —  La  distinction  entre  les  incises  ne  doit  pas  être  telle 
qu'elle  brise  l'unité  du  membre,  ni  la  pause  entre  les  membres  si 
importante  qu'elle  détruise  la  phrase  en  séparant  trop  ses  éléments 
constitutifs.  Pour  bien  phraser,  il  faut  se  guider  d'après  le  sens  du 
texte  et  donner  aux  différentes  pauses  la  mesure  respective  que 
l'oreille  apprécie  naturellement. 

97.  —  La  lecture  est  alors  un  va-et-vient,  une  ondulation  con- 
tinue et  variée  des  syllabes  et  des  mots  qui  captive  notre  attention 
et  charme  notre  oreille. 

Combien  la  psalmodie  et  les  récitatifs  gagneraient  à  être  con- 
duits conformément  à  ces  règles! 

Ces  règles^  le  maître  aura  à  cœur  de  bien  e7i  apprendre  la  théorie 
et  la  pratique  à  ses  élèves^  car  elles  sont  d'une  im^portance  capitale 
pour  la  bonne  exécution  du  chant. 

Quand  ils  sauront  parfaitement  lire  recto  tono  les  exemples  sui- 
vants^ ils  se  serviront  du  bréviaire  et  des  autres  livres  liturgiques  ; 
on  ne  saurait  trop  insister  dans  ce  genre  d'exercices. 

98.  Psaume  107. 

Díxit-Dóminus  Dómino-méo  :  *  Sede  a-déxtris-méis  : 

Donec-pónam  inimícos-túos,  *  scabéllum  pédum-tuórum. 

Vírgam-virtútis-túae  emíttet-Dóminus-ex-Síon  :  *  dominare  in- 
médio-inimicórum-tuórum. 

Técum-princípium  in-díe-virtútis-túae  in-splendóribus-sanctó- 
rum  :  *  ex-útero  ante-lucíferum  génui-te. 


24  Première  Partie. 


Jurávit-Dóminus  et-nón-paenitébit-éum  :  *  Tu-es-sacérdos-in- 
aetérnum  secúndum-órdinem-Melchísedech. 

Dóminus  a-déxtris-túis,  *  confrégit  in-díe-írae-súae  reges. 

ludicábit-in-natiónibus,  implébit-ruínas  :  *  conquassábit-cápita 
in-térra  multórum. 

De-torrénte  in-vía-bíbet  :  *  proptérea  exaltábit-cáput. 

Glória-Pátri,  et-Fílio,  *  et-Spirítui-Sáncto. 

Sicut-érat-in-princípio,  et-núnc,  et-sémper,  *  et-in-saécula- 
saeculórum.  Amen. 

99.  Psaume  110. 

Confitébor-tíbi-Dómine  in-tóto-córde-méo  :  *  in-consílio-iustó- 
rum  et-congregatióne. 

Magna  ópera-Dómini  :  *  exquisita  in-ómnes-voluntátes-éius. 

Conféssio-et-magnificéntia  ópus-éius  :  *  et-iustítia-éius  mánet- 
in-saéculum-saéculi. 

Memóriam-fécit  mirabílium-suórum,  f  miséricors-et-miserátor- 
Dóminus  :  *  éscam-dédit  timéntibus-se. 

Mémor  érit-in  saéculum  testaménti-súi  :  *  virtútem-óperum- 
suórum  annuntiábit-pópulo-súo. 

Ut-det-íllis  haereditátem-géntium  :  *  ópera-mánuum-éius  véritas- 
et-iudícium. 

Fidélia  ómnia-mandáta-éius:  ~  confirmáta  in-saéculum-saéculi  :  * 
fácta  in-veritáte-et-aequitáte. 

Redemptiónem-mísit  pópulo-súo  :  *  mandávit-in-aetérnum  testa- 
méntum-súum. 

Sánctum-et-terríbile  nónien-éius  :  *  inítium-sapiéntiae  tímor- 
Dómini. 

Intelléctus-bónus  ómnibus-faciéntibus-éum  :  *  laudátio-éius 
mánet-in-saéculum-saéculi. 

100.  Canticum  B.  Mariae  Virgiris.  Luc  i. 

Magníficat  *  ánima-méa  Dóminum. 

Et-exsultávit  spíritus-méus  *  in-Déo  salutári-méo. 

Quia-respéxit-humilitátem  ancíllae-súae  :  *  ecce-enim-ex-hoc 
beátam-me-dícent  ómnes-generatiónes. 

Quia-fécit-míhi-mágna,  qui-pótens-est  :  *  et-sánctum  nómen-éius. 

Et-misericórdia-éius  a-progénie-in-progénies  *  timéntibus-éum. 

Fécit-poténtiam  in-bráchio-súo  :  *  dispérsit-supérbos  ménte- 
córdis-sui. 

Depósuit-poténtes  de-séde,  *  et-exaltávit-húmiles. 

Esuriéntes  implévit-bónis  :  *  et-dívites  dimísit-inánes, 

Suscépit-Israel  púerum-súum,  *  recordátus  misericórdiae-súae. 

Sicut-locútus-est  ad-pátres  nóstros,  *  Abraham  êl-sémini-éius 
in-saécula. 


DEUXIEME  PARTIE. 


CHAPITRE    PREMIER. 
Tonalité  grégorienne. 

Son  importance.  —  Gamme  fondamentale.  —  Eléments  constitutifs 
du  ton.  —  Extension  mélodique.  —  Tons  et  demi-tons.  —  Toniques. 
—  Dofninantes  :  leur  importance.  —  Tableau  complet.  —  Tonique 
et  do7ninante  de  chaque  mode.  —  Tons  tra?tsposés  :  mixtes.  — 
Modulations  :  changements  de  mode.  —  La  modulation  grégorienne 
est  riche  et  mixte.  —  Exercices. 

101.  —  La  connaissance  des  modes  est  d'une  importance 
souveraine  en  chant  grégorien  aussi  bien  qu'en  musique. 

Aujourd'hui  surtout  qu'on  revient  à  la  modalité  antique,  afin  de 
procurer  plus  de  variété  aux  compositions  modernes  et  de  donner 
un  caractère  plus  religieux  à  celles  qui  sont  particulièrement 
destinées  au  culte,  il  est  nécessaire  de  définir  en  termes  très  précis 
en  quoi  consiste  la  tonalité  grégorienne. 

Nous  n'en  étudierons  la  théorie  qu'autant  que  sa  connaissance 
importe  à  la  pratique,  restant  ainsi  dans  le  cadre  didactique  qui 
convient  à  une  méthode. 

102.  —  Il  faut  rappeler  d'abord  que  la  gamme  diatonique,  seule 
en  usage  dans  le  chant  grégorien,  est  tirée  de  l'échelle  suivante  : 


A    B    C    D    E    F    G 


f     g 


^ 


à  laquelle  les  anciens  ajoutaient,  comme  complément  deux  notes 
extrêmes  : 


26  Deuxième  Partie. 


ABCDEFGabcdefgaa 


1^ 


^H-t 


(-.-)■ 

103.  —  Tous  les  degrés  de  cette  échelle  s'emploient  en  chant 
grégorien,  bien  qu'individuellement  les  mélodies  n'en  embrassent 
jamais  tout  l'ensemble. 

Les  unes  parcourent  l'octave  inférieure  : 
A    B    C    D    E    F    G    a 


P 


15 


A   -^ 


-r-*-  ' 


Hi-i 


d'autres  l'octave  centrale  : 

EFGabcde 

e — ■  ■  ■  " 


-p ,    ■ 


d'autres  enfin  l'octave  supérieure 


Gabcde      fgaa 


(-^) 


-«- 


■ 


Ces  fractions  de  l'ancienne  échelle  des  sons,  dans  lesquelles  les 
mélodies   grégoriennes   se    meuvent    et    dont   elles    reçoivent    le 
caractère  particulier  et  la  physionomie  propre  qui  les  distinguent 
parfaitement  les  unes  des  autres,  constituent  le  premier  éléinent  dq  ^ 
la  tonalité  dans  l'art  grégorien.  1^-^ 


Chapitre  Premier.  —  Tonalité  grégorienne. 


21 


104.  —  Le  second  élément  résulte  de  la  disposition  différente  des  "J 
tons  et  des  demi-tons  dans  chaque  fraction  de  l'échelle  fonda-  _ 
mentale  :  - —  -    , 


fl 

t.     d.     t.     t.    d.      tr  1  t. 

ll^''^'T^rí='                                                                                                  « 

•     r  '    •                ■ 

■      ■      " 

inférieure  % 

.      ■      ■ 

d.     t.      t.      t.     d.     t.      t. 

Ortave     ■ 

■      ■      " 

.      ■ 

centrale    i  • 

■      ■ 

t.      t.     d.     t.      t.     d.     t. 


Octave 
supérieure 


\ — '— 

— ^ -^^^ 

■     " 

..     \, 

105.  —  A  ces  deux  premiers  '  éléments  nous  devons  en  ajouter 
deux  autres  auxquels  les  anciens  donnaient  une  grande  importance 
et  qui,  en  réalité,  sont  comme  le  principe  synthétique  et  vivifiant 
de  toute  tonalité.  1 

Ces  éléments  sont  :  la  fondamentale  ou  tonique  et  \d,  dominante. 

IOÓ.  —  La  tonique  est  cette  note  par  laquelle  une  mélodie  peut 
commencer  de  préférence,  mais  sur  laquelle  elle  doit  nécessairement 
terminer. 

Quatre  notes  ont  été  adoptées,  depuis  des  siècles,  pour  remplir 
l'office  de  toniques.  Ce  sont  le^  notes  centrales  :  r/,  m,i^fa,  sol. 

Il  n'y  aurait  donc  eu  primitivement  que  quatre  tons. 


\ 


(-Ï-) 


iS 


Autour  de  chaque  tonique  on  a  établi  une  échelle  modale  de 
onze  notes  ainsi  réparties  :  sur  la  tonique,  une  quinte  et  une  quarte; 
sous  la  tonique,  une  qua^'te  seulement. 


28 


Deuxième  Partie. 


107.  — 


Protus     ni" 


^-" 


Deuterus 


Tritus 


Te  tr ardu  s  W 


108.  —  L'étendue  de  ces  échelles  modales  est  telle  que  les 
mélodies  la  parcourent  rarement  dans  son  ensemble  :  tantôt  elles 
se  renferment  dans  la  quinte  centrale,  et  tantôt  elles  montent 
jusqu'à  la  quarte  supérieure  ou  descendent  jusqu'à  la  quat'te 
infé7'ieure;  et  cependant,  quelle  que  soit  leur  évolution  respective, 
toutes  terminent  par  la  même  note,  la  tonique. 

Il  faut  conclure  de  là  à  la  présence  dans  chacune  de  ces  gammes 
d'une  seconde  note  qui,  sans  avoir  la  prépondérance  souveraine  de 
la  tonique,  exerce  à  côté  d'elle  une  action  assez  puissante  pour 
devenir  elle-même  un  centre  d'attraction  autour  duquel  gravitent 
volontiers  les  mélodies.  Cette  note,  c'est  la  doniiiiante.  On  ne 
saurait  mieux  la  définir  et  en  souligner  l'importance. 


Chapitre  Premier.  —  Tonalité  grégorienne. 


29 


109.  —  Ayant  reconnu  l'effet  de  deux  dominantes  distinctes  dans 
la  tendance  qui  porte  les  mélodies  soit  en  haut  soit  en  bas  de 
l'échelle,  les  anciens  eurent  la  pensée  de  partager  les  échelles 
ci-dessus  en  deux  gammes  de  huit  notes  chacune.  Ces  deux 
nouvelles  gammes  eurent  la  tonique  commune,  mais  se  distinguèrent 
par  la  dominante  et  par  ¿a  disposition  différente  des  notes.  Ces  notes 
forment  ensemble  une  quinte  et  une  quarte  consécutives. 

Dans  la  première  gamme  qui  porte  le  nom  ^authentique^  la 
quinte  et  la  quarte  furent  superposées  sur  la  tonique;  dans  la 
seconde  gamme  qui  s'appela  plágale,  la  quinte  resta  sur  la  tonique, 
mais  la  quarte  vint  se  placer  au-dessous. 

Les  échelles  primitives  étant  au  nombre  de  quatre,  après  le 
partage  de  chacune  d'elles  en  deux  gammes  il  y  eut  désormais 
huit  tons  grégoriens  divisés  en  quatre  tons  authentiques  ow primitifs 
et  en  quatre  tons  plagaux  ou  dérivés.  Les  premiers  sont  désignés 
par  les  chiffres  impairs  i,  3,  5,  7,  et  les  seconds  par  les  chiffres 
pairs  2,  4,  6,  8. 


IIO.  — 


Ter?mnoIogîe 
antique 

Protus 

authentique 

Protus 
plagal 

• 

Deuterus 
authentique 

Deuterus 
plagal 

Terminologie 
moderne 

I"  Mode 
2^  Mode 

3«  Mode 
4«  Mode 

fl 

~\ 

a  ■ 

c 

1 

■ 

■ 

-    ■ 

1 

Chant 
aigu 

Chant 
grave 

3    ■             '                i 

1 
1 

M 

3 

1 

-ê 

0    ■ 

— a 

PU 

^                t 

,    ■    ° 

a    ■ 

■    ■ 

■X- 

fl 

1 

■^ 

« 

Q 

— u 

L 

Chant 
aigu 

Chant 
grave 

■    ■    ■    '                1 

w 

Í 

3    ■ 

1 

fl 

^ 

3 
0 

*l 

p 

1 

a    ° 

.    ■    ° 

a    °    " 

V 

1 

30 


Deuxième  Partie. 


h 


Terminologie 
antique 


Chant  I        Tritus 
aigu    ''    authentique 


Chant 
grave 


Tritus 
plagal 


Terminologie 
moderne 


5«  Mode 


6=  Mode 


. r f-,-^ 

ff  I      ,  ■  '° ! 

0-'— 


C/3 

•a 

u 
H 


Chant  .     Tetrardus 
aigu    i    authentique 


7«  Mode 


Chant  ',     Tetrardus  ge  Mode 

grave  ;        plagal 


_  .1..  . 


, ' ,  «-r 

■  ■    I  — 


III.   —   Les    tons    se    distinguent    par    leur    tonique,    par    leur 
dominante  et  par  leur  ambitus  ou  l'étendue  de  leurs  notes. 


112. 


—  Tonique  ou  finale  ré  \ 


Premier  mode. 
Deuxième  mode. 


.  J  Troisième  mode. 
^^^  (^   Quatrième  mode. 

.    J  Cinquième  mode. 
J^^  y  Sixième  mode. 

Septième  mode. 
Huitième  mode. 


sol 


113.  —  Dominante.  Dans  les  modes  authentiques  elle  est  à  la 
quinte  au-dessus  de  la  tonique. 

On  excepte  le  troisième  mode,  dans  lequel  la  dominante  a  passé 
insensiblement  du  si  au  do,  à  cause  de  l'instabilité  du  si  (<  ou  t?)  et 
de  l'attraction  que  le  degré  supérieur  exerce  sur  lui.  Cependant, 
dans  l'intérieur  des  pièces,  le  si  joue  souvent  le  rôle  de  dominante. 

Les  modes  plagaux  ont  la  dominante  trois  degrés  au-dessous  de 
celle  de  leur  authentique  correspondant,  excepté  le  huitième  mode 
qui  se  trouve  dans  le  cas  du  troisième. 


Chapitre  Premier.  —  Tonalité  grégorienne. 


31 


114. 

Dominante. 


(  Premier  mode,  /a.  (  Troisième  mode,  (si)  do. 

\  Deuxième  mode,y¿^,     \  Quatrième  mode,  la. 

{Cinquième  mode,  do.    (  Septième  mode,  ré. 
Sixième  mode,  /a.         \  Huitième  mode,  (si)  do. 

115.  —  Ua?ndi tus  ou  l'étendue  de  chaque  mode  se  voit  parfaite- 
ment dans  le  tableau  ci-dessus  de  leurs  échelles. 

116.  —  Les  mélodies  ne  sont  pas  tenues  à  se  mouvoir  rigou- 
reusement dans  les  limites  étroites  de  leur  octave  modale;  elles 
peuvent  en  franchir  passagèrement  d'un  degré  les  points  extrêmes 
sans  que  Yambitus  soit  modifié  pour  si  peu. 

117.  —  Au  sujet  du  degré  inférieur  avoisinant  la  tonique,  il 
faut  rappeler  que  les  anciens  avaient  horreur,  à  cause  de  sa 
mièvrerie  ^,  de  la  note  que  les  modernes  appellent  la  sensible. 

C'est  pourquoi,  dans  les  cadences  finales  des  cinquième  et 
sixième  modes,  ils  n'amenaient  jamais  \ç^fa  par  le  mi  ;  ils  préfé- 
raient y  arriver  par  les  notes  supérieures  ^^  ou  en  faisant  entendre 
la  tierce  inférieure  ré  3. 

118.  —  Les  modes  sont  appelés  mixtes  quand  ils  embrassent  les 
onze  degrés  de  l'échelle  primitive,  parce  que,  dans  ce  cas,  ils 
réunissent  ensemble  le  plagal  et  \ authentique. 

119.  - —  Modes  transposés  (?) 

Il  est  des  mélodies  qui  terminent  par  les  notes  la^  si  Jj  do^  c'est- 
à-dire  par  celles  qui  font  suite  aux  quatre  notes,  ré,  7ni,fa,  sol,  les 
seules  que  nous  avons  données  comme  toniques.  Ces  tonalités 
équivalant  respectivement  aux  trois  premières,  Protus  (i^^  et  2*^), 
Deuterus  (3^  et  4^)  et  Tritus  (5^  et  6^),  si  on  en  bémolise  le  si,  v.  gr.  : 


,    Protus 
i«  et  2^  Mode 


Normal 


5 


-i(b*-' 


Transposé      § 


*  Propter  subiectain  semitonii  iinperfectionem.  G.  d'AREZZO.  —  Gerbert. 
ScHpt.,\\.  p.  13. 
'  Voirie  Pdngé lingua  espagnol  au  chap.  VI  (11*^  partie). 
3  Le  graduel  Constitues  eos  en  offre  un  exemple  au  motfilii. 


32 


Deuxième  Partie. 


Deuterus    . 

3e  et  4^  Mode 


Normal        -§_ 
1i 


:(i)n: 


(Í)- 


Transposé     j" 


lU- ^ 


Tritus 

5«  et  6=  Mode 


Normal        • 


Transposé 


4 


-M: 


certains  les  ont  considérées  comme  de  pures  transpositions.  Nous 
ne  saurions  partager  ce  sentiment. 

120.  —  On  range  aussi  dans  le  quatrième  mode  transposai^') 
quelques  antiennes  telles  que  Laeva  ejus^  In  odoreni^  bien  qu'en 
réalité  leur  mélodie  soit  écrite  dans  une  gamme  toute  différente  de 
la  gamme  normale  de  ce  ton. 


121. 


Modîilations. 


Nous  avons  précédemment  attiré  l'attention  sur  l'influence  que 
la  dominante  exerce  dans  toute  tonalité.  En  voici  une  nouvelle 
preuve.  Elle  nous  est  fournie  par  les  modulations. 

En  chant  grégorien  comme  en  musique,  moduler  c'est  passer 
d'un  ton  dans  un  autre.  Mais  tandis  qu'en  musique  l'harmonie 
prête  aux  modulations  des  moyens  variés  et  puissants,  en  chant 
grégorien  la  mélodie  doit  les  réaliser  par  ses  seules  ressources.  Et 
cependant  aucun  genre  musical  n'^stp/us  riche  en  modulations  que 
le  chant  grégorien.  Il  n'y  a  qu'à  examiner  une  pièce  tant  soit  peu 
importante  du  Graduel  pour  s'en  convaincre.  A  chaque  pas  la 
mélodie  module.  Elle  va  d'un  ton  à  un  autre,  sans  effort,  natu- 
rellement et  avec  un  art  consommé. 

Or,  quel  est  le  principe  de  ces  oscillations  modales  presque 
continuelles,  auxquelles  les  mélodies  grégoriennes  doivent  en  partie 
leur  variété  et  leur  charme?  L'entrée  en  scène,  à  tour  de  rôle,  de 


Chapitre  Premier.  —  Tonalité  grégorienne. 


33 


nouvelles  do?ninantes  étrangères  à  la  tonalité  de  la  pièce.  Chacune, 
réclamant  la  cadence  et  la  tonique  qui  lui  sont  propres,  détermine 
une  modulation.  Ainsi  le  veut  la  loi  de  l'attraction  des  sons. 

Combien  les  artistes  délicats  de  l'âge  d'or  du  chant  grégorien 
ont  connu  cette  loi  et  ont  su,  avec  des  moyens  très  restreints,  en 
tirer  habilement  parti,  c'est  ce  que  les  deux  exemples  suivants 
vont  nous  révéler. 


Í 


î 


122.  ■ 


■  ■ 


■    ■• 


^ 


Christus     *   re-  surgens  ex  mor-  tu-   is,      iam  non  m  ó-     ri- 


3iî 


i 


■*ít 


-■4^ 


■     ■ 


^S 


■      ■ 


^-J^^nr-* 


tur. 


aile- lu-     ia  :    mors  il-li  ultra    non  do-mi-ná-bi- 


tur,       aile-  lu-    ia,       aile-     lu- 


ía. 


Cette  mélodie  est  du  huitième  mode.  Elle  y  entre  résolument 
par  un  vif  élan  vers  le  do  qui  en  est  la  dominante  et  qui,  répétée 
jusqu'à  cinq  fois,  détermine  une  première  cadence  à  la  tonique  sol. 
Mais  la  mélodie  ne  reste  pas  longtemps  dans  cette  tonalité. 
Bientôt  le  si  apparaît,  supplante  le  do  et  amène  une  nouvelle 
cadence  en  ;;//.  Quoique  le  si  ait  été  autrefois  dominante  commune 
aux  troisième  et  huitième  modes  et  qu'il  le  soit  encore  quelquefois 
à  l'intérieur  des  pièces,  ici  il  est  plutôt,  passagèrement,  dominante 
du  troisième  mode,  puisqu'il  appelle  sa  fondamentale  mi.  Et  il  est 
dominante  du  Deuterus  dans  ses  deux  formes  :  de  l'authentique  à 
iam  non  7noritur  et  du  plagal  à  alléluia^  malgré  la  prédominance 
du  la  sur  ce  dernier  mot. 

Le  la  qui  domine  encore  dans  l'incise  suivante  à  laquelle  il  sert 
de  cadence,  n'empêche  pas  le  Deuterus  de  se  maintenir  jusque  sur 
le  mot  ultra.  La  cadence  en  la  elle-même,  propre  cependant  aux 
tournures  mélodiques  du  deuxième  ton  transposé,  ne  s'y  oppose 
pas.  Quant  aux  incises  non  dom^inabitur,  alléluia^  il  n'est  pas 
douteux,  avec  leur  cadence  en  j/,  qu'elles  appartiennent  au 
quatrième  mode  transposé. 

iVprès  ces  excursions  dans  des  tonalités  différentes,  la  mélodie 
termine,  comme  elle  a  commencé,  par  le  huitième  mode.  Elle  y 
revient  naturellement,  en  passant  par  la  dominante  do  qu'elle  fait 

No  674.  —  2 


34 


Deuxième  Partie. 


entendre  discrètement  deux  fois,  et  d'où,  de  note  en  note,  elle 
descend  insensiblement  jusqu'à  la  tonique  qui  lui  procure  son 
repos  final. 

123.  —  Le  second  exemple  donne  lieu  à  des  considérations 
analogues. 


t 


te 


^ 


-*z*- 


A-i 


Stá-  tu-  it  *  é-  i  DÓ-    mi-       nus         te-  staméntum      pá- 


f 


-tHh 


-tHh 


m    m 


-m ■ 


ois,        et  prin-ci-pem  fé-    oit    é-    um  :    ut  sit       il-li 


sa- 


^ 


i-^ 


i»T» 


r*»    ^•' 


f-f 


cerdo- ti-  i  dígni-    tas 


m 


ae- 


tér-     nu  m. 


Jusqu'à  /eci¿  eunt  la  dominante  et  la  tonique  sont  celles  du 
premier  mode  auquel  la  pièce  est  attribuée.  A  partir  de  ut  sit  illi 
une  modulation  se  produit  :  le  do  devient  dominante  et  le  la 
tonique.  Nous  avons  ainsi  sur  dignitas  une  vraie  cadence  du 
deuxième  mode  transposé,  qui  fait  rime  avec  celle  plus  importante 
du  vciot  pacis.  La  mélodie  reprend  ensuite  sa  marche  par  sa  note 
initiale,  monte  à  la  quinte  qui  redevient  sa  dominante,  et  enfin 
redescend  vers  sa  fondamentale,  terminant  majestueusement  son 
évolution  dans  le  ton  par  lequel  elle  l'a  commencée. 

124.  —  Ce  qui  a  été  dit  jusqu'ici  de  la  tonalité  grégorienne  en  a 
suffisamment  révélé  la  richesse  :  elle  fournit  au  chant  liturgique  de 
nombreux  moyens  pour  varier  à  l'infini  ses  compositions  et  pour 
traduire  merveilleusement  toute  sorte  de  sentiments  élevés. 

Inñexible  dans  la  succession  naturelle  de  ses  intervalles,  elle 
donne  de  plus  aux  mélodies  un  caractère  de  majesté  et  de  sainteté 
en  rapport  avec  la  majesté  et  la  sainteté  de  la  maison  de  Dieu. 

«  Le  chant  sacré,  dit  avec  raison  Dom  Mocquereau,  s'adresse  à 
la  partie  supérieure  de  l'âme.  Sa  beauté,  sa  noblesse  proviennent 
de  ce  qu'il  n'emprunte  rien,  ou  le  moins  possible,  au  monde  des 
sens  ;  s'il  passe  par  eux,  ce  n'est  pas  à  eux  qu'il  s'adresse.  Rien 
pour  les  passions,  rien  pour  l'imagination.  Il  peut  traduire  des 
vérités  terribles,  exprimer  des  sentiments  énergiques  sans  sortir  de 
sa  sobriété,  de  sa  pureté,  de  sa  simplicité. 


Chapitre  Premier.  —  Tonalité  grégorienne. 


35 


La  musique  moderne  peut  être  —  elle  ne  l'est  pas  toujours,  je  le 
sais,  -^  elle  peut  être  la  voix  des  passions  violentes  ou  grossières  et 
les  faire  naître;  on  ne  peut  abuser  ainsi  de  notre  mélodie;  toujours 
elle  est  saine,  chaste,  sereine  et  sans  action  sur  les  nerfs;  elle  ne 
se  sert  pas  plus  du  monde  inférieur  qu'elle  n'y  ramène. 

Avec  sa  tonalité  franche,  avec  cette  absence  totale  de  successions 
chromatiques  qui  représentent  par  les  demi-tons  les  choses  incom- 
plètes, on  dirait  qu'elle  ne  peut  exprimer  que  la  beauté  parfaite,  la 
vérité  pure  :  est,  est,  non,  non.  L'oreille  habituée  à  son  incomparable 
franchise  ne  peut  plus  sentir  ces  airs  mous,  imprégnés  de 
sensualisme  jusqu'à  ce  qui  devrait  être  l'expression  de  l'amour 
divin.  Il  y  a  quelque  chose  d'angélique  dans  l'inflexibilité  de  sa 
gamme  -qui  ne  souffre  aucune  altération  »  ^. 

Ainsi  parle  quiconque  est  arrivé,  par  l'étude  et  la  pratique 
constante  du  chant  grégorien,  à  se  pénétrer  de  son  esprit. 

Les  exercices  suivants  ont  pour  objet  d'initier  V élève  à  la  connais- 
sance des  formes  mélodiques  propres  à  chaque  tonalité.  Le  maître 
pou7'ra  multiplier  ces  exercices  en  choisissant,  dans  les  livres  de  chant ^ 
des  mélodies  typiques  et  faciles  à  comprendre. 

Chaque  leçon  sera,  pour  le  professeur,  U7ie  occasion  de  faire  repasser 
tout  ce  qui  a  été  vu  jusqu' à  présent.  Il  interrogera  sur  les  intervalles, 
les  Diodes,  la  tonique,  la  dominante^  les  gammes,  etc.,  etc. 

On  solfiera  d'aboi'd  les  exercices,  ensuite  on  les  vocalisera  dans  la 
forme  que  le  maître  jugera  la  meilleure. 

Soit  qu'il  les  solfie,  soit  qu'il  les  vocalise,  V  élève  en  accompagnera 
de  la  main  les  combinaisons  rythmiques,  comme  il  Va  déjà  fait  aux 
leçofis  précédentes  et  sans  qu'il  soit  pour  le  moment  nécessaire  de 
procéder  à  l'étude  approfoitdie  du  rythifie. 

Nous  lui  facilitons  la  tâche  en  lui  indiquant  les  arsis  et  les  thesis. 


H 


Premier  Mode.  =  Mélodie  typique. 
a.     t.  a.  t  t.  a.  a.  a.  t.  t.a.  t.  t.  t. 


125. 


.*^i#. 


if^ 


_  = 1 ^^¡- 

Pri-mum  quaéri-te    régnum  Dé-  i. 

EXERCICE, 
a.  t.  t.  a.t.     a.   t.  a.  a.  t.  a.  t.     t.  t. 


a.  t.  a. a.t.    a.  a.t. 


126. 


^-* 


-•-■^Jl 


ITTi 


-»♦ 


-»*^ 


■"U  "a  - 


♦  ■ 


:♦ 


#4^ 


*  L*Art  grégorien,  son  but,  ses  procédés,  ses  caractères.  —  Solesmes,  1896. 


36 


Deuxième  Partie. 


0: 

-  a.t.  t.  t. 

a.  a.t 

1 

a.  a.  t.  a. 

a.  a. 

1 

t. 

t.  t. 

a. 

a.      a.  t.  a. 

1 

1      ) 

t 

■ 

.iî 

.   ■♦     ■       ' 

.    ^"i     ■•     '     J 

i. 

■  ■' 

■■  V' 

■  ■ 

■■ 

■■F. 

■ 

■■     V' 

1 

'     ■'■%.■■ 

■     ■                                   !▼ 

■  ■1,1     1  -, 

■                 ]▼         .     .- 

;:( 


i    •  ••  :  I 


■••ia.      t.  t,  t- 

a.  1. 1.       a.  t. 

t.  a.   a.t.     t.     t. 

a.   t.  t.a. 

1 

1 

^     m      \  ■• 

■ 

'^/è      ■• 

1 

■          %■ 

■  ^           a 

■  !• 

1   %  J 

1 

^*A  ■      ■  *4 

■_!'♦•■#  ■• 

J        ■ 

:%■  •• 

%■       ♦  ♦♦■ 

a.    a.    a.  t. 

a.    a.    a.t.      t,  t. 
1    ■■■■Sa    ■ 

a.     1. 1.  a.  t. 

a.    a. 

t.  t.  a.  a.    t.    t. 

5    ■■"■■!. 

I    ■■■■  ■%«j|^ 

*  ^    ■ 

■ 

■  ■. 

^        0 

A" 

^, 

■•^♦é 

■  ■ 

_.      ,*S%.,      I 

■    '  %, 

■%■            '■• 

Second  Mode.  =  Mélodie  typique. 


t.     a. 


t.    t. 


a.    a. 


t.    a.  a.  t.      a.t. a.  t.  a.t 


127.  5£ 


H— ff 


■  ■    M 


% 


•a — ■ — ■- 


î 


,*"♦..     J  '   *    ♦^    § 


-«^^^-^ 


^r«f*: 


Se-  CLindum  autem  simi-  le      est  hú-  ic. 


EXERCICE. 


128.  %  ■■  i'V 


a.     a.a.t.  1. 1.  a.a.  t.    a.t.  t.  a       a.  t.      t    a.    t.     a.t.  t.  t. 


^♦t-* 


■*^n 


■  PLB      '    ♦ 


■   I  ♦^  ■     ■  ■  »^  T  ■- 


a.       t.        a.   a.    a.t. 

a.  t.  a.        a.t.    a 
1        ■ 

.  a.     t.  t.  t.   a.     t.  t. 

.p 

>    "^       • 

A         ■         ■  ■       ■ 

m                             m 

1Î 

?♦/         'f        ■ 

"  A  ■  ■  ■   ■■ 

— ■-■ 1 m-\ 

î       'L-i 

■■•%■     d"- 

1 

a.a.t.  t.  t. 


a.  a.  t.  t.  a.  a.  t.    a.      a.  t.  t. 

il  b  !      =: Ib    ■ 


.0      ■ 


Chapitre  Premier.  ^  Tonalité  grégorienne.  37 


.)  ,  .   ,1 


Troisième  Mode.  =  Mélodie  typique. 
a.    t.  a.  t.  a.       t.  t.  a.a.     t.    t.      a.  t.     t.t. 


f  ■ 

■  ■ 

■  un  ■ 

Í  ■ 

,     ;  ■  ■ 

■ 

■  ■    ^1 

I2Q.        à 

?  ■  * 

■ 

■ 

:    •  ?♦.>">  ">M 

■    ■    %               '      '   '^'H 

Térti-  a  di-  es    est  quod  haec  fácta    sunt. 

EXERCICE, 
a.   t.         a.    t.  a.       a.t.     a.  t.      t.  a.a.   t.  a.  t.    t. 


»-Hh 


130. 


«-7 — !■ 


♦     i 


r-« 


m» 


♦  -  T»^  MM  m 


■  ♦ 


J5-P. 


a.  a.a.  t.   a.t.  a.  t. 


a.  t.  a.     t.  t. 


Sn^r"''"  g.^i 


a.   t.  t.a.a.  t.       t.  a.  t. 


iHI-i — ^ 


^ 


♦     #!♦ 


♦•    ♦ 


i^ 


iV 


a.a.  L   a.     a.      t.a.  t.    a.   t.    a.    t.t.  t. 


tm- 


^"MN   l";""!^..     A», 


Quatrième  Mode.  =  Mélodie  typique. 


a.      t.      t.         a. 


a.  t.a.    a.    t.      a.a. t.  t. 


131. 


Í 


«— «- 


1 


^ 


*^ 


a^ 


■  i     ! 


m — ■- 


■    a. 


tM 


Quár-ta  vi-gí- li-  a  vé-nit    ad    é- os. 

EXERCICE. 
a.  t.  t.  a.  a.     a.    t.  a.    t.  a.     a.  t. 


132. 


iw^ 


♦r* 


§    ■' 


4 


♦r— «i 


a.a.      a.t.      t. 


■  ■  ■  ■   ♦. 


a.   t.  a.  t.    t.      a.a.    t.  a.a.a.t.  t.        a.     a.     t.     t.  a.    a.     t.      a.  t.     t, 


5=3 


-»♦- 


■t!?!? 


i;î^ 


— ■-■ 

■i — ¡V 


w^ 


Mi: 


■  ■ 


T»^i*  '  < 


38 

Deuxième  Partie. 

a.   t.    a.  t.  t.      a.t. 

a.     t.     a.       t.a.a.     t.     t.    t.t. 

^      ■Pa'Sèaa* 

jr»     ■%■    V 

^   %   ■"■   éS^     p..   .  • 

■  • 

1^    ■  r    d''  ^. 

Cinquième  Mode.  =  Mélodie  typique. 
a.       t  a.     t.  t.  t.  t.  a.a.  a.    t.  1. 1. 


133.  i 


< 

■  S  ■• 

— tts- 

■  ñ 

■ 

■ 

■  ■     ■ 

a 

"■  " 

in 

L' 

-• — 

■ 

• 

■ 

■- 

■    ■ 

.  '7^- 

Quinqué  prudén-tes     intra-vé-runt  ad  núpti-  as. 
a.  t.      a.t. 


^Vf^ 


EXERCICE, 
t.       a.     a.  t.  a.     t.  t.  a.  1. 1.     a.    t. 


a.       t.      a.    a.  t.    t. 


stA 


HMh 


ft^ 


■■     ■■    ■■ 


^♦-11^ 


134.    i 


1SC 


-i-l- 


a 

.  t. 

t. 

a.       t.     a.  t. 

a.       a 

.  t.a.a. 

1 

t.    t.  t. 

1 

a.    a.  a. 

fl     ■ 

♦è  ■ 

S    "Pi    Si 

•A! 

■■■% 

APa    ♦      1 

■ 

1 — v^ 

♦4 

■  ' 

■      ■■■p 

,S  ■ 

■■  1  ■. 

♦. 

■             1 

t.  t.   a.    a.     t. 

a.         t.  t.   t.      a.     a.     1. 1. 

t.    a.  a.        1. 1.    a.    t. 
1                 k 

P      ■            aspA    ■* 

M  !       >.                   •       "^^    • 

la"^    1 

5  ■     ■■i%i 

■■c5  sj     ;  i'^^,- 

a         ^l'^S 

%■ 

U-^ 

-C ^     ^\ 

Sixième  Mode.  =  Mélodie  typique. 


a.    a.      a.        t. 


t.        a. 


t.   a.a.    t.t. 


135. 


NTT^ 


í 


^=5f^ 


Séxta  ho-    ra   sé-dit  su-per  pu-té-  um. 


Chapitre  Premiei*.  —  Tonalité  grégorienne.  39 


EXERCICE, 
a.      t.     a.    t.     a.    t.t.  a.a.  t.   a.    t.  a.  t.     t.    a.    t.t. 


^ 


136. 


i^»^,% 


^ 


■    *.    ra 


■        ri- 


♦  ■  '>. 


m 


t.         a.         a.     t.  t.     a.        t.t.     a.a.      a.        a.  t.      a.  a.   t.  t.  a.    a.  t.  t. 


C  U.  -.— i 


— »»  L  il  A — "^-íIa: m 


♦x-^ 


11   wrm 


** 


-»-^ 


a.    a.    t.      a.  t.    a.  a.  a.  1. 1.    a.  1. 1.  t. 


■  ■■■>■ 


4 «h 


IW 


«-= — ♦ 


ffi 

Septième  Mode.   =  Mélodie  typique. 
a.  t.  a.         t.      a.  t.  t.a.a.t.    a.  t.  t. 


!■■■■■                    ■                  n^è    ■♦# 

137.  S    '           S        '       ,        -P.          ■?♦•'♦#' 

S    ,  ■         1  ■     ■  s.    ••     ♦• 

Séptem  sunt  Spi-ri-tus    ante  thró-num  Dé-  i. 
a.a.     t.  t.t. 

S  i^è 

■  *^  #%■ 

Î'"V 

EXERCICE. 


a.a.    a.  t.  a.      t.   t      a.a.   a.  t.        a.a.t.t.      a.  t.        a.     t.  a.    t.t. 


138. 


■    ¿^■■^•■è  ■ 

¿,A» 

^-f  \..A- 1 

^T^ 

s    <S      '•/♦ 

—  —  ■ 

■    à   Aa 

J            ♦    ♦• 

■ 

Î#5^V 

1 

a.a.  t.   a.     a.   t. 
I 


a.  a.  t.  t.  t.  a.a.  t.    t.  a.a.  t.  a.   t.     t.t. 


u.i«  ;  ■•  '  1^  %'i 


f— ¿^ 


♦      É    ♦ 


ï 


N'V»'^- 


40 


Deuxième  Partie. 


Huitième  Mode.  =  Mélodie  typique. 
a.      a.      t.  a.         a.  t.         t.    t.  a.t.  t.  t.  t.    a.  a.  t.  t.  t. 


«— ■- 


.*  I  i^  P, 


139.    l_HH-i-fV 


Octo    sunt  be-  a-ti-    tu-di-nes. 


EXERCICE, 
a.  t.    a.    t.  a.a.t.    t.  a.  t.  t.  a.       t.    t. 


a.  t.  t.  t. 


>♦ 


î^ 


140. 


>    1    ■• 


H-7 » 


■       ■• 


.♦il; » 


■   ♦. 


a.      t.  t.  a.       t.    t. 


a.  a.t.    1. 1.  a.   a.  t.    a.t.  a.      a. 


IHH 


=^ 


■    ■■ 


P  ^     ■        ■ 


«     ■• 


■  ■■?♦■ 


♦    ♦ 


t.      a.      t.  t.  t.    a.     a.  t.  t.t. 


a.  t.         t.  a.  t.  a.a.       a.  t.    a. 


-•«- 


»•-• »» 


•+« 


ftrV 


^R,   I  ,?Na 


^4-n.r-"-» 


a.     t.     t.t. 

a.  a.   t.  t.t. 

a. a.a.  t.      a.  a.      t.     t.  t. 
I 

1 

^      ■ 

1 
1 

■         ♦•ni   ■  • 

ïi"  JL 

3  1    ■■    ^J 

♦"V^. 

Si'^Ap, 

_  ;         '♦  •■  "-Si 

a.  a.    t.t.      a.t.  t.f. 


a.  a.  t.t.    t. 


■  ■■  I» 


\  ¡      m 


-.«n^ 


Chapitre  II.  —^  Chant  des  Psaumes.  41 

CHAPITRE   IL  ^-^- >-' 

Chant  des  Psaumes. 

Leur  Tonalité.  —  Psalmodie.  —  Parties  dont  se  compose  un  verset. 
—  Tableau  des  huit  tons.  —  La  dominante  et  la  finale.  —  Manière 
^  d^ adapter  le  texte.  —  Cadences  fixes  :  cadences  variables.  —  Cadences 
à  un  accent  :  cadences  à  deux  accents.  —  Règle  unique.  —  Intonation  : 
teneur  :  flexe  :  inédiai^te  :  terminaison.  —  Tonus  peregrinus.  — 
,  Me'diafîtes  solennelles.  —  Tonus  «  in  directurn  ».  —  Remarque.  — 
Du  diapason. 

Afin  de  grouper  ensemble  et  de  compléter  les  unes  par  les 
autres  les  notions  concernant  la  tonalité  grégorienne,  nous  donnons 
ici  le  chapitre  de  la  psalmodie. 

141.  —  Le  chant  des  psaumes  a  toujours  été  étroitement  uni  à 
celui  des  antiennes  qu'on  répétait  à  la  fin  de  chacun  d'eux  et  qu'on 
intercalait  même  entre  leurs  versets.  Mais  comme,  selon  le  sens  du 
texte  ou  le  goût  de  l'artiste,  les  antiennes  furent  écrites  indistincte- 
ment dans  les  huit  modes  que  nous  venons  d'étudier,  on  dut,  pour 
la  bonne  harmonie  de  l'ensemble,  composer  pour  le  chant  des 
psaumes  autant  de  formules  musicales  qu'il  y  a  de  tons. 

142.  —  'Ldi  psalmodie  est  le  chant  des  psaumes  et  des  cantiques 
de  l'Église. 

143.  —  Les  psaumes  se  divisent  en  versets  et  les  versets  en  deux 
parties  ou  hémistiches,  séparés  dans  les  livres  liturgiques  par  un 
astérisque  (*);  v.  gr.  : 

1.  Dixit  Dominus  Domino  meo  :  * 

2.  Sede  a  dextris  meis. 

144.  —  Quelques  versets  présentent  une  subdivision  supplémen- 
taire indiquée  par  une  f. 

145.  —  Dans  toute  formule  psalmodique  complète,  il  faut 
distinguer  :  à)  Vintonation  (initium,  inchoatio);  b)  la  teneur  ou 
dominante,  et  c)  les  cadences  au  nombre  de  deux  :  la  première 
partage  le  verset  par  le  milieu  et  s'appelle  pour  cela  mediante 
(mediatio);  la  seconde  termine  le  verset  et  reçoit  le  nom  de 
terminaison  pu  cadence  finale.  Entre  la  teneur  et  la  mediante  se 
place  la  petite  cadence  appelée  flexe  f .  Elle  n'est  employée  que 
lorsque  la  longueur  des  versets  et  le  sens  du  texte  la  réclament. 


42 


Deuxième  Partie. 


146.    —   Voici    les    formules    psalmodiques    complètes   d'après 
rEdition  vaticane. 

147.  —  Premier  Mode. 


eneur 


Finale 


Int. 


Teneur 


Prirnus  Tó-nus    sic     inci-  pi-  tur, 
Flexe  Mediante 

1 k-= 

-■ — »- 


Q    ■« 


Hi ■    "•  ■    ,     ■ 


sic  flécti-  tur,  t  et  sic  me-di-  à-  tur  :  * 


■    a    s 

ña 

D 

■ 

'  n 

♦; 

■ 

■    ■    ■ 

•4 

~D 

■ 

♦1 

-♦; 

■    ■    f^ 

-D 

■     '■ 

• 

■ 

"    .    i 

fl,* 

-i 

i". 

■ 

■  .  ! 

■• 

e 

- 

■  -  ■ 

■%• 

er^ 

" 

■  .  ■ 

■• 

e3 

"                                     <-» 

■ 

-* 

■      ■ 

a 

■ 

■• 

■  -  ■ 

S. 

a=' 

■" 

■   ■  ■ 

■ 

■* 

■    ■    i 

9. 

a3 

Atque   sic  fi- ni-   tur. 


Chapitre  II.  —  Chant  des  Psaumes. 


43 


148.  —  Second  Mode. 


Int. 


Teneur 


Se-cùndus  Tó-nus  sic    inri- pi- tur, 
Flexe  Mediante 


/  / 

■Î-HI ■ ■ ■ ■     ■    *    ■'      - 

J5 D-»= 


Teneur  Finale 


-■ — m- 


sic  flécti-tur,  jet  sicme-di-  á-tur:* 


149.  —  Troisième  Mode. 


D 


Atque    sic   fi-  ni-   tur. 


Teneur 


Finale 


_-i 


Int. 


Teneur 


Tér-ti-  us  Tó-nus  sic    inci-pi-tur, 
Flexe  Mediante 


/  /  / 

g    ■        ■ |-»-Hi '     ■    .      ■' 


sic  flécti-tur,  t  et  sic  me-di-  à-  tur:  * 


-»— ■ ■ — ■- 


•    a 


■     ■     ■ ■ R 


■•      a^ 


-«—■—• ■ K 


^-i-^ 


!1— g 


■   ■ 


l! g' 


Atque    sic     fi-  ni-  tur. 


44 


^  '   Deuxième  Partie. 


Int. 


150.  —  Quatrième  Mode. 

Teneur 

Teneur 


Í 


Quártus  Tó-nus    sic    incí-  pi-  tur, 
Flexe  Mediante 


■* — m- 


Q    ■• 


-• — ■- 


Finale 


L_g 


■    ■ 


Atque    sic    fi-  ni-   tun 


sic  flécti- tur  :  t  et  sic  me- di- à- tur:* 

151.  —  Quatrième  Mode,  dominante  r¿ 

Teneur 


Int. 


Teneur 


Finale 


Quártus  Tó-nus   sic    incí-  pi-  tur, 
Flexe  Mediante 

/  / 


P-^ 


■o-^'  ■   ■     1  ■ — î: 


■  ■  ■     ■    ■         1 

,: 

■     ■     ■        ■       *       *       a 


Atque    sic    ñ-  ni-   tur.,, 


sic  flécti- tur,  t  et  sic  me-di-  à- tur:* 

152.  —  Cinquième  Mode. 

Int.  Teneur 


Quintus  Tó-nus    sic    incí-  pi-  tur, 
Flexe  Mediante 


/ / 

~-m — ■ ■ — ■ — ■    ■  '    ■* 

S— Q-th 


Teneur 


Finale 


■ — ■ ■ ' — = — ■ 

5 th 


Atque     sic   fi-  ni-   tur. 


sic  ñécti-tur,  t  et  sic  me-di-  à-  tur:  * 


Chapitre  II.  —  Chant  des  Psaumes. 


45 


hit. 


t 


Í53.  —  Sixième  Mode. 
Teneur 

i 


Séxtus  Tó-nus    sic     inci-  pi-  tur 
Flexe  Mediante 

/  /        / 


-■ — m- 


+-r-.-^ 


Q    ■• 


■ — m  "       ■  .    ■ 


sic  flécti-  tur,  t  et  sic  me-di-  à-  tur  :  "^ 


-■ — ■ ■- 


Teneur 


Finale 


■    ■    »- 


Atque    sic   fi- ni-  tur. 


ou  et  sic  me-di-  à-  tur  :  * 


154.  —  Septième  Mode, 

Teneur  Finale 


Int. 


Teneur 


$    -     ¡«       ■■■■■■    tTJ 


f-rt 


Sé-ptimus  Tó-nus  sic    inci- pi- tur, 
Flexe  Mediante 


Í    ■        ■     Q    ■•        ■       ■ 

■  ■  ■  1 

i            °  ■ 

sic  flécti-  tur,  t  et  sic  me-di-  á-tur:  "^ 


■      ■      ■      *     ■ 

= = = — ■ — = 


■      ■      ■ 


■ 

■ 

■ 

—m- 

■ 

-    •■ 

■   i. 

■ 

■ 

■ 

" 

■ 

-    B-- 

■■     1  ■■, 

■      ■ 


Atque    sic  fi-  ni-  tur. 


46 


Deuxième  Partie. 


155.  —  Huitième  Mode. 

Teneur  Finale 


Int. 


Teneur 


Octá-vus  Tó-nus  sic    incí-  pi-  tur, 
Flexe  Mediante 


F- 

"^Tr* 

— »- 

-m— 

-*-*JL 

HH-r 

u    ■ 

1 

-■ — tt- 


-ñ — m- 


^t-^ 


sic  flécti-tur,  t  et  sic  me-di-  a- tur:  * 


Atque    sic   fi-  ni-  tur. 


156.  —  La  dominante  d'un  psaume  est  celle  du  ton  même 
auquel  il  appartient. 

157.  —  Les  formules  psalmodiques  des  i^r,  3me^  ^me^  ^me  et  8"^^ 
tons  sont  en  possession  de  plusieurs  cadences  finales.  Elles  ont  été 
composées,  moins  pour  la  variété  que  pour  établir,  après  le  dernier 
verset,  un  lien  plus  étroit  entre  psaume  et  antienne  qui  ne  font 
qu'un.  On  n'est  donc  pas  libre  de  prendre  la  première  cadence 
venue,  mais  il  faut  adopter  celle  qui,  musicalement,  ramène  mieux 
la  reprise  de  l'antienne.  L'application  de  cette  règle  ne  souffre,  en 
pratique,  aucune  difficulté,  les  livres  de  chant  accompagnant 
toujours  l'antienne  de  la  cadence  finale  qu'elle  réclame. 

158.  —  Savoir  adapter  les  différentes  formules  psalmodiques 
aux  différents  versets  de  chaque  psaume,  c'est  tout  le  secret  de  la 
psalmodie.  Un  mode  d'adaptation  est  donc  nécessaire,  et  il  devra 
être  d'autant  plus  précis,  simple  et  uniforme,  que  tout  le  peuple 
chrétien  est  appelé  à  prendre  part  au  chant  des  psaumes. 

Ce  mode  existe.  La  plus  pure  tradition  grégorienne  nous  l'a 
légué  et  l'Ecole  de  Solesmes  nous  l'a  rendu.  En  même  temps  qu'il 
est  simple  et  pratique,  il  est  le  plus  rationnel  et  le  plus  conforme 
aux  principes  qui,  dans  le  chant,  président  aux  relations  que 
paroles  et  musique  ont  entre  elles. 

159.  —  Ce  mode  d'adaptation  comprend  une  règle  unique  et 
très  simple  qui  sert,  non  seulement  pour  le  chant  des  psaumes, 
mais  encore  pour  les  récitatifs  -.oraisons^épîtres^évangiles^ prophéties _ 
leçons...  etc. 


Chapitre  II.  —  Chant  des  Psaumes.  47 

160.  —  Écartons  d'abord  les  formules  musicales  qui  ne  souffrent 
aucune  modification,  quelle  que  soit  la  nature  des  syllabes  qui  leur 
correspondent,  v.  gr.  :  l'intonation  ou  initium  des  psaumes  dont  il 
sera  bientôt  question. 

161.  —  Il  y  a  deux  sortes  de  cadences  psalmodiques  tant  pour 
la  mediante  que  pour  la  terminaison; 

la  cadence  à  un  accent  : 


f 

a 

■ 

i 

Dómi-nus  Dé-  us  mé-  us 
et  celle  à  deux  accents  : 


i-HI . 

■       ■     ■      ■  ■ 

1 


Dómi-nus  Dé-  us  mé-  us 

La  première  se  compose  de  deux  notes  et  la  seconde  de  quatre. 

L'une  et  l'autre  sont  basées  sur  un  type  syllabique  appelé  spondée 
tonique,  soit  un  mot  de  deux  syllabes  avec  accent  sur  la  première. 

La  cadence  à  un  accent  sera  simplement  spondaïque;  celle  à 
deux  accents,  qui  comprend  deux  spondées,  s'appellera  dispon- 
daïque. 

Ces  deux  sortes  de  cadences  ont  été  calquées  sur  le  spondée  parce 
que,  avec  deux  syllabes  seulement,  ce  mot  fournit  la  matière  d'un 
rythme  complet,  et  peut-être  aussi  parce  que  le  type  spondaïque  est 
celui  qui  apparaît  le  plus  souvent  au  milieu  et  à  la  fin  des  versets. 

Tant  que  le  texte  ne  présente  que  des  spondées,  soit  un  mot  de 
deux  syllabes,  soit  un  mot  de  plusieurs  syllabes  mais  accentué  à  la 
pénultième,  l'adaptation  des  syllabes  aux  notes  se  fait  d'elle-même. 
Il  n'y  a  qu'à  chanter  les  notes  comme  elles  viennent,  et  la  note 
accentuée  correspond  infailliblement  avec  l'accent  du  texte. 

Il  en  est  tout  autrement  quand  au  lieu  d'un  spondée  (mot 
paroxyton)  se  présente  un  dactyle  (mot  proparoxyton).  C'est  ici 
que  la  difficulté  commence  et  que  la  règle  unique,  dont  nous  avons 
parlé,  trouve  son  application. 

Il  y  a  dactyle,  à  la  mediante  ou  à  la  terminaison,  chaque  fois  que 
le  dernier  accent  est  suivi  de  deux  svllabes  atones.  Ex.  :  Dóminus 
super  nos,  Jeî'usalem. 


48 


Deuxième  Partie. 


162.  —  Règle  unique. 

Elle  consiste  à  transformer  le  spondée  musical  en  dactyÎe' 
musical,  en  anticipant  sur  l'accent  du  dactyle  tonique  la  note 
d'accent  et  en  répétant  la  note  suivante  sur  la  première  syllabe 
postcnique.  Dans  les  exemples  ci-dessous,  qui  montrent  comment 
se  fait  l'opération,  cette  note  est  évidée. 

Ainsi  le  moule  musical  primitif  n'est  pas  brisé,  il  n'est  qu'élargi 
et  le  rythme  de  la  cadence  est  sauvé. 

D'après  cette  règle  toutes  les  cadences  psalmodiques  seront 
spondaïques  ou  dactyliques  et  il  n'y  en  aura  pas  d'autres. 

163.  —  Cadences  spondaïques  et  dactyliques  à  un  accent  : 


Dé-  us 

Do-mi-    nus 
es  tu 

su- per  nos 
vivifica-  vit  me 
vivífica  me 

Si-  on 

Jeru-  sa-    lem 

164. —  Cadences  spondaïques  à  deux  accents 


12  ■ 


in-  i-mi-  cos     tu-    os 
Do-mi-  nus    ex    Si-     on 
Dé-    us  mé-     us 
vi-  VÍ-    fi-     ca  me 
pá-  cem  de     te 


165.- 


Cadences  spondaïques  ou  dactyliques  à  deux  accents  : 


là  ■ 


<<  :'  s 


Dó-mi-no  mé-  o 

implé-  bit  ru-     i-  nas 

pu-    e-  ri  Dó-mí-  num 
vivi-  fi-   ca-  bit  me 


ob  •  i 


Chapitre  II.  —  Chant  des  Psaumes.  49 

l66.  —  Les  cadences  ne  pouvant  être  que  spondaïques  ou 
dactyliques,  toutes  les  fois  qu'il  surviendra  plus  de  deux  syllabes 
après  l'accent  on  n'essayera  pas  de  la  faire  coïncider  avec  la  note 
accentuée,  ■  ^ 

/    1      2       3  ,.,-.vi( 


Ê^ 


-Q — D- 


— --    sté*  ri- lem  in  domo 

mais  on  conservera  à  la  cadence  musicale  sa  forme  spondaïque 
originelle  comme  il  suit  : 

e- .  .b.  ■ — ^ 


sté-  ri-  lem  in  domo 


Vouloir  à  tout  prix  faire  concorder  la  note  et  la  syllabe 
accentuées  quand  elles  sont  trop  loin  l'une  de  l'autre,  c'est  faire 
éclater  le  moule  musical,  qui  ne  peut  contenir  tant  de  syllabes,  et 
détruire  le  rythme.  Le  spondée  musical,  au  contraire,  sauve  et  l'ac- 
cent et  le  rythme.  L'accent  de  stérilem,  que  le  chantre  doit  marquer 
au,  passage,  ne  venant  pas  immédiatement  avant  le  si  bémol  mais 
en  étant  séparé  par  une  syllabe  intermédiaire,  ne  souffre  aucune 
atteinte,  et  la  cadence  musicale  garde  son  rythme  en  conservant 
sa  forme. 

167.  —  Le  mode  de  psalmodie,  que  nous  exposons  avec  un  peu 
plus  de  développement  que  ne  l'a  fait  l'auteur,  ignore  complètement 
les  mediantes  dites  rompues.  C'est  pourquoi  sans  doute  la  Méthode 
espagnole  n'en  prononce  pas  même  le  nom. 

Ces  mediantes,  inconnues  de  l'ancienne  psalmodie  romaine,  ne 
sauraient  être  appelées  «  cadences  »,  puisqu'elles  sont  privées  de 
l'élément  essentiel  de  toute  cadence  :  la  noie  de  repos.  Elles  restent 
suspendues  en  l'air,  sur  la  note  élevée,  et  il  faut  attendre  la 
continuation  du  verset  pour  que  disparaisse  l'effet  de  surprise 
qu'elles  produisent  et  pour  que  la  psalmodie,  un  moment  égarée, 
retrouve  le  chemin  qu'elle  semblait  avoir  perdu. 

Ajoutons  qu'au  point  de  vue  pratique  les  mediantes  rompues 
rendent  l'exécution  de  la  psalmodie  plus  difficile,  surtout  si,  voulant 
être  conséquent  avec  soi-même,  on  les  faisait  dans  tous  les  tons. 

C'est  tout  ce  que  nous  pouvons  dire  ici  d'un  genre  de  mediantes 
étrangères  à  notre  plan  et  dont  nous  ne  faisons  mention  que  pour 
mémoire.  Nous  avons  hâte  de  terminer  ce  paragraphe  sur  les 
cadences  psalmodiques  en  revenant  à  la  règle  unique,  simple  et 


50 


Deuxième  Partie. 


estiiétique  de  la  psalmodie  romaine  et  en  l'appliquant  aux  mots 
hébreux  et  aux  monosyllabes. 

Les  mots  hébreux  sont  accentués  à  la  manière  latine  comme 
quand  on  lit  et  comme  l'indiquent  d'ailleurs  les  bréviaires  et  les 
livres  de  chant  eux-mêmes;  les  monosyllabes  coïncident  toujours 
avec  la  dernière  note  de  la  cadence. 


Do-mi-  nus   ex    Si-  on 

pá-  cem  de         te 
Dó-mi-nus    su- per  te 
pro-  pi-  ti-    à-  ti-       o  est 


En  z\\'d.n\.d,Víí  propitiátio  est,  on  fera  ressortir  l'accent  tonique  à  et 
on  évitera  de  forcer  la  voix  sur  la  note  élevée  de  la  syllabe  o. 

Nous  avons  à  parler  maintenant  en  particulier  de  chaque  partie 
des  versets. 

l68.  —  Intonation. 

L'intonation  est  une  formule  mélodique  qui  sert  de  lien  ou  de 
transition  entre  la  fin  de  l'antienne  et  la  dominante  du  psaume. 

Elle  comprend  deux  ou  trois  notes  ou  groupes  de  notes  qui 
s'adaptent  à  autant  de  syllabes. 

Voici  la  formule  d'intonation  propre  à  chaque  ton. 

Mode  :  \ 1 Mode  : 

ler  et  6e 


b          , 

■ 

■   ■   ■   ■ 

S  v  ■ 

DÍ-  xit 

Cré-  di- 

Be-    á- 

Con-fi- 

Dó-mi-nus 
di  pro-pter 
tus  vir  qui 
té-bor  ti-bi 

"  *  i^ 

■ 

2^  > 

^ 

■ 

^ 

«5^  « 

^ 

,     " 

f 

5         ,     " 

8^        ■     ■ 

DÍ-  xit  DÓ- 
Cré-  di-    di 
Be-    à-    tus 
Con-fi-    té- 
Li  con-ver- 

mi-   nus 
pro-pter 
vir  qui 
bor  ti-bi 
tén-  do 

Chapitre  II.  —  Chant  des  Psaumes.  51 

Comme  on  le  voit,  aux  intonations  de  deux  notes  ou  groupes  de 
notes  on  adapte  les  deux  premières  syllabes  du  verset;  à  celles  de 
trois  notes  on  adapte  les  trois  premières  syllabes. 

Cette  règle  est  sans  exception. 

Cependant,  pour  éviter  toute  équivoque,  disons  tout  de  suite  que 
la  mélodie  n'exige  que  le  respect  de  la  disposition  matérielle  des 
notes  ou  groupes;  elle  n'influe  en  rien  sur  l'accent  du  mot. 

On  chantera  donc  : 

C      ■  . 


Cré-  di-  di 


et  non  Credidi.  Pour  éviter  ce  défaut,  il  faut  glisser  doucement  sur 
les  notes  de  la  syllabe  qui  ne  porte  pas  l'accent,  mais  sans  rien 
enlever  de  leur  durée, 

169.  —  Les  formules  d'intonation  données  ci-dessus  sont 
communes  aux  psaumes  et  aux  cantiques  évangéliques  :  Benedictus, 
Magnificat  et  Nu7tc  dimittis,  excepté  le  Magnificat  des  2"^^  et  8"^^ 
modes  dont  l'intonation  est  la  suivante  : 


Magni-   fi-cat  * 

170.  —  L'intonation  se  fait  au  commencement  du  premier 
psaume  à  toutes  les  Heures,  même  aux  offices  de  la  férié  et 
des  défunts. 

On  la  répète  au  commencement  de  chaque  psaurhè  quand  on  en 
chante  plusieurs  sur  une  seule  antienne,  pourvu  que  chacun  d'eux 
se  termine  par  le  Gloria  Patri. 

Tous  les  autres  versets  commencent  recto  tono^  c'est-à-dire  par 
la  teneur.  ■■;... 

171.  —  Mais  aux  trois  cantiques  évangéliques  :  BenedictuSy 
Magnificat  et  Nunc  diinittis^  pour  plus  de  solennité,  l'intonation  se 
fait  à  tous  les  versets. 


172.  —  La  teneur,  ou  dominante,  se  compose  des  notes  qui  se 
chantent  sur  le  même  degré  depuis  l'intonation  jusqu'à  la 
mediante,  et  de  la  mediante  jusqu'à  la  terminaison. 

La  dominante  sur  laquelle  se  fait  la  récitation  du  psaume  n'est 
autre  que  celle  du  ton  auquel  il  appartient.  C'est  une  preuve  de 
plus  en  faveur  du  rôle  important  que  joue  cette  note. 


52  :\  :  '  Deuxième  Partie. 


•  •  173»  —  Pour  bien  exécuter  la  teneur,  il  suffit  d'observer  les  'lois 
d'une  bonne  lecture  et  surtout  la  loi  de  l'accentuation,  car  ¿'est 
du  texte  que  dépendent  la  valeur  et  l'intensité  des  notes;  elles  rie 
reçoivent  que  de  lui  leur  vie,  leur  énergie  et  par  là-même  leur 
rythme  oratoire. 

n  importe,  de  plus,  que  le  mouvement  de  la  teneur  soit  assez 
vif  pour  pouvoir  aller  d'un  trait  jusqu'à  la  mediante,  et  de 'la 
mediante  à  la  fin  du  verset  sans  respirer;  mais  il  ne  le  sera  jamais 
au  point  de  tomber  dans  la  précipitation  et  de  faire  perdre  ainsi 
à  la  psalmodie  le  caractère  de  prière  qu'elle  doit  revêtir. 

174.  —  On  ralentira  légèrement  le  mouvement  en  arrivant  aux 
cadences  comme  s'il  était  marqué  «  cantando  »,  tandis  que  durant  la 
teneur  il  sera  exécuté  comme  s'il  était  indiqué  «  recitando  ». 

Introduite  avec  discrétion,  cette  délicate  nuance  du  mouvement 
entre  la  teneur  et  les  cadences  donne  à  la  psalmodie  un  charme 
particulier  et  une  variété  agréable,  bien  propres  à  exciter  en  nous 
la  sainte  ferveur  de  la  dévotion;  en  même  temps  le  chant  si  simple 
des  psaumes  s'empare  de  nos  sens  et  les  élève,  en  quelque  sorte  à 
notre  insu,  jusqu'à  transformer  la  psalmodie  en  une  douce,  suave 
et  paisible  méditation  de  la  parole  sacrée. 


175.  —  La  flexe  (f),  quand  elle  a  lieu,  permet  une  légère 
interruption  dans  la  récitation  de  la  teneur. 

176.  —  Elle  appartient  aux  cadences  à  un  accent.  On  la  marque 
par  l'inflexion  mélodique  d'une  seconde  majeure  ou  d'une  tierce 
mineure  selon  les  modes. 

Teneur  Flexe 

/     *      • 


Modes  ler,  4e  et  6^ 


\ 


■   ■   ■ ■   ■   ■ 


t 


Modes  2«,  3^  5=,  8'=  Si'''       '''q»- 


t 


I ■      ■      ■  ■      ■      ■ 

Mode  7e   n 


Dé-  us,    t 

Dó-ini-  nus 
su-  per  te 

in        te 

Is-ra-    el 


Chapitre  II.—  Chant  des  Psaumes.  53 

177.  ^—  On  peut  respirer  après  la  flexe,  si' on  en  sent  le  besoin, 
mais  à  la  condition  de  le  faire  sur  la  valeur  de  la  dernière  note  qui, 
dans  ce  tas, 'se  prolonge  un  peu  moins.  > 

IjS.  —  Médiatite. 

Pour  bien  la  faire,  qu'on  mette  en  pratique  ce  qui  a  été  dit  au 
sujet  de  la  teneur  et  du  léger  changement  de  mouvement  quand 
on  arrive  à  la  cadence. 

'179.  -^  Ainsi  qu'on  peut  le  voir  dans  le  tableau  des  huit  tons,  il 
y  a  des  mediantes  à  un  et  à  deux  accents. 

'180.  —  La  manière  d'adapter  les  syllabes  aux  notes  des 
cadences  a  été  suffisamment  expliquée.  Si,  avant  l'accent  d'une 
cadence,  il  y  a  des  notes  ou  groupes  de  notes  appelés  «  de  prépa- 
ration »,  ces  notes  ou  ces  groupes  ne  se  déplacent  jamais  et 
reçoivent  indistinctement  les  syllabes  comme  elles  se  présentent. 

Un  exemple  : 


fl 

Teneur 

notes  de  prép. 

+       + 

Mediante 
/ 

■ 

"       ■       ■ 

■         ■       ■ 

•  4e  Mode 

Do-nec    pó-nam     in-  i-    mi-    cos      tu-  os 

■       '  Pá-    tri       et      Fi-     li-     o 

ut    pér-  de-      rent      me 

181.  —  Nous  avons  dit,  en  parlant  de  la  formation  des  cadences 
dactyliques,  que  la  seconde  syllabe  du  dactyle,  v.  gr.  Dôminus,  se 
place  toujours  sur  le  même  degré  que  la  note  suivante.  Nous 
devons  signaler  ici  une  exception  concernant  la  cadence  du 
dernier  accent  de  la  mediante  du  troisième  ton. 

Dans  cette  cadence,  au  lieu  de  chanter  : 


e-^ 


-Q — ■- 


pli-  e- ri  Dó-mi-num  * 
su-  per  te      * 


On  fait  correspondre  l'accent  avec  le  do  qui  précède  la  clivîs, 
laissant  celle-ci  pour  la  syllabe  atone  7ni  : 


-Q — »- 


pu-  e-  ri  Do-mi-   num  * 
su-  per    te      * 


54  Deuxième  Partie. 


Cette  adaptation,  particulière  au  troisième  mode,  est  motivée 
par  la  place  fixe  qu'occupe  la  clivis  sur  la  pénultième,  accentuée  ou 
non,  de  la  mediante.  En  fait,  nous  sommes  ici  en  présence 
d'une  cadence  spondaïque  immuable.  Elle  ne  pourrait  subir  un 
changement  sans  perdre  aussitôt  son  rythme.  Pratiquement,  la 
clivis  est  forte  ou  faible  selon  la  nature  de  la  syllabe  qu'elle 
rencontre. 

182.  —  Après  la  dernière  note  de  la  mediante,  dont  la  valeur 
est  doublée,  vient  la  pause  marquée  par  X astérisque. 

Il  est  difficile,  dans  une  méthode,  d'apprécier  à  sa  juste  valeur 
la  durée  de  cette  pause  ou  silence,  qui  doit  se  faire  avec  aisance  et 
non  avec  une  rigueur  mathématique.  Elle  équivaut  approximati- 
vement à  la  valeur  de  quatre  syllabes  ordinaires  ou  de  deux  temps 
retardés. 

183.  —  Terminaison. 

Tout  ce  qui  a  été  dit  des  cadences  de  la  mediante  s'applique  à 
celles  de  la  terminaison. 

184.  —  Il  faut  remarquer  qu'aux  cadences  finales  a  ç!i  b  àw 
troisième  ton  et  à  toutes  celles  du  septième,  la  seconde  note  du 
dernier  dactyle  ne  se  chante  pas  sur  le  degré  de  la  note  suivante, 
mais  bien  sur  celui  de  la  note  précédente,  c'est-à-dire  sur  la  note 
de  l'accent. 


\ 


-•— D- 


■V 


nomen  Demi-  ni 

Dans  quelques  tons,  il  se  présente  deux  cas  de  cadence  finale 
avec  note  d'accent  anticipée;  ce  sont  : 

r 


\ 


I   D2  *  ■         .  Q       i 


fl = FB- 


.  saé-  eu-   lum  saé-cu-    li 
dormitet  qui    eu-   stó-  dit    te 


\ 


-!— + 


-C3 »- 


au  lieu  de  saé-  eu-   lum  saé-cu-    li 

dormitet  qui    eu-   stó-  dit   te 


Chapitre  II.  —  Chant  des  Psaumes. 


4E 


in  saé-  eu-  lum  saé-cu-    li 
dormi-    tet  qui  eu-    sto-  dit  te 


55 


au  lieu  de  in  saé   eu-  lum  saé-cu-  li 

dormi-    tet  qui  eu-    sto-  dit  te 

185.  —  La  pause  qui  doit  se  faire  après  la  terminaison,  c'est-à- 
dire  entre  deux  versets  et  avant  la  reprise  de  l'antienne,  équivaut 
à  la  durée  de  la  dernière  note  ou  syllabe. 

186.  —  Le  psaume  In  exitu  Israël,  chaque  fois  qu'il  se  chante  à 
Vêpres  et,  dans  certains  cas,  le  Laúdate  pueri  de  Vêpres  et  le 
Benedicite  des  Laudes  emploient  un  ton  spécial  appelé  Peregrinus. 

Premier  verset  / 


h- 


V 


-m — ■— ■- 


t 


* 


i 


In  éx-i-tu      Isra-  el  de  Aegypto,    *  domus  Já-cob  de  po- 
/  Tous  les  autres 


t 


■    ■ 


■     ■     ■ 


J!^ 


pu-lo  bárba-ro.       Má-re  vi-  dit    et  fú-git  :  *  Jordá-nis,  etc. 

187.  —  Les  éditions  de  Solesmes  sont  autorisées  à  proposer  la 
mediante  authentique  suivante  : 


■m — ■- 


t 


-« — ■- 


V 


Isra-  el  de  Aegypto.      Má-re  vi-  dit    et  fú-git. 

Des  deux  côtés  la  cadence  de  la  mediante  est  à  un  accent,  mais 
avec  trois  notes  de  préparation  dans  la  leçon  solesmienne. 


56 


Deuxième  Partie.     » '^  ^ 


l88.  —  Mediantes  solennelles. 


Aux  jours  solennels  on  peut  employer  pour 4ôus  les  versets  du 

Magnificat  la  formule  suivante  : "  ^    ' 


I"  et  6*= 


-i — ■— •- 


frH 


ftr-i 


Et  exsultá-vit  spí-    ri-    tus  mé-  -=^--=-  us     * 
mi-hi    má-gna  qui     pot-  ens  est  :  * 


»_^,s   . 


B* 

fl 

■     ■■         ■          S         '           Sn         ■* 

2=  et  8^ 

% 

II 

.^■■■l"                      Bul 

■ 

^  « 

II 

Et 

exsultá-vit  spí-     ri-    tus  mé-  ..'  .'.iis\  .*...  .  .  ..: 

má-gna  qui     pót-éns  est:*  j -Vf 

....       1       -       -        -          •  -•'    ^  ■  ■''-^- 

■ 

j 

%: 

• 

i  '  ->  ■•• 

3^ 

■ 

ñ 

Et 

exsultá-vit  spí-    ri-    tus  mé-           us     * 
má-gna  qui     pot- ens  est:* 

% 

■       ■■■         ■         '         '          Sn         ■* 

4' 

■       ■■■%■                     lOi 

Et  exsultá-vit  spí-    ri-    tus  mé-  us 


ma-gna  qui     pot- ens  est: 

■"  -  -    j  : 


.  * 


5^  ! 


i ■    ■    ■ ■ ■ 5 5 — Q m^ 

1 a 

■ — 


Et  exsultá-vit  spí-     ri-    tus  me- 


us 


T  E 


ma-gna  qui     pot-  ens  est  : 

.  ■  ■  ■ — î-o— •— °^^i— s 


.  * 


Ma-  gni-    fi-cat  * 

Et     exsultá-vit  spí-  ri-  tus      mé-      us     * 
magna  qui  pot-  ens   est  :  * 


*  Accents  anticipés. 


Chapitre  IT.  —  Chant  des  Psaumes. 


57 


XSç,  —  Pour  les  psaumes  qui  se  chantent  sans  antienne,  comme 
il  '  s'en  présente  aux  prières  pour  les  défunts  ou  à  la  suite  dès 
litanies  des  saints,  on  emploie  le  ton  suivant,  appelé  In  directunt  : 


h=i 


Sic    inci-pi-  es  et  sic  fa-ci-  es  fléxam,     sic  ve-ro  métrum  * 


\ 


-» — ■ — ■- 


sic    autem  púnctum. 

Remarque. 

Si  le  texte  est  trop  court  pour  pouvoir,  tant  à  la  mediante  qu'à 
la  terminaison,  l'adapter  à  toutes  les  notes  de  la  formule,  on 
applique  la  règle  que  voici  : 

Mediante. 

On  commence  par  la  dominante  et  on  réunit  sur  les  premières 
syllabes  toutes  les  notes  de  la  formule,  jusqu'à  ce  qu'on  arrive  à 
l'accent  tonique  qui  doit  toujours  coïncider  avec  l'accent  musical. 


ler 


6e 


Qui     fá-cit  haec. 


Qui       fá-cit  haec. 

>  Terminaison. 

On  commence  par  la  note  quelle  qu'elle  soit  qui  répond  logi- 
quement à  la  première  syllabe  du  texte,  en  comptant  à  partir  du 
dernier  accent  tonique  qui  doit  toujours  correspondre  avec  l'accent 
mélodique.  Quant  aux  notes  ou  groupes  de  notes  que  le  manque 
de  texte  laisse  sans  emploi,  on  les  supprime  carrément. 


i 


per 


6= 


\ 


Í 


-Q— »- 


et  timu-  i 


fí- 


at,  fí-       at 
et    timu-  i 
190.  Du  diapason. 

Le  choix  du  diapason  à  adopter  dans  le  chant  dépend  de 
l'extension  moyenne  des  voix  qui  composent  un  chœur.  Selon  les 
cas,  on  prendra  pour  dominante  le  /¿z,  le  si^^  le  si^  et  même  le.  do. 


58 


Deuxième  Partie. 


191.  —  Dans  le  chant  des  Heures  de  l'Office  divin,  il  convient 
d'adopter  une  seule  dominante  pour  toutes  les  antiennes  et  les 
psaumes,  afin  que  la  corde  récitative  des  psaumes  soit  la  même 
dans  tous  les  tons  : 


la      fa 


re 


do 


192.  —  Le  passage  d'une  antienne  à  l'autre,  sans  changer  de 
dominante,  peut  se  faire  de  deux  manières  : 

Première  manière.  L'antienne  que  l'on  chantait  étant  terminée, 
on  met  immédiatement  au  même  diapason  la  dominante  de  celle 
qui  la  suit;  puis,  ne  tenant  plus  compte  du  mode  dans  lequel  était 
écrite  la  première,  on  descend  ou  on  monte  jusqu'à  ce  qu'on  ait 
rencontré  la  note  par  laquelle  commence  la  seconde. 

Deuxième  manière.  On  sait  qu'avec  la  corde  chorale  ou  teneur^ 
les  notes,  qui  sont  à  la  quarte  et  à  la  quinte  en  dessous  de  la 
dominante  ainsi  unifiée,  sonnent  à  l'unisson. 


Í • !-V» ! ■ ! %^- 

la    uii     ré        fa  do     si        7'é     la     sol      do      sol  fa,  etc.. 

La  plupart  de  ces  notes  jouent,  selon  les  modes,  le  rôle  de 
dominantes  ou  de  toniques.  —  Si  la  nouvelle  antienne  commence 
par  une  d'elles,  la  transition  ne  présente  aucune  difficulté,  la 
première  note  est  émise  comme  si  cette  seconde  antienne 
continuait  dans  le  même  ton  que  la  précédente. 


fl 

ler 

5 

e 

■ 

Í               ■     - 

-     ■     _ 

•         ■ 

" 

■ 

■■       ,• 

,• 

■ 

fl 

ler 

■ 

■ 

8e 

1 

*     ■ 

-     ■     - 

«     ■ 

A                          a 

■ 

-Ît-«^ 

-H^— 

0    1 

■ 

>     g     ■ 

Quant  aux  seconde  et  troisième  notes  sous  la  dominante,  dans  les 
premier,  quatrième  et  sixième  modes,  elles  se  rencontrent  à  l'unisson; 
de  même  dans  les  second^  troisième,  cinquième  et  huitième.        ^    .  , 


Chapitre  III.  —  Du  rythme. 


59 


6« 


26 

3^ 

5^ 

8e 

■!      a 

•        Q 

rt 

S      °      ■      , 

■                  ■        ■ 

°            ■            , 

°       ■       , 

■ 

■ 

Le  quatrième  mode  appelé  transposé  ^X.  le  septième  appartiennent 
à  ceux  du  premier  groupe  quant  à  la  seconde  note  (un  ton  entier) 
sous  la  dominante  ;  quant  à  leur  troisième  note  (tierce  mineure),  ils 
sont  rangés  avec  ceux  du  second. 

A  toutes  ces  notes  on  appliquera,  dans  le  passage  d'une  antienne 
à  l'autre,  le  même  procédé  que  pour  la  quarte,  la  quinte  et  la 
dominante. 


CHAPITRE   m. 


Du  rythme. 

Avertissement  préliminaire.  —  Qu'est-ce  que  le  rythme  :  matière  et 

forme.  —  Arts  de  repos  et  ai'ts  de  mouvement.  —   Qu'est-ce  qui 

détermine  lafoi'me  du  rythme.  —  Rythme  élémentaire  ou  à  temps 

simples.  —  Arsis,  thésis.  —  Temps  composé.  —  Rythjne  simple  à 

temps  composés.  —  Neutralité  des  groupes.  —  Rythme  composé  : 

par  juxtaposition^  par  contraction.  —    Thésis   masculine^   thésis 

féminine.    —    Lictus    rythmique.    —    Différence    entre    accent^ 

impulsion  et  ictus.  —  L'accent  tonique  dans  ses  relations  avec  le 

rythme.  —  Indivisibilité  du  temps  simple.  —  Rythme  mesuré  et 

rythme  libre.  —  La  mesure.  —  La  syncope.  —  Accidents   du 

rythme. 

193.  —  Avant  d'entreprendre  l'étude  du  rythme  du  chant 
grégorien,  il  convient  de  rappeler  que  ce  chant  possède  _une  vie 
propre,  que  dans  sa  constitution  interne  il  s'écarte  des  théories  de 
la  musique  figurée,  et  que  la  langue  latine,  qu'il  accompagne  et 
dont  il  a  épousé  le  rythme,  diffère  des  langues  modernes  par  des 
caractères  bien  distincts. 

Cette  première  observation  étant  faite,  une  seconde  s'impose. 
Nous  ne  pouvons  pas  procéder  à  l'application  immédiate  au  chant 
grégorien  des  lois  générales  du  rythme,  sans  avoir  préalablement 


6Q  ,:  î  r  'LDeuxième  Partie. 


étudié   celui-ci  en   lui-même,  c'est-à-dire  «  nu,  dépouillé   de   tous 
ses  ornements  mélodiques  et  oratoires  ^  ». 

«  Cette  étude_est  d'autant  .pfua  nécessaire  à  notre  époque  que 
nombre  de  musiciens  et  de  métriciens  prennent  pour  des  lois 
absolues  du  rythme  des  faits  qui  n'en  sont  que  des  applications 
spéciales  et  restreintes  à  telle  langue,  à  telle  espèce  de  n>.usique. 
Débrouiller,  le  rythme  de  toutes  ces  matières  qui  l'enveloppent, 
l'enlacent  et  en  font- méconnaître  la  vraie  nature  :  c'est  le  travail 
qui  doit  occuper  d'abord  l'étudiant  2  ». 

Commençons  par  définir  le  rythme,  et  il  nous  sera  ensuite  plus 
facile  de  le  comprendre  en  expliquant  sa  matière  et  sa  forme. 

.    194.  — ■  Le  rythme  est  l'ordonnance  du  mouvement. 

195.  —  \^2.  matière,  ce  sont  les  sons  et  les  mouvements  des  corps. 

196.  —  l^difojnjie,  c'est  l'ordre  par  lequel  les  sons  et  les  mouve- 
ments sont  mis  en  relation  entre  eux. 

197.  —  Nous  réduisons  ici  la  uiatière  du  rythme  au  son  et  au 
mouvement  des  corps,  parce  qu'il  ne  s'agit  pas  du  rythme  en  tant 
qu'il  peut  être  considéré  dans  tous  les  arts,  mais  seulement  en 
tant  qu'il  se  rapporte  à  une  catégorie  d'arts  très  déterminée  :  les 
arts  de  moîivevient. 

«  On  sait  que  chez  les  Grecs,  les  arts,  au  nombre  de  six,  se 
groupaient  en  deux  triades  : 

,  1°  L'architecture,  la  sculpture,  la  peinture; 
2^  La  musique,  la  poésie,  la  danse  ou  orchestique, 
«  Dans  la  première  triade,  le  Beau,  qui  est  le  but  de  l'art,  est 
réalisé  à  Vétat  d'arrêt,  de  repos  :  ses  divers  éléments  sont  juxtaposés 
dans   \Espace;    il   n'est   pas    représenté    dans    un    développement 
successif,  mais  fixé  dans  un  moment  unique  de  son  existence. 

«  Dans  la  deuxième  triade,  le  Beau  est  réalisé  à  Xétat  de 
rnouvement,  par  la  succession  de  ses  éléments  dans  le  Temps. 

«  Les  premiers,  arts  de  repos,  sont  en  relation  avec  Y  Espace  ;  les 
seconds,  arts  de  mouvement,  le  sont  avec  le  Temps  ». 

198.  —  De  la  définition  passons  à  l'exposition  du  rythme 
musical.  Et  d'abord  écartons  ce  qui  ne  serait  pas  conforme  au 
principe  que  nous  avons  énoncé,  à  savoir  :  que  la  forme  du  rythme 

^  Cette  étude  du  rythme  en  lui-même,  séparé  d'un  texte  et  de  toute  mélodie, 
ne  peut  être  faite  ici  que  d'une  manière  très  sommaire.  On  la  trouvera 
développée  avec  l'ampleur  et  l'autorité  qu'elle  réclame  dans  le  No7nbre  musical 
grégorien. 

'  Les  passages,  qui  dans  les  chapitres  consacrés  au  rythme  se  trouvent  entre 
guillemets,  sont  cités  textuellement  de  Dom  Mocquereau. 


ChapitF^j  III.  'j^/ÍL)u  fYthme.  61) 

établit  entre  ses  éléments  la  reil^tipn  :ijiéGessaire  pour  qu'ilsi  forment 
un  seul  tout,  une  eníüé  jy^/ipnç^e.    .  ,         .    <  :      .    .' 

Serait-ce,  en  effet,  être  conséquent  a^vec  ce:  principe  fondamental 
d'avancer,  par  exemple,  que  le  rythme  consiste  dans  la  succession 
rapicjeiou  lente,  dans  l'émission  forte  ou  faible,  ou  dans  la  qualité 
phonétique  des  sons?  Serait-ce  même;  donner  l'idée  complète  du 
rythme,  de  dire  qu'il  réside  dans  une  série, de  sons  juxtaposés, 
n'ayant  entre  eux  d'autre  relation  que  celle  de  la  continuité?     .   i.  > 

Assurément  non;  car,  dans  tous  ces  cas,  nous  ne  considérons  pas 
les  éléments  du  rythme  groupés  ensemble  et  agissant  de  concert 
sous  l'influence  d'un  facteur  unique  qui  les  dirige. tous  vers  un  but 
commun,  mais  nous  les  envisageons  isolés,  sans  lien  entre  eux  et 
sans  subordination  à  un  élément  supérieur,  D'un  côté,  nous  n'avons 
égard  qu'à  des  éléments  individuels  du  rythme,  qui  sont  les 
qualités  que  peuvent  avoir  les  sons,  et,  de  l'autre,  noUs  n'avons  en 
vue  qu'une  série  d'éléments  aptes  à  constituer  un  rythme,  mais  qui 
en  seront  incapables  tant  qu*une  intelligence  d'artiste  ne  s'en ,  sera 
pas  emparé  pour  les  coordonner  et  en  former  un  corps  organisé  et 
vivant.  Que  manque-t-il  donc  à  ces  sons,  diversement  considérés, 
p6ùf  constitue!'  un  rythme?  Il  leur  manque  l'essentiel,  la  fnri^.ç^qp 
ce  que  saint  Augustin  appelle  Vars  bene  movendi  ^. 

199.  —  Qu'est-ce  qui  détermine  la  forme  du  rythme  et  lui  sert 
de  fondement?  —  Nos  propî'es  facultés  physiques^  intellectuelles  et 
esthétiques. 

Pour  peu  que  nous  y  prenions  garde,  nous  reconnaissons  en  nous 
un  ensemble  de  facultés  formant  comme  un  sens  rythmique  qui  non 
seulement  juge  des  rythmes  externes  déjà  existants,  mais  nous 
permet  encore  de  créer,  subjectivement,  des  rythmes  qui,  objecti- 

*  Voici  avec  quelle  compétence  et  quelle  clarté  Mgr  Norbert  Rousseau 
définit  les  rapports  que  le  rythme  établit  entre  les  sons  :  <L  Entre  une  suite  de 
sons  juxtaposés  et  un  rythme  sonore  véritable  il  y  a  cette  différence  qui  existe 
entre  un  tas  de  pierres  géométriquement  agencées  et  un  groupe  d'êtres 
intelligents  reunis  en  sociei¿j¿¿i;i¿able,  au  sens  philosophique  du  mot.  Dans  le 
premier  cas,  les  éléments  juxtaposés  avec  soin  peuvent  réaliser  une  formé 
symétrique  agréable  à  l'œil,  mais  ce  groupement  physique  d'êtres  sans  vie 
n'ont  entre  eux  ni  lien,  ni  relation  mutuelle.  Au  contraire,  dans  le  cas  d'une 
union  sociale  d'éléments  vivants  et  intelligents,  il  existe  un  véritable  lien  moral 
qui  consiste  dans  la  conspiration  vers  une  même  fin,  par  l'emploi  de  moyens 
communs,  sous  l'impulsion  d'une  même  direction,  donnant  à  cet  esse  sociale  sa 
réelle  formalité.  Ainsi  dans  le  groupement  des  sons  rythmés  circule  une. 
véritable  vie  sociale  qui,  sous  l'inspiration  du  compositeur,  unit  les  éléments 
dans  une  conspiration  vers  une  fin  harmonieuse  déterminée,  par  l'emploi  des 
qualités  que  nous  savons  :  durée,  force,  mélodie,  timbre,  harmonie.  C'est  dans 
cette  pensée  que  plus  tard  l'auteur  du  Nombre  musical^  en  parlant  des  groupes 
neumatiques,  remarquera  leur  «  caractère  éminemment  sociable.  >  Le  rythme 
n'est  donc  pas  une  ordonnance  de  division  et  de  distinction,  mais  une  ordon- 
nance de  fusion  harmonieuse  des  mouvements  sonores.  > 

Ecole  Grégorienne  de  Solesmes^  p.  69. 


62  Deuxième  Partie. 


vement,  n'existent  pas.  A  cette  fin,  il  cherche  des  modèles  ou  des 
analogies  dans  les  mouvements  des  corps,  c'est-à-dire  dans  les 
rythmes  infinis  que  lui  offre  la  nature. 

Qu'appelons-nous  '}nouve7nent  complet  d'un  corps?  Le  passage  de 
ce  corps  de  l'activité  au  repos.  Nous  disons  que  nous  avons  fait  un 
pas  quand,  après  avoir  levé  le  pied,  nous  le  posons  de  nouveau.  De 
même,  quand  est-ce  que  nous  aurons,  en  musique,  un  mouvement 
complet?  Lorsque  la  relation  entre  les  sons  est  telle  qu'elle  donne 
à  l'un  le  caractère  d'effort,  d'élan,  de  point  de  départ,  et,  à  l'autre, 
celui  de  repos,  d'appui,  de  point  d'arrivée.  Le  second  est  ainsi  la 
suite  naturelle  et  le  complément  nécessaire  du  premier;  car,  nous 
venons  de  le  dire,  tout  mouvement  suppose,  à  son  début,  un  effort 
qui  le  met  en  branle,  et  tout  effort  appelle  après  lui,  une  détente, 
un  repos. 

Cette  étroite  relation  de  deux  sons  entre  eux,  constituant  un 
mouvement  sonore  dont  l'un  est  le  point  de  départ,  et  l'autre,  le 
point  d'arrivée  :  cest  toute  la  genèse  du  rythme  inusicaL 

200.  Rythme  élémentaire  ou  à  temps  simples. 
Pour  former  un  rythme,  il  n'est  donc  besoin  que  de  deux  temps^ 
un  pour  chacune  des  deux  parties  dont  il  se  compose. 
Exemple  : 


#  mm  0        9  ë 

7  T  » 

Qu'on  chante  plusieurs  fois  et  sans  interruption  ces  trois  groupes 
de  sons,  ces  trois  rythmes  ;  que  les  deux  sons  de  chaque  groupe 
soient  émis  sur  une  note  quelconque  ou  avec  une  des  voyelles, 
mais  sans  recourir  pour  le  moment  aux  paroles,  en  ayant  soin  de 
donner  à  chacun  la  durée  qui  lui  est  attribuée  et  en  l'accompagnant 
du  geste  de  la  main  qui  est  indiqué.  Par  ce  procédé,  on  sentira 
bientôt  en  soi-même,  je  ne  dis  pas  naître,  mais  se  réveiller  l'idée 
exacte  du  rythme,  c'est-à-dire  l'int-me  relation  qui  existe  entre 
chacun  de  deux  sons  :  le  premier,  bref  et  léger,  d'impulsion  et 
d'élan;  le  second,  large  et  lourd,  de  repos  et  d'appui;  appui  et 
repos  provisoires  à  la  fin  des  deux  premiers  rythmes  et  définitifs 
au  dernier. 

201.  —  La  première  partie  du  rythme  se  nomme  a7'sis,  et,  la 
seconde,  thésis. 

Le  point  d'appui,  indiqué  par  un  petit  trait  vertical  au-dessous 
de  la  seconde  note,  est  appelé  ictus  rythmique. 

202.  —  L'exemple  précédent  nous  a  fait  assister  à  la  genèse  du 
rythme. 


Chapitre  III.  —  Du  rythme.  63 

Un  second  exemple  nous  permettra  de  suivre  son  développement. 


<s> s s \ 

I  I  I  I 

Au  lieu  des  notes  isolées  du  premier  exemple  en  relation  d'arsis 
et  de  thésis,  ce  second  exemple  nous  offre  des  groupes  de  notes 
étroitement  enchaînés  et  sans  attribution  rythmique. 

Nous  pouvons  envisager  ces  groupes  sous  deux  aspects. 

Nous  pouvons  les  considérer  d'abord  comme  autant  de  rythmes 
élémentaires.  Nous  avons  en  effet  ce  qui  constitue  le  rythme 
élémentaire  :  la  note  d'élan  et  la  note  de  repos  ;  la  note  d'élan 
c'est  la  note  privée  d'ictus,  et  la  note  de  repos  c'est  celle  qui  en  est 
affectée.  Mais  parce  que  cette  fois  les  rythmes  élémentaires  sont 
indissolublement  unis-  tandis  que  la  première  fois  ils  étaient 
détachés,  l'ictus  est  tout  ensemble  point  d'arrivée  et  point  de 
départ.  Sur  chaque  ictus  un  rythme  termine  et  un  autre  commence. 
L'ictus  rythmique  est  ainsi  essentiellement  une  note  de  contraction. 
.  Il  y  a  indissolubilité  entre  tous  ces  petits  rythmes.  Ils  forment 
k»Vr  ensemble  une  chaîne  rythmique  dont  les  anneaux  se  croisent  sur 
l'ictus.  De  fait,  la  ligne  qui  les  surmonte  ne  rappelle-t-elle  pas  une 
chaîne?  Le  rapprochement  de  ces  rythmes  élémentaires  enchaînés 
avec  les  mêmes  rythmes  détachés  du  premier  exemple  marque  un 
pas  en  avant  dans  la  marche  du  rythme. 

203.  —  Le  temps  composé. 

Un  second  pas  sera  de  considérer  nos  groupes  non  plus  comme 
des  r}^thmes  élémentaires  mais  comme  des  temps  composés.  Les 
notes  entrent  ainsi  en  relation  encore  plus  étroite.  Deux  par  deux 
elles  s'agglutinent  pour  ne  former  qu'un  temps  :  unité  nouvelle, 
supérieure,  cela  va  de  soi,  à  l'unité  du  temps  simple. 

204.  —  Le  rythme  simple  à  temps  composés. 

Avec  des  unités  plus  importantes  le  rythme  va  s'élargir.  Tandis 
que  jusqu'à  présent  deux  notes  avaient  suffi  à  constituer  un 
rythme,  désormais  il  faudra  deux  groupes.  Un  groupe  sera  arsis  et 
un  autre  thésis.  L'exemple  ci-dessus  va  nous  donner  ce  nouveau 
rythme;  nous  n'avons  pour  cela  qu'à  le  reproduire  en  donnant 
cette  fois  aux  groupes  une  attribution  rythmique  ; 


Arsis     Thésis   Arsis     Thésis 

>    n     r,     n       i 


La  transformation  du  rythme  à  temps  simples  en  rythme  à  temps 
composés  est   tangible.    Dans  le  rythme  à  temps  composés,  les 


64  Deuxième  Partie. 


temps  simples  sont  devenus  des  temps  composés  et  les  rythi'nes 
élémentaires  ne  sont  plus  que  des  parties  d'un  plus  grand  rythme. 
Il  a  donc  suffi  pour  obtenir  un  rythme  à  temps  composés  de 
mettre  en  relation  d'élan  et  de  repos  deux  groupes,  comme  aupa- 
ravant il  avait  suffi  de  mettre  en  relation  analogue  deux  notes 
pour  produire  le  rythme  élémentaire. 

205.  Neutralité  des  groupes. 

Par  quel  principe  avons-nous  attribué  à  tel  groupe  l'arsis  et  à  tel 
autre  la  thésis?  Ne  pouvait-on  pas  faire  l'inverse? 

Parfaitement;  et  ceci  nous  donne  lieu  d'affirmçr  la  neutralité,  en 
théorie,  des  groupes  rythmiques.  En  théorie,  ils  sont  aussi  aptes  les 
uns  que  les  autres,  nous  le  verrons  bientôt,  à  jouer  soit  le  rôle 
d'arsis,  soit  celui  de  thésis.  Or,  ici,  nous  sommes  en  pleine  théorie, 
puisque  nous  étudions  le  rythme  nu,  c'est-à-dire  en  dehors  de  toute 
conception  mélodique.  En  pratique,  il  en  va  tout  autrement  :  la 
neutralité  cesse  le  plus  souvent,  et  il  appartient  alors,  soit  à  la 
mélodie,  soit  au  texte,  soit  à  tous  les  deux  réunis,  de  faire  de  tel 
groupe  une  arsis  et  de  tel  autre  une  thésis. 

206.  —  Bien  qu'à  temps  composés,  les  deux  rythmes  que  nous 
venons  d'obtenir  constituent  chacun  un  rythme  simple,  car  chacun 
n'a  qu'une  arsis  et  qu'une  thésis  binaires.  Le  rythme  simple  à 
temps  composés  n'est  donc  qu'un  élargissement,  qu'une  extension 
du  rythme  simple  élémentaire;  il  n'y  a  pas  entre  eux  de  différence 
essentielle. 

207.  —  Le  rythme  cojnposé. 

Comme  plusieurs  temps  simples  forment  le  temps  composé,  le 
rythme  composé  résulte  de  la  réunion  de  plusieurs  rythmes 
simples.  Notre  exemple  contient  tout  cela.  Nous  le  reproduisons 
une  troisième  fois  en  superposant  le  rythme  composé  aux  précé- 
dents échelons  rythmiques.  En  pareille  matière,  rien  ne  vaut  pour 
la  démonstration  les  preuves  graphiques.  De  plus  elles  dispensent 
de  longs  commentaires. 

Rythme  cc.nposé  1 


Rythme  simple         Ryhme  simple 
Arsis      Thésis       Arsis      Thésis 


Ryth.  élém.   Ryth.  élém.   Ryth.  élém. 


Temps  comp.  Temps  c.  Temps  c. 


Chapitre  III.  —  Du  rythme.  65 

Ce  tableau,  en  effet,  parle  de  lui-même.  Il  montre,  objectivement, 
comment  du  rythme  élémentaire  on  s'élève  au  rythme  simple  et 
du  rythme  simple  au  rythme  composé.  Les  rythmes  supérieurs 
sont  autant  de  synthèses  des  rythmes  inférieurs.  Sans  les  absorber, 
les  rythmes  supérieurs  rapprochent,  resserrent  les  rythmes  inférieurs 
et  n'en  font  qu'une  entité  rythmique. 

Les  détails  font  donc  l'ensemble,  et  c'est  de  l'ordonnance  des 
premiers  que  résulte  la  beauté  du  second,  ou  plutôt  cette  ordon- 
nance c'est  le  rythme  même,  selon  la  définition  que  nous  en  avons 
donnée. 

On  voit  par  là  l'importance  des  détails  dans  l'étude  du  rythme. 
Ce  n'est  pas  pour  les  mettre  isolément  en  relief  qu'on  s'en  rend 
compte;  au  contraire,  c'est  pour  mieux  les  fondre  dans  l'unité  de 
l'ensemble. 

208.  —  Le  rythme  composé  se  forme  de  deux  manières  :  à)  par 
l'alternance  régulière  de  l'arsis  et  de  la  thésis;  b)  par  la  répétition 
de  plusieurs  arsis  ou  de  plusieurs  thésis  consécutives. 

209.  —  La  première  manière  est  celle  que  nous  venons  de  voir. 
C'est  le  rythme  composé  ^d^r juxtaposition.  Bien  qu'étant  étroitement 
unis,  les  rythmes  simples  restent  distincts,  chaque  thésis  indiquant 
la  fin  de  l'un  et  chaque  arsis  le  commencement  de  l'autre. 

210.  —  La  seconde  manière,  c'est  le  rythme  composé  par 
cgXL¿xa£tÍQn.  Rien  de  plus  exact.  L'ordre  rythmique  régulier  étant 
qu'après  une  arsis  vienne  une  thésis,  chaque  fois  que  plusieurs  arsis 
ou  que  plusieurs  thésis  se  suivent,  l'une  d'elles  est  le  point  de 
fusion  de  deux  rythmes  qui  s'enchaînent.  La  thésis  du  rythme 
précédent  devient  arsis  par  rapport  au  rythme  suivant.  Le  phéno- 
mène que  nous  avons  constaté  au  sujet  de  l'ictus  se  renouvelle  ici 
sur  un  groupe  entier.  Un  groupe  entier  devient  contraction  de 
deux  rythmes  à  temps  composés,  comme  l'ictus  est  la  contraction 
de  deux  rythmes  à  temps  simples. 

Il  suffira  de  rompre  l'alternance  des  arsis  et  des  thésis  pour 
transformer  l'exemple  ci-dessus  en  rythme  composé  par  contraction. 
Faisons  une  arsis  de  la  première  thésis. 


Arsis,        Arsis,  Arsis,        Thésis. 


n ^n n 


No  674. 


66  Deuxième  Partie. 

Aussitôt  nos  trois  groupes  représentent  un  nouveau  rythme.  Au 
lieu  de  deux  rythmes  juxtaposés,  nous  n'avons  plus  qu'un  seul 
rythme  à  trois  arsis.  La  contraction  s'est  faite  sur  le  second  groupe 
qui,  théoriquement  thésis  puisqu'il  vient  après  une  arsis,  est 
pratiquement  devenu  arsis. 

211.  —  Si  exacte  que  soit  cette  exposition  de  la  contraction,  on 
peut  cependant  donner  à  cette  seconde  forme  du  rythme  composé 
une  explication  moins  subtile.  Pourquoi  l'arsis  et  la  thésis  à  temps 
composé  n'auraient-elles  pas  la  faculté  de  se  développer  comme 
larsis  et  la  thésis  à  temps  simple?  La  répétition  du  temps  simple 
fait  des  arsis  et  des  thésis  à  temps  composé.  La  répétition  de  ces 
mêmes  arsis  et  thésis  à  temps  composé  fera  de  grandes  arsis  ou  de 
larges  thésis  à  plusieurs  phases.  Nous  aurons  alors  un  seul  élan 
arsique  on  un  seul  mouvement  thétique  comprenant  plusieurs  arsis 
ou  plusieurs  thésis  consécutives.  Sur  chaque  ictus  où  les  arsis  d'un 
côté  et  les  thésis  de  l'autre  se  rejoignent,  l'élan  de  la  grande  arsis 
se  renouvelle  et  le  mouvement  de  la  large  thésis  continue  à 
décroître.  —  Ainsi  envisagé,  le  rythme  composé  deuxième  forme 
est  au  rythme  simple  à  temps  composé  ce  que  celui-ci  est  au 
rythme  élémentaire. 

212.  —  Ce  ne  sera  pas  s'écarter  du  cadre  de  ce  chapitre  consacré 
au  rythme  en  lui-même,  que  de  faire  l'application  du  rythme 
composé  à  un  fragment  mélodique  : 


A 


V^    ^-"^ 


m 


B 


Ici  les  groupes  sortent  de  la  neutralité  rythmique  où  nous  les 
avons  trouvés.  La  mélodie  par  ses  contours  assigne  à  chacun  son 
rôle.  Les  groupes  qui  s'élèvent  sont  les  arsis  et  ceux  qui  s'abaissent 
sont  les  thésis,  car  arsis  veut  dire  élévation  aussi  bien  qu'élan,  et 
thésis  signifie  abaissement  non  moins  que  repos. 

Les  arsis  et  les  thésis  étant  alternées,  c'est  le  rythme  composé 
première  forme. 


Chapitre  III.  —  Du  rythme.  67 

213.  —  Thésis  masculine^  thésis  féminine. 

Une  remarque.  Nous  avons  à  dessein  dans  l'exemple  B  changé 
en  noire  le  second  temps  composé  de  l'exemple  A.  De  part  et 
d'autre  les  deux  rythmes  simples  n'en  sont  pas  moins  juxtaposés, 
mais  en  A  l'union  paraît  plus  étroite  qu'en  B.  Cela  tient  au 
caractère  des  deux  thésis.  En  A  c'est  la  thésis  féminine  ou 
postictique,  c'est-à-dire  qui  se  poursuit  après  l'ictus;  en  B  c'est  la 
thésis  masculine  ou  ictique,  c'est-à-dire  qui  se  fait  sur  l'ictus,  note 
solide.  Or,  par  sa  nature,  la  thésis  masculine  est  conclusive,  tandis 
que  la  thésis  féminine  appelle  toujours  une  suite.  Delà  en  B  l'im- 
pression d'un  arrêt  plus  apparent  que  réel  après  le  premier  rythme. 

214.  —  Nous  empruntons  au  Kyrie  Aime  Pater  l'exemple 
mélodique  de  rythme  composé  deuxième  forme. 


i 


Ky-  ri-  e 

Nous  avons  toujours  le  même  nombre  de  groupes.  La  mélodie 
fait  des  deux  premiers  deux  arsis  et  du  troisième  une  thésis.  Bien 
que  la  descente  commence  au  deuxième,  celui-ci  ne  peut  être 
qu'arsis  parce  que  sa  première  note  est  le  point  culminant  de  l'élan 
arsique  qui  commence  avec  le  premier  groupe.  La  note  suivante  ne 
faisant  qu'un  avec  elle,  le  mouvement  thétique  ne  commence  qu'au 
troisième  groupe.  Nous  avons  donc  un  petit  rythme  composé 
deuxième  forme  partagé  en  deux  parties  égales  :  deux  arsis  à 
l'élan  et  deux  thésis  au  repos.  Par  son  peu  d'étendue  et  l'équilibre 
parfait  de  ses  deux  parties,  ne  dirait-on  pas  un  rythme  simple 
légèrement  développé?  Or,  si  au  lieu  de  deux  arsis  et  de  deux 
thésis  nous  mettons  quatre  arsis  d'un  côté  et  quatre  thésis  de 
l'autre,  le  rythme  composé  ne  changera  pas  de  nature,  il  sera 
simplement  en  possession  d'une  plus  grande  arsis  et  d'une  plus 
large  thésis.  —  Expliquer,  comme  nous  l'avons  fait,  le  rythme 
composé  deuxième  forme  par  le  développement  de  l'arsis  et  de  la 
thésis  plutôt  que  par  la  contraction  de  deux  rythmes  simples,  est 
donc  légitime  et  fondé. 

Sans  anticiper  sur  ce  qui  doit  être  réservé  pour  les  chapitres 
suivants,  remarquons  la  concordance  parfaite  du  dessin  mélodique 
avec  l'arsis  et  la  thésis  du  mot.  La  mélodie  s'élève  sur  l'accent  et 


68  Deuxième  Partie. 


s'abaisse  sur  les  deux  dernières  syllabes.  C'est  la  mélodie  elle- 
même  du  mot  à  laquelle  la  musique  ajoute  l'ornement  des  notes  et 
la  précision  des  intervalles.  Ici  donc  ce  n'est  pas  la  mélodie  seule 
qui,  des  groupes,  fait  des  arsis  et  des  thésis,  c'est  encore  le  texte. 
Nous  les  verrons  dans  la  suite  agir  tantôt  de  concert  comme  ici, 
tantôt  séparément. 

215. —  Le  rythme  composé  deuxième  forme  est  le  plus  fréquent 
On  peut  dire  que  les  mélodies  en  sont  en  quelque  sorte  tissées 
d'un  bout  à  l'autre.  Ne  pourrait-on  pas  en  donner  pour  raison  qu'il 
est  le  plus  synthétique?  Il  y  a  en  effet  plus  d'union  entre  deux 
rythmes  qui  se  contractent  qu'entre  deux  rythmes  qui  se  juxta- 
posent, et,  à  cause  de  l'unité  de  nature,  entre  plusieurs  arsis  ou 
plusieurs  thésis  consécutives  qu'entre  des  arsis  et  des  thésis 
alternées.  Or  le  rythme  est  une  synthèse.  Il  rapproche  les  sons  non 
moins  qu'il  les  ordonne.  Il  n'est  donc  satisfait  qu'autant  qu'il  les 
saisit  et  les  presse  dans  une  plus  large  et  plus  forte  étreinte. 

216.  —  L'ictus  rythmique. 

Nous  le  connaissons  déjà.  Nous  ne  pouvions  exposer  le  rythme 
sans  le  trouver  sur  notre  chemin.  Plus  loin  nous  consacrerons  un 
chapitre  aux  règles  qui  déterminent  sa  place  dans  la  mélodie.  Ici, 
c'est  le  lieu  de  définir  ce  qu'il  est. 

L'ictus  rythmique  est  un  simple  posé  de  la  voix,  c'est  un  simple 
point  d'appui  que  le  rythme  trouve  de  deux  en  trois  notes  pour 
renouveler  ou  soutenir  son  mouvement  jusqu'à  ce  qu'il  parvienne  à 
l'ictus  ou  appui  final. 

Il  faut  dégager  l'ictus  de  toute  idée  de  force  ou  de  longueur. 
C'est  l'erreur  ordinaire  que  de  l'assimiler  à  l'accent  des  mots  et  à 
lui  en  donner  la  valeur.  —  Par  lui-même  l'ictus  est  indifférent.  Sa 
valeur  dynamique  ou  quantitative  lui  vient  de  la  note  qui  lui 
correspond.  Si  par  sa  position  l'ictus  est  fort,  il  ne  l'est  pas  seul; 
son  intensité  s'étend  à  tout  le  temps  composé  qu'il  commande;  il 
ne  garde  pour  lui  que  le  touchement,  c'est-à-dire  le  rôle  d'appui. 
On  comprend  qu'il  doive  en  être  ainsi  pour  sauvegarder  l'unité  du 
temps  composé. 

217.  —  Un  rythme  peut  commencer  par  une  note  d'élan  ou  par 
une  note  d'appui  (ictus). 

Il  commence  par  une  note  d'élan  quand  l'arsis  est  unaire,  par 
une  note  d'appui  quand  l'arsis  est  binaire  ou  ternaire. 


m     j 

#  #  tf         é 


I 


Chapitre  III.  —  Du  rythme.  69 

Rien  de  plus  naturel  que  de  commencer  par  un  élan,  puisque 
l'élan  est  la  première  partie  du  mouvement. 

Rien  de  moins  anormal  d'autre  part  que  de  commencer  par  un 
appui.  En  voici  la  raison.  Comme  il  n'y  a  point  de  mouvement  sans 
moteur  et  que  le  mouvement  sonore  n'échappe  point  à  cette  loi, 
avant  d'indiquer  le  départ  d'un  mouvement  rythmique,  l'ictus 
initial  de  l'arsis  à  temps  composé  marque  l'arrivée  du  mouvement 
préliminaire  ou  moteur  qui  met  en  branle  le  mouvement  sonore. 
Ce  mouvement  préliminaire,  «  c'est  l'ordre  qui,  partant  du  cerveau, 
de  la  volonté,  se  transmet  rapide  comme  l'éclair  aux  organes  de  la 
voix  et  les  met  en  action  pour  l'émission  des  sons  ». 

Dans  l'ordre  physique,  la  nature  nous  offre  des  exemples  de 
mouvements  moteurs  analogues  à  celui  d'ordre  psychologique  dont 
nous  parlons.  Tel  le  mouvement  de  la  crosse  venant  frapper  la 
balle  posée  par  terre  pour  la  lancer  en  l'air. 

Aussi  rien  de  plus  naturel  et  de  plus  logique  que  de  représenter, 
par  un  geste  préliminaire  de  la  main,  le  mouvement  spontané 
moteur  du  mouvement  rythmique.  Nous  l'indiquons  par  la  ligne 
pointillée  A-B  de  l'exemple  suivant.  N'est-ce  pas  à  ce  geste  que 
revient  ce  qu'on  appelle,  en  musique,  battre  une  mesure  pour  rien? 


Le  point  B,  c'est  le  point  précis  où  le  mouvement  moteur  saisit 
le  rythme  au  repos  et  le  lance.  Les  deux  mouvements,  celui  qui 
lance  et  celui  qui  est  lancé,  se  rencontrent  ainsi  sur  un  point 
unique  où  il  se  confondent. 

2l8.  —  Cette  explication  de  l'emploi  de  l'ictus  rythmique  au 
début  d'un  rythme,  nous  autorise  à  déclarer  absolument  fausse 
l'équivalence  que  certains  veulent  établir  entre  Vaccenty  l'impulsion 
et  Victus. 

\J  accent  tonique  est  toujours  un  temps  relativement  fort,  Vimpul- 
sion  (première  note  d'une  arsis  binaire  ou  ternaire)  est  toujours  un 
jtemps  d'élan,  Victus  au  contraire  peut  être  l'un  ou  l'autre,  ou  tous 
les  deux  réunis  :  avec  la  syllabe  tonique  Victzis  est  accent,  avec  la 
note  d'impulsion  il  est  élan,  avec  la  dernière  syllabe  du  mot  ou 
avec  la  dernière  note  d'un  rythme  il  est  thésis,  mais  qu'il  soit  par 
sa  position  accentué  -ou  atone,  fort  ou  faible,  élan  ou  repos,  il  est 


70  Deuxième  Partie. 


toujours    appui,    touchement   rythmique.    (Voir   les    deux   derniers 
alinéas  du  numéro  220). 

Qu'on  revienne  sur  les  exercices  de  solfège  donnés  dans  la  première  partie, 
et  qu'on  se  rende  bien  compte  de  la  place  et  de  la  valeur  respective  des  ictus. 

219.  —  Ayant  défini  le  rythme,  sa  matière  et  sa  forme,  le 
caractère  du  premier  temps  du  rythme  (arsis)  et  celui  du  second 
(thésis);  ayant  expliqué  la  véritable  signification  de  l'ictus 
rythmique  que  nous  avons  distingué  de  Xaccent  tonique  et  de 
Ximpulsion  du  mouvement,  bien  que  tous  les  trois  puissent  se  ren- 
contrer à  la  fois  sur  une  même  syllabe  (ce  que  nous  allons  consta- 
ter tout  à  l'heure),  il  nous  reste  à  exposer  quelques  autres  points 
sur  lesquels  il  est  nécessaire  d'avoir  des  idées  très  précises  pour 
pouvoir  bien  comprendre  les  notions  les  plus  générales  du  rythme. 

220.  —  L'accent  tonique  dans  ses  relations  avec  le  rythme. 
Après  ce  qui  été  dit  au  sujet  du  rythme  et  du  vrai  caractère  de 

l'arsis  et  de  la  thésis,  on  comprendra  que  l'accent  latin  puisse  se 
rencontrer  tantôt  avec  la  première  et  tantôt  avec  la  seconde. 

Il  n'y  a  non  plus  aucune  répugnance  à  ce  que  l'accent  d'un 
dissyllabe  coïncide  avec  une  arsis  à  temps  simple  (rythme  simple 
élémentaire),  privée  par  conséquent  d'ictus  rythmique  exprimé. 


N'est-il  pas  vrai  que  lorsque  ce  cas  se  présente,  l'arsis  apparaît  plus 
dégagée,  et  que  sa  relation  avec  la  thésis  est  plus  étroite  que  quand 
elle  est  à  temps  composé?  C'est  que,  libre  de  tout  ictus  rythmique, 
l'accent  latin,  dont  nous  avons  expliqué  la  nature  dans  la  première 
partie,  représente  mieux  l'idée  de  mouvement,  d'attraction  et  de 
synthèse  si  nécessaires  à  l'unité  du  mot. 

D'ailleurs,  même  dans  la  prosodie,  l'accent  ne  réclame  par  lui- 
même  aucune  prolongation.  Là  encore  il  garde  son  caractère  de 
brièveté  et  d'acuité,  malgré  la  nature  de  la  syllabe  qu'il  affecte.  La 
preuve  c'est  que  lorsqu'il  correspond  à  une  syllabe  longue,  v.  gr. 
Roma,  les  anciens  n'attribuaient  l'accent  aigu  qu'au  premier  temps 

de  cette  syllabe,  comme  si  nous  écrivions  : 

/ 

^J^J 

Rô-ma 


Chapitre  III.  —  Du  rythme.  71 

Faut-il  s'étonner  après  cela  que  la  rr>élodie  grégorienne  nous 
présente  des  cas  innombrables  où  la  syllabe  accentuée  n'a  qu'une 
note,  tandis  que  les  syllabes  ordinaires  sont  chargées  de  neumes. 

C'est  encore  à  cause  du  caractère  vif  et  aigu  de  l'accent  latin  que, 
dans  le  chant  syllabique,  le  rythme  grégorien  préfère,  autant  qu'il 
est  possible,  placer  l'ictus  ou  appui  sur  la  dernière  syllabe  (ce  que 
nous  venons  de  faire  précisément  au  mot  Deus)  :  i^  l'accent  est 
ainsi  plus  dégagé,  2°  l'unité  du  mot  plus  étroite,  3°  les  mots  mieux 
enchaînés  et  4°  la  phrase  plus  liée. 

C'est  pourquoi,  lorsque  l'accent  correspond  à  l'ictus  de  Varsis^ 
comme  dans  l'exemple  suivant  : 


n      j 

Dé-  us 

il  faut  veiller  à  ne  pas  l'écraser  ou  à  ne  pas  faire  peser  la  voix  sur 
lui  lourdement.  Ici,  qu'on  se  le  rappelle  bien,  l'ictus  est  une  impul- 
sion et,  en  conséquence,  il  doit  être  vif  et  lancer  le  mouvement  avec 
vigueur  et  agilité. 

Nous  nous  trouvons  en  présence  du  cas  dont  nous  avons  parlé 
au  numéro  218.  Il  faut  le  remarquer  parce  que  rien  ne  vaut  les 
exemples  pour  faire  comprendre  les  principes.  La  première  note  de 
cet  exemple  est  à  la  fois  : 

1°  Appui  ou  touchement  rythmique,  étant  le  point  d'arrivée  du 
mouvement  préliminaire  qui  donne  le  branle  au  mouvement  sonore; 
2°  impulsion,  puisqu'elle  communique  à  toute  l'arsis  l'élan  qu'elle 
reçoit  elle-même  du  mouvement  moteur;  et  3°  accent  parce  qu'elle 
s'approprie  la  valeur  et  l'intensité  de  l'accent  tonique  qui  lui 
correspond.  Attribuer  à  une  même  note  plusieurs  caractères  ou 
plusieurs  rôles  simultanés  n'implique  donc  aucune  contradiction. 

221.  —  Indivisibilité  du  temps  simple. 

«  Le  temps  simple  est  divisible  ou  indivisible  selon  les  époques  et 
les  différents  genres  de  musique  ou  de  langage.  L'art  moderne 
divise  et  subdivise  le  temps  premier,  une  croche  par  exemple,  en 
doubles  croches,  en  triples,  en  quadruples  croches,  v.  gr.  : 


h    F^    rrrl 


000    €■=   0000 


7773 


12 


Deuxième  Partie. 


«  Rien  de  semblable  dans  le  rythme  grégorien. 

«  Le  temps  simple  y  est  indivisible,  c'est-à-dire  que  sa  durée 
normale,  une  fois  déterminée,  ne  peut-être  divisée  en  durée  plus 
courte,  pas  plus,  d'ailleurs,  que  la  syllabe  latine  qui  lui  sert  d'appui 
et  de  règle.  » 

En  pratique,  cependant,  le  temps  simple  peut  légèrement  se 
réduire  sans  se  subdiviser,  comme  aussi  s'élargir  un  peu  sans 
remplir  l'espace  de  deux  temps. 

La  thèse  de  \ indivisibilité  du  temps  simple  fait  l'objet  d'un  des 
plus  beaux  chapitres  du  Nombre  musical grégo7'ien.  Contre  elle  les 
théories  des  mensuralistes  viendront  toujours  et  infailliblement  se 
briser. 

La  conséquence  de  X indivisibilité  du  temps  pre^nier^  c'est  que 
l'arsis  et  la  thésis  n'auront  jamais  plus  de  trois  notes. 

222.  —  Rythme  mesuré  et  rythme  libre. 

Le  rythme  est  w^j-^^r^' lorsque  l'ictus  ou  appui  rythmique  apparaît 
régulièrement  de  deux  en  deux  ou  de  trois  en  trois  temps.  Les 
mouvements  sont  alors  calqués  sur  un  modèle  unique.  Tel  est  le 
r)'thme  ordinaire  de  la  musique. 

223.  —  Le  rythme  est  libre  lorsque,  au  lieu  d'une  succession 
isochrone  ou  temps  fixes,  le  retour  irrégulier  des  ictus  constitue  une 
série  de  groupements  binaires  ou  ternaires  agréablement  mélangés 
ensemble.  Le  rytlwie  musical  libre  est  propre  au  chant  grégorien. 

224.  —  La  mesure. 

Nous  avons  pu  exposer  la  matière  et  la  forme  du  r}^thme  ainsi 
que  les  diverses  nuances  dont  il  aime  à  se  parer,  sans  avoir  eu 
besoin  de  recourir  à  la  notion  de  la  mesure. 

C'est  une  preuve  que  loin  d'être  un  facteur  du  rythme,  la  mesure 
doit  à  celui-ci  son  existence  et  sa  durée. 

Le  rythme  crée  ou  détermine  la  mesure,  en  s'appuyant  sur  les 
ictus  qui  sont  considérés,  en  musique,  comme  premier  temps  de 
la  mesure. 

A)  Si  le  rythme  s'appuie  après  c!eux  temps  simples,  la  mesure 
est  binaire;  B)  s'il  s'appuie  après  trois  temps  simples,  elle  est 
ternaire;  C)  si  l'arsis  a  un  seul  temps  simple  exprimé  (rythme 
élémentaire),  le  premier  temps  de  la  mesure  est  regardé  comme 
sous-entendu. 


(A) 


n 


n 


J 


(B) 


0    0    0 


0    0    0 


(C) 


Chapitre  III.  —  Du  rythme.  73 

225.  —  D'où  on  doit  conclure  : 

i^  Que  la  mesure  c'est  l'espace  compris  entre  deux  ictus,  tandis 
que  le  rythme  embrasse  pour  le  moins  deux  mesures  ou  deux 
fragments  de  mesures.  En  d'autres  termes,  la  mesure  c'est  l'espace 
compris  entre  deux  barres,  tandis  que  le  rythme  est  à  cheval  sur  la 
barre  de  mesure, 

(Voir  les  exemples  ci-dessus). 

2°  Que  la  thésis  pouvant  réunir  deux  ou  trois  temps  simples 
(thésis  postictique)  aussi  bien  que  l'arsis,  la  mesure  sera  en  consé- 
quence un  temps  composé  du  rythme  et  correspondra  à  une  arsis 
ou  à  une  thésis  composée. 

Un  seul  rythme. 


a. 


m  m 


Deux  mesures 


m 

000 


30  Que  c'est  une  erreur  enfin  de  croire  que  le  premier  temps  de 
la  mesure  est  toujours  fort  parce  qu'il  est  affecté  de  l'ictus;  nous 
savons  à  quoi  nous  en  tenir  à  ce  sujet,  ayant  déjà  vu  que  l'ictus 
rythmique  n'est  synonyme  par  lui-même  ni  d'accent  ni  d'impulsion, 
mais  qu'il  indique  simplement  et  avant  tout  lesjpojnts  d'appui  du 
rythme. 

226.  —  La  syncope. 

«  La  syncope  est  un  trouble  apporté  dans  la  succession  régulière 
des  élans  et  des  repos  du  rythme.  » 

Il  suffit  de  définir  la  syncope  pour  donner  à  comprendre  qu'elle 
est  essentiellement  incompatible  avec  le  caractère  calme  et  équi- 
libré du  rythme  grégorien,  et  que  nous  n'en  prononçons  le  nom  que 
pour  en  proscrire  l'emploi. 

Ce  serait  donc  une  erreur  plus  grave  encore  que  la  précédente 
contre  le  rythme  grégorien  et  contre  l'unité  du  neume  ou  de  la 
double  note  (qui  dans  les  deux  cas  représentent  un  temps  composé 
arsique  ou  thétique)  d'écrire,  de  chanter  ou  d'harmoniser    : 


74  Deuxième  Partie. 


^     ^  Sán-ctus  ï 


Dé-  us  .  S .  =  /_.0  ,^ 


■   mm 


^     I     Dómi-nus 


Dans  ces  exemples  l'effet  de  syncope  consiste  en  ce  que  l'ictus 
abandonne  la  première  note  du  neume  et  glisse  sur  l'accent. 
Celui-ci  du  levé  où  il  se  trouvait  passe  au  frappé.  Deux  sons 
rythmiquement  distincts  s'unissent  en  un  seul  temps  prolongé,  car, 
subjuguée  par  l'ictus  intensif  de  l'accent,  la  note  initiale  du  neume 
ne  fait  qu'un  avec  lui,  malgré  l'articulation  d'une  nouvelle  syllabe. 
L'ordre  rythmique  en  est  vraiment  bouleversé.  L'ictus  sur  l'accent, 
c'est  un  nouveau  groupement  qui  commence  avec  lui;  ce  groupement 
est  ternaire  et  la  note  initiale  du  neume  en  est  la  seconde;  l'unité 
ou  plutôt  l'individualité  du  neume  est  donc  bien  sacrifiée. 

Désordre  rythmique,  voilà  en  un  mot  où  aboutit  la  méconnais- 
sance de  la  distinction  que  nous  avons  établie  entre  l'accent  et 
l'ictus,  et  sur  laquelle  nous  aurons  lieu  de  revenir  2. 

227.  —  Accidents  du  rythme. 

Pour  mieux  définir  en  quoi  consiste  l'essence  du  rythme,  nous 
avons  laissé  intentionnellement  de  côté  les  qualités  phonétiques 
des  sons,  leur  force  ou  leur  faiblesse,  leur  élévation  ou  leur  gravité, 
etc.;  nous  n'avons  parlé  que  de  leur  relation  dans  l'ordre  du 
mouvement.  Peu  importe  en  effet  que  les  sons  soient  sur  le  même 
degré  d'élév^ation  ou  qu'ils  aient  la  même  intensité;  il  y  a  rythme 
dès  que  la  relation  du  mouvement  s'établit  entre  eux. 

C'est  pourquoi,  bien  que  X iiitensité çX.  la  mélodie  puissent  apporter 
un  perfectionnement  au  rythme,  nous  considérons  les  exemples 
suivants  comme  étant  rythmiquement  identiques,  car  chacun  n'a 
qu'une  arsis  de  trois  temps  et  une  seule  thésis  ;  en  d'autres  termes, 
un  seul  élan  ou  impulsion  et  une  seule  retombée  ou  repos,  avec  un 
unique  appui  ou  ictus  rythmique  pour  chacune  de  leurs  parties; 

*  On  dira  au  chapitre  de  l'Accompagnement  comment  les  accords  doivent 
marcher  avec  les  ictus. 

^  On  a  appelé  «  glissement  >  le  procédé  qui  consiste,  chaque  fois  que  le  cas 
s'en  présente,  à  transporter  l'ictus  initial  du  neume  sur  l'accent  tonique  qui  le 
précède  immédiatement.  Dans  une  étude  lumineuse  et  savamment  documentée 
<L  L' Ictus  et  le  Ryth)ne^^  Dom  Gajard  a  démontré  que  le  dit  «glissement»  est 
démenti  par  les  lois  de  la  composition  grégorienne  non  moins  que  par  le 
rythme.  (Cf.  Revue  Grégorienne,  VIP  Année,  p.  144-152.) 


Chapitre  IV.  —  Du  rythme  des  mots  et  des  neumes.     75 
ils  ne  diffèrent  que  par  leur  interprétation  dynamique  et  mélodique. 


m     I  rn     I 

Il  r  »  ♦^ 

Pour  que  chaque  partie  d'un  rythme  forme  un  seul  temps,  une 
seule  phase  du  mouvement,  il  faut  absolument  que  les  divers  temps 
simples  dont  il  se  compose  soient  émis  successivement  en  forme 
liée^  car  le  moindre  renouvellement  de  l'impulsion  initiale  sur  l'un 
d'entre  eux  suffirait  pour  les  désagréger  et  annuler  l'effet  de 
relation  rythmique. qui  les  réunit  en  un  seul  temps. 

Le  mouvement  est  donc  seul  essentiel  au  rythme;  les  qualités 
accidentelles  des  sons  ne  font  que  lui  donner  plus  de  coloris. 
Qu'importe,  par  exemple  qu'en  terminant  un  pas  nous  posions  le 
pied  lourdement  ou  sans  bruit?  Dans  l'un  comme  dans  l'autre  cas, 
le  pas  n'est-il  point  complet?  Il  ne  lui  manquerait  quelque  chose,  il 
ne  serait  inachevé  que  si,  après  avoir  levé  le  pied,  nous  le  laissions 
en  l'air.  Poser  le  pied,  voilà  l'essentiel  ;  le  reste,  qu'on  le  fasse  avec 
ou  sans  bruit,  c'est  purement  accidentel  et  n'affecte  en  rien 
l'essence  de  ce  mouvement  local. 


CHAPITRE   IV. 

Du  rythme  des  mots  et  des  neumes. 

Des  pauses. 

Rythme  des  mots  :  mots  isolés^  mots  associés.  —  Mots-rythmes  : 
succession  par  enchaînement,  —  Mots-temps  :  succession  par 
juxtaposition.  —  Rythme  des  neumes  :  neumes-temps,  neumes- 
rythmes.  —  Neumes-iythmes  :  doublement  de  la  dernière  note 
ou  simple  appui.  —  Leur  succession  :  par  juxtaposition,  par 
enchaînement.  —  Notes  intérieures  d'un  neume,  note  jinale.  — 
Pause  d'incise,  de  membre,  de  phrase,  pause  jinale,  ino?'a-vocis. 

Bien  qu'au  chapitre  précédent  nous  ayons  touché  la  question  du 
texte  et  de  la  mélodie  dans  leurs  rapports  avec  le  rythme,  nous 
l'avons  fait  si  rapidement  qu'en  réalité  nous  n'avons  étudié,  comme 
nous  nous  l'étions  proposé,  que  le  rythme  en  lui-même. 

Désormais  nous  ne  l'étudierons  plus  que  conjointement  au  texte 
et  à  la  mélodie,  séparés  ou  unis  ensemble. 


76  Deuxième  Partie.  —  Chapitre  IV. 

228.  —  La  première  condition  pour  bien  chanter  est  de  savoir 
bien  lire. 

Les  règles  d'une  bonne  lecture  ont  été  exposées  dans  la  première 
partie.  On  doit  y  revenir  sans  cesse  et  en  faire  l'objet  d'un  exercice 
fréquemment  renouvelé.  «  Ciirandum  est  ut  verba  quae  cantantur 
plane  perfecteque  intelligafitur.  »  (Benoît  XIV). 

A.  —  Rythme  des  mots. 

10  —  Mots  isolés. 

229.  —  De  même  qu'il  suffit  de  deux  notes  pour  former  un 
r^^thme  musical,  de  même  il  suffit  de  deux  syllabes  pour  former  un 
rythme  littéraire. 

D'après  ce  principe,  un  mot  de  deux  syllabes  constitue  par  lui- 
même  un  rythme.  Il  a  son  arsis  (l'accent)  et  sa  thésis  (la  dernière 
syllabe).  Exemple  : 


Dé-         us. 

Deux  monosyllabes,  en  relation  d'arsis  et  de  thésis,  équivalent  à 
un  dissyllabe.  Exemple  : 


In        te.  =  De-       us. 

Si  nous  ajoutons  la  musique,  nous  avons  un  même  rythme  qui 
est  à  la  fois  musical  et  littéraire.  Exemple  : 


"/  Dé-  us 

In       te 


C'est  le  rythme  élémentaire  :  un  temps  à  l'arsis. 
Les  mots  de  trois  et  quatre  syllabes  forment  un  rythme  à  temps 
composé.  Exemple  : 


Arsis  binaire  :.    Do-mi- nus   =    De-  us. 


Du  rythme  des  mots  et  des  neumes.  —  Des  pauses.    77 


&tï 


:i-ll^ 


^ 


Arsis  ternaire  :  Multi-tudo    =    De-  us. 

Au  delà  de  quatre  syllabes  ils  vont  jusqu'au  rythme  composé. 
Exemple  : 


\ 


*9J. 


Deux  arsis  :      Respi-  ci-    entes. 


.u  ?  '  ■• 


Trois  arsis  :       commemo-  ra-ti-  ó-nem. 

2°  —  Mots  associés. 

230.  —  Isolés,  les  mots  ont  toujours  le  rythme  individuel  que 
nous  venons  de  décrire. 

231.  —  Associés,  tantôt  ils  le  gardent  et  tantôt  ils  le  perdent.  De 
là  deux  divisions  :  a)  les  mots-rythmes,  b)  les  mots-temps. 

a)  Mots-rythmes. 

232.  —  Ce  sont  tous  ceux  qui  finissent  sur  un  ictus.  Exemple  : 


i-f T — ü-i ^-nr 


Sá-lus,  hó-nor,   vírtus   quóque 

Tous  ces  mots  sont  autant  de  petits  rythmes,  parce  que,  on  s'en 
souvient,  l'appui  rythmique,  si  passager  qu'il  soit,  marque  d'abord 
la  fin  d'un  mouvement.  Quand  la  finale  d'un  mot  porte  ictus, 
celui-ci  indique  donc  à  la  fois  et  la  fin  du  mot  et  la  fin  du  rythme. 


78 


Deuxième  Partie.  —  Chapitre  IV. 


233.  —  Les  mots-rythmes  se  succèdent  par  enchaînement. 
L'appui  rythmique  sur  leur  dernière  syllabe  les  enchaîne  l'un  à 
l'autre.  Pour  nous  faire  mieux  comprendre,  nous  transcrivons 
l'exemple  ci-dessus  en  notation  musicale. 


S 


Jr 


■d^ 


Sa-  lus,    ho-  nor,     vir-  tus  quó-        que 

L'enchaînement  des  mots  est  manifeste  :  ils  s'unissent  dans  la  mcme 
mesure,  l'un  finit  avec  le  baissé  et  l'autre  commence  avec  le  levé. 

Ainsi  qu'il  a  été  dit  au  chapitre  précédent,  le  rythme,  lui,  est  à 
cheval  sur  la  mesure. 

On  devine  combien  l'ictus  est  ici  délicat.  Pour  que  ces  mots 
soient  aussi  enchaînés  dans  le  chant  qu'ils  le  sont  sur  le  papier,  il 
faut  passer  si  légèrement  sur  l'ictus  qu'on  ne  le  sente  pour  ainsi 
dire  pas.  Puis  il  faut  que  l'ictus  soulève  la  voix  comme  d'un  léger 
coup  d'aile  et,  sans  arrêt,  la  porte  sur  l'accent. 

La  synthèse  et  une  interprétation  parfaite  font  de  ces  rythmes 
élémentaires  un  rythme  composé  à  deux  arsis  et  à  trois  thésis  :  une 
arsis  unaire  Sa  bouclée  parce  qu'elle  est  initiale,  une  seconde  arsis 
¿a-do,  celle-ci  sans  boucle  parce  que  l'ictus  rythmique  correspon- 
dant avec  la  finale  du  mot  est  doux,  l'intensité  est  sur  l'accent  /là  ^; 
trois  thésis  parce  qu'à  partir  de  /¿ànor  la  mélodie  descend  graduel- 
lement jusqu'à  son  repos. 


Sá-lus,  honor,  vír-  tus  queque 
b)  Mots-temps. 
234.  —  Ce  sont  les  mots  privés  d'ictus  sur  leur  dernière  syllabe. 


1 ■ ! Ç_JI 


Sá-lus,   hó-nor,   vírtus  quóque 

Cette  fois  nous  constatons  l'inverse  de  ce  que  nous  venons  de 
voir.  Au  lieu  du  rythme  naturel  des  mots  qui  est  le  précédent, 
l'ictus  se  déplace  et  de  la  dernière  syllabe  passe  sur  l'accent.  Du 
coup  les  mots  ne  forment   plus  un  rythme,  mais  la   partie  d'un 

*  Le  geste  bouclé  indique  un  temps  fort  et  s'emploie  quand  l'ictus  est  intensif, 
V.  gr.  quand  il  coïncide  avec  l'accent  tonique. 


Du  rythme  des  mots  et  des  neumes.  —  Des  pauses.    79 

rythme.  C'est  le  temps  composé.  Chacun  constitue  une  mesure, 
tandis  qu'auparavant  il  fallait  deux  parties  de  mesure  pour  chacun. 


Sa- lus,   hó-nor,    vírtus  quó-      que 


235.  —  Si  les  mots-rythmes  s'enchaînent,  les  mots-temps  se 
juxtaposent.  Alourdi  au  contact  de  l'ictus  et  gardant  de  plus  son 
intensité  naturelle,  l'accent  tonique  les  sépare  en  quelque  sorte  par 
son  propre  relief.  Les  barres  de  mesure,  comme  les  virgules  du 
texte,  indiquent  fort  bien  cette  séparation. 

236.  —  Entièrement  opposées,  ces  deux  manières  de  rythmer  les 
mots  sont  cependant  également  légitimes.  La  mélopée  les  emploie 
tour  à  tour  à  sa  convenance,  et  c'est  à  leur  mélange  harmonieux 
que  le  rythme  du  chant  grégorien  doit  en  grande  partie  sa 
souplesse  et  sa  beauté. 

B.  —  Rythme  des  neumes. 

237.  —  Comme  les  rriots,  lès  neumes  se  divisent  en  neumes- 
temps  et  en  neumes-rythmes. 

238.  —  A  l'inverse  du  mot  qui  par  lui-même  est  un  rythme,  le 
neume  est  en  soi  un  temps  composé. 

239.  —  Cette  différence  entre  le  mot  et  le  neume  vient  de  la 
place  différente  de  l'ictus  rythmique. 

Tandis  que  le  mot  le  reçoit  naturellement  sur  sa  syllabe  finale, 
le  neume  le  porte  régulièrement  sur  sa  note  initiale. 

Cette  disposition  du  neume  indique  sa  destination.  Il  a  été 
constitué  pour  jouer  avant  tout  le  rôle  de  temps  composé. 

Puisque  tel  est  le  neume,  commençons  par  le  neume-temps. 

a)  Neume-temps 

240.  —  Le  neume-temps  possède  donc  un  appui  sur  sa  première 
note,  mais  il  en  est  privé  à  la  dernière. 

241.  —  De  ce  fait,  un  neume-temps  ne  peut  rester  seul.  Il  lui 
faut  la  famille.  Il  a  besoin  d'un  autre  neume  pour  terminer  son 
évolution.  Dans  une  série  de  neumes-temps,  en  effet,  chacun 
termine  son  évolution  sur  l'ictus  du  suivant.  Le  dernier  seul  sera 
nécessairement  rythmé  :  on  doublera  sa  finale.  —  Ainsi  enchaînés, 
les  neurnes-temps  forment  —  en  eux-mêmes  —  autant  de  rythmes 
élémentaires,  l'ictus  étant  le  point  d'arrivée  des  uns  et  le  point  de 


80 


Deuxième  Partie.  —  Chapitre  IV. 


départ  des  autres.  Nous  disons  en  eux-mêmes,  car  dès  que  nous  les 
considérons  conjointement  avec  la  mélodie  et  le  texte,  ils  ne  sont 
plus  que  des  temps  composés  jouant  le  rôle  d'arsis  ou  de  thésis. 


Í 


1 


Trois  neumes-temps  s'enchaînent  de  l'un  à  l'autre  sur  l'ictus  et 
terminent  leur  évolution  sur  une  note  simple  prolongée.  Ce  sont 
autant  de  rythmes  élémentaires. 

242.  —  Voici  les  mêmes  groupes  devenir  des  neumes-temps 
bien  caractérisés,  avec  une  attribution  rythmique  pour  chacun. 


%=t 


As-  pér-       ges   me. 

Leur  attribution  rythmique  leur  vient  ici  plus  du  texte  que  de 
la  musique.  Mélodiquement,  ce  rj^thme  composé  est  plutôt  un 
membre  arsique  conduisant  à  l'accent  musical  de  Domine.  Mais  le 
considérant  en  ce  moment  indépendamment  de  ce  qui  suit,  le  texte 
nous  donne  deux  arsis  et  deux  thésis.  Les  deux  premiers  neumes- 
temps  sont  arsis  parce  qu'ils  s'élèvent  avec  les  deux  syllabes  qui 
conduisent  à  l'arsis  du  mot  (l'accent),  le  troisième  est  thésis  parce 
qu'il  coïncide  avec  la  finale  du  mot  et  qu'il  conduit  à  la  thésis 
masculine  me,  note  longue  et  de  repos.  —  Il  n'y  a  pas  un  seul 
neume-rythme  dans  tout  ce  chant  de  V Asperges  me. 

243.  —  Les  neumes-temps  comme  les  mots-temps  se  succèdent 
^SiV  juxtaposition.  Chacun  représente  une  mesure  et  c'est  avant  leur 
première  note  qu'il  faudrait  placer  la  barre  de  mesure  si  on 
l'employait. 


-} .s^ 

r 1 

in               1       J 

•  « 

A  0 

rT>    m  • 

^  •  * 

1 

ISL»     • 

^-  ■ 

.  ^ 

Ainsi  les  neumes-temps  sont  7nétriques. 

b)  Neum,es-ry thunes. 

2t^^.    —   Ce   sont   ceux   qui   à    l'instar  des    mots-r}^thmes    sont 
affectés  d'un  ictus  sur  la  dernière  note. 


Du  rythme  des  mots  et  des  neumes.  —  Des  pauses.     81 
Le  plus  petit  neume  (clivîs  ou  podatus)  peut  être  rythmé. 

;:         :       fi. 

Il  équivaut  à  un  dissyllabe  et  comme  lui  représente  un  rythme 
élémentaire. 

Un  neume-rythme  de  trois  et  quatre  notes  aura  deux  ictus  et 
constituera  un  rythme  simple  à  temps  composé. 


K        1\.         \ 

Un  neume-rythme  de  trois  notes  équivaut  à  un  dactyle  :  deux 
notes,  comme  le  dactyle  deux  syllabes,  à  l'arsis. 

Un  neume  de  quatre  notes  peut  se  rythmer  de  deux  manières. 

Premièrement,  en  doublant  sa  dernière  note  comme  les  précé- 
dents. L'arsis  comprend  trois  temps  et  la  thésis  est  masculine. 

Deuxièmement,  en  plaçant  le  second  ictus  sur  la  troisième  note. 
L'arsis  est  alors  binaire  et  la  thésis,  binaire  également,  est  féminine. 
Dans  ce  second  cas,  il  ne  peut  être  employé  que  dans  l'intérieur 
d'un  rythme.  Les  n°s  2  et  3  de  l'exemple  ci-dessus  donnent  ces 
deux  formes  rythmiques  d'un  climacus  de  quatre  notes. 

On  le  voit,  tout  ce  qui  a  été  dit  du  mot-rythme  s'applique 
également  au  neume-rythme.  On  peut  se  rapporter  au  N^  229. 

245.  —  Voici  une  série  de  neumes-rythmes  empruntés  à  l'Alleluia 
«  Te  inartyru77i  ». 

\ 


8       ♦•■^ 


^ 


^ 


Seul  le  podatus  initial  est  neume-temps.  Tous  les  autres  sont 
neumes-rythmes  et  à  thésis  masculine.  Les  trois  premiers 
constituent  chacun  un  rythme  simple  :  ils  ont  deux  ictus,  l'ictus 


82  Deuxième  Partie.  —  Chapitre  lY. 


d'arsis  et  l'ictus  de  thésis.  On  peut  rappeler  à  ce  propos  que  l'ictus 
d'arsis  est  impulsion  et  l'ictus  de  thésis,  repos.  (Voir  N°  218).  Le 
dernier  neume  forme  par  sa  longueur  un  rythme  composé  :  une 
arsis  ternaire  et  deux  thésis  binaires. 

Quel  beau  grand  r>^thme  représente  la  réunion  de  tous  ces 
neumes-rythmes  en  un  seul  membre  mélodique!  Et,  on  ne  saurait 
trop  le  remarquer,  —  c'est  le  rythme  musical  pur,  —  la  mélodie  le 
possède  en  propre,  elle  n'en  est  nullement  redevable  au  texte,  dont, 
pour  mieux  prendre  ses  ébats,  elle  s'est  un  moment  affranchie. 

Le  texte,  qui  reparaît  au  verset,  porte  au  contraire  au  rj'thme 
un  coup  funeste.  A  son  contact  et  au  nom  de  la  «  règle  d'or  »  qui 
ne  permet  pas  un  arrêt  entre  les  syllabes  d'un  mot,  ^  deux  neumes- 
rythmes  se  changent  sur  Domine  en  neumes-temps. 


S-j^ 


^-^ 


Ss=K 


DÓ-  mi-     ne. 


C'est  la  destruction  du  rythme  musical,  et  c'est  au  nom  d'une 
règle  qu'une  autre  non  moins  importante  est  violée  :  celle  de  la 
prédominance  de  la  musique  sur  le  texte.  Il  semble  bien  cependant 
que  le  conflit  entre  les  deux  règles  ne  pouvait,  dans  le  cas  présent, 
recevoir  d'autre  solution.  La  mélodie  devait  céder,  ailleurs  elle  se 
rattrapera.  Ex.  : 

n.    '•  ?  .T" 


cum    prin-  ci-  pi-  bus 


On  remarquera  que  la  note  pointée  sur  la  syllabe  antétonique 
aç^  pj'incipibus  semble  partager  le  mot  en  deux. 

246.  —  De  tels  faits  révèlent  les  inépuisables  ressources  du 
rythme  grégorien,  sa  souplesse,  son  élasticité,  en  même  temps 
qu'ils  obligent  à  renoncer  définitivement  à  la  théorie  du  simple 
«  rythme  oratoire  »,  qu'avant  les  savantes  études  de  Dom  Alocque- 
reau,  l'école  de  Solesmes  avait  elle-même  enseignée. 

247.  —  Les  neumes,  dont  nous  venons  de  parler,  sont  tous  en 
possession  d'un  appui  thétique  long.  D'autres  n'ont  qu'un  simple 
appui  passager. 


f      \^m  ^♦è'^è    ■ 

Í   ^  T  '  î   ?  s. 

•. 

*  Non  débet  fi£7-i  pausa^  guando  débet  exprimí  nova  sy liaba  inchoatae  dictionis. 


Du  rythme  des  mots  et  des  neumes.  —  Des  pauses.     83 

248.  —  La  succession  et  l'emploi  des  uns  et  des  autres  dans  la 
phrase  musicale  ne  se  fait  pas  de  la  même  manière. 

Les  premiers  se  succèdent  par  juxtaposition  et  constituent  par 
eux-mêmes  un  rythme  complet  et  indépendant. 

Les  seconds  s'unissent  par  enchaînement  et  s'emploient  non 
comme  neumes-rythmes  mais  comme  neumes-temps. 

249.  —  a)  Ils  s'unissent  par  enchaînement.  —  Par  juxtaposition, 
les  neumes-rythmes  présenteraient  —  ce  que  la  loi  rythmique 
défend  —  deux  ictus  consécutifs  :  l'ictus  thétique  de  l'un  et  l'ictus 
arsique  de  l'autre.  Pour  entrer  dans  la  composition  d'un  rythme- 
membre,  un  des  deux  ictus  doit  disparaître.  Ce  sera  le  sort  de  l'ictus 
arsique.  L'ictus  thétique  doit  rester,  puisqu'il  constitue  le  neume- 
rythme.  Sur  cet  unique  ictus,  qui  leur  est  devenu  commun  —  car, 
en  réalité,  les  deux  ictus  se  sont  fondus  ensemble  —  les  deux 
neumes-rythmes  s'unissent  :  point  d'arrivée  de  l'un,  il  est  en  même 
temps  point  de  départ  pour  l'autre.  C'est  en  cela  que  consiste  leur 
enchaînement.  —  La  physionomie  des  neumes-rythmes  enchaînés 
est  à  l'opposé  des  neumes-temps  juxtaposés  :  ceux-ci  ont  leur 
unique  ictus  sur  la  première  note,  ceux-là  sur  la  dernière. 


^vcv 


250.  —  «  Ce  procédé  de  \ enchaînement  a  une  grande  influence 
sur  la  théorie  et  la  pratique  de  la  rythmique  grégorienne,  car  il 
réduit  à  sa  juste  valeur  ce  prétendu  axiome  de  certains  théoriciens 
modernes,  qui  exigent  un  ictus,  un  accent  rythmique  sur  la 
première  note  de  tous  les  groupes  neumatiques.  » 

251.  —  b)  Les  neumes-rythmes  s'emploient  comme  neumes-temps. 
—  C'est  la  conséquence  de  leur  union  par  enchaînement.  Sans 
cesser  d'être,  individuellement,  neumes-rythmes,  dans  leur  enchaî- 
nement ils  constituent  d'un  ictus  à  l'autre  des  temps  composés  qui, 
comme  les  neumes-temps,  représentent  selon  leur  direction  ou  leur 
position  des  arsis  ou  des  thésis.  La  différence  entre  les  uns  et  les 
autres  est  la  même  qu'entre  les  mots-temps  et  les  mots-rythmes  : 
les  neumes-temps  sont  enfermés  chacun  dans  une  mesure,  tandis 
que  les  neumes-rythmes  se  partagent  entre  deux  mesures. 

252.  —  Les  notes  intérieures  des  neumes  doivent  être  d'une 
exécution  suave,  très  liée  et  d'une  égale  durée. 

253.  —  La  dernière  note  d'un  neume  n'a  pas  par  elle-même  plus 
de  durée  que  les  notes  précédentes. 


84 


Deuxième  Partie.  —  Chapitre  IV. 


254.  —  Sa  valeur  est  double  quand  elle  est  suivie  d'un  autre 
groupe  qui  appartient  à  la  même  syllabe,  et  dont  elle  est  séparée 
par  un  espace  blanc  de  la  largeur  d'une  note. 

Exemple  : 


lzÎ<:3 


Jó-    seph 

255»  —  Ceux  qui  ont  à  leur  usage  les  éditions  avec  les  signes 
rythmiques  de  Solesmes  n'ont  pas  à  tenir  compte  de  cette  règle, 
car  toutes  les  fois  que  la  dernière  note  d'un  groupe  doit  être 
prolongée^  elle  est  accompagnée  du  point-viora.  Toute  hésitation  est 
par  là  écartée. 

C.  —  Pauses. 

256.  —  Elles  sont  de  trois  classes  :  la  petite,  la  moyenne,  et  la 

grande. 

257.  —  Petite  pause  ou  d'incise. 

\ 


Elle  se  fait  en  doublant  ou  en  prolongeant  tant  soit  peu  la  durée 
de  la  dernière  note. 

Dans  bien  des  cas  impossibles  à  déterminer  faute  de  pouvoir 
donner  une  règle  précise,  le  quart  de  barre  indique  simplement  la 
division  rythmique  de  l'incise,  sans  respiration  obligée.  —  Quand 
on  est  forcé  de  respirer,  on  doit  le  faire  en  prenant  sur  la  durée  de 
la  dernière  note. 

258.  —  Pause  moyenne  ou  de  membre. 


^  La  virgule  5,  qui  peut  être  rangée  avec  le  quart  de  barre,  n'est  en  usage 
que  dans  les  éditions  rythmiques  de  Solesmes.  On  a  dit  sa  valeur  au  n°  13, 
Comme  dans  une  méthode  il  faut  être  pratique,  nous  avertissons  ici  que  toutes 
les  fois  que  la  virgule  se  trouve  dans  le  voisinage  d'un  quart  de  barre  dont  la 
note  précédente  n'est  pas  accompagnée  à.\i point-mora,  il  vaut  mieux  respirer  à 
la  virgule  qu'au  quart  de  barre,  car,  dans  ce  cas,  la  virgule  corrige  une  faute 
de  ponctuation  musicale.  Un  exemple  tiré  du  Graduel  Constitues  eos. 


nó-mi-nis  tú-  i,       Dó-mi-ne. 


Chapitre  V.  —  Exécution  particulière  à  certains  neumes.    85 

Celle-ci  demande  ordinairement  que  la  note  précédant  la  demi- 
barre  soit  doublée  ou  retardée. 

On  ne  peut  guère  marquer  cette  pause  sans  respirer.  Dans  ce  cas 
on  ne  manquera  pas,  comme  pour  la  petite  pause,  de  prendre  la 
respiration  sur  la  valeur  de  la  dernière  note. 

259.  —  Grande  pause  ou  de  phrase. 


En  règle  générale,  la  grande  pause  réclame  un  ralentissement  de 
la  voix  à  partir  du  dernier  ou  de  l'avant-dernier  appui  rythmique; 
de  plus,  la  dernière  note  doit  être  doublée  et  la  pause  doit  avoir  la 
valeur  d'un  temps  élargi. 

260.  —  Si  on  prolongeait  la  durée  des  pauses  au  delà  de  la 
mesure  indiquée,  ce  serait  au  préjudice  de  l'unité  de  la  phrase  et 
du  sens  musical  lui-même  de  la  pièce. 

261.  —  Après  le  retard  précédant  la  grande  pause,  on  doit 
toujours  reprendre  le  mouvement  ordinaire  au  début  d'une  nouvelle 
phrase. 

262.  —  On  ne  double  pas  seulement  la  dernière  note,  mais 
encore  les  deux  précédentes,  quand  la  pénultième  est  affectée  de 
l'ictus  rythmique.  Nous  en  reparlerons. 

263.  —  Le  retard  sera  plus  accentué  à  la  pause  finale  qu'aux 
grandes  pauses,  et  la  dernière  note  plus  prolongée. 

264.  —  La  simple  mora  vocis  ■,  ■•  =  •  >  •  n'indique  par  elle- 
même  aucune  respiration. 


CHAPITRE  V. 
Exécution  particulière  à  certains  neumes, 

Strophicus.  —  Pressus.  —  Oriscus.  —  Quilisma. 

265.  —  Strophicus.  Sous  le  nom  générique  de  strophicus  on 
entend  X apostropha,  la  distropha  et  la  tristropha. 

L'apostropha  (^  =  ■)  ne  s'emploie  jamais  seule. 

266.  —  La  distropha  est  un  strophicus  de  deux  notes  et  la 
tristropha  de  trois.  On  les  rencontre  le  plus  souvent  sur  les  notes 
do  et /a. 


86 


Deuxième  Partie.  —  Chapitre  V. 


267.  —  Comment  faut-il  exécuter  le  Strophicus?  —  Les  anciens 
théoriciens  s'accordaient  à  appeler  notae  repercussae  les  sons  qui 
composent  ce  neume.  Pour  n'en  citer  qu'un  seul,  Aurélien  de 
Réomé  (IX^  siècle),  parlant  de  la  tristropha  à  la  fin  des  versets  des 
introïts  du  premier  mode,  dit  :  «  terna gratulabitur  vocis percussione  »  ; 
et,  au  sujet  du  même  neume  dans  les  versets  des  introïts  des 
troisième  et  septième  modes,  il  ajoute  plus  clairement  :  «  Sagax 
canto}'  sagacité)'  ùitende  ut...  trimiin,  ad  ijistar  inanus  verberantis^ 
*    f acias  celèrent  ictuni.  »  (Gerbert.  Script.  I,  p.  56  et  57). 

Il  faudrait  donc  faire  entendre  trois  coups  de  voix  rapides, 
légers,  brefs,  à  l'instar  d'une  main  qui  frappe. 

Malgré  les  autorités  et  le  caractère  incontestablement  artistique 
dont  elle  se  réclame,  nous  n'osons  guère  recommander  d'une 
manière  générale,  même  à  des  chœurs  exercés,  cette  interprétation 
du  strophicus,  à  cause  des  difficultés  sérieuses  qu'elle  présente.  Voici 
cependant  deux  exercices  en  faveur  de  ceux  qui  croiraient  pouvoir 
l'adopter  avec  succès,  au  moins  en  certains  cas. 


268. 5~fi' 


-s\ 


-s\ 


-y^ 


-\ 


F  2«    ■•  '  St% 

■•r*** 

^s7~l 

■     44             k.         44 

S"Si"    ■^^.. 

^\- 

■• 

■          ■     ^B          ■       ■   ■ 

'  ■         ■      ^i         "Il  ■■■ 

Solfier  d'abord  et  vocaliser  ensuite. 


269. 


C  "^fc  ■    ^^^ 


*-^ 


s»   S>S 


W^ 


Ces  deux  exercices  sont  disposés  de  manière  à  préparer,  par  la 
flexion  d'un  demi-ton  (do-si-do)  dans  la  première  incise  de  chaque 
membre,  l'émission  du  strophicus  qui  apparaît  dans  la  seconde. 

270.  —  Il  peut  se  faire  que  la  tiistropha  offre  encore  plus  de 
difficultés  que  la  distropha.  On  pourra  donc,  en  pratique,  réunir  en 
un  seul  son  de  double  valeur  les  deux  premières  notes  de  la 
tristropha  et  ne  répercuter  que  la  dernière. 


Í    %«% 

y   ^^^  .. 

■ 

i 


Dé- 


W- 


:é3L 


us 


Dé- 


us 


Ainsi  le  passage  à  la  syllabe  suivante  est  rendu  plus  facile  et  on 
évite  qu'elle  paraisse  séparée  de  la  précédente. 


Exécution  particulière  à  certains  neumes. 


87 


271.  —  Si  cette  interprétation  semble  encore  trop  difficile,  qu'on 
donne  à  la  distropha  ou  à  la  tristropha  une  valeur  relative  au 
nombre  de  leurs  notes,  en  imprimant  à  celles-ci  un  léger  vibrato 
ondulé  et  en  les  exécutant  crescendo  ou  decrescendo  selon  les  cas. 
Ainsi  le  strophicus  se  distinguera  de  la  simple  inora  vocis  et  du 
son  plus  compact  et  plus  fort  du  pressus  et  de  la  bivirga. 

272.  —  Lorsque  la  troisième  note  de  la  tristropha  porte  ictus, 


Í-» 


^ 


il  faut  nécessairement  répercuter  le  troisième  temps. 

273.  —  «  On  doit  distinguer  les  groupes  de  strophicus  qui  se 
suivent  par  une  répercussion  légère  sur  la  première  apostropha  de 
chaque  groupe,  laquelle  est  note  ictique.  Si  la  répercussion  vive  et 
alerte  de  chaque  apostropha  du  strophicus  est  difficile  pour  un 
chœur,  il  n'en  est  plus  de  même  pour  cette  reprise  qui  doit  consister 
dans  un  renflement  doux  et  intensif  d'une  unique  poussée  d'air. 
La  même  règle  aura  son  application  si  une  virga  allongée  précède 
le  strophicus,  ou  encore  si  cette  note  se  trouve  encadrée  entre 
plusieurs  groupes  du  même  genre. 


Offert.  Reges  Tharsis. 


Offert.  Anima  nostra. 


■    »»^^>^» 


■-■     B^^^l^^^ 


% 


Ré-ges  Thársi     [i  i]  s. 


libera-    ti  [i       i  i]       sumus. 


«  Au  moyen  de  ces  douces  et  délicates  vibrations  ou  reprises  de 
son,  on  évitera  ces  longues  traînées  de  notes  à  l'unisson  qui 
atteignent  parfois  huit  ou  neuf  fois  la  valeur  d'un  temps  et,  selon 
la  gracieuse  expression  de  D.  Mocquereau,  «  arrêtent  et  brisent  le 
cours  ondulé  du  fleuve  rythmique  ^  ». 

274.  —  Le  pressus  représente  un  son  de  double  valeur  compact 
et  fort  qui,  dans  grand  nombre  de  cas,  demande  quelque  accéléra- 
tion sur  les  notes  précédentes. 

L'appui  rythmique  se  place  toujours  sur  la  première  note  qui 
forme  \ç^  pressus. 


s>.    r-N 


0      0 


•J,h 


*  Cité  de  V École  Grég.  de  Solesines  p.  115. 


88  Deuxième  Partie.  —  Chapitre  V. 

275.  —  \Joriscus  est  une  note  douce,  légère,  qui  peut  être 
préparée  par  un  accelerando  du  groupe  auquel  Voriscus  est  uni  dans 
l'exécution.  Parfois  il  occupe  le  degré  supérieur  à  la  note  précé- 
dente, et  d'autres  fois  il  est  écrit  sur  le  même  degré  qu'elle. 

Dans  ce  dernier  cas,  si  l'oriscus  est  un  do,  un  fa  ou  un  sit?,  et 
qu'il  vienne  à  la  suite  d'une  clivis  ou  d'un  torculus,  on  peut  exécuter 
un  demi-ton  plus  bas  la  note  qui  précède  ;  v.  gr.  : 

,  ,  N:     Ns    Ka 


■  %»  1  %»  ]  r«*  =  — ;   "  ^»  1 1\*  1  f^* 


di-  em  féstum  ce- le-brántes  di-  em  féstum  ce-le-brántes 

Dans  tous  les  cas,  il  peut  se  répercuter  à  la  manière  du  strophicus. 

276.  —  L'appui  rythmique  se  place  sur  la  note  qui  précède 
\oriscus,  si  celui-ci  s'exécute  sur  le  même  degré  qu'elle;  il  pourra 
coïncider  avec  la  seconde  note  avant  Voriscus,  si  celui-ci  s'exécute 
de  la  seconde  manière,  c'est-à-dire  en  le  faisant  précéder  de  son 
demi-ton  inférieur  comme  à  dzem  féstum  celebrantes.  De  même 
pour  tous  les  cas  analogues  à  celui-ci  : 


\ 


^^ 


jiî- 


us-   que 

277*  —  T .e  s^(icus  porte  toujours  l'ictus  sur  sa  seconde  note 
laquelle  est  de  plus  allongée. 

278.  —  \J epiphonus  et  le  cephalicus  ont  leur  seconde  note 
liquescente  pour  faciliter  le  passage  d'une  syllabe  à  l'autre  dans  les 
diphtongues,  dans  les  rencontres  de  certaines  consonnes,  etc.  ;  cette 
note  liquescente  n'est  qu'adoucie  et  ne  perd  rien  de  sa  durée. 

279.  —  Il  en  est  de  même  de  la  troisième  note  de  Vancus. 

280.  —  Le  quilisma  a  un  effet  rétroactif  de  trois  manières  :  a)  en 
retardant  la  note  antérieure;  —  s'il  est  précédé  d'un  podatus  ou 
d'une  clivis,  U)  en  doublant  la  première  note  et  en  retardant 
simplement  la  seconde  de  ces  neumes;  —  enfin  c)  en  retardant  les 
trois  sons  précédents,  s'ils  forment  un  neume  de  trois  notes  ou  s'ils 
se  subdivisent  en  une  clivis  et  un  punctum  quadratum  qui  vient 
immédiatement  avant  le  quilisma. 


Chapitre  VI.  —  Les  appuis  rythmiques.  89 

CHAPITRE  VI- 
Les  appuis  rythmiques. 

Les  divisions  binaires  et  ternaires.  —  Leur  iinp07'tance.  —  Règles 
pour  les  déter77iiner.  —  Texte  :  Rythme  des  mots.  —  Mélodie  : 
Notes  modales.  Dessins  7nélodiques.  Neumes.  Pauses.  Manuscrits 
rythmiques. 

281.  —  On  sait  maintenant  que  le  rythme  forme  ses  arsis  et  ses 
thésis  en  s'appuyant  au  commencement  de  chacune  de  ces  deux 
parties  :  au  commencement  de  la  première  pour  le  départ,  l'impul- 
sion et  l'élan  du  mouvement;  au  commencement  de  la  seconde 
pour  son  arrivée,  son  repos  et  sa  chute. 

Savoir  distinguer  les  arsis  et  les  thésis,  c'est  connaître  le  point 
même  où  commence  chacune  d'elles,  c'est-à-dire  les  ictus  rythmiques 
qui  marquent  les  groupements  binaires  et  ternaires,  soit  les  plus 
petites  divisions  du  rythme. 

Ces  petites  divisions  du  mouvement  n'ont  pas  toutes  une  égale 
importance;  elle  dépend  de  la  place  qu'elles  occupent  dans  la 
phrase  musicale,  du  rôle  qu'elles  jouent  et  de  leur  subordination 
mutuelle;  toutes  cependant  ont  leur  raison  d'être,  car  chacune  est 
un  anneau  de  la  chaîne  rythmique,  et  il  est  aussi  nécessaire  à  celui 
qui  chante  de  les  connaître  qu'à  celui  qui  marche  de  savoir  où 
poser  le  pied.  Ce  qu'il  faut  éviter  à  tout  prix,  c'est  de  marquer 
uniformément  tous  les  appuis;  ce  serait  isoler  les  uns  des  autres  les 
petits  groupements  rythmiques,  et  puisque  nous  venons  de 
comparer  la  phrase  à  une  chaîne,  ce  serait  en  détacher  les  anneaux. 
On  tomberait  ainsi  dans  le  grave  défaut  des  débutants  ou  des 
mauvais  exécutants  qui,  en  musique,  marquent  tous  les  premiers 
temps  de  la  mesure  forts  et  détruisent  par  là  le  phrasé.  Cette 
remarque  capitale  étant  faite,  il  reste  vrai  que  plus  l'analyse  d'une 
mélodie  aura  été  consciencieuse  et  minutieuse,  plus,  la  synthèse 
venant  ensuite,  on  obtiendra  une  exécution  parfaite  et  liée,  tout 
sujet  d'indécision  ayant  été  préalablement  écarté. 

La  connaissance  et  l'observation  des  ictus  ne  sont  pas  moins 
requises  pour  obtenir  l'ensemble  dans  un  chœur  que  pour  la  bonne 
exécution  du  chant  en  solo. 

Mais  voici  qui  est  plus  important  encore.  C'est  la  connaissance 
des  règles  à  obsei-ver  pour  bien  placer  les  ictus.  Il  ne  suffit  pas  en 
effet  de  les  mettre  n'importe  où,  car  selon  qu'on  les  affecte  à  une 
note  ou  à  une  autre,  le  sens  rythmique  et  même  le  sens  modal  de 
la  phrase  changent  complètement.  On  devine  les  conséquences 
d'une  erreur  en  cette  matière. 


UNIVERSITY  OF  TORONTO 


90 


Deuxième  Partie. 


Deux  preuves  à  l'appui  : 


Í  ■ 

■       - 

C  î 

■     ■     > 

■  ■• 

?  ■  ? 

1 

ñ 

■  S 

♦  ! 

'♦■  ■. 

e   ,   ■ a ■ 


♦  i 


Savoir  placer  les  ictus  rythmiques,  en  d'autres  termes,  savoir 
rythmer  une  mélodie  grégorienne  n'est  pas  chose  facile.  Cela 
suppose  un  ensemble  de  connaissances  théoriques,  pratiques  et 
paléographîques  que  tout  le  monde  n'est  pas  à  même  de  posséder. 
Le  plus  simple  et  le  plus  sûr  est  de  recourir  aux  éditions  rythmi- 
ques des  Bénédictins  de  Solesmes. 

Mais  on  peut  ne  pas  avoir  de  ces  éditions  à  sa  disposition,  on 
peut  se  trouver  devant  une  pièce  qui  n'est  pas  rythmée,  ou  bien  on 
veut  la  rythmer  par  soi-même.  Comment  s'y  prendre? 

Le  texte,  la  mélodie  et  les  manuscrits  rythmiques  sont  à 
examiner  tour  à  tour  et  à  être  mis  en  parallèle.  De  là  des  règles 
qu'on  ne  saurait  donner  comme  absolues  et  d'une  égale  valeur  :  tan- 
tôt elles  concourent  ensemble  et  tantôt  les  unes  cèdent  aux  autres. 


Règles  générales. 

A.  —  Texte. 

282.  —  La  règle  concernant  le  texte  est  de  rythiner  les  mots 
toutes  les  fois  qu'on  le  peut.  D'après  cette  règle,  essayons  de  rythmer 
la  première  strophe  du  Lauda  Sion. 


l 


Lauda      Sí-  on  Sal-va-    tó-  rem, 
Quantum  pót-es,    tantum   áude  : 


Lauda  dú-cem   et  pa-stó-  rem, 
Qui-    a  má-jor     ómni     laude, 


Chapitre  VI.  —  Les  appuis  rythmiques.  91 


i 

*     ,       ■       , 

7  7      i         I      i     i. 


In  h^^mnis,  et   cánti-  cis. 
Nec    lau-dá-  re    súf-fi-  cis. 

Au  premier  vers  d'abord,  où  placeraî-je  mes  ictus?  sur  la  thésis 
ou  sur  l'accent?  Le  dernier  mot  est  certainement  rythmé.  L'ictus 
coïncide  sans  aucun  doute  avec  la  dernière  syllabe  de  ce  membre. 
Il  faut  bien  finir.  Je  pars  donc  de  cet  ictus  certain  et  je  vais  sur 
ma  gauche  pour  placer  lej  autres.  Ne  pouvant  mettre  deux  ictus 
de  suite,  je  dois  aller  de  deux  en  deux  ou  de  trois  en  trois  notes. 
Je  commence  de  deux  en  deux,  c'est  le  rythme  le  plus  naturel  et 
c'est  au  premier  coup  d'œil  le  rythme  de  ce  membre  formé  de 
dissyllabes.  Dans  ce  mouvement  rétrograde  l'ictus  rencontre  la 
finale  des  mots  et  l'accent  est  au  levé.  Finale  au  baissé,  accent  au 
levé,  c'est  l'idéal.  Je  n'ai  pas  à  chercher  davantage.  Tout  autre 
rythme  serait  à  côté.  Je  tiens  le  vrai,  l'unique.  Et  quel  rythme 
gracieux,  ailé!  Comme  je  me  serais  fourvoyé  si,  sans  l'avoir 
préalablement  rythmé,  j'avais  chanté  cet  admirable  membre  de 
phrase  en  ne  me  préoccupant  que  des  accents.  Infailliblement 
j'aurais  appelé  l'ictus  sur  eux  et  déformé  le  rythme.  Je  m'en  serais 
bien  aperçu,  mais  trop  tard,  en  arrivant  à  la  fin,  ou  le  choc  de  deux 
ictus  consécutifs,  le  dernier  accent  et  la  dernière  syllabe,  m'auraient 
appris  que  j'étais  mal  parti. 

C'est  donc  un  excellent  principe  de  rythmique  que  de  partir  du 
premier  ictus  certain  à  droite  pour  trouver  ceux  de  gauche. 

Au  premier  membre  de  phrase,  ce  principe  nous  a  permis  de 
rythmer  les  mots.  Au  second,  il  nous  donne  un  résultat  contraire. 
C'est  que  cette  fois  le  premier  ictus  certain  n'est  plus  sur  la 
dernière  syllabe  qui  garde  cependant  le  sien,  mais  sur  le  dernier 
accent.  Cet  accent  porte  un  ictus,  celui  de  la  note  initiale  du 
podatus.  Le  point  de  départ  est  donc  changé.  Il  se  présente  une 
syllabe  plus  tôt.  De  là,  recul  à  gauche  de  tous  les  ictus  et  leur 
coïncidence  avec  les  accents.  De  là  aussi  deux  rythmes  :  premier 
membre  de  phrase,  mots-rythmes,  deuxième  membre,  mots-temps^ 
excepté  bien  entendu  le  dernier  forcément  rythmé.  Qu'on  se 
rappelle  ce  qui  a  été  dit  des  uns  et  des  autres  aux  N^s  232,  234. 
Le  cas  présent  est  identique.  C'est  la  présence  d'une  clivis  sur  la 
dernière  syllabe  de  quoque  qui,  dans  le  Tantum  ergo  mozarabe 
(No  234),  a  transformé  en  mots-temps  les  mots-rythmes  du  Tantum 
ergo  grégorien  (N^  233). 

Troisième  membre  de  phrase,  même  rythme  musical  que  le 
deuxième  et  pour  la  même  raison.  Le  point  de  départ  est  l'accent 


92  Deuxième  Partie. 


et  non  la  dernière  syllabe  de  cánticis.  On  sait  que  le  dactyle  a  deux 
appuis  rythmiques  :  un  d'arsis  sur  l'accent,  un  de  thésis  sur  la 
dernière  syllabe.  Comme  cánticis  ne  porte  aucun  groupe,  ses  deux 
premières  syllabes  répondent  au  podatus  de  pastÓ7'em  :  ainsi  un 
dactyle  rime  «  musicalement  »  avec  un  spondée. 

Nous  avons  dit  que  le  rythme  musical  du  troisième  membre  de 
phrase  est  pareil  à  celui  du  deuxième.  C'est  à  dessein  que  nous 
avons  employé  l'adjectif  «  musical  »,  car  le  rythme  des  mots 
diffère.  Hyinnis,  mot  intérieur,  est  rythmé.  Il  ne  faut  en  chercher  la 
cause  que  dans  le  texte  même  :  l'accent  a  changé  de  place,  tandis 
que  l'ictus  n'a  pas  bougé.  A  la  strophe  suivante  qui  se  chante  sur 
la  même  mélodie,  l'accent  change  encore  et  se  met  avec  l'ictus. 
Conséquence  :  laudare  n'est  pas  rythmé. 

283.  —  Cette  mobilité  de  l'accent  prouve  l'importance  du  rythme 
musical  et  explique  son  intj-ansigeance.  Que  deviendrait-il  s'il  fallait 
que  les  ictus  fussent  sans  cesse  en  mouvement  pour  rencontrer  les 
accents?  Il  n'existerait  plus  et  pour  le  malheur  du  texte  qui 
perdrait  en  lui  son  plus  puissant  moyen  d'expression. 

284.  —  Sans  l'avoir  prévu  en  le  commençant,  nous  finissons  ce 
paragraphe  par  ce  qu'on  a  appelé  «  la  thèse  de  l'accent  au  levé  ou 
de  l'indépendance  réciproque  de  l'accent  tonique  et  de  l'ictus 
rythmique  ».  Ils  peuvent  correspondre  ou  ne  correspondre  pas.  On 
voit  combien  cette  thèse  est  fondée.  Les  faits  la  mettent  en  pleine 
lumière. 

Accent  tonique  et  ictus  rythmique  n'ont  point  à  se  rencontrer 
nécessairement,  puisque  leur  point  de  départ  est  différent  :  l'ictus 
part  de  la  dernière  syllabe,  et  l'accent  de  la  pénultième  où  il  a  sa 
place  régulière.  C'est  pourquoi  dans  un  chant  syllabique  composé 
de  dissyllabes,  comme  le  premier  membre  de  la  phrase  Lauda  Sion, 
le  croisement  entre  l'accent  et  l'ictus  est  continuel. 

Enfin,  l'accent  et  l'ictus  n'ont  pas  à  se  rencontrer  nécessairement, 
non  seulement  parce  qu'ils  ne  partent  pas  du  même  point,  mais 
encore  parce  qu'ils  ne  sont  pas  de  même  nature  :  l'accent  appartient 
à  X ordre  mélodique  et  l'ictus  à  \ ordre  ryth^nique. 

1.  —  Mélodie. 

Pour  le  placement  des  ictus  d'après  la  mélodie,  plusieurs  choses 
sont  à  considérer  :  a)  la  tonalité,  U)  les  dessins  mélodiques,  ¿:)  les 
neumes,  d)  les  pauses,  ^)  les  manuscrits  rythmiques. 

2^  La  tonalité. 

285.  —  On  doit,  si  on  en  a  le  choix,  donner  l'ictus  aux  notes 
modales  ou  à  celles  qui  ont  passagèrement  ce  caractère.  (Voir  le 
chap.  I,  No  121). 


Chapitre  VI.  —  Les  appuis  rythmiques. 


93 


t 


Cré-do     in  ii-num  Dé-  um, 


Le  mi  de  Credo  et  de  unum  appelle  naturellement  l'ictus,  parce 
qu'il  est  la  tonique.  Les  mots  y  gagnent  d'être  rythmés.  Texte  et 
mélodie  concourent  ici  ensemble.  C'est  ce  que  nous  avons  déjà 
rencontré  au  premier  membre  de  la  strophe  Lauda  Sion. 

b)  Dessins  mélodiques, 

286.  —  Dans  le  chant  grégorien  il  y  a  des  mouvements  mélo- 
diques semblables  ou  opposés,  des  répétitions  vraies  ou  simulées, 
des  déductions  ou  des  amplifications  de  thèmes,  des  gradations, 
des  membres  antécédents  et  des  membres  subséquents,  des 
demandes  et  des  réponses,  des  rimes,  etc.  Nous  aurons  l'occasion 
d'en  parler  en  détail.  Dans  tous  ces  cas,  les  ictus  rythmiques 
doivent  révéler  et  préciser  la  pensée  musicale. 

287.  —  Les  passages,  dont  le  dessin  rythmique  est  nettement 
défini  par  les  contours  de  la  mélodie  ou  dans  lesquels  il  apparaît 
du  moins  comme  le  meilleur,  le  plus  naturel,  servent  de  règle  pour 
des  cas  analogues  ou  semblables  qui,  par  eux-mêmes,  se  prêteraient 
à  des  interprétations  variées.  On  ne  peut  s'affranchir  de  cette  règle 
et  adopter  un  rythme  entièrement  opposé  que  pour  de  graves 
raisons. 

Passons  à  quelques  exemples  pratiques. 

La  p7'emière  des  cadences  suivantes  du  Credo  I  détermine  le 
rythme  de  la  seconde,  et  même  de  la  troisième  qui  revêt  ainsi,  par 
rapport  aux  deux  précédentes,  son  vrai  caractère  de  cadence 
incomplète. 


ler 


2e 


p 

^   ■              -                   1 

?     ■ 

" 

Pa 

■• 

■ 

in-  vi- 

si- 

bi- 

li- 

um. 

S                     .                      1 

■       ■ 

^ 

" 

■• 

■•      1 

7                                           1 

de-  scén- 

-dit 

de 

caé- 

lis. 

^     ■                                       1 

?       ■ 

^ 

■ 

■• 

a* 

7                        1 

de  Dé-     o    vé-    ro. 


94 


Deuxième  Partie. 


Également  dans  le  Credo  III,  les  quatre  premiers  exemples 
suivants  précisent  le  rythme,  par  lui-même  indécis,  des  autres 
cadences. 


Sí=¿ 


ST^ 


i^r  ná-      tum, 
2^   Pá-     tris, 


3^  fá-    ctum, 


i 

'     ?■■■ 


ít 


omni-pot-éntem, 


pro-  cé-dit. 


t 


Pónti-o  Pi-lá-to, 


ÍSB=¿ 


c     ^  .- 

y      ^  ■ 

4^  cae-    lum. 

S     ■  ■    ■• 

i       ■          ■ 

de   cae-  lis. 
ba-  ptísma. 

f 

«       . 

■    ■    ■'      - 

crucifí-     xus 


Prophé-  tas. 


C'est  sur  ees  principes  de  symétrie  et  de  correspondance  que 
nous  nous  sommes  basé,  pour  rythmer  la  mélodie  traditionelle  du 
Pange  lingua  espagnol. 

La  cadence  terminative  du  second  vers  sert  de  modèle  pour  la 
quatrième  qui,  en  définitive,  n'est  que  sa  répétition  à  la  quinte 
supérieure. 

Poursuivant  notre  confrontation  rythmique,  nous  parvenons  à 
découvrir  une  symétrie  surprenante  entre  les  finales  des  quatre 
premiers  vers. 

.  i 


^ 


^ 

^ 


^^ 


:i=: 


men- 


^^ 


tum 

in: 


iP^ 


h      h  -fv-T 


ve-  ne-  re-    mur   cer-nu- 


ri-  tu- 


El 


l^ 


V=::f^ 


an-ti-quum  do-   cu-mén-tum 


Chapitre  VI.  —  Les  appuis  rythmiques. 


95 


m 


^-^L^ 


Pánge    língua  glo-ri-  ó- si 


Córpo-ris  mysté-ri-  um 

■     .  ■ 


-■ — ■- 


■    ■ 


Sangui-nisque  pre-ti-  ó-si, 

0 

uem 

in  mundi   pré-ti-  um, 

ñ                                       n 

^                ■     ■     ■         " 

■ ■ 

■    ■      V      ■      ?    ■ 

\* 

u— 

■   ■  ■  ■    ■  ■  ■• 

— 1 

Fructus  véntris  ge-ne-ró-si 


Rex   effu-dit   génti-   um. 


Í 


A  la  fin  :  A-  men.  ^ 

288.  —  Dans  les  dessins  mélodiques  semblables  à  celui-ci  : 

e— — 


les  notes  inférieures  attirent  naturellement  à  elles  l'appui  ryth- 
mique. Exemple  : 


% 


J-5-i 


Í 


■      ■ 


parti- ci-pá-ti-  o     é-jus   in    id-ipsum 

289.  —  Les  notes  initiales  des  groupes  gardent  leur  ictus,  quand 
ces  mêmes  groupes  se  désagrègent  en  faveur  d'un  texte  plus 
abondant. 


% 


■î 


^ 


-■ — ü 


in     excél-  ... 


in  nomi-ne   Do-  ... 


'  La  leçon  du  Pange  lingua  espagnol  donné  ici  appartient  à  Dom  Suñol.  Il 
l'a  établie  et  justifiée  dans  une  belle  étude  publiée  dans  la  Revue  <L  Música 
Sacro- Hispana  >.  Victoria,  Année  III,  N°^  4,  5,  6  et  7. 


96 


Deuxième  Partie, 


Les  açMy. podatus  de  in  ex  donnent  évidemment  le  rythme  des 
mêmes  notes  syllabiques  de  in  no7nÍ7íe.  {Sancius  XIV). 

c)  Les  neuines. 

290.  —  Nous  avons  déjà  indiqué  au  chapitre  V  la  place  des 
ictus  pour  les  neumes  qui  réclament  une  exécution  particulière  : 
strophicus,  p7'essus,  oriscus  et  salicus.  Complétons. 

«  Sont  affectés  d'un  ictus  rythmique  : 

291.  —  La  première  note  de  tous  les  groupes^  quelle  que  soit  la 
forme  de  cette  note,  à  moins  qu'elle  ne  soit  précédée  ou  suivie 
d'une  note  episématique,  car  Vepisème,  e7i  cas  de  conflit^  l'emporte 
toujours  sur  toutes  les  autres  indications  ictiques. 


t     ¿a 

^  k 

*  ft  à 

Í     ■■ 

T  T 

1 

1 

■ 

■ 

' 

■■■ 

■♦. 

^ 

J 

¡♦é 

1 

f 

1 

?     ♦• 

292.  —  «  La  réserve  insérée  dans  cette  règle  motive  les 
exceptions  suivantes  : 

Exception  a)  :  Une  première  note  de  groupe  est  privée  d'ictus, 
lorsque  la  note  simple  finale  du  groupe  précédent  est  elle-même 
marquée  d'un  touchement,  d'un  épisème,  car  deux  ictus  rythmiques 
de  suite  sont  impossibles.  Exemple  : 


m      ñ  %      

1  '    — ■ 


^^m 


<i  Exception  F)  :  De  même  \ ictus  abandonne  la  première  note 
d'un  groupe  et  glisse  sur  la  seconde,  lorsque  celle-ci  est  affectée  de 
\  épi  sème. 

«  Exemple  :  le  do-virga  du  climacus  dans  le  mélisme  suivant  : 


î— îr35ïr 


«  Dans  la  figure  ci-dessus,  la  première  note  ré  de  la  clivis  est 
privée  à' ictus,  en  vertu,  à  la  fois,  des  exceptions  a  çX  b\  elle  est  en 
même  temps  précédée  (exception  îz)  et  suivie  (exception  b)  d'une 
note  ictique. 

293.  —  «  Sont  affectées  aussi  d'un  ictus  rythmique  toutes  les 
virgas  culminantes  des  groupes. 


Chapitre  VI.  —  Les  appuis  rythmiques.  97 

à)  Soit  au  centre  du  groupe  : 


1 

■_ 

wT^^ 

Î~ 

b) 

Soit  à  la  fin. 
1 

• 

r    ■    ■ 

iZ 

■ 

Dó-mi-ne  Dó-     mi-ne 

Remarque. 

«  Cette  virga  culminante  peut  être  assimilée  à  la  première  note 
des  groupes,  et  son  ictus  est,  en  conséquence,  soumis  aux  mêmes 
exceptions.  » 

294.  —  Enfin,  toutes  les  notes  longueSy  sans  exception,  reçoivent 
X appui  rythmique. 

Sont  considérées,  nous  l'avons  vu,  comme  notes  longues,  tous  les 
pressus  et  les  notes  allongées  par  Poriscus. 

d)  Les  pauses. 

295.  —  En  règle  générale,  avant  toute  pause  la  dernière  note 
est  doublée. 

296.  —  Quelquefois,  bien  que  simplement  retardée,  elle  est  aussi 
marquée  d'un  ictus,  non  parce  qu'elle  est  prolongée,  mais  à  cause 
de  sa  position  rythmique. 

■  ■  -^Ê-- , 


■^^i 


qui-  a    mundá-tus     est,     regréssus     est, 

Malgré  la  demi-barre  et  la  virgule,  le  ré  allongé  de  est  forme 
avec  les  deux  notes  suivantes  une  mesure  ternaire.  De  là  son  ictus. 
La  cadence  musicale  a  lieu  seulement  au  do  pointé  de  regi'ésus  est. 
Le  ?'/,  par  son  allongement,  ne  fait  que  l'annoncer.  Une  respiration 
après  ce  7'é  serait  une  faute  contre  le  rythme. 

297.  —  Si  la  pause  est  précédée  d'un  neume  de  deux  notes, 
chacune  d'elles  est  affectée  de  l'ictus  parce  qu'il  est  de  règle 
ordinaire  de  doubler  leur  valeur.  Si  on  ne  les  double  pas,  l'appui 
rythmique  ne  se  fait  que  sur  la  première. 

No  674.  —  4 


98  Deuxième  Partie. 


298.  —  Les  antiennes  terminent  fréquemment  par  un  spondée 
syllabique  à  l'unisson.  S'il  est  amené  par  un  mouvement  mélodique 
descendant,  on  double  ses  deux  notes  qui,  en  conséquence,  reçoivent 
l'ictus  rythmique. 


\ 


co-ro-ná-vit      é-    um. 

Avant  la  pause  moyenne  —  cadence  de  membre^  —  ou  la  petite 
pause  —  cadence  d'incise,  —  il  est  mieux  de  ne  pas  doubler  l'avant- 
dernière  note,  à  moins  que  l'accent  ne  soit  précédé  d'un  torculus ; 
dans  ce  cas,  la  voix  réclamant  un  repos  sur  l'accent,  celui-ci  se 
prête  volontiers  à  cette  exigence  et  se  laisse  doubler. 

\— — 


fu-  dé-  runt 


299.  —  Dans  tous  les  autres  cas,  «2)  soit  que  les  deux  syllabes, 
précédées  cette  fois  d'un  mouvement  mélodique  ascendant  se 
chantent  à  l'unisson  : 

e- — 


■  ■  ■ 


omni-  pot-éntem. 


b)   soit   que  la   syllabe  accentuée   se  rencontre  sur  un   degré 
différent  de  celui  de  la  dernière, 

feu     i  i     ZT 


mansu-  e-  tu-di-nis    é-jus. 

il  est  préférable  de  ne  pas  doubler,  ni  même  de  ne  pas  prolonger 
la  note  pénultième. 

Quand  la  note  pénultième  n'a  que  sa  valeur  ordinaire,  elle  ne 
porte  jamais  d'ictus  dans  aucune  cadence. 

e)  Les  manuscrits  rythmiques. 

300.  —  On  ne  peut  plus  les  ignorer  depuis  les  savantes  recherches 
dont  ils  ont  été  et  sont  encore  l'objet  de  la  part  des  Bénédictins  de 


Chapitre  VII.  —  Du  rythme  des  incises  et  des  membres.     99 

Solesmes.  Il  est  prouvé  aujourd'hui  que  ces  manuscrits  sont  les 
témoins  les  plus  anciens  et  les  plus  véridiques  de  la  tradition 
rythmique,  et  que  cette  tradition,  comme  la  tradition  mélodique, 
était  universelle. 

Si  on  ne  peut  les  ignorer,  encore  moins  peut-on  les  négliger  dans 
l'étude  du  rythme  en  général,  et,  nous  le  verrons  bientôt,  dans 
l'analyse  rythmique  d'une  pièce  en  particulier.  Vouloir  se  passer 
d'eux,  c'est  entreprendre  sciemment  une  œuvre  chimérique  et  aller 
à  un  échec. 

Quiconque  veut  rythmer  par  lui-même  et  avec  sûreté  une 
mélodie  grégorienne  fera  donc  des  manuscrits  rythmiques  une 
étude  consciencieuse.  Il  aura  recours  à  la  Paléographie  Musicale  de 
Solesmes,  qui  lui  fournira  les  plus  précieux  avec  le  secret  de  s'en 
servir.  Il  se  rappellera  qu'ils  sont  la  base  solide  des  règles  données 
dans  ce  chapitre,  et,  s'il  est  professeur,  il  ne  manquera  pas  de  leur 
emprunter  à  l'appui  de  ses  explications  les  exemples  que  la  grande 
publication  solesmienne  mettra  abondamment  à  sa  disposition. 


CHAPITRE  VIL 
Du  rythme  des  incises  et  des  membres. 

Les  incises.  —  Causes  déterminantes  :  le  texte  :  la  mélodie  :  les 
exigences  du  sens  esthétique  :  le  ryth7ne.  —  Les  mêmes  facteui^s 
maintiennent  V unité  interne  des  incises.  —  Phrases  d^une^  de  deux^ 
de  trois  et  de  quatre  incises, 

301.  —  Distingués  mais  non  séparés  par  les  ictus,  les  groupe- 
ments binaires  et  ternaires  forment  ensemble /<3:/^r<3;j"^  m^usicale  ou 
le  grand  rythme. 


\ 


Lauda- te  Dómi-num  de   caé-  lis. 

302.  —  Mais  il  s'en  faut  que  toutes  les  phrases  musicales  se 
réduisent  à  des  proportions  aussi  restreintes.  La  plupart  sont  assez 
étendues  pour  se  partager  en  membres,  et  les  membres  en  incises. 
Ce  sont  le  sens  littéraire^  le  sens  mélodique^  le  sens  tonal,  notre  sens 
esthétique  et  l'action  synthétique  du  iythme  qui  règlent  ces  subdi- 
visions, et  non  l'arbitraire  ou  le  simple  besoin  de  respirer. 

303.  —  Pour  ce  qui  concerne  le  sens  littéraire,  qu'on  se  rappelle 
tout  ce  qui  a  été  dit  dans  la  première  partie  sur  la  manière  de 
grouper  les  mots. 


]00  Deuxième  Partie.  —  Chapitre  VII. 

304.  —  Le  sens  mélodique  est  un  des  principaux  facteurs  des 
divisions  de  la  phrase.  Il  résulte  du  principe  sur  lequel  se  fonde 
toute  modalité,  c'est-à-dire  sur  l'attraction  ou  sur  la  répulsion 
mutuelle  de  divers  sons,  en  vertu  de  l'action  synthétique  de  certaines 
notes  plus  importantes  de  chaque  gamme,  telles  que  la  tonique 
et  la  dominante  propres,  ou  la  tonique  et  la  dominante  d'une 
modulation  passagère. 

305.  —  Le  sens  esthétique,  inné  en  nous,  nous  porte,  en  écrivant 
ou  en  chantant  une  phrase  quelque  peu  étendue,  à  y  introduire  des 
arrêts  provisoires,  qui  tout  à  la  fois  charment  l'oreille  et  rendent 
la  pensée  musicale  plus  compréhensible. 

306.  —  Enfin  \ action  synthétique  du  rythme. 

Nous  avons  dit  que  le  rythme  simple  doit  son  unité  à  l'intime 
relation  de  dépendance  entre  l'arsis  et  la  thésis. 

Le  rythme  composé  par  contraction,  dans  lequel  l'arsis  ou  la 
thésis  se  répètent  comme  il  a  été  expliqué,  doit  aussi  à  leur 
mutuelle  relation  ou  dépendance  les  liens  qui  font  son  unité. 

Même  le  rythme  composé  par  juxtaposition,  bien  que  les  divers 
rythmes  simples  qui  le  composent  gardent  chacun  son  arsis  et  sa 
thésis,  établit  cependant  entre  eux  une  union  étroite,  soit  moyen- 
nant le  texte,  soit  par  les  contours  mélodiques,  soit  encore  par  les 
nuances  dans  l'exécution. 

Toutes  les  fois  donc,  que  l'action  synthétique  du  rythme,  cessant 
de  faire  sentir  son  influence,  laissera  certains  groupes  de  notes  sans 
relation  intime  et  immédiate  entre  eux,  il  y  aura  lieu,  si  les  autres 
facteurs  ne  s'y  opposent,  de  marquer  dans  la  phrase  une  nouvelle 
division,  un  nouveau  membre,  une  nouvelle  incise. 

307.  —  Le  texte,  la  mélodie  et  le  rythme,  qui  déterminent  ainsi  la 
forme  externe  ou  l'étendue  des  incises  et  des  membres,  constituent 

aussi  leur  unité  ou  \Qur  forme  interne  :  le  texte  par  le  sens  littéraire  ; 
la  mélodie  par  le  sens  mélodique;  le  rythme  par  le  principe 
rythmique  qui  subordonne  tous  les  mouvements  rythmiques  à  un 
groupe  arsique  principal,  lequel,  ordinairement,  coïncide  avec  le 
point  principal  mélodique,  et  souvent  même  littéraire,  de  l'incise 
ou  du  membre. 

Phrase  d'un  seul  membre  ou  d'une  seule  incise. 


Ky-ri-  e      e-     lé-  i-son. 


Chapitre  VIII.  —  Du  rythme  de  la  phrase.  101 

De  deux 

F 


-■ — ■    ■ 


Adiu-tó-ri-  iim  nóstrum     in  nómi-ne  Dómi-ni. 

De  trois 


f. 


■•     B< 


Di-xit  Dómi-nus    Dó-mi-no  mé-   o  :     sé-de     a  déxtris  mé-    is. 

De  quatre 


ñ 

«    ■• 

'  5     ■   ■  .    .  - 

-à w- — : ^ 

■         a 

ï          •  ■ 

-       ■ 

*"    —     — 

B       ■ 

? 

■■ 

"■ 

1 

i 

Laéva 

é-ius 

sub  cá-pi-te  mé-  o, 

et   déxte-ra 

1       1 
il-h'-    us 

1 

Û 

1        ■ 

■1 

■ 

b  i   ? 

• 

.       ■     =                 "1 

ample-xá-bi-tur  me. 

Une  phrase  peut  comprendre  encore  un   plus  grand   nombre 
d'incises  et  de  membres. 


CHAPITRE  VIIL 
Du  rythme  de  la  phrase. 

Uuîiité  de  la  phrase.  —  Moyens  de  V obtenir.  —  Lie7î  mélodique  :  ce 
qiiil  est  :  Frotase  et  apodóse.  —  Lien  dynamiqice  :  place  de  l'accent 
géîîéral  ou  phraséologique  :  soin  qu'on  doit  appoi'ter  à  son  interpré- 
tation. —  Lien  proportionnel  :  en  quoi  il  coiisiste  :  part  qui  revient 
au  chantre.  —  Lien  d'articiclaiion  :  Comment  il  se  fait.  — 
Résultat  final. 

308.  —  Si  nous  donnions  une  égale  importance  à  tous  les 
membres  et  incises,  le  résultat  serait  semblable  à  celui  d'un  corps 
dont  tous  les  membres  seraient  désagrégés,  séparés  les  uns  des 
autres;  bien  que  parfaits  en  eux-mêmes,  ils  seraient,  en  cet  état, 


102 


Deuxième  Partie. 


incapables    de   recevoir  la   vie   que   l'âme   communique  au   corps 
entier. 

Pour  obtenir  l'unité  de  la  phrase,  le  rythme  devra  donc  avoir 
égard  à  la  hiérarchie  et  à  la  subordination  réciproque  des  divers 
éléments  qui  la  composent. 

Quatre  moyens  sont  au  pouvoir  du  rythme  pour  rattacher,  selon 
leur  rôle  et  leur  importance,  incises  et  membres,  et  en  former  la 
phrase  :  Ce  sont  :  le  lien  mélodique^  le  lien  dynamique,  le  lien 
proportionnel  et  le  lien  d'articulation. 

309.  —  Le  lien  mélodique  ou  la  mutuelle  attraction  et  répulsion 
des  sons. 

Le  lien  dynamique  ou  la  subordination  des  rythmes  partiels  à  un 
élan  mélodique  ou  arsis  principale,  à  laquelle  correspond  l'accent 
général  ou  phraséologique. 

Le  lien  propo7'tionnel  ou  l'ordre  et  la  proportion  que  notre  oreille 
réclame  dans  les  divisions,  les  pauses  et  les  repos  provisoires. 

Enfin,  le  lien  d'articulation  ou  la  relation  de  continuité  qui  nous 
fait  passer  avec  goût  et  délicatesse  d'un  rythme  à  un  rythme,  d'une 
incise  à  une  incise,  et  d'un  membre  à  un  membre. 

Lien  mélodique. 

310.  — ^Souvent  le  thème  musical  se  développe  jen  élevant 
graduellement  la  ligne  mélodique  jusqu'à  un  point  culminant,  d'où 
elle  redescend  ensuite,  et,  graduellement  aussi,  vers  la  tonique. 

La  première  partie  (ascendante)  se  wovavciç^  pro  tase,  et  la  seconde 
(descendante)  apodóse.  En  s'appelant  mutuellement  en  tant  que 
membre  antécédent  et  membre  subséquent,  la  protase  et  l'apodose 
opèrent  l'unité  de  la  phrase  entière. 


f 

Frotase. 

1 

Apodóse. 

1 

■ 

'=^  ■    ■ 

• 

1 

■   ■     î 

1 

■         '     '    ■ 

■  ! 

■• 

■  ■             ■    ■ 

■                     ■ 

■ 

^ 

Euge     serve   bó-ne, 

1 

in  mó-di-co 

fi-dé-lis. 

1 
in-tra      in 

s     B                              ' 

■     ■  ■               •             ^ 

i 

■■ 

■'    ■'    1 

gáudi-    um     Dómi-  ni     tu-    i. 


Parfois    la   phrase   commence   par   son   sommet   mélodique;   la 
protase  apparaît  alors  dans  tout  son  élan  dès  les  prem.ières  notes. 


Chapitre  VIII.  —  Le  rythme  de  la  phrase.          103 

Frotase.                                                             Apodóse. 

^        ^       ■    !   ■ 

1 

^i  ■   ?        ■  ■• 

■        ■          ■    ■                  r                      , 

1     ■     1             ■           ■                -     1 

Hoc   est  prae-céptum  mé- um     ut  di- li-gá-tis    ínvi-cem    sic-ut 

*         ■    ■ 

.    S          ■• 

■ 

di- lé-xi  vos. 

Lien  dynamique. 

311.  —  Le  lien  dynamique  représente  la  puissance  synthétique 
du  rythme,  qui  se  manifeste  en  g/oupant  chaque  incise  et  chaque 
membre  autour  de  leur  accent  particulier,  et  les  membres  et  les 
incises  autour  de.  Vaçcent  général  de  la  phrase. 

312.  —  Nous  avons  dit  que  l'arsis  correspond  naturellement  au 
mouvement  mélodique  ascendant  et  la  thésis  au  mouvement 
descendant;  nous  avons  ajouté  ensuite,  en  expliquant  la  formation 
des  incises  et  des  membres,  que  l'arsis  principale,  qui  fait  leur 
unité,  coïncide  ordinairement  avec  le  groupe  le  plus  élevé. 

Nous  n'avons  plus  maintenant  qu'à  élargir  la  règle  et  à  dire  que 
le  g7'oupe  arsique  principal  de  toute  la  phrase,  auquel  par  conséquent 
correspond  son  accent  général,  et  auquel  sont  subordonnés  tous  les  \ 
autres  rythmes  et  accents  particuliers  des  incises  et  des  membres^ 
coïncide  ordinairement  avec  le  groupe  mélodique  le  plus  élevé 
de  toute  la  phrase. 

Afin  que  tout  se  fasse  avec  naturel,  on  graduera  l'intensité  d'un 
accent  et  d'un  ictus  à  l'autre,  de  manière  à  parvenir  insensiblement 
au  sommet  de  la  ligne  mélodique;  on  fera  de  même  en  descendant, 
mais  en  sens  inverse,  c'est-à-dire  en  decrescendo.  Les  accents  et  les 
appuis  seront  ainsi  d'autant  plus  forts  ou  plus  faibles,  qu'ils  seront 
plus  rapprochés  ou  plus  éloignés  de  l'accent  général  de  la  phrase. 

313.  —  De  tout  ce  qui  vient  d'être  dit,  il  s'ensuit  que,  durant  la 
protase,  il  sera  préférable  de  multiplier  les  arsis,  et  durant  l'apodose, 
les  thésis;  ce  qui  ne  signifie  aucunement  l'exclusion  absolue  des 
thésis  dans  la  protase  et  des  arsis  dans  l'apodose.  Le  sens  de  cette 
remarque,  c'est  qu'avant  de  déterminer  le  rôle  d'un  groupement 
binaire  ou  ternaire  qui,  par  lui-même,  se  prête  à  une  double 
interprétation  rythmique,  on  considère  quelle  place  il  occupe  dans 
le  développement  général  de  la  phrase. 

314.  —  Les  exemples,  que  nous  donnons  au  chapitre  X  de  cette 
partie,  peuvent  servir  ici  comme  exemples  du  lien  dynamique. 


104 


Deuxième  Partie. 


En  voici  d'autres 


■M — m- 


^  ■ 


■      ■ 


■  ■ 


Euge     serve   bó-ne  in  mó-di-co     fi- dé- lis,        in-tra      in 


___=— ^ 

■  ' 

« 

/ 
1 

6    , 

r.  ■> 

i  ■  ■_ 

s     *■  ■  > 

gáudi-    um     Dómi-ni     tú-    i. 


i 

/ 

1 

r 

i     -    . 

•  - 

■ 

1 

m                             ñ 

.    -    i    J 

■ 

■    '     ■ 

■      ■     ■      ■ 

m       a* 

■     ■    ■ 

■              ■ 

•           ' 

1 

■ 

Vi- de 
P          1 

Dómi-ne 

affli-cti-  ó-nem 

mé-  am, 

quó-ni-  am 

e-réctus 

r                    ' 

■a 

•b         ■ 

« 

■.    fl- 

!  ■             ■■ 
■ 

est 


in-  imi-cus  me-    us. 


ít 


-»*- 


■     ■' 


Vé-ni  spónsa  Chrí-sti,  ácci-pe  co-  ró-  nam    quam  tí-bi  Dó- 


h"-^' 


-m — ■- 


mi-nus  praepa-rá-vit    in  aetér-num. 


315.  —  «  Cette  sage  distribution  de  l'intensité  dans  toute  la 
phrase  est  très  importante,  si  l'on  veut  arriver  à  une  exécution 
intelligente,  intelligible  et  agréable,  en  un  mot,  si  l'on  veut  bien 
phraser,  c'est-à-dire,  observer  la  loi  dynamique  du  rythme  et  donner 
au  texte  sacré  l'importance  qui  lui  est  due. 


Chapitre  VIII.  —  Du  rythme  de  la  phrase.         105 

«  Supprimez  cette  subordination  des  a.ccents,  aussitôt  la  vie  et 
Tunité  disparaissent  pour  faire  place  à  la  mort  et  à  la  dislocation  ; 
il  n'y  a  plus  ni  membres  ni  phrases,  ou  si  l'on  distingue  encore 
ces  divisions,  elle  ne  sont  plus  que  des  tronçons  inanimés.  En 
vain  les  rythmes  enchaînent-ils  les  mots  aux  mots,  en  vain  la 
mélodie  déroule-t-elle  à  travers  les  membres  ses  courbes  les  plus 
belles,  ce  n'est  pas  assez;  il  faut  encore,  pour  arriver  à  la  vie 
chaude,  vibrante,  cette  gamme  d'intensité,  qui  s'étend  et  pénètre 
da.n.s  toutes  les  parties  de  la  phrase,  qui  les  embrasse,  les  enveloppe 
et  les  lie  dans  une  parfaite  unité. 

:  «  Qu'elle  vienne  à  manquer,  la  phrase  reste  froide  et  plate,  les 
différentes  parties  sont  mal  ajustées,  les  membres  languissent,  et, 
dans  son  ensemble,  la  mélodie  ressemble  à  ces  personnes  malingres, 
sans  couleur,  qui  n'ont  pas  assez  de  sang  et  de  vigueur  pour 
soulever  leurs  membres  étiolés.  » 

Et  cependant  Ils  ne  manquent  pas  ceux  qui,  au  nom  de  la 
nature,  veulent  bannir  cet  élément  vital  de  toute  mélodie,  pour  lui 
substituer  je  ne  sais  quelle  égalité  de  force  ou  quel  naturel^  comme 
ils  disent.  Ils  prétendent  imiter  la  nature  et  ils  tombent  «  dans  le 
genre  précieux,  dans  une  afféterie  naïve  et  maniérée,  pire  que 
toutes  les  exagérations  auxquelles  peut  donner  lieu  la  loi  dyna- 
mique qui  nous  occupe  ». 

Mais  il  n'y  a  rien  à  craindre  de  ce  côté-là  dans  le  chant  grégorien  ; 
car  la  loi  essentielle  de  toute  bonne  exécution  de  ce  chant  est 
d'être  absolument  exempte  de  la  moindre  exagération.  «  La 
douceur,  la  suavité,  l'onction,  le  calme  inaltérable  de  la  mélodie 
grégorienne,  demandent  que  toutes  les  progressions  et  détentes 
dynamiques  soient  conduites  avec  mesure,  discrétion  et  délica- 
tesse ». 

Ici,  c'est  le  juste  milieu  qui  est  la  perfection. 

Donc,  ^  point  de  crescendos  rapides  et  éclatants,  point  de  diini- 
nuendos  subits,  jamais  une  recherche  quelconque  d'effet,  jamais 
surtout  de  contrastes  proprement  dits  ».  Le  naturel  toujours,  mais 
avec  art,  «  des  nuances,  rien  que  des  nuances,  qui  se  lient,  se 
fondent  l'une  dans  l'autre  comme  les  couleurs  de  l'arc-en-ciel  ». 

Lien  proportionnel. 

316.  —  Le  lien  proportionnel  n'est  autre  chose  que  la  relation 
et  la  dépendance  que  la  proportion  des  sons  établit  entre  les 
rythmes  et  entre  les  incises. 

317.  —  Cette  relation,  qui  peut  consister  non  seulement  dans  le 
nombre   des   sons    mais,  encore   dans    la   durée   des    pauses,   est 


106  Deuxième  Partie. 


principalement  le  résultat  de  deux  attractions  :  de  l'attraction 
mélodique  ou  attraction  corrélative  de  certains  sons  dans  chaque 
gamme,  et  de  l'attraction  rythmique  ou  de  la  dépendance  que 
l'action  synthétique  du  rythme  établit  entre  divers  groupes  de 
notes,  constituant  chacun  un  mouvement  rythmique. 

Ces  deux  causes,  appuyées  sur  le  sens  esthétique  que  nous 
portons  inné,  déterminent  le  nombre  de  sons  qui  doivent  entrer  dans 
chaque  incise  et  dans  chaque  membre,  pour  qu'il  y  ait  entre  les 
incises  et  entre  les  membres,  relation  d'équilibre  ou  de  proportion. 

318.  —  L'exécutant  peut  détruire  cette  relation,  en  ne  donnant 
pas  aux  différentes  pauses  leur  juste  valeur  ou  en  en  exagérant  la 
durée. 

Lien  d'articulation, 

319.  —  Le  lien  d'articulation  s'appelle  ainsi,  parce  que  son 
action  se  fait  sentir  entre  les  incises  et  les  membres  au  point 
précis  de  leur  jointure. 

Ce  lien  d'articulation,  c'est  la  viora  vocis. 

320.  —  «  Pour  bien  faire  la  inora  vocis  entre  deux  incises  ou 
deux  membres  moins  importants,  c'est-à-dire  la  inora  vocis  sans 
respiration,  il  faut  se  rappeler  que  la  note  allongée  par  elle  remplit 
deux  fonctions  :  elle  termine  un  membre,  elle  conduit  au  suivant. 
Elle  transmet,  par  conséquent,  la  vie  d'un  membre  à  l'autre;  le 
courant  vital  de  la  mélodie  et  du  rythme  passe  par  elle;  elle  doit 
s'en  ressentir.  Il  ne  faut  donc  pas  l'exécuter  froidement,  sous  le 
beau  prétexte  qu'elle  n'est  qu'une  tenue  de  la  voix. 

«  Conformément  à  ce  premier  caractère,  la  mora  vocis  doit  être 
douce,  suave,  afin  de  donner  ainsi  le  sentiment  du  repos;  mais  à 
peine  s'est-elle  posée,  qu'elle  entre  aussitôt  dans  sa  seconde 
fonction  qui  est  d'unir  le  membre  précédent  au  suivant,  et  alors  elle 
doit  préparer  cette  transition,  en  s'adaptant  au  début  du  nouveau 
membre,  en  en  prenant  pour  ainsi  dire  d'avance  la  couleur,  la 
physionomie. 

<(  La  fin  de  la  mora  vocis  sera  donc  en  rapport  avec  la  force 
dynamique,  avec  la  valeur  de  la  première  note  du  début;  elle  doit 
se  fondre  avec  elle,  s'adapter  à  elle. 

«  Si  le  nouveau  membre  commence  par  une  note  forte,  le  timbre 
de  la  voix  se  terminera  par  un  léger  crescendo,  comme  dans  le 
premier  membre  de  l'exemple  suivant;  s'il  commence  par  une 
note  faible,  il  s'y  adaptera  par  un  léger  et  délicat  decresceiido. 


chapitre  VIII.  —  Du  rythme  de  la  phrase.         107 


Exemple  : 


A 


B 


.     < 

■  ■  ■ 

+-: 

% 

1 

— 1 

■— 

1 

.        ■■   ■' 

1* 

■■       ■• 

■     • 

Canta-  te 

Domi-no 
1 

can- 

ti- 

cum  no-  vum  laus 

é-  ius 

.    V    h  . 

0 P- 0 

'    0^ 

i~ 

-Îi a 1 

0-m -M 

^-^  1^  ë   1 

w- 

\} \? 1 

t?— 

-ë f ,*— 

^l*" 

-W- 0 

IsU      •     1 

j 

■■■r      ^      •■■ 

L-" 

1 

■*S.              '                ' 

Canta-  te  Dómi-  no     can-  ti-  cum  nó-  vum    laus      é-    ius 


ab  extré-mis  térrae. 


Î=Îï: 


jézué: 


ab  extré-mis  térrae. 
Autre  exemple  de  ce  dernier  cas  : 


S 


-■ — ?— •- 


Et    incarná-tus   est  de  Spi-  ri-tu  Sáncto 


I 


in 


Ît=ti=î5: 


Ît 


Mn 


Ît 


~é—0- 

I 


Et   incarná-tus  est  de  Spi- ri-tu  Sáncto 

«  Cette  règle  vaut  principalement  pour  les  morae  vocis  sans 
respiration,  quand  il  s'agit  d'unir  entre  elles  les  incises  ou  petits 
membres;  mais  quand,  entre  des  membres  plus  importants,  la 
respiration  est  nécessaire,  la  mora  vocis  distingue  plus  qu'elle  ne  lie; 
elle  doit  donc,  dans  ce  cas,  être  d'une  douceur  voisine  du  repos. 

«  Tel  est,  dans  l'exemple  «  Cantate  Do7nino  »,  le  membre  indiqué 
par  un  B. 

«  Ces  nuances  si  délicates  de  crescendo  et  de  decrescendo  peuvent 
être  comparées  à  l'huile  qui  diminue  les  frottements  entre  les 
rouages  de  la  machine,  ou  encore  à  la  synovie,  cette  huile  vivante 
qui  adoucit  et  favorise  le  jeu  de  nos  membres  ». 


108  Deuxième   Partie. 


321.  —  Grâce  à  cette  manière  d'unir  entre  eux  les  rythmes,  les 
incises  et  les  membres,  «  la  cantilène  grégorienne,  est  une  mélodie 
continue^  non  en  ce  sens  qu'elle  manque  de  divisions  dans  la 
durée  —  sans  celle-ci  il  n'y  aurait  pas  de  rythme,  —  mais  en  ce 
sens  que  ces  distinctions  ne  souffrent  entre  elles  ni  interruption, 
ni  brisure,  et  que,  bien  plutôt,  elles  servent  elles-mêmes  à  la 
continuité  de  la  ligne  mélodique  :  ainsi  les  guirlandes  aux  sinueux 
contours;  ainsi,  et  mieux  encore,  parce  qu'elles  sont  vivantes,  les 
longues  vagues  d'une  mer  doucement  soulevée  par  les  vents  ou  la 
marée  :  elles  roulent,  montent,  s'allongent,  descendent,  remontent 
sans  solution  de  continuité,  jusqu'au  rivage  sur  lequel  la  dernière 
longuement  s'étend  et  expire. 

«  Cette  tefiue  suivie  de  mouvements  ondulants  est  une  image 
frappante  de  l'imposante  et  souple  démarche  de  nos  mélodies;  tout 
doit,  dans  l'exécution,  contribuer  à  la  produire  et  à  la  maintenir. 
C'est  à  la  fin  des  incises,  des  membres  de  phrase  surtout,  que  la 
continuité  court  quelque  danger  :  de  trop  longues  pauses,  des 
respirations  longues  et  haletantes  risquent  de  la  suspendre  ou 
même  d'en  briser  le  cours.  Tout  cela,  au  contraire  —  pauses, 
retards,  respirations  —  doit  aider  à  dessiner,  pour  ainsi  dire,  le 
prolongement  des  courbes  inférieures  qui  relient  la  retombée  et 
l'élan  des  vagues  mélodiques. 

«  Ce  sentiment  intime  que  ressentent  ceux  qui  ont  étudié  et 
pratiqué  sérieusement  les  cantilènes  grégoriennes,  nous  porte  à 
réduire  toujours  plus  les  pauses  de  la  \'oix,  et  à  diminuer  la  durée 
des  notes  qui  supportent  les  morae  vocis  ». 


CHAPITRE   IX. 
De  la  direction  du  chant. 

CJiironomie.  —  A).  Pa7'  temps  simples.  —  B).  Par  jythines  simples 
élémentaires.  —  C).  Par  temps  compcés.  —  Remarques  :  Classifi- 
cation du  rythme.  Dessins  mélodiques.  —  Mouvement.  —  Conseils 
au  directeur.  —  Expressio7i. 

322.  —  Comme  complément  de  tout  ce  qui  a  été  dit  précédem- 
ment sur  le  rythme,  nous  allons  indiquer  ici  la  manière  de  le 
représenter  graphiquement  par  les  gestes  de  la  main.  C'est  ce  qu'on 
appelle  la  chironomie,  du  grec  yzi^  (jnain)  et  vópo;  {j'ègle)  \ 

On  peut  diriger  le  chant  de  diverses  manières. 

^  Le  2^  vol.  à.\x  Nombre  Mus.  Grég.  consacre  à  la  chironomie  un  long  et  magis- 
tral chapitre.  Nous  y  renvoyons  le  lecteur,  le  nôtre  étant  forcément  sommaire. 


Chapitre  IX.  —  De  la  direction  du  chant.  109 

323.  —  A)  DÍ7'ectíon  par  temps  simples. 

Ce  serait  une   lourde  erreur  de  diriger  le  chant  en   marquant 
chaque  note  d'un  frappé  plus  ou  moins  fort,  v.  gr.  : 


r    Í    I 


Ec-ce     sa-  cér-dos  má-gnus 

Une  telle  direction  aboutirait  fatalement  à  une  exécution 
martelée. 

324.  —  On  pourra  cependant  y  recourir  en  certains  cas,  mais  en 
passant;  par  exemple,  s'il  s'agit  d'accélérer  ou  de  retarder  quelques 
notes,  ou  bien  d'étUblir  plus  d'égalité  entre  elles. 

325.  —  B)  Direction  par  rythmes  simples  ou  elemental}  es. 

Elle  consiste  à  baisser  la  main  d'un  ictus  à  l'autre.  Bien  que 
préférable  à  la  précédente,  cette  direction  n'est  pas  encore  celle 
qui  convient  le  mieux  au  caractère  du  chant  grégorien;  il  lui 
manque  de  pouvoir  exprimer  l'union  de  tous  les  éléments  qui 


6 ^ er 


\ 


Ecce   sa-cérdos  mágnus 

composent  la  phrase,  en  même  temps  qu'elle  indique  la  valeur 
respective  de  chacun. 

326.  —  Son  usage  pourra  être  limité  aux  cas  où  il  y  a  lieu  de 
donner  du  relief  à  l'accent  tonique,  par  exemple,  lorsqu'il  correspond 
au  dernier  temps  d'une  division  ternaire. 

Ce  cas  se  présente  pour  l'accent  de  intelléctiis  dans  l'Introït  In 
Media  que  nous  analysons  plus  loin. 

327.  —  C)  Direction  par  vieinbres  de  phrase  ou  temps  composés. 
C'est  la  vraie  manière  de  diriger  l'exécution  du  chant  grégorien 

et  la  seule  conforme  à  son  style  lié.  Elle  dépeint  en  quelque  sorte 
aux  regards  de  l'exécutant  le  rythme  de  ce  chant,  en  en  faisant 
ressortir  à  la  fois  les  détails  et  l'ensemble,  les  mouvements  et  les 
contours  :  d'abord  elle  marque  les  groupements  binaires  et 
ternaires,  avec  leur  caractère  d'arsis  ou  de  thésis;  ensuite  elle 
indique  l'union  et  l'enchaînement  des  rythmes  entre  eux,  en 
répétant  l'arsis  ou  la  thésis  s'ils  sont  unis  par  contraction,  et  en 


no 


Deuxième  Partie. 


conservant  à  chacun  son  arsis  et  sa  thésis  s'ils  le  sont  par  juxta- 
position; enfin,  il  n'est  pas  jusqu'à  la  dynamie  qu'elle  ne  puisse 
traduire  par  la  vigueur  ou  la  modération,  la  largeur  ou  le 
rétrécissement  qu'elle  sait  donner  à  ses  gestes. 

328.  —  A  l'arsis  la  main  décrit  un  mouvement  ascendant,  en 
forme  de  courbe,  qui  doit  partir  du  premier  ictus  rythmique 
exprimé  ou  sous-entendu;  à  la  thésis,  elle  fait  un  simple  mouve- 
ment descendant.  Dans  les  deux  cas,  le  geste  aura  plus  ou  moins 
d'ampleur,  selon  le  nombre  de  notes  dont  se  composent  les  parties. 


m=¿z 


Arsis 


Thésis 


C'est  la  chironomie  du  rythme  simple  ou  isolé. 

329.  —  Dans  une  suite  de  rythmes  simples  formant  ensemble 
un  rythme  composé  par  contraction,  on  répétera  le  mouvement 
arsique  autant  de  fois  qu'il  y  aura  d'arsis. 


Deux  arsis  et  une  thésis. 


Sb  a  ■• 


me-    is 


i 


r^ 


P 


?^^ 


3t± 


me- 


is 


Trois  arsis  et  une  thésis. 


h-^ 


Í 


w 


^. — ^- 


me- 


is 


me- 


is 


On  indique  le  groupe  arsique  le  plus  important  de  chaque  incise, 
de  chaque  membre  et  de  toute  la  phrase,  par  une  élévation  plus 
marquée  de  la  main. 

330.  —  Si,  dans  les  rythmes  par  contraction,  plusieurs  thésis  se 
succèdent,    la    main,    après    être   descendue   sur    la    première,    se 


Chapitre  IX.  —  De  la  direction  du  chant. 


111 


relèvera  légèrement  et,  ayant  décrit  une  petite  ondulation,  elle 
redescendra  sur  la  seconde  : 


Mtfs 


Do-mi- nus 


m 


DÓ- 


mi- 


nus 


[/ne  arsis  et  trois  thésis. 


e-hte 


Do-mi-  nus 


|rg~fS^ 


±5 


DÓ-     mi- 


nus 


331.  —  Dans  les  rythmes  composés  ^^ds  juxtaposition^  on  répète 
le  même  geste  pour  chaque  rythme  simple,  en  reliant,  comme  il 
suit,  l'arsis  du  second  à  la  thésis  du  premier. 


^- 


JÊill 


Avec  ce  procédé,  on  peut  suivre  et  indiquer  les  plus  petits 
détails  du  mouvement  rythmique. 

332.  —  Dans  les  exemples  précédents,  le  rythme  commence  par 
un  ictus  exprimé;  lorsque  l'ictus  initial  est  sous-entendu,  on 
l'indique  par  un  geste  préliminaire,  et  on  ne  commence  le  chant  que 
lorsque  la  main  parvient  au  sommet  du  demi-cercle  qu'elle  décrit. 


Dé- 


i 


us 


Dé- 


us 


On  peut  encore  signaler  l'ictus  initial  sous-entendu  par  un 
frappé,  comme  quand  on  bat  une  mesure  à  deux  temps  et  qu'on 
part  au  second. 


112 


Deuxième  Partie. 


333-  —  D'ailleurs,  même  dans  les  pièces  commençant  par  un 
ictus  exprimé,  il  est  bon  de  les  faire  toujours  précéder  d'un  geste 
préliminaire;  les  exécutants  sont  ainsi  avertis  du  mouvement  à 
prendre,  et  l'attaque  se  fait  avec  plus  d'ensemble. 

Dans  ce  cas,  la  main  ne  décrit  pas  seulement  une  partie  de 
l'arsis,  comme  dans  l'exemple  précédent,  mais  bien  un  rythme 
tout  entier. 


*i-^ 


Loqué-  bar 


i 


^ 


Lo-    qué- 


bar 


334-  —  Si  au  début  de  la  phrase  se  présente  une  thésis,  la 
main  l'indique  de  la  manière  suivante  : 


< 


^=^ 


San- 


ctus 


On  peut  voir  au  chapitre  suivant  un  modèle  de  chironomie 
complète  dans  \ Alléluia^  Ostende. 

Un  exemple  graphique  des  trois  chironomies  superposées  fera 
saisir  l'importance  pratique  de  la  dernière  que  nous  venons 
d'exposer. 


2e 

ire 


i 


***•••• 


^  ^  )  r      ^  ^     k^  ju      ^  W  w  ^ 


r^ 


r^-* 9- 


Ky- 


f 


ri- 


-i y 9 

lé-     i-  son. 


Chapitre  IX.  —  De  la  direction  du  chant.  113 

Remarques. 

335.  —  Classification  du  Rhytme.  —  Règle  générale. 

En  règle  générale,  le  mouvement  mélodique  lui-même  servira 
de  guide  au  directeur  pour  classer  les  arsis  et  les  thésis;  car  l'arsi's 
représentant  l'élan  et  l'effort,  et  la  thésis  l'arrivée  et  le  repos  du 
rythme,  il  est  naturel,  logique  même,  d'attribuer  la  première  à  un 
groupe  ascendant,  et  la  seconde  à  un  groupe  descendant. 

Nous  disons  en  règle  générale,  parce  que  toute  élévation  n'est  pas 
nécessairement  arsis,  et  toute  descente  thésis;  cela  dépend  du 
mouvement  général  de  la  phrase. 

336.  —  Rythmes  par  juxtaposition. 

On  considère  comme  rythmes  juxtaposés  les  mouvements  dans 
lesquels  la  mélodie  ou  le  texte  ne  réclament  pas  la  répétion  de 
l'arsis  ou  de  la  thésis. 

337.  —  Rythmes  par  contraction. 

Au  contraire,  lorsque,  en  raison  du  texte  ou  de  la  mélodie,  le 
mouvement  demande  plusieurs  impulsions,  le  rythme  est  par 
contraction  ;  il  se  compose  de  plusieurs  arsis  ou  de  plusieurs  thésis 
que  la  main  doit  reproduire. 

338.  —  S'il  est  manifeste  que  le  groupe  suivant  ou  thésis  ne 
dépend  pas  strictement  du  groupe  précédent  ou  arsis,  et  que,  de 
plus,  le  mouvement  requiert  un  renouvellement  d'énergie,  c'est 
une  preuve  qu'un  nouveau  mouvement  commence  et  qu'il  faut  le 
signaler  en  décrivant  l'arsis  d'un  nouveau  rythme. 

On  doit  ordinairement,  dans  l'intérieur  des  incises  et  des 
membres,  préférer  la  contraction  à  la  juxtaposition. 

339.  —  Le  p7'emier  rythme  de  la  phrase. 

Toute  phrase  ne  commence  pas  nécessairement  par  une  arsis; 
elle  peut  débuter  par  une  thésis  préparatoire,  comme  dans  le 
Sanctus  cité  plus  haut. 

340.  —  Dessins  mélodiques. 

Le  directeur  doit  encore  régler  ses  gestes  de  manière  à  faire 
bien  ressortir  certains  dessins  mélodiques  d'un  usage  très  fréquent 
dans  le  chant  grégorien,  et  à  ne  laisser  perdre  aucun  des  détails, 
dont  l'ensemble  fait  la  mélopée  liturgique  si  belle  et  si  agréable. 

Voici  quelques-uns  de  ces  dessins  indiqués  sommairement  : 

A.  —  Mouvements  mélodiques  et     \ 

'  •'    ^        intervalles  semblables.  i  I 


114 


Deuxième  Partie. 


B.  —  Mouvements  mélodiques 
semblables  et  intervalles 
distincts. 


C.  —  Symétrie  et  correspondance     Alléluia     Ostende,    analysé    au 


D. 


entre  divers  groupes. 
Répétitions  égales. 


E.  —  Répétitions  transposées. 


F.  —  Imitations   directes  ascen- 

dantes. 

G.  —  Imitations  directes  descen- 

dantes. 

H.  —  Imitations  en  mouvements 
contraires... 

\.  —  Gradation  et  régression. 


J.  —  Antécédents  et  subséquents. 


chapitre  suivant. 

Alléluia  Magnus  du  VII I^  Dim. 
après  la  Pentecôte. 

Offert.  Recordare^  jubilus  final, 
et  le  Chris  te,  avec  le  dernier 
Kyrie  n^  XI. 

Trait  du  11^  Dimanche  de  Ca- 
rême Qui  s  loque  tur. 

Gvdiá.Constitues... principes. ..QUivQ 
autres  cas  de  la  même  pièce. 

Christe  T.  P.  ;  Qui  fuerat  quatri- 
duafîus  de  la  Com.  Videns 
Dominus. 

C'est  un  des  cas  le  plus  fréquents. 
Exemples  caractéristiques  : 
Ma?isuetudinem  du  Grad.  Spe- 
cie  tua,  et  mimera  offerent  de 
l'Offert.  Reges  Tharsis. 

La  deuxième  incise  de  l'Ail.  Fac 
nos...,  et  de  V A\\.  Justus ger- 
minabit. 


Nous  pourrions  citer  beaucoup  d'autres  exemples;  mais  leur 
place  est  plutôt  dans  un  traité  d'esthétique  grégorienne. 

A.  —  Du  mouvement. 

341.  —  Il  ne  doit  être  ni  précipité  ni  lent.  Précipité,  il  serait  un 
manque  de  respect  envers  Dieu  dont  on  chante  les  louanges  ;  lent, 
il  ennuierait  les  auditeurs  et  porterait  atteinte  au  sens  du  texte  et 
de  la  mélodie. 

342.  —  Dans  l'adoption  du  mouvement,  on  aura  égard  au  sens 
du  texte,  au  caractère  de  la  mélodie,  au  nombre  des  exécutants  et 
aux  conditions  acoustiques  du  local. 

343.  —  Les  mélodies  à  grands  intervalles  comportent  un  mou- 
vement modéré. 


Chapitre  IX.  —  De  la  direction  du  chant.  115 

344.  —  Les  récitatifs  doivent  avoir  le  mouvement  d'une  lecture 
claire,  dictincte  et  posée. 

345.  —  Dans  les  chants  entièrement  neumatiques  comme 
\ Alléluia,  la  vo"x  n'étant  plus  sujette  en  quelque  sorte  à  la  con- 
trainte qu'in  po  ;e  toujours  la  prononciation  d'un  texte,  le  mouve- 
ment peut  être  plus  animé. 

346.  —  Les  chants  alternés  tolèrent  en  général  un  mouvement 
plutôt  vif  que  lent. 

347.  —  Lorsque  le  nombre  des  exécutants  est  considérable,  on 
conseille  généralement  de  prendre  un  mouvement  plus  modéré, 
sans  jamais  tomber  cependant  dans  la  lourdeur. 

348.  —  Un  chœur  bien  formé,  et  sachant  manier  la  voix  à  la 
perfection,  peut  adopter  un  mouvement  modéré  plus  facilement 
qu'un  chœur  moins  expert  ;  celui-ci  s'expose  à  marteler  s'il  chante 
lentement. 

349.  —  On  pourra  enfin  recourir  aux  indications  métronomiques 
que  les  moines  de  Solesmes  ont  placées  en  tête  de  chaque  mélodie 
dans  leurs  éditions  en  notation  musicale  moderne;  mais  qu'il  soit 
bien  entendu  que  ces  indications  ne  sont  qu'approximatives. 

B.  —  Conseils  au  directeur. 

350.  —  Le  directeur  veillera  avec  un  très  grand  soin  à  ce  que 
l'équilibre  et  la  proportion  soient  toujours  conservés  dans  le  chant. 

Il  ne  permettra  pas  que  les  notes  aiguës  soient  émises  précipi- 
tamment, ainsi  que  certains  chœurs  en  ont  la  tendance.  Quelquefois 
au  contraire  ces  notes  élevées  demandent  plus  d'ampleur. 

Quand  les  exécutants  sont  portés  à  crier  ou  à  imprimer  au  chant 
une  vigueur  exagérée,  le  directeur  y  remédiera  avec  succès  en 
multipliant  plutôt  les  thésis  que  les  arsis,  du  moins  dans  les  rythmes 
qui  se  prêtent  à  l'une  ou  à  l'autre  interprétation;  il  prendra  le 
moyen  opposé  si  le  chœur  se  laisse  aller  à  la  mollesse  et  dans  le 
mouvement  et  dans  l'expression. 

Qu'il  ne  se  croie  pas  obligé  de  reproduire  par  le  geste  toutes  les 
arsis  et  toutes  les  thésis.  Quand  le  chœur  marche  bien  et  n'a  pas 
besoin  d'être  entraîné,  il  peut  réunir  en  un  seul  geste  plusieurs  arsis 
ou  plusieurs  thésis  consécutives.  De  larges  mouvements  de  la  main 
accompagnent  alors,  sans  les  briser,  les  directions  diverses  de  la 
ligne  mélodique.  Le  chant  y  gagne  en  souplesse  et  en  ampleur. 

Le  directeur  bannira  impitoyablement  toute  affectation  dans  le 
chant.  Il  ne  tolérera  donc  jamais  les  interprétations  maniérées,  par 
exemple,  les  prétendus  échos  marqués  úq  ppp,  dont  on  accompagne 
parfois  les  répétitions  mélodiques  d'un  usage  si  fréquent  dans  le 
chant  grégorien. 


116  Deuxième  Partie. 


Non  seulement  ce  procédé  des  échos  (?)  est  mesquin  et  indigne 
de  la  sereine  majesté  du  chant  liturgique,  mais  encore  il  est  souvent 
en  contradiction  avec  l'expression  elle-même;  car  il  n'est  pas  rare 
que,  dans  les  répétitions  mélodiques,  le  sentiment  musical  demande, 
pour  avoir  toute  son  expression,  plus  d'intensité  de  voix  et  plus 
d'ampleur  de  mouvement.  N'est-ce  pas,  par  exemple,  pour  donner 
plus  de  force  et  d'efficacité  à  la  prière,  qu'on  répète  au  Kyrie  la 
phrase  mélodique?  N'est-ce  donc  pas  un  contre-sens  que  de 
l'exécuter  en  écho? 

Enfin,  le  directeur  devra  étudier  lui-même  constamment  le  chant 
grégorien  pour  bien  savoir  interpréter  chaque  pièce  et  pour  être 
tout  imprégné  de  l'esprit  qui  anime  les  gracieuses  cantilènes  dont 
les  anciens  firent  leurs  délices. 

C.  —  De  l'expression. 

351.  —  Le  naturel,  qui  est  le  suprême  modèle  du  beau,  doit 
accompagner  toujours  l'exécution  du  chant  grégorien.  * 

C'est  chanter  avec  affectation  que  de  donner  une  voix  molle  et 
éteinte,  ou  de  la  forcer  outre  mesure. 

La  voix  sera  donc  naturelle,  en  évitant  les  excès  tant  d'un  côté 
que  de  l'autre;  si  plusieurs  chantent  en  même  temps,  aucune  voix 
ne  tranchera  sur  les  autres,  mais  elles  seront  si  bien  fondues 
ensemble  qu'on  croirait  n'en  entendre  qu'une. 

352.  —  Du  commencement  à  la  fin,  la  voix  devra-t-elle  donc 
conserver  toujours  la  même  intensité?  Non  certes;  car  que  serait 
une  telle  musique,  un  tel  art,  sans  traits  ni  ombres  et  d'un  mono- 
tonie desespérante? 

Voudrait-on,  par  hasard,  que  le  chant  soit  naturel  dans  la 
mesure  où  il  serait  négligé,  ou  tout  au  moins  dépourvu  d'élégance 
et  de  bon  goût? 

Mais  invoquer  à  cette  fin  le  naturel,  c'est  lui  faire  la  plus  grande 
injure  qu'on  puisse  imaginer.  Le  naiurel,  il  le  faut  sans  doute  et 
nous  le  réclamons  ici  de  toutes  nos  forces  ;  mais  il  devra  être 
accompagné  de  «  l'art  et  de  la  piété  »,  pour  que  le  chant  ait  une 
expression  entièrement  spirituelle  et  digne  de  la  sainteté  de  la 
maison  de  Dieu. 

C'est  pourquoi  il  est  nécessaire  avant  tout  de  comprendre  le 
sens  du  texte  et  de  s'en  pénétrer.  L'art  aidera  ainsi  la  piété  et  la 
piété  perfectionnera  l'art;  non,  certes,  un  art  théâtral  et  mondain, 
mais  un  art  exclusivement  religieux.  Tel  est  bien  le  chant  grégorien 
que  l'Eglise  a  composé  pour  célébrer  uniquement  les  louanges  du 
Très- Haut. 


Chapitre  X.  —  Exemples  pratiques.  117 

353.  —  Ce  sont  des  qualités  éminemment  artistiques  de  ce  chant 
que  l'intime  et  mutuelle  pénétration  du  texte  et  de  la  mélodie, 
l'expression  sublime  de  la  parole  sacrée,  la  traduction  idéale  du 
sens  mystique  et  liturgique  des  grandes  pensées  et  images  dont 
l'Eglise  se  sert  dans  ses  communications  avec  nous. 

Mais  c'est  toujours  sans  excès  d'enthousiasme  et  sans  aucun  écho 
des  passions  qu'elle  manifeste  sa  révérence  envers  Dieu;  de  là  les 
caractères  que  nous  reconnaissons  au  chant  grégorien  et  qui  sont 
le  calme,  le  repos  et  la  paix  inaltérable  avec  lesquels  il  déroule  sa 
trame  mélodique  sans  recourir  jamais  aux  effets  tant  recherchés 
par  la  musique  théâtrale;  l'expression  qu'on  doit  donner  à  ce  chant 
ne  peut  donc  être  que  sainte,  paisible,  pleine  d'onction  sacrée  et 
comme  le  reflet  de  la  paix  du  cœur. 

354.  —  L'observation  des  règles  du  phrasé,  exposées  dans 
cette  partie,  sera  d'un  grand  secours  pour  donner  au  chant  l'expres- 
sion qu'il  requiert.* 

355*  —  QiJG  13-  dernière  note  avant  les  pauses  ne  soit  pas  exé- 
cutée comme  si  le  chantre,  oublieux  et  distrait,  heurtait  contre  elle. 
C'est  l'impression  que  l'on  éprouve  quand  la  voix  tombe  lourde- 
ment et  fortement  sur  cette  dernière  note.  Dans  les  pauses  princi- 
lement,  on  doit  prendre  garde  d'abord  de  ne  pas  accentuer  et 
ensuite  de  ne  pas  prolonger  inconsidérément  la  dernière  syllabe  : 
Ultima  sy liaba  non  turpiter  caudetur^  ainsi  que  s'exprimaient  les 
anciens. 


CHAPITRE  X. 
Exemples  pratiques. 

Oi'dre  dans  V  analyse.  —  lit  medio.  —  O  s  tende.  —  Videns  Dominus. 

Ex  surge.  — Jus  tus. 

356.  —  Les  analyses  suivantes  ont  pour  but  d'indiquer  de  quelle 
manière  on  doit  étudier  les  mélodies  grégoriennes  pour  les  chanter, 
selon  l'expression  de  Pie  X,  «  saintement  et  artistiquement  ». 

En  même  temps  qu'elles  vont  nous  permettre  de  recueillir  le 
fruit  de  toutes  les  études  antérieures,  ces  analyses  nous  aideront  à 
connaître  à  fond  la  valeur  artistique  et  les  qualités  qui  font  du 
chant  grégorien  le  chant  liturgique  par  excellence. 

Dom  Guéranger  disait  :  «  Je  cherche  partout  ce  que  l'on  pensait, 
ce  que  l'on  faisait,  ce  que  l'on  aimait  dans  l'Eglise  aux  âges  de  foi  ». 

«  Rechercher  la  pensée  de  nos  pères,  ajoute  Dom  Mocquereau, 
soumettre  humblement  notre  jugement  artistique  au  leur,  c'est  ce 


118 


Deuxième  Partie. 


que  demandent  à  la  fois  l'amour  que  nous  devons  avoir  pour  la 
tradition  entière,  tant  mélodique  que  rythmique,  et  le  respect  d'une 
forme  d'art  parfaite  en  son  genre  ». 

C'est  par  l'étude  approfondie  du  chant  grégorien  et  l'analyse 
intime  de  ses  pièces  que  nous  comprendrons  la  raison  pour  laquelle 
Pie  X  l'a  proposé  aux  compositeurs  comme  le  suprême  modèle  de 
la  musique  religieuse,  et  que  ceux-ci  pourront  enrichir  leurs 
compositions  avec  des  procédés  ignorés  jusqu'à  présent  d'un  grand 
nombre.  Que  de  surprises  dans  l'examen  attentif  et  minutieux 
d'une  mélodie!  Les  manuscrits,  sont  d'autre  part,  si  abondants  en 
indications  rythmiques,  qu'ils  projettent  une  vive  lumière  sur  ce 
genre  d'études. 

Le  cadre  limité  d'une  Méthode  ne  nous  permettra  pas  de  donner 
à  nos  analyses  la  forme  ample  et  détaillée  que  le  savant  directeur 
de  l'Ecole  de  Solesmes,  Dom  Mocquereau,  a  employée  dans  ses 
Mo7iographies  Grégoriennes.  Nous  tâcherons  cependant,  au  point 
de  vue  pratique,  de  suivre  ses  procédés,  et  nous  mettrons  même  à 
profit  ses  propres  indications  pour  les  deux  premiers  exemples  : 
In  medio  et  Ostende.  Ce  sera  une  manière  bien  modeste  de  lui 
témoigner  notre  reconnaissance  pour  la  mention  qu'il  a  daigné 
faire  de  notre  Méthode  dans  la  première  de  ses  Monographies. 

357*  —  Pour  rendre  l'analyse  d'une  pièce  aussi  fructueuse  que 
possible,  nous  proposons  la  marche  pratique  que  voici  :  Texte^ 
mélodie^  rytJmie. 


Texte. 


Mélodie. 


(     Sens  littéral  et  mystique.  —  Son  emploi  liturgique.  — 
\Son  histoire.  —  Phrasé. 

Nombre  de  notes.  —  Intervalles  employés.  —  Diver- 
sité des  mouvements  mélodiques  :  ascendants  ou  descen- 
dants :  contraires  :  imitations  :  abréviations  :  analogies 
ou  parallélismes  :  répétitions  :  antécédents  ou  subséquents  : 
demandes  et  réponses  :  rimes  musicales.  —  Modalité  : 
tonique  :  dominante  :  extension  du  mode  :  modulations. 

Divisions  générales  de  la  pièce.  —  Valeur  des  pauses. 
—  Interprétation  particulière  de  quelques  neumes.  — 
Indications    rythmiques    qui    précisent    la    valeur    de 
quelques  notes. 
Rythme.  ,       Ictus  rythmiques. 

Rythmes  élémentaires  ou  simples. 

Rythmes  composés  :  leur  nombre  :  leur  genre  et  pour 
quels  motifs. 

Finales  du  rythme  ou  cadence  ictiques  et  postictiques 
. —  Incises  et  membres  :  leur  nombre  :  examiner  comment 


Chapitre  X.  —  Exemples  pratiques. 


119 


le  texte,  la  mélodie,  le  sens  esthétique  et  synthétique  du 
rythme  contribuent  à  leur  formation.  —  Accent  particulier 
et  principal  de  chaque  membre  et  incise. 

Phrases  :  leur  nombre  :  leur  formation  :  leurs  éléments 
d'unité.  —  Lien  mélodique  :  protase  et  apodóse.  —  Lien 
dynamique  :  accent  général  phraséologique  :  comment 
on  le  fait  :  sa  prééminence  :  soin  à  bien  l'interpréter.  — 
Lien  proportionel  :  d'où  résulte-t-il  et  à  quoi  sert-il  : 
comment  on  le  pratique.  —  Lien  d'articulation  :  son 
office  et  la  manière  de  l'interpréter. 

Mouvement  et  expression  de  la  pièce.  —  Direction  ou 
chironomie. 


Rythme. 


358.  —  Quelle  juste  sastisf action  éprouve  le  grégorianiste 
lorsque,  après  une  étude  consciencieuse,  il  parvient  à  connaître  à 
fond  et  jusque  dans  ses  moindres  détails  le  vrai  caractère  d'une 
pièce! 

«  Le  restaurateur  grégorien,  dit  Dom  Mocquereau,  travaille 
patiemment,  lentement,  mais  sûrement,  membre  à  membre,  dans 
sa  vérité  première,  la  vénérable  mélodie.  Ainsi  procède  le  médecin 
chargé  de  la  reconnaissance  d'un  corps  saint.  Il  examine  pieusement 
chacun  des  ossements,  les  reconnaît,  les  classe,  les  ordonne,  les 
rejoint  et  reconstitue  peu  à  peu  toute  l'ossature.  Mais  là  s'arrête  sa 
puissance;  il  ne  peut  leur  donner  la  vie.  Plus  heureux,  le  restaurateur 
grégorien  va  plus  loin  :  il  peut,  après  le  même  travail  sur  les 
membres  d'une  antique  cantilène,  l'animer,  la  faire  revivre,  la 
présenter  dans  toute  sa  beauté.  C'est  là  vraiment  la  récompense  de 
tous  ses  efforts  ». 

C'est  après  avoir  terminé  l'étude  paléographique  d'une  mélodie 
et  avant  d'entreprendre  sa  reconstitution  rythmique,  que  Dom 
Mocquereau  a  écrit  ces  lignes.  Espérons  que  nous  éprouverons  une 
satisfaction  semblable,  bien  que,  dans  nos  analyses,  nous  ne 
puissions  suivre  que  de  loin  la  marche  qu'il  nous  a  magistralement 
tracée  dans  les  siennes. 


I 


359. 


a.   a. 


a.  a.        t. 


t.    a.         t. 


>■■    ■    ■ 


■    ■■■ 


-■— •- 


-\ '■ 

a-pé-     ru-  it     os 


In  mé-     di-  o   *  Ecclé-    si- ae 


120 


Deuxième  Partie. 


m 

t.      t. 

t.               a.a.     t. 

a.        t.           a.    t.     t. 

1  ■ 

a.   t.           a.  t. 

1 

M 

^  i^    ■ 

^fi    ■*          ■ 

1 

A   ■• 

5      ■ 

■  1  ■    ■  -          ■    _ 

■     ■    ■      ■■■    J 

■~  ■  ■  ■   ■ 

I 

■     1     ■      "  ,     1 

ñ 

é-    jus  : 

/ 
a.      a. 

et    implé-   vit 

t.  t.           t.     a. 
1 

é-  um  Domi-nus 
a',    t.      C\-t.t. 

spi-ri-tu  sa-  '\ 
a.  t.                   a. 

1 

^^ 

1 

1  ■'■        ■      S 

1 

1 

^    ■       ■                      al 

"  ■  ■•       ?     ■■- 

K3  ■        *  ' 

pi-    énti-  ae,  et     in-  tel-      léctus  :  stó-     lam   gló- 

t.     t.  a.  t.        t.       t. 


■  ■    ■    ■■ 


=»-»^ 


ri-    ae        in-du-  it      é- 


um. 


360.  —  Texte. 

Voici  le  passage  de  l'Ecclésiastique  auquel  il  est  emprunté  : 
«  Et  in  medio  Ecclesiae  aperiet  os  ejus,  et  adi)Jiplebit  illum  spiritu 
sapientiae  et  intellectus,  et  stola  gloriae  vestiet  illum  ».  (XV,  5). 

L'Eglise  a  appliqué  ces  paroles  d'abord  à  S.  Jean  l'Evangéliste, 
puis  aux  Docteurs. 

Les  anciens  documents  liturgiques  donnent  l'introït  In  medio  le 
27  décembre  à  la  seconde  messe  de  S.  Jean. 

Le  phrasé,  à  la  simple  lecture,  pourrait  être  établi  de  cette 
manière  : 

Incise  :  In  medio  Ecclesiae. 
Incise  :  aperuit  os  ejus, 

^      ,       J  Incise  :  et  implevit  eum  Dominus, 

1^  Incise  :  spiritu  sapientiae  et  intellectus, 


Phrase. 


Membre 


,,      1        r  Incise  :  stolani  e^loriae, 
Membre  ^   t     •        -  a   -^ 

y  Incise  :  induit  eum. 


Dans  le  chant,  il  faudra  de  plus  tenir  compte  de  la  disposition 
mélodique  et  rythmique  que  le  compositeur  a  voulu  donner  à  la 
phrase. 

361.  —  Mélodie. 

Qu'on  nomme  les  notes  et  les  intervalles  employés. 

Le  mouvement  mélodique  est  ascendant  jusqu'aux  mots  implevit 
eum,  d'où  il  redescend  à  la  finale  par  une  série  de  degrés  bien 
ordonnés. 


Chapitre  X.  —  Exemples  pratiques.  121 

)r  Les  deux  premières  incises  sont  presque  identiques  dans  leurs 
mouvements;  et  c'est  à  peine  si  elles  s'écartent  par  de  légères 
ondulations  de  la  note  récitative/îî  *. 

Aussi  font-elles  contraste  avec  les  suivantes  :  et  implebit  eiivi 
Doininus  spÍ7'itu  sapientiae  et  intellectus,  stolam  gloriae.  La  mélodie 
est  ici  plus  accidentée;  elle  prend  un  vol  rapide  vers  la  note  élevée, 
et  descend  ensuite,  par  degrés  et  avec  un  gracieux  balancement, 
jusqu'au  do  grave. 

Il  faut  remarquer  l'étroite  relation  mélodique  et  la  mutuelle 
attraction  des  sons  dans  l'intérieur  des  incises  :  spiritu  sapientiœ  et 
intellectus,  stolam  gloî'iae,  et  entre  chacune  d'elles. 

La  mélodie  est  du  sixième  mode.  (Voir  le  tableau  des  modes  au 
chapitre  I.) 

Le /¿z,  tonique  du  mode,  est  converti  en  dominante  et  en  corde 
récitative  dans  les  deux  premières  incises  ;  dans  la  dernière,  quoi- 
que le  mouvement  des  deux  premières  soit  reproduit,  X^fa  retrouve 
plutôt  son  caractère  de  tonique,  parce  que  cette  incise  est  unie  à  la 
précédente  stolam  gloriae^  et  qu'elle  met  fin  à  la  pièce. 

362.  —  Rythme. 

L'Edition  vaticane  divise  la  mélodie  en  trois  phrases^  formées,  la 
première  et  la  dernière  par  deux  incises,  et  la  deuxième  par  trois. 

La  valeur  de  chacune  de  ces  trois  pauses  a  été  déterminée  au 
chapitre  IV.  Cependant  la  pensée  musicale  semble  mieux  inter- 
prétée, si  on  donne  la  valeur  d'une  pause  de  membre  aux  deux 
premières  grandes  pauses,  faisant  ainsi  de  la  pièce  entière  une  seule 
phrase.  L'unité  de  la  mélodie  y  gagne  énormément. 

C'est  question  de  détails,  sans  doute  ;  mais  détails  qui  contri- 
buent beaucoup  à  la  beauté  de  l'ensemble,  et  qui,  d'autre  part,  ne 
sont  point  contraires  à  la  version  officielle. 

Deux  tristrophas  apparaissent  dans  la  première  incise;  la  pre- 
mière tristropha,  en  plus  de  la  répercussion  dont  il  a  été  parlé  quand 

^  «  Il  faut  insister  sur  \2ifor7ne  mélodique  de  ce  membre. 

«  Sauf  les  deux  podatus  inférieurs  qui  servent  d'introduction  aux  deux 
premières  incises  ;  sauf  les  deux  groupes  d'accentuation,  la  mélodie,  très  simple, 
se  maintient  constamment  sur  le  fa;  à  peine  se  meut-elle  en  dehors  de  cette 
corde  :  discrète,  retenue,  elle  s'efface  pour  laisser  toute  la  place  au  rytJwie. 
Celui-ci,  de  son  côté,  ne  paraît  que  pour  s'ajuster  étroitement  avec  les  mots, 
mais  avec  les  mots  augmentés,  agrandis  ;  il  semble  vouloir  les  dilater  pour 
mieux  exprimer  les  profondes  idées  qu'il  représentent.  Et  telle  est  sa  puissance 
que,  seul,  son  bercement,  large  et  paisible,  donne  à  ces  quelques  mots  un 
caractère  indéfinissable  de  grandeur,  de  noblesse  et  de  gravité. 

«  Pauvreté  mélodique,  diront  les  légers,  les  inconscients  ! 

«  Richesse  rythmique,  répondrons-nous,  pureté  classique  digne  des  Grecs  et 
des  grégoriens  primitifs  qui,  les  uns  et  les  autres,  étaient  doués  d'un  sens 
rythmique  et  d'une  finesse  de  tact  auditif  que  la  moindre  ride,  la  moindre 
nuance  sonore  suffisait,  sans  l'aide  de  la  mélodie,  à  émouvoir  et  à  charmer  ». 


122  Deuxième  Partie. 


il  a  été  question  de  l'exécution  propre  à  ce  neume,  porte  ictus  sur 
sa  dernière  note. 

Sur  le  mot  implevit,  le  neume  est  composé  d'un punctîim^podaius- 
quilisma  et  d'un  oriscus  que  l'édition  vaticane  traduit  par  une  virga  ; 
l'ictus  se  place  en  conséquence  sur  le  la. 

Les  deux  distrophas  de  induit  correspondent  dans  les  manuscrits 
à  deux  bivirgaSy  comme  il  arrive  d'ordinaire  quand  deux  notes  à 
l'unisson  sont  affectées  à  une  seule  syllabe.  La  première  bivirga 
comporte  une  répercussion  et  un  retard  à  chaque  note,  et  la 
seconde  une  simple  répercussion. 

L'épisème  de  retard  placé  sur  le  mot  os  et  ceux  des  autres 
neumes  sont  reproduits  des  manuscrits  rythmiques. 

Les  trois  notes  mi,  fa,  sol  áo,  sapientiae  et  de  intellectus  doivent 
être  interprétées  comme  un  salicus,  selon  qu'il  est  indiqué  dans  les 
manuscrits.  La  modalité  elle-même  de  la  pièce  réclame  cette  inter- 
prétation. Le  ;///  se  trouve  ainsi  entre  d^u^fa  portant  appui. 

Le  point  à  côté  du  la  de  implevit  euni  supplée  au  cephalicus  des 
manuscrits.  De  plus,  ce  cas  n'est  pas  sans  une  grande  analogie  avec 
beaucoup  d'autres  dans  lesquels  la  voix  trouve  un  repos  immédiat 
après  le  «  pressus  »  la  do  do  la. 

Comme  on  l'a  dit  ailleurs,  les  appuis  rythmiques  indiquent  les 
divisions  binaires  et  ternaires. 

363.  —  Les  rythmes  élémentaires  pourraient  se  distinguer  dans 
la  forme  suivante  : 


implé-  vit      é-  um  Do-  mi-    nus 


364.  —  Mais,  en  pratique,  il  faut  considérer  le  rythme  général 
ae  la  phrase  et  examiner  les  incises  et  les  membres  dont  elle  est 
formée. 

Premier  membre. 

Première  incise. 

Deux  rythmes  composés  par  contraction  :  le  premier,  in  médio  Ec, 
comprend  trois  aj'sis  et  une  thésis  postictique ;  —  le  second,  clesiae^ 
deux  arsis  et  une  thésis. 

Deuxième  incise. 

Deux  rythmes  :  le  premier,  aperuit,  commence  par  une  thésis^ 
continue  par  une  arsis  et  termine  par  une  thésis  postictique  ;  —  le 
second,  os  ejus,  comprend  une  arsis  et  deux  thésis. 


Chapitre  X.  —  Exemples  pratiques.  123 

Second  membre. 

Première  incise. 

Trois  rythmes  :  la  conjonction  et  peut  être  considérée  comme 
prolongation  de  la  thésis  précédente;  le  mouvement  rythmique 
général  résulte  ainsi  plus  uni.  Le  premier  xyuvvaç,  plevit,  est  formé 
par  contraction  avec  le  la  de  eunt  :  deux  arsis  et  une  thésis 
postictique;  —  le  second,  emn,  à  partir  du  do-pressus,  rythme 
simple  :  une  thésis  ictique ;  —  le  troisième  Dominus,  composé  par 
contraction  :  une  arsis  et  deux  thésis^  la  dernière  ictique. 

Deuxième  incise. 

Deux  rythmes  simples  et  un  rythme  composé.  Les  deux  pre- 
miers, spiritu  sapi,  forment  jusqu'au  mi  inclusivement,  un  rythme 
composé  par  juxtaposition  avec  thésis  postictiques ; —  le  dernier, 
ientiae,  est,  à  partir  au  fa,  composé  par  contraction  :  deux  a7'sis  et 
deux  thésis,  la  dernière  ictique. 

Il  y  a  une  troisième  thésis,  celle  qui  commence  l'incise  suivante, 
et  qui,  en  raison  de  sa  relation  mélodique  avec  la  précédente,  peut 
être  considérée  comme  dépendant  du  rythme  composé  antérieur, 
à  la  manière  des  deux  premières  incises. 

Troisième  incise. 

Un  seul  rythme  par  contraction,  inîellectus,  à  partir  du  fa  : 
deux  arsis  et  quatre  thésis. 

En  arrivant  à  l'accent  tonique,  qu'on  se  rappelle  ce  qui  a  été  dit 
au  chapitre  précédent,  lorsque  l'accent  d'un  mot  est  au  troisième 
temps  d'un  groupement  ternaire.  (N°  326.) 

Troisième  membre. 

Première  incise. 

Deux  rythmes.  Le  premier,  stolam,  simple,  avec  thésis  postictique; 
—  le  second,  gloriae,  composé  par  contraction  :  une  arsis  et  deux 
thésis^  la  dernière  postictique. 

Deuxième  incise. 

Un  seul  rythme  composé  par  contraction,  ainsi  que  l'exige  le 
repos  final  de  la  mélodie.  Induit  eum  :  une  arsis  et  trois  thésis,  la 
dernière  forcément  ictique.  —  Dans  le  premier  membre,  l'accent 
particulier  correspond  au  premier  sol  de  Ecclesiœ,  groupe  arsique 
le  plus  élevé;  et  l'accent  principal  au  sol  de  os. 

Les  accents  particuliers  du  second  membre  correspondent  au  sol 
de  sapientiae  et  au  la  de  intellectus ;  le  principal  au  do  de  eum. 

Au  troisième  membre,  les  accents  se  trouvent  sur  glo  et  sur  in. 
Si  on  ne  regarde  que  la  mélodie,  l'accent  principal  est  le  premier; 
si  on  s'en  rapporte  aux  indications  rythmiques  des  manuscrits,  il 
pourra  être  affecté  au  second. 


124 


Deuxième  Partie. 


3Ó5.  —  La  pJirase.  —  Les  trois  premières  incises  forment  la 
protase  et  les  autres  l'apodose. 

Le  point  central  de  toute  la  phrase,  et  qui  représente  Vaccent 
géîiéral,  est  constitué  par  le  «  pressus  »  la  do  do  la  de  eiim. 

La  mesure  exacte  des  pauses,  l'ordre,  l'équilibre  et  la  symétrie 
des  rythmes  constituent  le  lien  de  proportion. 

La  transition  d'un  rythme  à  un  autre  sera  continue,  naturelle, 
délicate,  sans  heurts  et  sans  interruption. 

366.  —  Le  i)ioiiveine7it  général  de  la  pièce  aura  l'allure  d'une 
déclamation  grave,  majestueuse  et  sévère,  mais  exempte  de  toute 
emphase. 

Le  premier  membre  doit  être  chanté  avec  une  gravité  simple, 
comme  un  récitatif  modéré;  le  second  demande  plus  de  vivacité  à 
cause  du  vol  rapide  que  la  mélodie  prend  dès  le  début,  et  qui 
contraste  avec  l'allure  calme  du  précédent.  Le  second  membre 
terminé,  la  mélodie  reprend  graduellement  la  forme  et  l'allure  du 
premier, 

367.  —  La  chirononiie  marquera  la  succession  des  rythmes, 
d'après  la  méthode  indiquée  dans  le  chapitre  précédent. 


II 


368.  i 


■■■■Sa               !■                 ■■          ■ 

B        ■* 

r«  1 

■    ■  r-1*"  ■          éi    líi-.!^"    \\^ 

■ 

m      1 
1 

Jt  ^        ■          ÎV  1-  !♦  ■       ■■■,■■. 

Al-le-         lu-       ia. 


I I 

2 


y.  Ostén- 


c 

c 

■ 

*  ■ 

a 

■■■è  1. 

/■ 

■  ~ 

«  ■ 

1 

■ 

■    '«Si 

■■ 

■• 

■ 

■ 

\ 

■  1 

■ 

¡  ■ 

^4      01.      , 

' 

1  ■ 

>    ♦'  =\'^ 

de  no-  bis  Do- 
lí 


mi-  ne    mi-se-ri-  cor-  di-  am  tu- 

12 


nri 


■■■♦ 


♦  ni. 


T-Ni 


♦.■♦     ^%.. 


■^ 


16 


am        et  sa-  lu-  tá-    re     tú- 

13 


Chapitre  X.  —  Exemples  pratiques. 


125 


^Fín;^ 


mrn^' IS*' 


um*da      no-        bis. 

14  15  l 


-B-il 


-«^ 


it^ 


♦^B  ■' 


♦=i^^ 


♦      ♦. 


^♦r** 


10 

3Ó9.  —  Texte. 

Il  est  pris  du  psaume  84,  v.  8.  et,  par  les  sentiments  qu'il 
exprime,  se  trouve  bien  à  sa  place  liturgique,  à  la  messe  du 
premier  dimanche  de  l'Avent. 

370.  —  La  disposition  mélodique  est  à  peu  près  la  même  pour 
chacune  des  incises. 

La  gradation  bien  ménagée  des  mouvements  qui,  à  chaque 
incise,  tendent  vers  un  point  culminant  précédé  d'inflections 
immédiates,  est  remarquable. 

Non  moins  remarquable  est  la  concordance  mélodique  des 
groupes  I,  2,  3,  4,  5,  6,  7  et  8,  indiqués  au-dessous  du  texte,  et  dont 
la  relation,  ainsi  que  nous  le  disons  en  parlant  du  rythme,  doit 
transpirer  dans  la  pratique. 

Quant  à  la  modalité,  qu'on  remarque  la  diverse  disposition  des 
cordes  récitatives  et  des  finales  de  chaque  incise. 

Dans  la  première  phrase.  Alléluia,  les  appuis  se  placent  volontiers 
sur  le  la,  et  le  do,  dominante  du  mode,  devient  le  point  culminant 
de  la  phrase. 

La  seconde  commence  par  do,  faisant  ainsi  ressortir  le  rôle  de 
dominante,  que  joue  cette  note  dans  l'usage  actuel  ;  elle  termine 
par  si,  qui  devient  aussitôt  la  dominante  de  l'incise  suivante, 
laquelle  finit  par  la  tonique  sol. 

A  la  troisième  phrase,  le  do  reprend  sa  fonction  de  note 
dominante  qu'il  ne  tarde  pas  à  céder  de  nouveau  au  si;  celui-ci 
fléchit  d'un  demi-ton  devant  la  cadence  ç,x\fa  qu'il  prépare  et  qui 
conduit  au  membre  suivant.  Dans  ce  dernier  membre,  la  dominante 
flotte  entre  do  et  si,  et  la  pièce  s'achève  naturellement  par  sa 
tonique  propre. 

371.  —  Il  faut  bien  se  rendre  compte  de  la  relation  et  du 
parallélisme  mélodique  et  rythmique  établis  entre  les  groupes 
I,  2,  3,  4,  5,  6,  7  et  8,  et  que  l'interprétation  rythmique  suivante, 


126 


Deuxième  Partie. 


basée  sur  les  manuscrits  et  empruntée  à  la  seconde  Monographie 
de  Dom  Mocquereau,  met  admirablement  en  relief. 


I_ 

■ 

I    i~ 

r- -*■. 

-mt    - 

II 

2   b 

.-J^ 

■♦•"  ' 

it 

l_ 

■r  n 

/?   • 

Î.Jb 

û 

■                        B 

4  •    'r»r 

'♦!  ♦ 

S^ 


6    f 


7   O 


=  >V 


'♦. 


/r^Frt 


î^ 


-•^ 


tH^ 


I  I5  5  — 


th» 


Aux  groupes  9  et  10,  qu'on  tâche  de  répercuter  le  second  do, 
afin  de  rendre  plus  sensible  l'équivalence  avec  \ç, podatus-subbipujictis 
qui  les  suit. 

Si  on  éprouve  le  besoin  de  respirer  dans  la  phrase  et  saliitarc 
tîiuin,  qu'on  le  fasse  rapidement  avant  la  ti'istropha. 

Qu'on  ait  soin  de  passer  légèrement  sur  la  première  note  des 
membres  11,  12,  13,  14  et  15,  ainsi  que  l'indique  le  c  (celeriter)  des 
manuscrits,  qui,  ici,  nous  avertit  de  ne  pas  prolonger  tant  soit  peu 
une  note  qu'ailleurs  on  pourrait  retarder  sans  inconvénient. 

Le  même  avertissement  vaut  pour  la  clivis  16.  Là  aussi,  les 
manuscrits  au  moyen  du  c  nous  recommandent  de  ne  pas  retarder 
le  mouvement  bien  que  ce  soit  la  fin  de  la  phrase. 

Le  motif  qui  guide  le  r)'thmicien  est  facile  à  deviner  :  le  retard 
de  cette  note  deviendrait  fatigant,  après  celui  qui  donne  tant  de 
grâce  aux  neumes  précédents  ;  de  plus,  la  clivis  en  question  n'est 
qu'une  simple  répétition  de  deux  notes  antérieures  ¿a-sol,  et  ne  sert 
qu'à  arrondir  la  période  musicale. 

Tout  ce  qui  reste  à  dire  de  l'interprétation  rythmique  est  détaillé 
dans  le  tableau  chironomique  que  nous  reproduisons. 

372.  —  Dans  la  première  phrase,  Alléluia,  le  mouvement  devra 
être  assez  vif  ;  tandis  qu'au  verset  Ostende,  à  cause  de  son  caractère 
de  supplication,  il  sera  en  général  plus  modéré. 


ycrfer    ^\llctu4¿ví 


Wi^'^ 


:  Vílcnoe  nobif... 


míe 


^ 


B 


f=^ 


g^J     rr>^^ 


^^r  r  [,   ^ 


fHt;: 


í 


m 


^ 


X-   /  - 1» 


fx-fJJ^> 


rKp.  \t 


^ 


í 


í-^ 


cor- 


\. 


Atn       tu- 


r/. 


i  xj^^  u;^^ 


^^ 


K 


|j2ü>Aí>^8 


1=^ 


s 


r^r  ^■.-    .>f^ 


^..'(¿■.üf"-; 


Q'tg    f--f-^l: 


Chapitre  X.  —  Exemples  pratiques. 


127 


III 


fi  ^• 

a. ,         t.            ^    \           a.          a. ,         t. 

a. 

c                      > 

^7^-      ■■        ■■■*         ■                    ■■■■ 

■         ■    J 

*"  ^^  ■  ■ -■   ■'■■■          ■       _         «"i 

■     -  ■ 

•    i 

1     ■   1 

Vi-dens  Domi-nus    *  flén-  tes  so-ró-res  Lá-za-ri 
t.        t.            a.        a./           t.              t.                      t.           a. 

ad  mo- 

c 

1 

■     ■      ■         ■ 

,,?■?     ■■     ■■         ■ 

■ 

■         • ^ — •- 

■    ■•    ( 

e 


numén-  tum,     lacrimá-tus   est  co-ram  Judaé-  is,        et  clamá- 
t.        ^      x.  a.  t.  ^  a./  t.     t. 


t 


a./    t.      t. 


i 


^9  • 


J^^ 


P.É      ■• 


■       ■ 


bat  :  Là-     za-    re,    vé-ni    fo-  ras  :      et  pród-  i-    it       li-gá-tis 
a. ,  t.  a.  t.  a.  t.     t.  t.        a. ,     t.         t. 


t 


-■ — ■- 


fi 


■— «^ 


má-ni-bus  et  pé-di-bus,   qui   fu-  e-  rat  quatri-du-  à-nus  mór- 
t.  a.  t.      t.t. 


iflr 


tu-  us. 

374.  —  Texte. 

Il  sert  d'antienne  de  Communion  à  la  messe  de  la  sixième  férié 
après  le  quatrième  Dimanche  de  Carême,  pendant  laquelle  on  lit 
l'Evangile  de  la  résurrection  de  Lazare  dont  il  est  tiré. 

375.  —  Mélodie. 

Sa  composition  délicate  est  digne  d'être  remarquée.  L'intérêt 
tonal  croît  et  se  développe  graduellement  jusqu'à  Lazare^  veni 
foras,  uniques  paroles  du  Sauveur  qui  soient  rapportées  ici,  et  qui 
sont  les  mêmes  qu'il  prononça  en  accomplissant  ce  grand  miracle. 
Ce  qui   les   précède  et  ce  qui   les   suit,   mais   surtout  ce  qui  les 


l 


128 


Deuxième  Partie. 


précède  revêt  le  caractère  d'une  narration  très  vivante.  Qu'on 
remarque  les  diverses  cordes  récitatives  :  première  incise,  fa; 
deuxième,  sol;  troisième,  la.  Les  deux  incises  suivantes  ont  un 
caractère  nettement  descriptif  :  la  première,  et  prodiit,  semble 
vouloir  représenter,  par  son  élévation  mélodique,  Lazare  sortant  du 
tombeau;  la  seconde,  par  ses  chutes  successives  graduées,  semble 
vouloir  montrer  les  bandelettes,  dont  on  l'avait  enveloppé,  tombant 
l'une  après  l'autre.  La  dernière  incise  termine  dignement  la  pièce 
par  des  mouvements  contraires  d'un  très  bel  effet. 

376.  —  Rythme. 

Il  est  donné  en  détail  au-dessus  du  chant  :  divisions  binaires  et 
ternaires,  arsis  et  thésis,  rythmes  et  accents. 

Kfle7ites  et  Lazare,  nous  avons  marqué  la  direction  par  rythmes 
simples,  à  cause  de  l'accent  tonique. 

Pour  donner  à  cette  pièce,  après  l'avoir  analysée,  toute  son 
expression,  il  faut  se  rappeler  en  l'exécutant  :  l'amour  de  Jésus 
pour  son  ami  :  Ecce  quomodo  aniabat  etini;  son  immense  douleur  en 
apprenant  sa  mort  :  infremuit  spb'itu,  turbavit  seipsiivi. . .,  lacriviatiis 
est;  l'opportunité  et  la  sérénité  avec  lesquelles  il  découvrit  son 
cœur  :  Vado  ut  a  somno  excite7n  euni  :  et  gaudeo propter  vos...,  ut 
creda7it  quia  tu  me  inisistt;  enfin  il  faut  partager  la  foi  de  Marthe 
et  de  Marie  en  son  pouvoir  divin  :  Ego  suin  7'esurrectio  et  vita  :  qui 
crédit  in  me,  etiani  si  mortuus  fuerit  vivet. . .,  qui  viderant  credidei'unt 
iii  eum. 

377.  —  Le  mouvement  général  sera  celui  d'un  récitatif;  on  le 
modérera  discrètement  aux  mots  :  Lazare,  veni  foras. 


IV 


a.,     1. 1. 

a.      t.              a.      t. 
1 

a./         t. 

a./  t. 

E 

i 

■    ■     ■* 

■      ■  ■    ■ 

?n^.            , 

■  M     ■        ■         ià       ■ 

■    ■     ■ 

"  'r-j  , 

■    /■  >^^ 

■■     ■        ■         ^       \ 

Exsúr- ge,      *  qua-  re     obdórmis   Dómi-ne?        exsúr- 


P 

t. 

a. 

1 

t. 

a.       t. 

t. 

t.     t. 

a.a. 

a./          t. 

i               > 

■ 

1 

a* 

« 

M     .^     a 

■4   ■ 

^     ■ 

■     ■      ■      1 

. 

* 

■     ■     ■  ■ 
1 

!♦■ 

A  ■ 

1 

■ 

1 

ge, 


et  ne     re-péi-las     in         fi-   nem  :  qua-  re     fa-ci-    em 


Chapitre  X.  —  Exemples  pratiques. 


129 


t 


C\ 


a.   t. 


a./     t.    t. 


a.   t.  a. ,  t. 


^ipra^^i?=g=j 


e-= 


tú-     am      avér-tis, 
t.       t.  a./    t. 


oblí-ví-  sce-  ris         tri-bu-  la-ti-  ó-  nem 
a.       t.       a.     t.       t.       t.  a. 


t 


•^m-th 


nó-stram?    Adhaé-  sit    in  ter-  ra    venter  no-  ster  : 
a./         t.         a./  t.      t.  t.     a./   t.      t.  a.  t.      1. 1. 


exsurge, 


Í 


t 


*  S\*»' 


P-f 


Dómi-ne,         ádiu-va'  nos,       et  li-  be-  ra 


nos. 


'     379-  —  Texie. 

L'Eglise  l'emploie  à  l'Introït  du  Dimanche  de  la  Sexagésime 
pour  implorer  le  secours  divin  au  milieu  des  tribulations  dont  nous 
sommes  accablés. 

380.  —  Mélodie. 

Le  dessin  mélodique,  tracé  de  main  de  maître  par  le  compositeur, 
se  détache  de  prime  abord. 

Corde  récitative  :  première  incise,  ré;  deuxième,/i2:/  troisième,  la  ; 
de  cette  dernière,  la  mélodie  redescend  graduellement  au  même 
point  par  où  elle  a  commencé. 

Le  premier  membre  de  la  seconde  phrase  résume  à  quare,  les 
intervalles  de  toute  la  phrase  précédente,  et  les  répète  aussitôt, 
mais  en  sens  inverse,  3.faciein;  vient  ensuite  la  récitation  sur  la 
notQ  fa,  qui  prépare  l'ascension  au  do,  et  qui  servira  de  tonique  à 
ce  second  membre. 

Au  dernier  membre  de  cette  phrase,  la  cantilène  descend,  avec 
un  gracieux  balancement,  jusqu'à  la  tonique  ré,  qui  rime  avec  les 
principales  cadences  précédentes  : 

7,  •■ 

fi-    nem 

■'a    a* 

nó-stram 

a"a    a* 

no-  ster 


No  G74. 


130 


Deuxième  Partie. 


Enfin,  dans  la  dernière  phrase,  qui  résume  quelques-uns  des 
dessins  mélodiques  des  phrases  antérieures,  la  pièce  termine  par 
une  des  formules  grégoriennes  les  plus  usitées. 

381.  —  Rythme. 

Il  est  indiqué  au  dessus  de  la  portée. 

La  pièce  est  une  vraie  prière  par  laquelle  l'âme  implore  avec 
instance  le  secours  divin  dont  elle  a  un  pressant  besoin  dans  sa 
tribulation. 

382.  —  Ici  aussi,  mouvement  et  expression  doivent  concorder 
parfaitement  avec  la  confiance  calme  et  sereine,  qui  doit  toujours 
caractériser  la  prière  du  chrétien. 


V 


a. 


a.  a./      t.a.    a.  t. 


383. 


-»» 


-<«<- 


H-HI 


^ — a— i? 


♦>    ■  .'IN  ^ 


■  7 

sic-  ut 


\ 


JÚ-  stus   *   ut  palma         flo-ré-        bit  : 

a.        /   a.    t.  a.        a./ 1.  a.     t.     a.  t.t.  t.      a.  a.  /      t. 


t 


■    ■    ■    ■  ■ 


r?  f'Ni  a 


í=¿=3 


-ft«« 


cédrus  Li-ba-ni        multipli-cá- 
a.  t.    t.  t.a.  a.     t. 


bi-        tur   :    planta-         tus 
a./     t.  a.    t.  t.   a. 


« 

■        s    Tai 

■             ■ 

■  nPa    ■* 

■        ana     a     ■          S     1  ■  ■                  ■  ■  ■ 

■■■  ■        ■      ■ 

■ — m—t 

! »__ 1 

in  domo      Dómi- 
t.     a.     t.      t. 


m, 


in    à-  tri-  is  dómus   Dé-  i 


-MHI- 


■     ■ 


stri. 


no- 


384.  —  Texte. 

Il  est  pris  du  psaume  XCI. 

Il  se  trouve  en  entier  dans  les  manuscrits  au  jour  de  S.  Etienne, 
pape,  et  n'a  qu'un  simple  renvoi  à  la  messe  de  S.  Tiburce.  L'Eglise 
en  a  formé,  avec  d'autres  pièces,  la  seconde  messe  du  Commun  des 
Confesseurs  non  Pontifes. 


Chapitre  X.  —  Exemples  pratiques.  131 

385.  —  Mélodie. 

A  la  ressemblance  de  l'Introït  In  média,  la  première  et  la 
troisième  partie  se  bercent  suavement  sur  une  même  note  ;  au 
centre  seulement  la  mélodie  déploie  librement  ses  ailes. 

C'est  ce  membre  central  qui  a  fait  ranger  cet  introït  dans  le 
premier  mode  ;  les  autres  membres  sont  plutôt  du  second. 

386.  —  RytJime. 

Comme  pour  les  exemples  antérieurs,  les  indications  se  trouvent 
au-dessus  de  la  portée. 

387.  —  Si  la  paix  de  l'âme  victorieuse  de  ses  passions  transpire 
toujours  et  partout,  dans  les  mélodies  du  chant  grégorien,  nulle 
part  elle  ne  se  manifeste  avec  tant  d'éclat  que  dans  cet  introït. 

On  s'en  aperçoit  dès  les  premières  noiQS,  Jus ¿tis,  où  le  calme  de 
la  ligne  mélodique  reflète  admirablement  l'état  pacifié  du  juste. 

Et  comme  la  paix  intérieure,  une  fois  conquise,  n'implique 
jamais  l'oisiveté  et  le  repos,  bientôt  la  douce  cantilène  s'anime  et 
sur  les  mots  ut  palma  flor ebit^  essaye  de  traduire  l'activité  incessante 
du  juste,  avec  ses  progrès  continus  dans  les  bonnes  œuvres  et  dans 
les  vertus. 

Petit  à  ses  yeux,  le  juste  est  grand  devant  Dieu  et  devant  les 
hommes.  C'est  pourquoi  l'Ecriture  le  compare  au  cèdre  qui,  sur  les 
sommets  du  Liban,  dresse  sa  haute  cime  et  étale  ses  rameaux 
abondants  :  Sicut  cedrus  Libani  multiplicabitur.  L'accent  musical, 
c'est-à-dire  le  point  culminant  de  toute  la  pièce,  ne  pouvait  donc 
être  mieux  placé  ailleurs  qu'à  cet  endroit  du  texte. 

Enfin,  la  dernière  phrase,  en  insistant  sur  \^fa,  est  comme  une 
description  de  la  persévérance  du  juste  dans  le  bien,  et  du  bonheur 
qui  éternellement  sera  sa  récompense  in  atriis  domus  Domini^  dans 
le  ciel. 

388.  —  Si  sommaires  qu'elles  soient,  ces  analyses  révèlent  dans 
le  chant  grégorien  une  inspiration  surnaturelle  dont  il  faut 
chercher  la  source  dans  la  méditation  que  le  compositeur  aura 
faite  préalablement  du  texte  sacré  ;  elles  sont  par  conséquent 
comme  la  représentation  plastique  de  l'esprit  qui  informe  les 
mélodies  liturgiques  et  dont  se  doiv^ent  pénétrer  ceux  qui  veulent 
les  comprendre  et  les  chanter  dignement. 


TROISIÈME  PARTIE. 


CHAPITRE   L 
Des  hymnes. 

A)  Leur  composition.  —  L'ictus  métrique  :  son  rôle  :  son  indépen- 
dance :  sa  nature  :  sa  place.  —  B)  Leur  exécution.  —  Mélodies 
simples  :  ornées  :  Mouvement.  —  Syllabes  hypermétriques. 

A)  Composition  des  hymnes. 

389.  —  Les  hymnes  sont  des  cantiques  Hturgiques  écrits  en  vers 
et  divisés  en  strophes. 

Ü  ictus  7nétrique. 

390.  —  La  récitation  naturelle  des  hymnes  produit  —  qu'elles 
appartiennent  au  rythme  métrique  ou  au  rythme  tonique  —  un 
mouvement  harmonieux  et  cadencé.  C'est  dû  au  nombre  déterminé 
des  syllabes  et  au  retour  régulier  d'un  appui  qu'il  faut  désormais 
appeler  «  ictus  métrique  ».  ^ 

Rôle  de  V  ictus  ^nétrique. 

391.  —  L'ictus  métrique  est  au  vers  ce  que  l'ictus  rythmique  est 
à  la  mélodie.  Il  est  le  temps  porteur  du  rythme  poétique,  comme 
l'ictus  rythmique  est  le  temps  porteur  du  rythme  mélodique.  Il 
n'est  donc  pas  au  vers  ce  que  l'accent  est  au  mot. 

Indépendance  de  V  ictus  'ynétrique. 

392.  —  Aucun  conflit  réel  n'existe  entre  l'accent  tonique  des 
mots  et  l'ictus  métrique  des  vers.  Dans  les  vers  comme  dans  la 
mélodie,  l'accent  tonique  se  joue  librement  à  travers  les  levés  et  les 
baissés  du  rythme.  On  sait  que,  dans  la  prosodie  classique,  l'accent 
—  comme  tel  —  ne  jouait  aucun  rôle  dans  la  facture  du  vers, 
basée  tout  entière  sur  la  combinaison  des  longues  et  des  brèves. 

La  concordance  entre  l'accent  tonique  et  l'ictus  métrique  n'est 
donc  pas  requise;  la  preuve,  ce  sont  les  cas  fréquents  où  elle 
n'existe  pas. 

*  Nous  croyons  être  les  premiers  à  abandonner,  dans  une  Méthode,  l'expres- 
sion «  accent  métrique  >,  dont  M,  l'Abbé  Delaporte  d'abord  et  Dom  Gajard 
ensuite  ont  démontré  la  fausseté.  (Cf.  Revue  Grégorie?i7ie^  IV*  Année,  p.  81-89 
et  VP  Année,  p.  212-224). 


Chapitre  I.  —  Des  hymnes.  133 

Quand,  au  lieu  de  correspondre,  l'accent  tonique  précède  immé- 
diatement l'ictus  métrique,  comme  dans  le  chant  encore,  il  n'en  a 
que  plus  d'élan.  Dans  ce  cas,  on  enlève  vivement  l'accent  tonique, 
—  c'est  la  vraie  manière  de  le  faire  —  et  on  laisse  la  voix  retomber 
doucement  sur  l'ictus  métrique  sur  lequel  elle  semble  se  poser. 
Quoi  de  plus  gracieux  et  —  puisqu'il  s'agit  de  poésie  —  quoi  de 
plus  poétique  que  cette  règle  appliquée  à  l'exemple  suivant! 

/-        /-  /-         /- 

Rector,  pot-ens,  ve-rax  De-  us, 

Y  a-t-il  vraiment  conflit  entre  l'accent  tonique  et  l'ictus  ou 
touchement  métrique?  Le  premier  est-il  gêné,  entravé  par  le  voisi- 
nage du  second?  Leur  gracieux  croisement  n'est-il  pas  plutôt  le 
symbole  de  leur  concert  non  moins  que  de  leur  indépendance? 

Nature  de  rictus  métrique. 

393.  —  De  cette'  indépendance,  il  suit  que  l'ictus  métrique, 
comme  l'ictus  rythmique,  n'a  pas  d'intensité  par  lui-même;  il  n'a 
que  celle  que  lui  communique  la  syllabe  avec  laquelle  il  coïncide. 
C'est  donc  une  vraie  méprise  que  de  l'assimiler  à  l'accent  et  de  lui 
en  donner  le  nom  et  la  valeur. 

Place  des  ictus  métriques. 

394.  —  Le  rythme,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  en  l'étudiant, 
marche  à  pas  binaires  ou  ternaires.  Dans  les  antiennes  il  est  libre. 
Dans  la  poésie  antique,  il  est  mesuré.  Dans  la  poésie  tonique,  les 
ictus  rythmiques  s'installent  sur  les  syllabes  qui  tiennent  lieu  des 
longues  et  reviennent  à  des  places  fixes.  C'est  tout  ce  en  quoi 
consiste  leur  «  métricité  ».  Dans  le  premier  vers  du  Creator  aime 
siderum,  par  exemple,  nous  avons  quatre  ictus  rythmiques  sur  les 
syllabes  paires.  Ils  sont  métriques  tous  les  quatre,  en  ce  sens  qu'ils 
sont  à  la  place  des  longues  antiques  ;  mais  aucun  d'eux  n'est  spé- 
cialement «  métrique  »  ;  le  second  ne  l'est  pas  moins  que  le  premier 
et  le  quatrième  que  le  troisième.  La  métrique  intervient  simplement 
pour^^f^r  leur  place  à  tous  ;  cela  fait,  elle  disparaît. 

B)  Exécution  des  hymnes. 

395.  —  Les  hymnes  se  récitent  ou  se  chantent,  et  leur  chant  est 
simple  ou  orné. 

Mélodies  simples. 

396.  —  Dans  la  récitation  et  le  chant  simple  des  hymnes,  les 
syllabes  ont  une  durée  à  peu  près  égale  et  les  ictus  métriques 
jouent  un  rôle  prépondérant.  Le  rythme  s'appuie  sur  eux  ;  ils  sont 
les  colonnes  qui  soutiennent  l'édifice  poétique;  on  doit  donc  les 


134  Troisième  Partie. 


mettre  en  relief  sans  exagération  et  conformément.au  caractère  de 
la  syllabe  qu'ils  affectent. 

397.  —  Entre  la  récitation  et  le  chant  simple  des  hymnes  il  y  a 
toutefois  une  différence.  Soutiens  à  la  fois  du  rythme  poétique  et 
du  rythme  musical,  les  ictus  métriques  passent,  dans  le  chant 
simple,  par  des  nuances  plus  variées  que  dans  la  récitation.  Ils  sont 
souvent  le  point  de  départ  et  le  point  d'arrivée  des  crescendos  et 
des  decrescendos  mélodiques.  Quant  aux  nuances,  elles  dépendent 
de  la  place  des  ictus  métriques  dans  la  ligne  sonore.  Pour  nous 
faire  mieux  comprendre,  donnons  maintenant,  avec  les  indications 
dynamiques,  la  mélodie' de  l'hymne  de  l'Avent. 


■     ■ 


1r 


Í-.-Í- 


Cre-  á-tor   álme    sí-de-rum,      Aetérna    lux  credénti-  um, 


fl    ■ 


■__|.      .■""■■■ 


Jé-su,  Redémptor  ómni-  um     Inténde  vó-cis  súppli-cum. 

398.  —  D'abord,  nous  avons  mis  un  accent  sur  le  premier  quart 
de  barre,  pour  indiquer  que  l'accent  musical  de  la  première  phrase 
va  de  l'accent  tonique  de  sideru^n  à  celui  de  aetér7ia.  Par  leur  place 
dans  la  ligne  mélodique,  ces  deux  accents  sont  les  deux  ictus 
métriques  principaux  de  cette  phrase.  Il  va  de  soi  qu'après  l'accent 
de  sideruin,  la  voix  doit  légèrement  fléchir  pour  se  poser  plus 
doucement  sur  la  dernière  syllabe.  On  évitera  avec  soin  de  respirer 
après  cette  syllabe;  ce  serait  briser  l'unité  de  l'accent  musical. 

Les  autres  ictus  métriques  auront  l'intensité  que  la  ligne  dyna- 
mique leur  donne  au  passage.  On  remarquera  qu'au  dernier  vers, 
c'est  l'ictus  métrique  central  qui  est  le  plus  fort,  parce  qu'il  porte 
l'accent  musical. 

Se  bien  garder,  sous  prétexte  de  faire  les  ictus  métriques,  de  les 
détacher  isolément  par  un  appui  marqué  de  la  voix  ;  les  lignes 
mélodique  et  dynamique  en  seraient  brisées,  hachées,  et  toute  la 
beauté  de  la  mélodie  disparaîtrait. 

Enfin,  les  nuances  générales  elles-mêmes  que  nous  avons  indi- 
quées doivent  être  faites  avec  la  plus  grande  délicatesse  et  sobriété. 
11  ne  faut  rien  de  matériel  dans  de  tels  chefs-d'œuvre. 


Chapitre  I.  —  Des  hymnes.  135 

Mélodies  07"nées. 

399.  —  Dans  les  mélodies  ornées,  il  n'y  a  pas  lieu,  généralement, 
de  tenir  compte  des  ictus  métriques,  les  compositeurs  des  mélodies 
les  ayant  eux-mêmes  souvent  négligés.  Ils  ont  semé  les  groupes 
de  notes  sur  les  syllabes  des  vers  comme  sur  un  texte  en  prose; 
aussi  lorsque  les  neumes  se  trouvent  sur  les  ictus  métriques,  il 
semble  parfois  que  ce  soit  autant  l'effet  du  hasard  que  de  leur 
intention.  La  seule  différence  qu'il  y  a  entre  les  hymnes  ornées  et 
les  pièces  en  prose,  ornées  également,  c'est  que  dans  les  hymnes, 
les  phrases  musicales  soutenues  par  les  vers,  présentent  des  pro- 
portions plus  symétriques. 

Mouvement, 

400.  —  Un  mouvement  modéré  convient  au  chant  des  hymnes. 
Il  ne  sera  pas  cependant  appliqué  uniformément  à  toutes,  mais 
adapté  au  caractère  rnélodique  de  chacune. 

401.  —  Qu'on  récite  ou  qu'on  chante  les  hymnes,  les  vers  de 
chaque  strophe  se  groupent  deux  par  deux.  Si  leur  longueur  ne 
l'exige,  il  est  mieux  de  ne  pas  respirer  entre  les  deux,  soit  dans  la 
récitation,  soit  dans  le  chant  simple,  comme  nous  l'avons  suggéré 
à  propos  du  chant  de  l'hymne  de  l'Avent.  On  remarquera  que 
l'édition  rythmique  ne  met  pas  de  point-mora  entre  le  premier  et 
le  second,  et  entre  le  troisième  et  le  quatrième  vers  des  strophes 
de  cette  hymne. 

Syllabes  hypennétriques. 

402.  —  Parfois  il  se  rencontre  dans  les  hymnes  plus  de  syllabes 
que  n'en  comporte  le  mètre  :  «  Cum  Patr^  et  almo  Spiritu.  —  O 
sola  magnar?^?^  urbium.  » 

Dans  la  récitation,  on  doit  les  prononcer  aussi  distinctement 
que  les  autres. 

Dans  le  chant,  au  contraire,  il  est  non  seulement  permis,  mais  il 
vaut  mieux  les  élider  pour  sauvegarder  le  rythme  musical.  (Voir 
Append.  n°  466,  Décret  de  la  S.  C.  des  Rites.) 


136 


Troisième  Partie. 


A  vertissements. 


CHAPITRE   IL 
Des  tons  communs. 

-  Tons  des  leçons  :  commun  :  solennel  :  ancien 
prophéties  :  leçon  brève. 


403.  —  Quant  aux  réponses  concernant  le  «  Deus  in  adjutorium  », 
le  «  Benedicainus  )^,  les  litanies  et  autres  chants  invariables  dans 
leur  forme  mélodique,  on  aura  recours  aux  livres  officiels  de  chant 
grégorien.  «  Toute  Schola  cantorum  ou  Maîtrise  ^  aura  sa  biblio- 
thèque musicale  particulière  pour  les  exécutions  ordinaires  de 
l'église,  et  possédera  avant  tout  un  nombre  suffisant  des  livres 
grégoriens  de  l'Edition  vaticane.  Pour  une  plus  grande  uniformité 
dans  l'exécution  du  chant  grégorien...  on  pourra  les  adopter  avec 
l'adjonction  des  signes  rythmiques  de  Solesmes  2.  » 

404.  —  Ton  sif^ple  des  leçons. 


m    ■* 

Jú-be   Dómne  be-ne-dí  ce-re. 

r 

/ 

[■■■■■■■       air--                  ... 

■                     KM 

■  • 

" 

" 

" 

■"               , 

J 

Sic     incí-pi-  es    et   sic    fá-ci-  es  flé-       xam,     sic   autem  pún- 

i       sá-pi-     ens  Dói- 

\     propter  vos  lo- 


D^ 

e? 


¡ ■ — ■— « — wt- ■ — ■  ■  ■ — ■ 

— Q       ■•     '' »= 


ctum.   Tu     autem  Dómi-ne, 
mi-  ni. 
tus   est. 


mi-se-ré-re  nó-bis. 


Si  la  phrase  est  longue,  on  répète  la  flexe  quand  le  sens  le 
permet.  —  On  omet  la  flexe  quand  la  phrase  est  trop  courte  ou 
que  le  sens  ne  s'y  prête  pas. 


*  Et  à  plus  forte  raison  les  Séminaires  où  l'étude  du  chant  grégorien  doit  être 
particulièrement  en  honneur. 

'  Paroles  du  règlement  de  Rome,  reproduites  dans  les  conclusions  du 
troisième  Congrès  espagnol  de  musique  sacrée.  (Barcelone  191 2). 


Chapitre  II.  —  Des  tons  communs. 


137 


On  ne  fait  jamais  d'inflexion  aux  deux  points  devant  les  mots  : 
et  dixit  :  —  S  i  eut  script  uni  est,  et  autres  expressions  synonymes 
annonçant  une  citation. 


Point  d'interrogation. 


■    ■    ■ 


i-^j^ 


quis   est  qui  condémnet?  quis  contra  nos?  di-li-ge-re? 

405.  —  Le  ton  simple  s'emploie  aussi  aux  leçons  de  l'office  des 
défunts,  aux  deuxième  et  troisième  nocturnes  des  derniers  jours  de 
la  Semaine  sainte  et  aux  prophéties,  excepté  qu'au  lieu  du  Tu 
auteni  on  termine  de  cette  manière  : 


Í  ■  ■      ■     ■ 

■    ■    '    ■ 

s  ■  ■              ■  b  ■•   ■• 

■    ■         ■  b  ■    ■    ■• 

• 

é-  um  non  cognó- vit.      Domi-nus   omni-pot-ens. 

Cette  cadence  est  à  un  accent,  avec  deux  notes  de  préparation. 
D'après  l'Edition  vaticano  on  anticipe  d'une  note  lorsque  le  ré     <L^ 
devrait  correspondre  à  une  pénultième  brève. 

6— ■ — »- 


-Í3— ■ 


■fe"»'      ■• 


ha-bi-tá-ti-  o     é-  jus. 

Lorsque  la  prophétie  termine  en  annonçant  le  chant  qui  va 
suivre,  par  des  formules  telles  que  :  dicentes  et  dixerunt,  on  omet 
la  conclusion  et  on  finit  recto  tono  surTa^ómináñte. 

40Ó.  —  Ton  solennel  «  ad  libitum  ». 


i*rîitiïr»«-><.«i«i/i«JV 


? ■    »•     M 


Jú-be  Dómne  be-ne-dí-ce-re. 


/ 

/ 

i   -     -    -   -   - 

m 

■     /'n^     ** 

■ 

b   ■     ■    ■   ■   ■ 

(ü)-»^ 

-i-*- 

■    iuj    ■    - 

1 

Sic    incí-pi-  es    et  sic  fá-ci-  es  flé- 

xam,  sic  ve-ro  mé- 

1 

trum, 

c  ■   ■ 

m 

.  1 

5             > 

■         »      . 

? (a)-.^ 

■ 

■  — 

ü^- 

sic  autem  pún-  ctum.  Tu    autem  Dómi-ne,    mi-se-ré-re  nó-bis. 


138 


Troisième  Partie. 


Si  le  point  est  assez  loin,  on  peut  répéter  alternativernent  la  flexe 
et  le  metrum.  —  Si  le  point  est  très  rapproché  ou  que  le  sens  ne  le 
permette  pas,  on  omet  la  flexe  mais  on  fait  toujours  le  metrum.    ^ 

Le  point  d'inlerrogation  se  fait  comme  dans  le  ton  simple. 

De  même  la  formule  finale,  quand  on  ne  termine  pas  par 
Tu  auteni. 


407.  —  Ton  ancien. 


■% — ■- 


Ju-be  Dómne  be-ne-dí-ce-  re. 

/ 

1 

/ 

1 

■     {ri\    ■* 

1 

■ 

{r\\    ■* 

■     ■ 

■     (,0)     ■ 

1 

\U)    ■ 

Sic    înci-pi-  es    et  sic  fa-ci-  es  flé-     xam,  sic  ve-ro  mé-     trum, 


-« — ■- 


-■ — ■- 


■    ■ 


-(Q)-»^ 


e^ 


sic  autem  pun-  ctum.  Tu    autem  Dómi-ne,    mi-se-ré-re  no-bis. 


■    ■ 


t 


■     ■ 


■     ■     ■ 


■     ■• 


..    quis    est  qui  condémnet?    quis  contra  nos? 


La  flexe  et  le  metrum  peuvent  se  répéter  comme  il  a  été  dit  pour 
le  ton  précédent.  —  Egalement  on  laisse  la  flexe  et  on  ne  garde 
que  le  metrum,  quand  la  place  manque  ou  que  le  sens  s'y  refuse. 

Formule  finale  à  défaut  du  Tti  aiiteîn. 


Hl %- 


■     ■ 


■  •      ■• 


■      ■• 


■  •      ■< 


Dé-  o   vi-vén-ti.         non  fit   remissi-  o.        ha-bi-tá-  ti-  o     é-  ius. 

408.  —  Ton  de  la  leçon  brève. 

Le  Jubé  Doinne  comme  dans  le  ton  simple. 


5— ■ — ■ — ■  ■  ■ — 1 

1 ■ ■     ■      ■ ■ ■ >-(Q)     ■'    1     1 

•                                                                                                        ÎQ)-^ Ï-HI ^ h- 

Sic    inci-pi-  es   et  sic  fa-ci-  es  flé-      xam,  sic  vé-ro  mé-    trum, 


Chapitre  III. 


Récitatifs  liturgiques. 


139 


■    ■ 


■    ■    ■ 


■    ■    ■ — m- 


•(Q)-lê- 


sic  autem  pun-  ctum.  Tu    autem  Domine,    mi-se-ré-re  no-  bis. 

Dans  les  phrases  trop  courtes  on  omet  la  flexe. 
La  flexe  et  le  metrum  ne  se  répètent  jamais. 
La  formule  interrogative  est  celle  du  ton  simple. 


CHAPITRE   IIL 
Récitatifs  liturgiques. 

Versets.  —  Bénédictions.  —  Capitule.  —  Épître. 
Evangile.  —  Oraisons. 

409.  —  A)  Chant  des  versets. 

Dans  le  ton  appelé  cuín  neuma  par  l'Edition  vaticane,  la  dernière 
syllabe  correspond  toujours  diujubilus  final. 
Le  ton  simple  est  une  cadence  à  un  accent. 


-m — ■ — ■ — ■ — ■- 


-(Q)— H^ 


410.  — 

B)  Ton  des  absolutions  et  des  bénédictions.  —  Absolutions, 

P    a     a     ■     *                         ...                 .    /«*\    .* 

6  ■  ■  ■ 

lr\\    ■*                              *     ■ 

lr%\     .* 

1 

-\u)    m                                    m 

(O)    m 

j.                                 * 

Í        ■• 

6  ■•   ■ 

Amen. 


411.  —  Bénédictions. 

/ 

'■■■■                  ■^n'ta*            ....                    1 

a* 

^■'■■■^           ■^□;'H 

.... 

■•     ■ 

1 

-(o)-»^ 

Amen. 


140 


Troisième  Partie. 


412,  —  C)  Chant  du  Capitule. 


■    ■    ■    ■ 


-{Q)-»^- 


■    ■ 


-(o:-»^ 


■  ■  ■  ■ 


ri$)^ 


t 


■   ■ 


Í 


Dé-  o  grá-ti-  as. 

On  omet  la  flexe  si  le  texte  est  trop  court. 
Le  point  d'interrogation  se  fait  comme  pour  les  leçons.  S'il  se 
présente  à  la  fin,  on  conserve  la  cadence  àw  point  ordiiiaire. 

413.  —  D)  Ton  de  PÉpître, 

On  peut  réciter  l'épître  recto  tono^  sauf  le  point  d'interrogation 
qui  se  fait  toujours  de  la  manière  accoutumée. 

Voici  l'unique  chant  de  l'épître  : 


\ 


■   ■    ■ — ■    ■    1    ■ — ■— ■- 


-«-«^ 


1 


■    ■ 


Lécti-  o     Epístolae  Be-  á-ti  Páuli     Aposto- li         ad  Roma- nos. 
Metrum        /  /  Punctum 


C  ■  ■  ■  ■  , -*-(5)-i-ir<°'-*^ 


♦-*-t 


:(í)x:í(9): 


Le  point  d'interrogation,  comme  à  l'ordinaire. 
Conclusion      / 


{■■■■»  (Q)-v — ,  ....  8  i°)-«^ 


414.  —  E)  Tons  de  V Évangile. 
I 


-■ — ■ — I 


\ 


■m — ■— ■ — ■ — ■ — o- 


B  ^   ■ a — ■ — ■ — ■— •- 


y.  Dómi-nus  vo-bíscum.  IÇ.  Et  cum  spi-  ri-  tu  tú-  o.         Sequen- 


Chapitre  III.  —  Récitatifs  liturgiques. 


141 


i 


ti-  a  sáncti     Evangé- li-  i    se-cúndum  Lú-cam.  Gló-ri-  a    tí- 


-■ — ■ — m- 


bi  Dó-mí-ne. 


Point 


!     ■     ■     ■     ■ ■ ■ th 

■ 


é-  stis  sal  térrae. 
ab  ho-mí-  ni-  bus. 

Comme  on  le  voit,  cette  formule  n'est  pas  une  cadence  d'accent, 
mais  bien  une  cadence  invariable  qui  commence  toujours  à  la 
quatrième  syllabe  avant  la  fin. 

Le  point  d'interrogation  est  l'ordinaire. 


r  maie         /                 / 

L    ■    ■    ■    ■       ■    ^u;    ■     ■    ^DJ    ■ 

C'est  une  cadence  à  deux  accents. 
IL 


y.  Domî-nus  vo-biscum.  I^.  Et  cum  spi-  ri-  tu   tú-  o. 

1 

Sequén- 

m                                                             •     1 

■    ■    ■ 

= — ■ — ■      ■               "■■■*             ■■■           ■ 

■                            ■             •        ■                                                         e     ■ 

■                                                                                *     ■ 

ti-  a  sáncti     Evangé-  li-  i         se-cúndum  Lu-  cam.   Gló-ri-  a 


l-m ■ — ■ — «^ 

= ■ 


ti-bi  Dó-mi-ne. 
Metrum.   / 


Point.     / 


'  ■  ■  ■ »-íñ\T-i  -(o)-«^— h  ■  ■  ■  ff : 

1 a l?;-t-J li-(D)-Hi^ 


Le  poini  d'interrogation  et  le  point  final  se  font  comme  dans 
l'épître. 


142 


Troisième  Partie. 


fl 

III. 

« 

■ ■ ■—- »r 

m 

■                                               ■           tt* 

■      ■        ■           ■       ■■      ■• 

■ 

■     ■     ■        ■     ■ 

■               ■   "— 1 

1 

1 

y.  Dómi-nus  vo-bis-curn.    I^.  Et  cum  spi-ri-tu   tú- o.         Sequen- 


■    ■    ■    I 


-■ — tt- 


-m — m- 


-m — ■- 


■     ■ 


■•    ■• 


ti-  a  sáncti      Evangé-li-  i 


se-cúndum  Lu-  cam.     Gló-ri-  a 


■    ■ 


■    ■    ■• 


ti-bi  Dómi-ne. 
Metrum.  / 


Point. 


■'■■,■  r5)-i-nr'°'  ■'  I    ■  ■  ■  ■  (p) 


Interrocration. 


■    ■    ■    ■    ■ 


■    ■    ■    ■    ■ 


Finale.     / 


i-j-(a)->- 


■    ■ 


-l-a-ii^ 


415.  —  F)  Tons  des  oraisofis.  —  Ton  festival. 

fl         ■■■■■■• 

■             ■                     ■■■■■* 

'     ■     ■      ■* 

1 

«        ■ 

1 

1 
1 

y.  Dómi-nus  vo-biscum.  R7.  Et  cum  spi-ri-tu   tú-  0.        Orémus. 

1        M        a        a                                a       (n\       a* 

1 

'     ■     ■     ■     (r\\                        ■     ■     ■     ■     ■ 

J 

1 — ■ — ■ — ■ — 1 —      ■'  \u)    m 

I 

1              V 

Í....                     ..                   ■■                            ■■                   *■■■                                         1 

1        ■ ■        ■-■                     ■■                   ■■                            ■■                   »■■                 "l.                           • 

Per  Dómi-num  nóstrum  Jé-sum  Chrístum  Fí- li-  um  tú-  um,  f 


Chapitre  III.  —  Récitatifs  liturgiques. 


143 


qui    té-cum  vi-vit   et  régnât    in  u-ni-tá-te    Spí-ri-tus  Sáncti 


t 


I 


Dé-  us,  *  per  ómni-  a  saécu-la  saeculó-runa.     Amen. 

Ce  ton  s'emploie  à  la  Messe,  Matines,  Laudes  et  Vêpres  des 
fêtes  doubles,  semi-doublos  et  des  dimanches,  ainsi  qu'à  Tierce 
avant  la  Messe  pontificale. 

Ton  ferial. 

C'est  le  recto  tono  sans  aucune  inflexion.  Il  est  toujours  employé 
à  toutes  les  petites  Heures;  à  la  Messe,  Matines,  Laudes  et  Vêpres 
des  fêtes  simples,  des  fériés  et  à  la  Messe  des  défunts.  Il  sert 
également  à  l'Oflice  des  défunts  pour  les  oraisons  qui  terminent 
par  la  grande  conclusion. 

Ton  ser7ii-f estival. 

C'est  aussi  le  recto  tono,  mais  avec  une  inflexion  (tierce  mineure) 
pour  finir. 


i — ■— ■ — ■ ■ ■— ■ ■    ■    ■ ■ 

5— (Q)-»^ ^ 


...  re-surgá-    mus.     Per  Chrístum  Dómi-num  nóstrum. 

On  l'emploie  aux  oraisons  des  antiennes  finales  de  la  Vierge,  à 
l'oraison  Dirigere  de  Prime,  aux  oraisons  des  défunts  qui  terminent 
par  la  petite  conclusion,  aux  litanies,  à  l'aspersion  et  aux 
bénédictions. 

Tons  ad  libitum. 
Solennel. 


[ 

■     n         ■      ■ 

■            ■                    ■     ■* 

■    ■     ■* 

■  ■  ■    ■   S  ■• 

■        ■            ■     ■     ■       ■     ■ 

■  s  ■ 

1 

y.  Dómi-nus  vo-bis-cum.  ^.  Et  cum  spi-ri-tu  tu-  o.       Orémus. 

B        a        a        a        s 

■     ■■■■■qB. 

■      ■      ■'■■     ■                     ■ — (UJ — ■ 

1 

144 


Troisième  Partie. 


e 


Per  Dómi-num  nóstrum  Jé-sum  Chrístum  Fí-  li-  um  tú-  um, 

' .=i 


qui     té-( 

:um  ví-vit     et  régnât    in  u-ni-tá-te    Spí-ri-tus 

Sáncti 

■    ■    ■• 

• 

■     ■      ■■■■■■■^■. 

■•    ■ 

Dé-  US,     per  ómni-  a  saécu-la  saecu-ló-  rum.       Amen. 


On  peut  l'employer  toujours  à  la  Messe  (excepté  à  l'oraison 
Super populum),  à  Matines,  Laudes  et  Vêpres,  sans  distinction  de 
rite,  à  Tierce  pontificale,  aux  Oraisons  avant  les  Prophéties,  aux 
Oraisons  solennelles  de  la  Messe  du  Vendredi  saint  et  chaque  fois 
o^  Or  émus  est  suivi  de  Flectamus  genua. 

Si  l'oraison  est  très  longue,  on  peut  répéter  alternativement  la 
flexe  et  le  point,  pourvu  qu'on  n'omette  jamais  la  flexe  à  la 
dernière  clausule. 

Ton  simple. 


fl         ■    ■    r       -     -              1 

b       ■  ■  «■ 

a* 

■        ■            ■■■■                 ■■                  1 

y.  Dómi-nus  vo-bíscum.  ^.  Et  cum  spi-ri-tu  tu-  o.       Orémus. 
/  /  / 


1 

•                              {ri\.  ■* 

■    ■    ■    -          ■    vD;    ■ 

1 

^"j    ■ 

(a)-*^ 

t 


Conclusion. 

/ 

1 

^•••-                                '....                          ./^N.* 

<■    a    s 

6  "  ■  ■ 

-                "  "  "  "  ■  ■  "  ^"'  " 

a* 

1 

\yx)    m                                          m 

•- 

Ë       ■• 

Í  ■•  ■ 

Amen. 


I 


Chapitre  IV.  —  De  l'excellence  du  chant  grégorien.     145 

.  On  peut  le  chanter  aux  oraisons  des  petites  Heures,  des  antiennes 
finales  de  la  Vierge,  des  litanies,  de  l'aspersion,  des  bénédictions, 
de  l'Office  des  défunts,  excepté  à  la  Messe,  à  moins  que  ce  ne  soit 
l'oraison  Super populum. 

A  l'oraison  Deus  qui  salutis  de  \ Aima  Redemptoris  mater,  on 
termine  par  la  tierce  mineure,  et  non  par  la  quinte  qui,  dans  les 
autres  oraisons,  précède  la  conclusion. 

Dans  les  longues  oraisons,  on  peut  alterner  la  flexe  et  le  metrum. 
Si  l'oraison  se  divise  en  plusieurs  points,  on  peut  faire  à  chacun 
d'eux  la  clausule  qui  lui  correspond. 


CHAPITRE   lY. 
De  l'excellence  du  chant  grégorien. 

Elle  repose  sur  son  caractère  liturgique  ;  son  rythme;  sa  simplicité.  — 

Nécessité  de  bien  V exécuter. 

416.  —  La  musique  n'a  de  raison  d'être  dans  l'Eglise  que  parce 
qu'elle  sert  à  donner  plus  d'expression  à  la  parole  et  à  faire 
pénétrer  plus  profondément  dans  les  âmes  les  sentiments  que 
l'Eglise  elle-même  s'applique  à  y  répandre.  C'est  à  elle  à  révéler,  en 
la  manière  qui  lui  est  propre,  par  les  accents  suaves  de  ses 
mélodies,  les  secrets  divins  et  les  torrents  de  grâce  contenus  dans 
les  mystères  de  la  sainte  liturgie;  à  elle  de  prêter  à  l'âme,  épouse 
de  Jésus-Christ,  une  voix,  la  voix  de  l'allégresse  et  d'un  saint 
enthousiasme,  pour  chanter  avec  grâce  et  reconnaissance  les 
grandeurs  et  les  magnificences  du  Seigneur;  la  voix  de  la  pénitence 
et  du  repentir  pour  implorer  la  miséricorde  divine  et  apaiser  la 
justice  du  Tout-Puissant. 

417.  —  La  musique  de  l'Eglise  doit  donc  être  une  prière 
d'abord,  puis  un  moyen  d'augmenter  en  l'âme  l'esprit  de  ferveur. 
Elle  doit  être  selon  l'expression  de  Dom  Pothier  «  un  chant  qui, 
partant  du  fond  du  cœur,  aille  aussi  droit  au  cœur,  s'en  empare  et 
l'élève  doucement  vers  le  ciel  ».  ^ 

Tel  est  le  chant  grégorien  dont  nous  allons  essayer  de  montrer 
le  double  caractère  liturgique  et  esthétique. 

i^  Le  chant  grégorien  est  é7ninemment  liturgique. 

418.  —  «  Le  chant  grégorien  est  le  chant  propre  de  l'Eglise 
Romaine;  le  seul  chant  qu'elle  ait  hérité  des  anciens  Pères  et  que, 

.*  Mélodies  Grégoriennes^  p.  2. 


146  Troisième  Partie. 


durant  le  cours  des  siècles,  elle  ait  gardé  avec  un  soin  jaloux  dans 
ses  livres  liturgiques;  le  seul  chant  enfin  qu'à  l'exclusion  de  tout 
autre,  elle  prescrive  dans  certaines  parties  de  sa  liturgie  ». 

Ces  paroles  sont  tirées  du  M otu  prop rio  pontifical  A\x  22  Novembre 
1903.  Elles  retracent,  en  quelques  coups  de  burin,  l'histoire  du 
chant  et  les  rapports  intimes  que  celui-ci  a  avec  la  liturgie. 

419.  —  L'histoire  du  chant  grégorien  remonte,  en  effet,  comme 
nous  le  dirons  plus  loin,  à  l'origine  même  de  l'Eglise  et  de  sa 
liturgie.  L'Eglise,  en  organisant  la  prière  publique,  a  dû  organiser 
aussi  le  chant.  Le  chant  en  est  inséparable. 

Sa  forme  définitive  lui  a  été  donnée  par  S.  Grégoire-le-Grand. 

Il  a  pu  s'enrichir  de  quelques  pièces  accessoires,  rendues 
nécessaires  par  le  développement  du  culte  des  saints  dans  la 
liturgie  catholique  ;  mais  il  n'a  subi  aucune  altération  dans  ses  parties 
essentielles  et  liturgiques.  Ce  qu'il  était  du  temps  de  S.  Grégoire,  il 
l'est  encore  aujourd'hui  et  la  tradition  vivante  s'en  conserve 
toujours  dans  les  Cathédrales  et  les  monastères  des  grands  Ordres 
religieux. 

C'est  donc  avec  beaucoup  de  justesse  que  Pie  X  a  pu  dire  qu'il 
était  le  chant  de  l'Eglise  Romaine.  Il  est  le  chant  de  l'Eglise 
Romaine  parce  qu'il  est  le  chant  qui  lui  vient  de  l'antiquité  et  qui 
est  inséparable  de  sa  liturgie. 

420.  - —  Mais  si  le  chant  grégorien  est  liturgique  par  nature,  il 
l'est  également  par  sa  fonction  propre  qui  est  d'être  le  chant  de  la 
collectivité. 

La  liturgie,  en  effet,  est  la  prière  officielle  de  l'Eglise,  la  prière 
commune  et  publique  du  peuple  chrétien.  Or,  cette  prière  ne  peut 
être  commune  et  publique  qu'à  la  condition  que  le  peuple  y 
participe.  Uoffice  des  prêtres  n'est  que  cette  prière  récitée  au  nom 
de  tous;  et  si,  dans  les  derniers  siècles  que  l'on  peut  bien  appeler 
des  siècles  de  décadence,  le  peuple  qui  a  perdu  avec  la  vivacité  de 
la  foi  le  sens  même  de  la  liturgie,  ne  s'unit  plus  à  cette  grande  prière 
de  l'Eglise  quand  elle  est  solennelle,  ce  n'est  pas  une  raison  pour 
qu'elle  ait  perdu  son  caractère  de  collectivité. 

A  Dieu  ne  plaise!.,  la  prière  publique  solennelle  suppose  toujours 
le  peuple  entier  qui  l'adresse  à  Dieu  en  même  temps  que  les 
ministres  de  l'autel;  et  plus  il  est  uni  au  prêtre  dans  l'action  de  la 
prière  collective,  plus  sa  prière  est  agréable  à  Dieu  et  souverai- 
nement efficace.  Pourquoi?  parce  qu'elle  est  la  prière  même  de 
l'Eglise. 

421.  —  Or,  ce  qui  est  vrai  de  la  prière  l'est  aussi  du  chant, 
partie  intégrante  de  la  sainte  liturgie. 

S'il  a  été  composé  pour  donner  des  ailes  aux  formules  mêmes  de 
la  prière  et  en  rehausser  l'éclat,  il  a  été  aussi  composé  pour  tous; 


Chapitre  IV.  —  De  Pexcellence  du  chant  grégorien.     147 

et,  s'il  a  été  composé  pour  tous,  il  est  dans  la  logique  des  choses 
que  tous  y  participent.  Or,  comment  les  fidèles  y  participeront-ils 
sinon  en  unissant  leurs  voix  à  celles  des  ministres  sacrés,  quand  ils 
chantent  la  prière  publique,  et,  dans  l'acte  du  sacrifice  de  nos 
autels  qui  est  le  centre  et  le  couronnement  de  toute  la  liturgie,  en 
s'unissant  au  prêtre  qui  célèbre  et  en  lui  répondant  dans  ces 
formules  antiques,  qui  n'ont  plus  de  sens  si  la  collectivité  y 
demeure  étrangère?... 

422.  —  Voyez  plutôt  si  le  chant  de  l'Eglise  qui  est,  comme  la 
prière,  le  chant  de  la  collectivivé,  n'a  pas  été  composé  pour  être 
exécuté  par  tous. 

Sans  aucun  artifice  des  voix  élevées  et  basses  pour  faire  de 
l'harmonie  ou  du  contrepoint,  comme  dans  la  musique  polypho- 
nique, le  chant  grégorien  est  à  \ Unisson.  Pourquoi  à  l'unisson? 
sinon  pour  qu'il  soit  chanté  indistinctement  par  tous,  puisqu'il  est 
la  prière  et  le  chant  de  tous.  :;.  ,. 

423.  —  Mais  il  y  a  plus.  Le  chant,  par  son  caractère  propre,  est 
une  prière.  Uni  à  la  prière  même  de  l'Eglise  et  traduisant  les 
formes  si  variées  de  cette  prière  avec  une  expression,  un  je  ne  sais 
quoi  de  fini  et  de  saisissant  qui  n'est  pas  de  la  terre  mais  du  ciel, 
il  élève  aussitôt  l'âme  au-dessus  d'elle-même;  il  la  touche,  l'émeut 
et,  s'il  ne  la  fait  pas  pleurer  comme  S.  Augustin,  du  moins  il  la 
fait  prier.  L'union  des  cœurs  et  des  voix  a  produit  ce  surnaturel 
résultat. 

Le  chant  grégorien  est  donc,  par  nature  et  par  fonction,  un 
chant  éminemment  liturgique;  il  est  bien,  selon  l'expression  de 
Dom  Pothier  «  le  pain  de  l'âme  chrétienne,  l'aliment  substantiel;  de 
la  prière  liturgique  ».  ;.■;;;:.• 

Que  dire  maintenant  de  son  caractère  esthétique?. 

2°  Excellence  du  chant  grégorien,  considéré  au  point  de  vue  esthétique. 

ùfZùf.  —  Simple  et  d'une  facture  exempte  de  toute  recherche,  le 
chant  grégorien  possède  un  tel  fonds  de  richesses  mélodiques  qu'il 
a  été  loué  et  admiré  par  les  maîtres  les  plus  célèbres  et  les  plus 
accrédités  de  l'art  musical. 

Cela  tient  à  ses  qualités  esthétiques.  Qu'on  nous  permette  d'en 
faire  ressortir  quelques-unes. 

425.  —  a)  La  première  qui  se  présente  à  nous  est  le  caractère 
même  des  mélodies  grégoriennes.  :    -; 

Composées,  en  effet,  à  une  époque  où  la  pensée  humaine,  toute 
imprégnée  de  surnaturel,  s'élevait  beaucoup  plus  haut  que  la  nôtre 
et  où  le  cœur  de  l'homme,  moins  dominé  que  de  nos  jours  par  les 
passions  et  les  agitations  de  la  société  moderne,  vivait  dans  une 


148  Troisième  Partie. 


possession  plus  parfaite  de  lui-même  et  respirait  une  atmosphère  de 
grandeur  paisible  et  sereine,  les  mélodies  grégoriennes  reflètent 
tous  ces  caractères  et  d'une  manière  d'autant  plus  sensible  que  le 
siècle  où  nous  sommes  est  tout  différent  du  leur. 

Ainsi  les  ont  comprises  les  maîtres  de  l'art  :  tous  sont  unanimes 
à  reconnaître  la  valeur  et  le  mérite  intrinsèque  de  ces  mélodies, 
leur  inspiration  et  la  grâce  tranquille  avec  laquelle  les  notes  sont 
groupées  ou  séparées  les  unes  des  autres,  produisant  souvent  des 
résultats  d'un  effet  sublime. 

Le  célèbre  Gounod,  s'adressant  à  ce  propos  à  ceux  qui  couvraient 
ses  œuvres  d'applaudissements,  leur  disait  :  «  Vous  applaudissez 
certains  passages  de  mes  œuvres,  parce  qu'ils  ne  ressemblent  en 
rien  à  ce  qui  existe  en  musique;  savez-vous  que  vous  applau- 
dissez simplement  des  inspirations  puisées  dans  les  mélodies 
grégoriennes.  > 

Qui  ne  connaît  aussi  les  paroles  tant  citées  de  Mozart?  <i  Je 
céderais  volontiers  toute  ma  gloire  musicale  pour  \orgueil  d'avoir 
composé  une  préface  grégorienne.  » 

Et  ces  autres  du  célèbre  compositeur  Richard  Wagner  :  «  Je 
n'oublierai  jamais  les  impressions  que  j'éprouvai  un  jour  à  Notre- 
Dame  de  Paris,  en  entendant  quelques-unes  de  ces  mélodies  grégo- 
riennes, simples,  sans  doute,  mais  si  belles!  Elles  m'ont  servi  de 
thème  dans  plusieurs  de  mes  compositions,  ne  trouvant  rien  de 
meilleur  pour  activer  en  moi  le  feu  de  l'inspiration  ». 

426.  —  b)  Le  ryth'>ne  de  ces  mélodies  est  une  autre  source  de 
leur  beauté.  Le  rythme  grégorien,  qui  est  l'âme  du  chant,  est  un 
rythme  libre,  naturel,  spontané,  plein  de  richesse  et  de  charme, 
capable  de  traduire  les  sentiments  les  plus  variés;  un  rythme  qui 
s'harmonise  avec  celui  de  la  parole  elle-même  et  qui  a  donné  lieu  à 
ces  ondulations  gracieuses  et  sévères  à  la  fois,  reflet  de  la  magni- 
ficence et  de  la  puissance  de  la  grâce  du  Saint  Esprit  qui  habite 
dans  nos  cœurs;  un  rythme  oratoire  et  musical  tout  ensemble 
dont  les  motifs  les  plus  expressifs  tirés  de  nos  grands  Maîtres  ne 
sont  que  de  simples  imitations. 

<X  Je  n'avais  pas  l'intelligence  de  ce  chant,  a  écrit  Dom  Janssens; 
mais  depuis  qu'il  m'a  été  donné  de  l'étudier,  j'ai  découvert  en  lui 
les  plus  heureuses  combinaisons  rythmiques  que  j'admire  dans 
Haydn,  Beethoven  et  Wagner.  » 

Le  rythme  du  chant  grégorien,  en  s'affranchissant  des  entraves 
de  la  mesure  isochrone  et  de  tout  le  conventionalisme  de  la 
musique  moderne,  s'élève  jusqu'aux  régions  surnaturelles  de  la  foi 
par  l'effet  même  des  élans  de  la  ferveur  chrétienne  où  il  trouve  sa 
perfection.  Il  n'impressionne  pas,  il  n'agit  pas  comme  la  musique 
moderne  sur  la  sensibilité  ou  le  système  nerveux,  mais  il  va  droit 


Chapitre  IV.  —  De  l'excellence  du  chant  grégorien.     149 

au  cœur  et  y  laisse,  sous  forme  de  souvenir,  des  impressions 
durables  d'amour  pour  la  vertu,  de  mépris  pour  les  choses  de  ce 
monde  et  de  désir  des  biens  éternels. 

«  Le  rythme  libre,  dit  aussi  Dom  Kienle^  est  en  lui-même  une 
forme  parfaite,  susceptible  de  la  plus  grande  beauté  et  appropriée 
mieux  que  toute  autre  aux  choses  saintes...  Pour  peu  que  l'on 
considère  quelle  gracieuse  hardiesse,  quelle  élégance  incomparable 
la  mélodie  grégorienne  déploie  dans  ses  mouvements,  comme  ses 
formes  coulent  avec  rondeur,  souplesse  et  sans  la  moindre  apreté; 
pour  peu  que  l'on  savoure  les  délices  musicales  et  la  pleine  satis- 
faction qu'elles  ne  manquent  jamais  d'offrir  à  l'âme,  on  se  con- 
vaincra sans  peine  que  le  chant  grégorien,  quand  on  l'envisage  au 
point  de  vue  esthétique,  possède  des  mélodies  admirables  et 
achevées.  » 

427.  —  La  structure  de  ces  mélodies  est  fine,  régulière  et  déli- 
cate :  elle  n'a  pas  été  surpassée  par  les  compositions  de  l'art 
moderne.  Son  style  est  un  style  à  part;  et  les  pensées  qui  s'y 
déroulent  y  sont  développées  avec  un  art  tel,  qu'il  surprend  les 
plus  habiles.  «  Les  modulations  se  succèdent  avec  souplesse  et 
variété;  la  mélodie  passe  d'une  formule  à  l'autre,  et  promène  en 
quelque  sorte  le  chantre  dans  un  parterre  émaillé  des  fleurs  les 
plus  choisies.  Les  phrases  sont  arrondies  et  reliées  entre  elles, 
grâce  à  l'heureuse  proportion  des  parties,  au  développement  mélo- 
dique, à  la  gradation,  au  mouvement  distribué  avec  égalité  ou 
dirigé  vers  un  point  culminant;  et  tantôt  par  une  combinaison 
d'équilibre  et  de  contrepoids,  tantôt  par  un  contraste  habilement 
ménagé,  la  mélodie  arrive  toujours  à  une  conclusion  pleinement 
satisfaisante.  »  2 

428.  —  c)  Le  chant  grégorien  est  de  plus  un  chant  à  Vumsson, 
et  ce  caractère  uni  à  celui  du  rythme  dont  nous  venons  de  parler, 
en  fait  comme  le  chant  de  la  prière  liturgico-sociale.  Il  lui  donne 
un  air  de  majesté  que  n'atteindront  jamais  des  voix  diversement 
ordonnées.  Instinctivement  on  l'aime;  et  parce  qu'il  est  fait  préci- 
sément pour  les  masses,  il  devient,  quand  il  est  exécuté  par  elles, 
comme  l'expression  de  l'unité  des  pensées  et  de  la  simplicité 
de  l'art. 

429.  —  d)  La  simplicité!  Encore  une  autre  source  de  beauté 
dans  le  chant  grégorien. 

Par  suite  de  son  union  intime  avec  les  paroles  de  la  sainte 
liturgie,  il  en  extériorise  les  sentiments,  «  il  féconde  la  terre  », 
selon   la  belle  expression  de   S.    Bernard;    m.ais    toujours   d'une 

'  Théorie  et  pratique  du  chant  grégorien^  p.  28. 
•  D.  KiENLE,  op.  cit.,  p.  29. 


150  Troisième  Partie. 


manière  sobre  et  sans  dépasser  les  limites  de  la  sérénité  avec 
laquelle  l'Eglise  fait  toutes  choses. 

Dans  tous  ses  mouvements,  on  voit,  on  respire,  on  goûte  déjà 
par  avance  ce  calme,  cette  paix  céleste  promise  par  notre  divin 
Sauveur.  «  Les  âm.es  y  trouveront  la  joie;  les  esprits  fatigués  le 
soulagement;  les  tièdes  un  commencement  de  ferveur;  les  pécheurs, 
des  mouvements  de  repentir,  les  mondains  eux-mêmes,  en  enten- 
dant une  belle  psalmodie,  ne  peuvent  s'empêcher  de  ressentir  au 
dedans  d'eux-mêmes  un  commencement  d'amour  pour  les  choses 
de  Dieu.  On  en  a  vu  plusieurs  verser  des  larmes  de  repentir  et  de 
conversion,  au  seul  chant  des  psaumes,  écouté  par  une  simple 
satisfaction  naturelle.  »  (S.  Bernard). 

3°  De  la  nécessité  de  bien  V exécuter. 

430.  —  Tels  sont  les  caractères  liturgique  et  esthétique  du  chant 
grégorien.  Pour  être  bien  compris,  ils  exigent  avant  tout  une  bonne 
exécution  du  chant  lui-même.  Or,  une  bonne  exécution  ne  peut 
s'obtenir  que  par  des  répétitions prépaj'atoires  et  une  étude  soutenue 
des  mélodies  :  «  Ecclesiasticis  canticis  haec  disciplina  vel  inoxime 
necessaria.  »  ^ 

En  effet  Dieu  n'a-t-il  pas  le  droit  d'exiger  la  perfection  de  nos 
cœurs?  N'a-t-il  pas  le  droit  d'être  honoré  dans  sa  maison  par  un 
chant  convenable  et  bien  préparé?  Pour  plaire  au  Seigneur 
sommes-nous  dispensés  d'apporter  à  l'exécution  de  nos  chants,  la 
préparation  que  donnent  aux  leurs  les  artistes  du  théâtre 
uniquement  pour  plaire  au  public?  Nous  devons  honorer  Dieu 
aussi  bien  par  le  culte  extérieur  que  par  le  culte  intérieur.  Celui-là 
est  donc  gravement,  très  gravement  coupable  qui,  par  sa  négli- 
gence et  son  peu  de  zèle,  scandalise  le  peuple  fidèle  par  les  choses 
qui  ne  devraient  lui  servir  que  de  moyen  pour  le  porter  à  Dieu. 

Ayons  le  courage  de  le  dire  à  notre  confusion;  de  nos  jours,  le 
chant,  tel  qu'il  est  exécuté  dans  nos  églises,  n'est  pas  toujours  pour 
le  peuple  un  sujet  d'édification  ;  et  c'est  pour  cela  qu'un  des  pre- 
miers actes  de  Pie  X  fut  de  ramener  à  sa  pureté  primitive  le  chant 
liturgique,  et  de  lui  fixer  des  règles  en  rapport  avec  sa  fin  qui  est 
la  gloire  de  Dieu  et  la  sanctification  des  âmes.  —  Grande  et  trans- 
cendante est  l'importance  de  cette  réforme!  Grands  aussi  doivent 
être  nos  efforts  pour  la  mener  à  bonne  fin  et  conquérir  le  bien 
spirituel  que  s'est  proposé  l'immortel  Pontife.  C'est  S.  Bernard  qui 
a  écrit  ses  paroles  aussi  sévères  que  justes  :  «  Qui  mutant  cantuniy 
mutant  mores.  » 


*  Gerbert,  Script,  t.  I,  p.  173. 


Chapitre  V.  —  De  l'accompagnement.  151 

CHAPITRE  V. 
De  l'accompagnement.' 

De  r harmonie  diatonique. 

Des  7'apports  de  r  harmonie  avec  V  accent  latin» 

L'accompagnement  proprement  dit. 

I. 

DE    l'harmonie   diatonique. 

431.  —  Les  mélodies  grégoriennes  sont  composées  de  telle  sorte 
qu'elles  évoluent  sur  l'échelle  des  modes  auxquelles  elles  appar- 
tiennent, sans  presque  jamais  en  sortir.  Mais  elles  font  cela  avec 
beaucoup  d'aisance;  car,  sans  s'astreindre  rigoureusement  aux  lois 
de  la  tonalité  avec  laquelle  elles  se  trouvent,  elles  s'en  affran- 
chissent assez  souvent.  Ce  qui  n'empêche  pas  que  chaque  mode, 
chaque  tonalité  a  son  caractère  spécial,  sa  physionomie  parti- 
culière; caractère  et  physionomie  qui  proviennent  soit  de  la  nature 
des  sons  répartis  sur  l'échelle  diatonique,  soit  de  l'ambiance,  soit 
de  la  répétition  de  certaines  formules  spéciales. 

L'harmonie,  pour  ne  pas  défigurer  ou,  du  moins,  pour  défigurer 
le  moins  possible  le  caractère  propre  de  chaque  mode,  doit  être 
entièrement  diatonique  et  n'admettre  d'autre  altération  dans  le  jeu 
des  notes  modales  que  le  si  bémol  et  le  bécarre. 

Nous  ne  croyons  pas  opportun  de  faire  a  priori  des  exclusions 
dans  le  choix  des  accords  pour  l'harmonisation  des  mélodies  gré- 
goriennes :  l'harmonie  consonnante  est  toujours  digne  de  recom- 
mandation, tandis  que  la  dissonnante  ne  doit  être  employée  qu'avec 
une  grande  discrétion. 

Ainsi  les  accords  de  quatre  sons  ou  accords  de  septième  avec 
leurs  renversements  respectifs  ne  nous  paraissent  pas  convenir  à 
l'accompagnement  du  chant  grégorien.  Leur  caractère  dissonant, 
qui  agit  aussitôt  sur  les  sens,  contraste  avec  la  sérénité  de  la 
mélodie. 

Pour  la  même  raison,  l'accord  de  quarte  et  sixte,  quoiqu'il  ne  soit 
pas  toujours  dissonant,  ne  nous  paraît  pas  non  plus  un  accord  à 
conseiller. 

Cependant,  s'il  se  trouvait  dans  les  conditions  d'un  véritable 
retard  de  l'accord  parfait,  ainsi  que  cela  se  présente  souvent  dans 

'  Nous  devons  ce  chapitre,  écrit  pour  notre  première  édition  française,  à 
robligreance  de  M.  Giulio  Bas. 


152 


Troisième  Partie. 


les  œuvres  des  Maîtres  polyphonistes,  on   peut  l'employer,  mais 
dans  quelques  cas  seulement,  et  avec  beaucoup  de  discrétion. 

Exemples  : 


A 


^m 


-G>—- 


àiUà 


^B 


B 


9^ 


y^ 


f 

A 


i  L'accord  dissonant  qui,  parmi  les  dissonants,  est  le  moins 
impropre  à  s'harmoniser  avec  le  calme  du  chant  grégorien,  est 
l'accord  de  quinte  diminuée^  à  Vétat  de  premier  renversement  : 


m 


-t5>- 


g- 


Dans  quelques  cas,  cet  accord  peut  représenter  le  maximum  de 
dissonance  admissible  dans  l'accompagnement  du  chant  grégorien. 

En  voici  des  exemples.  En  les  donnant,  nous  n'entendons 
nullement  cependant  conseiller  d'en  faire  un  usage  fréquent. 


Les  retards  auxquels  nous  faisions  allusion  il  n'y  a  qu'un  instant, 
sont  eux  aussi  de  vraies  dissonances,  ou  plutôt  sont,  à  proprement 
parler,  les  seules  vraies  dissonances. 

Un  usage  des  retards,  discret  et  réglé  par  le  sens  musical  du 
style  propre  de  la  mélodie,  nous  paraît  pouvoir  être  recommandé. 


*  Palestrina.  —  Hymne  Vexilla  régis  (Grande  édition  VIII,  39,  linéa  I). 
»  D'  Mathias.  —  Harmonisation  du  Kyriale  vaticanum  (Ed.  Pustet,  p.  104). 


Chapitre  V.  —  De  raccompagnement. 


153 


Exemples  : 

Al-le-lú-ia. 


caé-li  et  tér-rae. 


^iggg^ 


ifI 


Avec  ces  éléments  simples  et  limités,  il  est  vrai,  mais  qui 
constituent  le  fondement  de  toute  harmonie,  on  a  des  ressources 
suffisantes  pour  exprimer  le  sens  musical  renfermé  dans  les 
mélodies  grégoriennes. 

Quant  à  l'emploi  des  formules  harmoniques  propres  à  chaque 
mode,  nous  ne  croyons  pas  devoir  les  conseiller.  Ces  sortes  de 
formules  préétablies  sont  presque  uniquement  fondées  sur  le 
caprice  ou  sur  des  lois  fixes,  rigides,  que  les  anciens  compositeurs 
désavouaient  à  chaque  pas,  et  qui  ne  furent  appliquées  que  quand 
le  chant  grégorien  était  en  pleine  décadence. 

C'est  \ allure  tofiale  ou  nettement  modale  de  la  mélodie  qui  est  la 
règle  de  toute  bonne  harmonisation  :  il  faut  que  celle-ci  soit  toujours 
proportionnée  à  celle-là,  de  telle  sorte  que  si  l'allure  tonale  d'une 
pièce  de  chant  est  incertaine,  l'harmonie  doit  être  incertaine  comme 
elle;  si,  au  contraire,  elle  est  nettement  modale,  on  doit,  dans 
l'accompagnement,  bien  développer  cette  modalité. 

Il  ne  faudrait  pas  cependant,  sous  prétexte  d'application  de  cette 
loi  générale,  imposer  aux  cantilènes  liturgiques  des  combinaisons 
harmoniques  plus  ou  moins  intéressantes.  On  doit,  au  contraire, 
s'étudier  à  exprimer  par  les  accords,  le  substratmn  harmonique  que 
toute  oreille  musicale  imagine  et  perçoit,  dès  qu'elle  entend  le 
chant  de  la  mélodie  sans  accompagnement. 

II. 

DES   RAPPORTS   DE   L'HARMONIE   AVEC   LE    RYTHME 
ET   l'accent   latin. 

432.  —  1°  Les  accords,  par  leur  succession  et  leur  enchaînement, 
déterminent,  pour  ainsi  dire,  les  pas  de  l'harmonie,  et  de  même 
qu'à  chaque  touchement  du  rythme  le  mouvement  retrouve  une 
nouvelle  impulsion,  une  nouvelle  force,  de  même,  dans  l'harmonie, 
chaque  accord  détermine  une  nouvelle  production  d'énergie,  et  ainsi, 
d'accord  en  accord,  on  arrive  à  la  cadence,  au  mouvement  conclusif, 


154  Troisième  Partie. 


qui,  par  son  caractère  de  repos,  c'est-à-dire  d'absence  de  nouvelle 
énergie,  amène  la  fin  du  mouvement  harmonique. 

Les  choses  étant  ainsi,  la  constante  préoccupation  de  celui  qui 
accompagne  une  pièce  de  chant  quelle  qu'elle  soit,  doit  être  de  faire 
marcher  parallèlement  le  chant  et  l'accompagnement,  c'est-à-dire 
de  faire  coïncider  les  pas  de  l'harmonie  avec  ceux  de  la  mélodie. 
Or,  les  pas  sont  déterminés,  dans  le  chant,  par  les  thésis 
rythmiques,  et,  dans  l'harmonie,  par  les  accords.  La  place  des 
accords  est  donc  fixée  par  les  thésis  rythmiques  du  chant.  C'est  là 
la  loi  générale  sur  laquelle  il  ne  peut  pas  y  avoir  de  divergences 
d'opinions  parce  qu'elle  est  fondée  sur  la  juste  compréhension  des 
choses. 

Mais,  parce  que  cette  loi  a  tous  les  caractères  d'un  principe 
incontestable,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'on  doive  l'appliquer  avec 
une  rigueur  extrême.  Dans  l'espèce,  ce  serait  tout  à  fait  déraison- 
nable. 

Les  appuis  rythmiques  indiquent  les  endroits  où  peuvent  se 
placer  les  accords,  cela  est  très  vrai,  mais  ne  veut  pas  dire  nullement 
qu'on  doive  en  mettre  à  chaque  pas  du  rythme.  Il  y  a  des  phrases 
qui  permettent  de  comprendre  dans  un  même  accord  plusieurs 
appuis  rythmiques  :  c'est,  pour  le  chant  un  avantage  précieux  ;  il  y 
gagne  en  liberté  et  en  souplesse. 

433.  —  2°  Ce  premier  problème  de  la  marche  parallèle  du  chant 
et  de  l'accompagnement  résolu,  il  en  reste  un  autre  non  moins 
grave  et  peut-être  le  plus  grave  de  tous  à  résoudre,  à  savoir  :  les 
rapports  de  l'harmonie  avec  Xacce?ît  latin. 

On  a  vu,  dans  le  chapitre  du  rythme,  comment  l'accent  tonique, 
tout  en  étant  un  des  facteurs  les  plus  importants  et  les  plus 
sensibles  du  rythme,  demeure  indépendant  de  l'appui  rythmique 
avec  lequel  il  peut  coïncider,  mais  avec  lequel  il  ne  coïncide  pas 
nécessairement. 

D'autre  part,  l'ossature  schématique  de  l'harmonisation  se  dessine 
sur  les  principaux  appuis  rythmiques  de  la  mélodie  et  non  sur  les 
accents  toniques  :  l'harmonie,  elle  aussi,  en  est  indépendante. 

Voilà  le  fait. 

Il  ne  faut  pas  qu'on  s'en  étonne.  L'accent  tonique  est  une  force 
dynamique,  et  l'orgue,  instrument  reproducteur  de  l'harmonisation, 
est,  par  sa  nature,  absolument  incapable  de  reproduire  la  dynamie 
de  l'accent. 

Mais,  parce  que  la  fonction  de  l'accent  tonique,  dans  ses  rapports 
avec  le  rythme  musical,  est  depuis  des  siècles,  en  pleine  évolution, 
et  que,  de  plus,  la  plupart  des  chantres  éprouvent  comme  un  besoin 
de  sentir  un  effet  harmonique,  si  petit  qu'il  soit,  au  passage  de 
l'accent  tonique,  nous  croyons  pouvoir  conseiller  de  régler,  autant 


Chapitre  V.  —  De  l'accompagnement. 


155 


que  faire  se  peut,  l'accompagnement  de  telle  sorte  que,  par  le 
moyen  de  quelque  déplacement  des  parties  harmonisantes  ou  de 
quelque  anticipation  bien  amenée,  on  donne,  au  moins  dans  les  cas 
les  plus  saillants,  satisfaction  aux  chantres,  puisque  c'est  pour  eux 
que  sont  faits  les  accompagnements. 

Qu'on  se  garde  cependant  de  s'écarter  des  règles  de  la  bonne 
harmonisation  pour  le  placement  des  accords  sur  les  appuis  rythmi- 
ques, c'est-à-dire,  qu'on  évite  de  déformer  l'interprétation  rythmique 
des  mélodies  :  cette  interprétation  doit  toujours  rester  correcte. 

Voici  toute  une  série  d'exemples  en  conformité  avec  notre 
manière  de  voir  : 


I 


Et  ré-ge  é-  os. 


Gló-ri-     a. 


Í=ÍL 


^ 


^ 


-#— - 


U=^=é: 


1^ 


¿=it 


E£a3 


zészÉ 


4 


ou 


■^ 


-<s>- 


kLA 


Re-gi-na  caé-li. 


Lauda  Sí-  on  Salva-tó-rem. 


•^  ^  t5>-  ■#. 


A-     ve  vérum  corpus  nátum    de  Ma-ri-  aVir-gi-ne. 


I 


Cújus  lá-tus  perfo-rá-     tum  Flúxit        áqua     et  sanguine. 

4^  ' 


3E£ 


há=^i^ 


--fr-|^ — [^jq^ 


ÎZÉ 


^^ 


tzzÉi 


»V^ 


^  J  9      *      ^  0      ¿\ — #-g- 


ivi-r: 


-• — #- 


iËÊ 


f 
-À 


iit 


J 


156 


Troisième  Partie. 


ou   CÚ- jus  látus  perfo-rá-     tum  Flúxit        áqua     et  sanguine. 


Îs=Îî: 


■»-*■ !•■ 


tî=Ç?^^=3=^ 


^ 


f^ 


*—* 


^ 


-¿5^ 


^¿^¿z^fc 


I        /^  I         fc. I 


i^^^m 


r 


J2t 


r 


Ex  Comm.  Apost. 

Trádent  e-nim  vos  *  in  conci-  li-     is,     et  in  syna-gogis  su- 


§^ 


b¿ ijz¿ 


:Riï 


T 


is  flagellábunt  vos. 


te=^£^ 


^ 


i; 


^^.:^ 


-# ô^ 


î?^ 


Vos 

ami-  ci  mé-  i       é-  stis  *  si  fe-cé-    r¡-      tîs 

quae  prae- 

iit 

K- 

-J — t'^— h — ^^^ — ^— — rv—N— ii<    -^ — p^ 

—1 k K— 

/Pm — 

V- 

-* — ^ P — ^ M LJ — ^ P P — F^ ft^ 

K -p- 

\S\J 

#                 *j^'2                           #*#J          J##' 

V        ' 

f 

r^            -If              r    f* 

r 

rs»-  . 

pw.        Il                                                                1             ^                                                        ,                                     ,                                 ■ 

9-- — 

é-^          j  4J^^^ 

■  i"  J 

ci-pi-  o  vó-bis,  di-  cit  Dómi-  nus. 


âf 


a::^r 


î:^ 


Chapitre  V.  —  De  l'accompagnement. 


157 


Estó-te  fortes  inbél-lo... 


^i—¿=^í 


^=P 


Ex  Comm.  unius  Martyris. 

Iste    sánctus  *  pro   lé-ge  Dé-  i  su-     i    certa-  vit  usque 


^^^^. 


A- h  h-tr-n 


Î5=!^ 


r^ 


&^É=ÉzzÉ=É—É:fziÉdrJ—J:J. 


^ 


j: 


^ . 


3tf: 


3t± 


ïïf'^iS'- 


±Î^ fa 


:îî=l= 


r 
i=¿ 


,25 ^ 


ad  mórtem,        et  a  vér-bis  impi-  ó-  rum  non   timu-     it 


ït=Msiiiïzf5: 


,71    h 


^:=^5: 


-^-# 0 0- 0- 


r^r 


« 


¿É 


^'^—là 


-&-^ 


-^— #- 


:22: 


— — ^-^ 


ilj. 


:2Z 


i 


fundátus  enim  é-rat 


i^1Y-tri-jr 


supra  firmam  pétram. 


Jf-ïï*f^ H H V — H K H 1     !     I     . i -p IS 


s 


*4i 


S!3itzie± 


-#-î- 


I  I 


± 


f=^ 


e 


Ex  Comm.  Apost.  et  Mart.  (T.  P.) 
Clamá-bant  sáncti  tú-i  Dómi-  ne,        al-le- 


lú-  ia. 


—0 — 0-^ ^A^^-0 * « 0 * 0 * * — 0 

— S — #-? — 0 73 a a-r-l a m tr 


f 


t^ 


'-a  s 


r-1 


^=A-% 


J-J. 


=t 


-#-í- 


158 


Troisième  Partie. 


Fi-  H-  ae  Je-    ru- sa-  lem  *  ve-  ni- te     et  vi-dé-    te  Márty-  res. 


^ 


:^=ís: 


S=î 


jËI3t 


-1^—1^: 


-ár-^^-á^ 


^ 


^LÉ-îiÉi 


r  ^^r^r-f  T7Jff 


Ex  Comm.  plurium  Martyrum. 
et  pervenérunt  ad  praémia  régni 


et  lavérunt  stólas  su-  as. 


_  1 I      I         I         I 


^ 


T-«^ 


ir-4— i 


la-  vérunt  stó-las  su-  as. 


^ 


=ís=ís: 


fl 


Abstér-get  Dé- us. . .  et  jam 


i=^ 


ÍZ 


^-^— i^ 


^^^ 


-*^ 


*^— * 


is: 


^-^^. 


EEi 


r 


Í!;: 


b- 


^i^ 


H 0- 


i¥ 


^S- 


i 


non    é-  rit      ampli-us. 


i^ 


-^pÈ=ÉIUi±JÈ. 


r 


r-, 


^ 


â^± 


-# — # 


#-=- 


-G>- 


III. 

L'accompagnement  proprement  dit. 

434.  —  La  manière  la  plus  facile  et  la  plus  commode  d'accom- 
pagner une  mélodie  est  de  mettre  un  accord  sous  chaque  note. 

Mais  ce  genre  d'accompagnement,  qui  se  résout  en  un  ina7'telle- 
nient  harmonique,  étant  ce  qu'il  y  a  de  plus  opp(^sé  au  caractère 


Chapitre  V.  —  De  raccompagnement.  159 

souple  et  léger  des  mélodies  grégoriennes,  nous  ne  saurions  trop 
recommander,  en  règle  générale,  de  n'en  faire  jamais  usage. 

435.  —  Cependant  il  est  bon  de  faire  remarquer  que  les 
cantilènes  liturgiques  n'ont  pas  toutes  le  même  caractère  :  les  chants 
mélismatiques  sont,  de  leur  nature,  plus  souples  que  les  chants 
syllabiques  dont  l'allure  est  rendue  non  pas  lourde,  mais  assez 
composée,  par  les  syllabes  des  mots  qui  se  succèdent  rapidement 
les  unes  aux  autres. 

L'accompagnement  petit  et  doit  se  conformer  au  caractère  propre 
de  ces  sortes  de  chants. 

436.  —  Dans  les  chants  syllabiques  exécutés  avec  une  lenteur 
marquée,  on  pourrait  tolérer  un  accompagnement  de  notre  contre 
note,  pourvu  qu'il  soit  convenablement  conduit. 

En  tout  cas,  on  peut,  dans  l'accompagnement  de  ces  sortes  de 
chant,  faire  constamment  usage  d'une  harmonie  assez  riche. 

437.  —  Il  n'en  est  pas  de  même  pour  les  inélismes  dont  les  déve- 
loppements mélodiques  parfois  assez  amples  sont  d'une  exécution 
excessivement  délicate.  L'accompagnement  des  mélismes  doit  être; 
très  discret,  pour  ne  pas  dire  très  modeste.  ■ 

438.  —  Nous  avons  dit,  dans  le  paragraphe  précédent,  que  les 
accords  peuvent  être  placés  à  chaque  appui  rythmique,  l'appui 
rythmique  étant  la  règle  générale  qui  régit  la  distribution  des 
accords  dans  leur  rapport  avec  le  rythme  de  la  mélodie. 

Mais  \di  possibilité  do,  placer  un  accord  à  chaque  appui  n'indique 
nullement  q^W  faille  en  mettre  un  sous  chacun  d'eux. 

L'idéal,  en  cette  matière,  serait  de  pouvoir  écrire  l'accompagne- 
ment sans  accords,  mais,  comme  il  ne  peut  y  avoir  d'harmonie 
sans  accords,  il  faut  faire  en  sorte  d'user  de  ceux-ci  avec  parcimonie 
et  discrétion. 

De  plus,  l'organiste,  doit  étudier  de  très  près  les  phrases  mélo- 
diques qu'il  doit  accompagner;  les  prendre  dans  leur  ensemble, 
au  lieu  de  les  subdiviser  en  une  multitude  de  pieds  rythmiques^, 
et  adapter  à  chacune  d'elles  l'harmonie  qui  répond  le  mieux  au  sens 
musical  principal  qui  la  caractérise,  et,  quand  la  mélodie  est  ornée 
en   faire   sentir   les    petits   balancements ^    au    moyen    de   légers 

*  Il  va  sans  dire  que  l'accompagnateur  doit  aussi  se  rendre  un  compte  très 
exact  des  moindres  détails  du  rythme  :  cela  est  absolument  nécessaire.  Mais  se 
rendre  compte  des  détails  des  choses  ne  veut  pas  dire  qu'on  doive  les  mettre 
en  relief,  au  détriment  de  l'ensemble. 

^  On  ne  peut  mieux  comparer  ces  petits  balancements  de  détails  mélodiques 
autour  de  la  dominante  qu'à  une  décoration  disposée  en  forme  à.^  festons  sur 
une  corde  tendue. 

Les  formes  psalmodiques,  dans  les  mélodies  ornées,  nous  en  donnent  des 
exemples  saisissants. 

Pour  n'en  citer  que  quelques-uns,  quoi  de  plus  beau  que  V Alléluia  dont  nous 


160 


Troisième  Partie. 


mouvements  des   parties   harmonisantes,   mais   en   sauvegardant 
toujours,  le  plus  possible,  l'harmonie  dominante. 


sa-cér- 


dos. 


nd^^^^^s 


£ï4 


^Î 


-^r^'-Tf 


9ifa  I  'r^T 


':¿2L 


de 


là-  pi- 


de. Ex-súl-  tet    or-  bis  gáudi-  is. 


^^ 


d 


i 


a    h  h 


f=É: 


:*—'-*: 


^m 


ij-  ^  j-j-j 


i 


t=^ 


J:^J    ^d-i 


üi 


^^^^ 


■sj 


rr— r-r' 


r-:-^r-r^r 


L'accompagnement,  en  faisant  ressortir  les  grandes  allures 
rythmiques  et  mélodiques  du  chant,  rend  plus  large  et  plus  vive  la 
perception  de  la  mélodie,  et  l'harmonie,  de  son  côté,  brille  par  la 
simplicité  et  la  clarté. 

439.  —  L'application  de  principes  de  ce  genre  n'est  pas  toujours 
commode,  nous  en  convenons.  Aussi,  croyons-nous  qu'il  est  bien 
difficile  d'improviser  des  accompagnements.  Et  si,  dans  la  prépa- 
ration d'une  harmonisation,  il  nous  arrive  souvent  de  ne  pouvoir 
rendre  qu'en  partie  nos  propres  conceptions  et,  parfois  même, 
d'être  dans  l'impossibilité  de  les  rendre,  il  faut  alors  s'arranger 
pour  adopter  le  mode  qui  présente  le  moins  d'inconvénients. 

Souvent  aussi,  on  rencontre  des  passages  où,  tant  du  côté  de  la 
tonalité  que  de  celui  du  rythme,  se  manifeste  clairement  la  diifé- 

harmonisons  plus  haut  un  membre  de  phrase  :  <  Sacerdos  »!  Quoi  de  plus 
beau  encore  que  V Introït  et  V Offertoire  de  la  2*  messe  des  Vierges  Martyres! 
Et,  au  second  Alléluia  de  la  même  messe,  comme  la  phrase  <  cum  claritate  > 
tout  en  gardant  la  dominante  la^  opère,  autour  de  cette  note,  de  gracieux 
mouvements!  Le  répertoire  grégorien  est  plein  de  ces  mélodies festojiées.  Ce 
que  nous  conseillons,  dans  la  manière  de  les  accompagner,  c'est  de  garder 
l'harmonie  qui  répond  le  mieux  à  la  dominante  ou  à  la  note  qui  en  joue  le  rôle, 
en  faisant  sentir  seulement,  comme  nous  l'avons  dit,  les  petits  balancements, 
les  festons  mélodiques^  par  de  légers  mouvements  des  parties  harmonisantes. 


Chapitre  VI.  —  Aperçu  historique.  161 

rence  profonde  qui  existe  entre  nos  habitudes  musicales  modernes 
et  les  habitudes  musicales  antiques.  Nous  conseillons  alors  de 
s'arranger,  autant  que  faire  se  peut,  de  façon  à  éviter  ces  heurts. 
On  n'accompagne  pas  le  chant  pour  le  rendre  plus  agréable  mais 
pour  aider  les  chantres,  et  rendre,  il  faut  le  dire  aussi,  les 
mélodies  grégoriennes  plus  accessibles  à  ceux  qui  n'arriveraient 
pas  à  en  saisir  toute  la  beauté,  s'ils  les  entendaient  chanter  sans 
accompagnement  ^ 

440.  —  Pour  ce  qui  est  de  la  force  à  mettre  dans  l'accompagne- 
ment lui-même,  l'organiste  doit  s'appliquer  à  modérer  le  jeu  de  son 
instrument  de  telle  manière  qu'il  n'écrase  jamais  les  voix. 

Cependant,  l'accompagnement  ne  doit  pas  être  tellement  modéré 
que  les  chantres  ne  l'entendent  point  ;  car  alors  ceux-ci  serait  privés 
du  soutien  que  l'harmonie  a  pour  but  de  leur  offrir,  et  l'orgue,  de 
son  côté,  ne  servirait  que  d'inexorable  contrôle  à  l'abaissement 
des  voix. 


CHAPITRE  VL 
Aperçu  historique. 

Période  de  formation.  —  Période  de  perfectioji.  — 
Période  de  décaderice.  —  Période  de  restauration. 

441.  —  Ne  pouvant  donner  ici  qu'un  simple  aperçu  de  la  longue 
histoire  du  chant  grégorien,  nous  comptons  sur  le  professeur  pour 
y  ajouter  de  vive  voix  les  développements  qu'il  croira  nécessaires. 

442.  —  Nous  divisons  cette  histoire  en  quatre  périodes.  La 
première,  appelée  période  de  formation,  va  de  la  fin  des  persécu- 
tions (312)  jusqu'au  pontificat  de  S.  Grégoire-le-Grand  (590-604). 

On  ne  sait  que  très  peu  de  chose  sur  le  chant,  durant  cette 
première  période.  En  se  fondant  sur  les  témoignages  des  saints 
Pères  et  la  tradition  ecclésiastique,  il  paraît  hors  de  doute  que  les 
chrétiens  des  premiers  siècles  faisaient,  durant  la  célébration  des 
saints  mystères,  usage  du  chant  pour  louer  Dieu  et  s'exciter  à 
la  piété. 

Il  paraît  également  hors  de  doute  qu'avant  S.  Grégoire,  l'Eglise 

*  C'est  ce  qui  fait  que  les  fonctions  sacrées  dans  lesquelles,  à  côté  des 
morceaux  de  musique  exécutés  avec  toutes  les  ressources  de  l'harmonie 
moderne,  on  entend  chanter  les  mélodies  grégoriennes  sans  accompagnement, 
celles-ci  paraissent,  par  l'effet  du  contraste,  pauvres  et  nues.  Ce  phénomène 
provient  de  ce  que  le  sens  musical  de  la  monodie  pure  n'arrive  pas  à  suppléer 
complètement  au  défaut  d'harmonie. 

N°  674.  —  6 


162  Troisième  Partie. 


romaine  possédait  son  répertoire  propre  de  mélodies  liturgiques; 
mais  on  ne  peut  rien  affirmer  de  précis  à  cet  égard. 

443.  —  La  seconde  période,  ou  période  de  pe^-fection,  s'étend  de 
S.  Grégoire-le-Grand  jusqu'au  XI 11^  siècle. 

La  critique  historique  a  victorieusement  démontré,  de  nos  jours, 
l'authenticité  de  la  tradition  qui  attribue  à  S.  Grégoire  la  compila- 
tion et  l'organisation  définitive  des  mélodies  auxquelles  avec  raison 
on  a  donné  son  nom. 

Cette  seconde  période  peut  se  subdiviser  en  deux  époques  :  celle 
de  Vâge  d'or  du  chant  grégorien  qui  commence  avec  S.  Grégoire- 
le-Grand  jusqu'au  XI^  siècle,  et  celle  de  simple  conservation  ou  de 
transition  qui  va  du  XI^  au  XI 11^  siècle. 

Durant  la  première  époque  le  chant  grégorien  atteint  son  apogée  : 
l'œuvre  de  S.  Grégoire  se  répand  avec  rapidité  en  Italie,  pénètre 
en  Angleterre  avec  son  disciple  S.  Augustin  (596)  et  ses  compa- 
gnons; introduite  en  Gaule  par  Pépin,  auquel  le  Pape  Paul  I^' 
(757-767)  envoie  un  de  ses  chantres,  elle  y  parvient  à  sa  plus 
complète  diffusion  sous  Charlemagne  (768-814);  enfin  sont  fondées 
les  célèbres  écoles  de  Saint-Gall  et  de  Metz. 

A  la  fin  de  cette  première  époque  la  notation  neumatique  ou 
chiro7îomique  fait  place  à  la  notation  diastéviatique  qui,  d'abord  par 
l'espacement  calculé  des  signes  neumatiques  et  ensuite  par 
l'emploi  des  lignes  et  de  clefs,  traduit  les  intervalles  et  fixe  ainsi 
à  jamais  la  inélodie  sur  le  parchemin.  La  part  principale  de  ce 
perfectionnement  revient  au  moine  Guy  d'Arezzo  (f  1050?). 

Pendant  le  seconde  époque  le  répertoire  grégorien  se  transmet  et 
s'augmente;  mais  les  nouvelles  compositions  ne  respirent  plus  le 
parfum  de  simplicité  et  de  spontanéité  des  anciennes.  L'emploi 
des  grands  intervalles  y  est  plus  fréquent,  et  la  forme  est,  en 
général,  plus  recherchée. 

444.  —  La  troisième  période,  ou  période  de  décadence,  s'étend  de 
la  fin  du  XI 11^  siècle  jusqu'au  milieu  du  XIX^. 

C'est  la  période  de  l'engouement  pour  la  polyphonie  et  la  musique 
moderne.  Elle  porte  un  coup  fatal  à  la  tradition  du  chant.  Les  plus 
tristes  souvenirs  que  nous  ait  laissés  cette  ère  de  décadence,  sont 
le  mauvais  goût  dans  l'exécution  du  chant  et,  chose  plus  grave,  la 
mutilation  des  mélodies  grégoriennes. 

En  1614-1615,  l'imprimerie  du  cardinal  de  Médicis  publia,  à 
Rome,  une  édition  de  plain-chant  qu'on  appela  de  son  nom  Médi- 
céenne  et  dont  on  fit  longtemps  honneur  au  génie  de  Palestrina. 

Rééditée  en  1871  par  Pustet  de  Ratisbonne  et  déclarée  officielle 
en  1873,  cette  édition  n'est  qu'un  misérable  squelette  du  vrai  chant 
grégorien. 


Chapitre  VI.  —  Aperçu  historique.  163 

Entre-temps  se  développaient  les  études  paléographiques  qui 
devaient  amener  et  conduire  à  bonne  fin  la  période  de  restauration. 

445.  . —  La  quatrième  période,  ou  période  de  restauration,  com- 
mence vers  le  milieu  du  dernier  siècle  et  se  poursuit  jusqu'à  nos 
jours. 

Nombre  de  religieux  de  divers  Ordres,  de  prêtres  et  de  laïques 
de  grande  érudition,  ont  pris  part  aux  études  paléographiques  de 
cette  glorieuse  période;  mais  c'est  aux  Bénédictins  de  Solesmes 
que  revient  principalement  l'honneur  de  la  restauration  grégorienne. 
En  réalité,  elle  est  leur  œuvre.  Léon  XIII  et  Pie  X  leur  en  ont 
rendu  le  plus  flatteur  et  le  plus  éclatant  témoignage. 

Les  travaux  commencèrent  sous  la  direction  immédiate  de  Dom 
Guéranger,  et,  après  quelques  années,  Dom  Pothier,  aidé  de  quel- 
ques-uns de  ses  confrères,  publiait  le  Liber  Gradualis  (1884),  qu'il 
avait  fait  précéder,  en  1880,  de  son  célèbre  ouvrage  Les  Mélodies 
Grégoriennes. 

En  1889,  Dom  Mocquereau  projetait  et  entreprenait  la  publi- 
cation de  La  Paléographie  Musicale. 

Nous  n'avons  pas  à  le  dissimuler,  c'est  cette  grande  publication, 
toujours  en  cours,  qui  a  fait  la  démonstration  scientifique  des 
travaux  grégoriens  de  Solesmes,  et  qui  a  ouvert  la  voie  à  l'Edition 
vaticane.  D'elle  ne  saurait  se  passer  le  paléographe,  le  musicologue 
et  l'artiste  qui  désirent  connaître  à  fond  la  tradition  musicale 
authentique  de  l'Eglise. 

Le  17  mai  1901,  Léon  XIII  adressait  à  l'abbé  de  Solesmes, 
Dom  Paul  Delatte,  le  bref  sensationnel  Nos  quidem,  qui  recon- 
naissait la  valeur  scientifique  des  éditions  de  Solesmes  et  fut  le 
signal  de  leur  adoption  un  peu  partout. 

Enfin,  le  4  août  1903,  le  cardinal  Sarto,  enthousiaste  et  com- 
pétent admirateur  de  l'œuvre  grégorienne  de  Solesmes,  montait 
sur  le  trône  pontifical  sous  le  nom  de  Pie  X.  On  sait  quel  fut  son 
premier  acte  et  les  fruits  qu'il  porta.  Les  documents  suivants, 
émanés  directement  ou  indirectement  de  lui,  seront  à  jamais  sa 
gloire  et  proclameront  à  travers  les  siècles  qu'il  fut  le  plus  digne 
successeur  du  grand  pape,  dont,  par  humilité,  il  ne  se  crut  pas 
digne  de  prendre  le  nom. 


-♦— ♦" 


APPENDICE. 


Législation  ecclésiastique. 


Motu  proprio.  —  Lettre  de  Pie  X  au  cardinal  Respighi.  —  Décret 
du  8  janvier  iço^.  —  Motu  proprio  pour  V Edition  vaticane.  — 
Lettre  à  F  abbé  de  S  o  lésines.  —  Lettre  du  cardinal  Merry  del  Val 
à  D.  Pothier  (juin  içoj).  —  Décret  du  mois  d'aoiit  içoj.  — 
Décret  de  décembre  içi2  pour  la  publication  de  r Antiphonai?'e.  — 
Décrets  d'avril  içii  et  de  juillet  içi2  se  rapportant  aux  signes 
rythmiques  et  aux  mediantes.  —  Réponse  de  la  S.  C.  des  Rites  au 
sujet  des  syllabes  suj^oenantes  dans  les  hymnes.  —  Règlement  du 
cardinal  Vicaire  poîir  la  musique  sacrée  à  Rome.  —  Lettre  pasto- 
rale de  S.  E771.  le  cardinal  Dubois^  archevêque  de  Paris^  sur  le 
chant  grégorien.  —  Lettre  de  Pie  XI  au  cardinal  Dubois. 

446.  —  Les  dispositions  ecclésiastiques,  liturgiques  ou  régle- 
mentaires, concernant  le  chant  grégorien  et  la  musique  sacrée, 
loin  d'être  étrangères  au  cadre  d'une  Méthode,  en  sont  plutôt  le 
complément  naturel.  C'est  pour  cette  raison  en  même  temps  que 
pour  compléter  les  données  historiques  du  précédent  chapitre,  que 
nous  reproduisons  ici,  sous  forme  d'Appendice,  les  plus  récents  et 
principaux  documents  romains. 

Le  plus  célèbre  de  tous  est  le 

MOTU    PROPRIO. 
Pie  X,  Pape. 

447.  —  Au  milieu  des  sollicitudes  du  devoir  pastoral  non  seu- 
lement pour  cette  Chaire  que  nous  occupons,  bien  qu'indigne,  par 
une  disposition  inscrutable  de  la  Providence,  mais  pour  cette 
Eglise  particulière,  c'est  sans  nul  doute  pour  Nous  une  obligation 
principale  de  maintenir  le  décorum  de  la  maison  de  Dieu,  où  les 
augustes  mystères  de  la  Religion  sont  célébrés,  et  où  le  peuple 
chrétien  se  réunit  pour  recevoir  la  grâce  des  Sacrements,  pour 
assister  au  Saint  Sacrifice  de  l'Autel,  pour  adorer  le  très  auguste 
Sacrement  du  Corps  du  Seigneur,  et  pour  s'unir  à  la  prière  com- 
mune de  l'Eglise  dans  l'accomplissement  public  et  solennel  des 
offices  liturgiques.  Il  ne  doit  donc  rien  se  passer  dans  le  temple 
qui  soit  capable  de  troubler  ou  seulement  même  de  diminuer  la 
piété  et  la  dévotion  des  fidèles,  rien  qui  fournisse  un  motif  raison- 
nable de  froissement  ou  de  scandale,  rien  surtout  qui  soit  une 
offense  directe  au  décorum  et  à  la  sainteté  des  fonctions  sacrées, 


Législation  ecclésiastique.  165 


et  qui  ainsi  soit  indigne  de  la  Maison  de  Prière  et  de  la  majesté 
de  Dieu. 

Nous  ne  traitons  pas  en  détail  des  abus  qui  peuvent  se  présenter 
en  cette  matière.  Aujourd'hui  Notre  attention  se  porte  sur  un  des 
plus  communs,  des  plus  difficiles  à  déraciner,  sur  un  abus  qu'il 
faut  parfois  déplorer  là  où  tout  autre  chose  est  digne  des  plus 
grands  éloges,  notamment  en  ce  qui  regarde  la  beauté  et  la  somp- 
tuosité du  temple,  la  splendeur  et  l'ordre  des  cérémonies,  l'assi- 
duité du  clergé,  la  gravité  et  la  piété  du  clergé  célébrant.  Nous 
voulons  parler  de  l'abus  qui  se  rencontre  en  matière  de  chant  et 
de  musique  sacrée.  Et  vraiment,  soit  à  cause  de  la  nature  de  cet 
art  par  lui-même  flottant  et  variable,  soit  par  suite  des  altérations 
successives  du  goût  et  des  habitudes  au  long  du  cours  des  âges, 
soit  en  conséquence  de  l'action  funeste  qu'exerce  sur  l'art  sacré 
l'art  profane  et  théâtral,  soit  à  cause  du  plaisir  que  la  musique 
produit  directement  «et  qu'il  n'est  pas  toujours  facile  de  contenir 
dans  de  justes  limites,  soit,  enfin,  à  cause  des  multiples  préjugés 
qui,  en  semblable  matière,  s'insinuent  facilement  et  se  maintiennent 
ensuite  avec  ténacité,  même  dans  les  esprits  de  personnes  auto- 
risées et  pieuses,  il  existe  une  tendance  continuelle  à  dévier  de  la 
règle  établie  d'après  laquelle  l'art  est  admis  au  service  du  culte, 
règle  exprimée  très  clairement  dans  les  canons  ecclésiastiques, 
dans  les  ordonnances  des  conciles  généraux  et  provinciaux,  dans 
les  prescriptions  émanées  à  plusieurs  reprises  des  Sacrées  Congré- 
gations romaines,  et  des  Souverains  Pontifes,  Nos  prédécesseurs. 

11  nous  est  très  agréable  de  reconnaître  le  grand  bien  qui,  en 
cette  matière,  s'est  fait  au  cours  des  dernières  périodes  de  dix  ans 
en  Notre  noble  Cité  de  Rome  et  dans  beaucoup  d'églises  de  Notre 
patrie,  mais  plus  particulièrement  chez  plusieurs  nations  où  des 
hommes  distingués  et  zélés  pour  le  culte  de  Dieu,  avec  l'appro- 
bation du  Saint-Siège  et  sous  la  direction  des  Evêques,  se  sont 
unis  en  sociétés  florissantes  et  ont  remis  en  plein  honneur  la 
musique  sacrée  dans  presque  toutes  les  églises  et  chapelles.  Un 
pareil  bien  est  toutefois  encore  fort  loin  d'être  universel,  et  si  Nous 
consultons  Notre  expérience  personnelle,  si  Nous  tenons  compte 
des  plaintes  très  nombreuses  qui,  de  toutes  parts.  Nous  sont  arri- 
vées depuis  le  moment  peu  éloigné  où  il  a  plu  au  Seigneur  d'élever 
Notre  humble  personne  au  degré  suprême  du  Pontificat  Romain, 
Nous  croyons  que  Nous  ne  pouvons  pas  différer  plus  longtemps,  et 
que  Notre  premier  devoir  est  d'élever  tout  de  suite  la  voix  pour 
réprouver  et  condamner  tout  ce  qui,  dans  les  fonctions  du  culte  et 
dans  les  cérémonies  ecclésiastiques,  est  reconnu  comme  s'éloignant 
de  la  règle  indiquée.  Notre  désir  très  vif,  en  effet,  est  que  le  véri- 
table esprit  chrétien  refleurisse  de  toute  façon  et  se  maintienne 
chez  tous  les  fidèles  :  il  est  donc  nécessaire  de  pourvoir  avant  tout 


166  Appendice. 

à  la  sainteté,  à  la  dignité  du  temple  où  les  fidèles  se  réunissent 
précisément  pour  y  trouver  cet  esprit  à  sa  première  et  indispensable 
source,  à  savoir  la  participation  active  aux  mystères  sacro-saints 
et  à  la  prière  publique  et  solennelle  de  l'Eglise.  Et  c'est  chose 
vaine  d'espérer  qu'à  cette  fin  l'abondante  bénédiction  du  Ciel  des- 
cendra sur  nous,  si  notre  hommage  au  Très-Haut,  au  lieu  de 
monter  en  odeur  de  suavité,  remet  au  contraire  dans  la  main  du 
Seigneur  les  fouets  dont  se  servit  le  divin  Rédempteur  pour 
chasser  du  temple  les  indignes  profanateurs. 

Pour  ce  motif,  afin  que  nul  ne  puisse  dorénavant  recourir  à  cette 
excuse  qu'il  ne  connaît  pas  clairement  son  devoir,  et  pour  faire 
disparaître  toute  hésitation  dans  l'interprétation  de  plusieurs 
choses  déjà  commandées,  Nous  avons  jugé  expédient  d'indiquer 
brièvement  les  principes  qui  président  à  la  musique  sacrée  dans 
les  fonctions  du  culte,  en  rassemblant  en  même  temps,  dans  un 
tableau  général,  les  principales  prescriptions  de  l'Eglise  contre  les 
abus  les  plus  communs  en  cette  matière.  En  conséquence,  de  Notre 
mouvement  propre  et  de  science  certaine,  Nous  publions  cette 
présente  Instruction  à  laquelle,  comme  à  un  Code  juridique  de  la 
musique  sacrée,  Nous  voulons,  dans  la  plénitude  de  Notre  Autorité 
Apostolique,  qu'il  soit  attribué  force  de  loi,  en  en  imposant  à  tous, 
par  notre  présent  Acte  signé,  la  plus  scrupuleuse  observance. 


INSTRUCTION    SUR    LA    MUSIQUE    SACREE. 

I. 
448.  —  Principes  généraux. 

1.  —  La  musique  sacrée,  en  tant  que  partie  intégrante  de  la 
liturgie  solennelle,  participe  à  sa  fin  générale,  qui  est  la  gloire  de 
Dieu,  la  sanctification  et  l'édification  des  fidèles.  Elle  concourt  à 
accroître  le  décorum  et  la  splendeur  des  cérémonies  ecclésiastiques, 
et  comme  son  office  principal  est  de  revêtir  d'une  mélodie  appro- 
priée le  texte  liturgique  qui  est  proposé  à  l'intelligence  des  fidèles, 
sa  propre  fin  est  de  donner  une  plus  grande  efficacité  à  ce  texte 
lui-même,  de  sorte  que  les  fidèles  soient  par  ce  moyen  plus 
facilement  excités  à  la  dévotion  et  se  disposent  mieux  à  accueillir 
en  eux  les  fruits  de  la  grâce,  qui  sont  les  fruits  propres  de  la 
célébration  des  très  saints  mystères. 

2.  —  La  miusique  sacrée  doit,  par  conséquent,  posséder  dans  le 
degré  le  meilleur  les  qualités  qui  sont  les  qualités  propres  de  la 
liturgie,  et  précisément  la  sainteté  et  la  bonté  des  f orines,  d'où  surgit 
de  lui-même  son  autre  caractère,  qui  est  \ universalité. 


Législation  ecclésiastique.  167 

Elle  doit  être  sainte^  et  ainsi  exclure  toute  chose  profane,  non 
seulement  en  elle-même,  mais  aussi  dans  la  manière  dont  elle  est 
présentée  du  côté  des  exécutants. 

Elle  doit  être  un  véritable  art,  sans  quoi  il  est  impossible  qu'elle 
ait  sur  l'âme  de  ceux  qui  l'écoutent  cette  efficacité  que  l'Eglise  vise 
à  obtenir  en  accueillant  dans  sa  liturgie  l'art  des  sons. 

Mais  elle  devra  en  même  temps  être  universelle  en  ce  sens  que, 
s'il  est  concédé  à  chaque  nation  d'admettre  dans  les  compositions 
faites  pour  l'église  ces  formes  particulières  qui  constituent  d'une 
certaine  manière  le  caractère  spécifique  de  sa  musique  propre,  ces 
formes  doivent  cependant  être  si  bien  subordonnées  aux  caractères 
généraux  de  la  musique  sacrée,  que  personne  de  ceux  qui 
appartiennent  à  une  autre  nation  ne  doive,  à  les  entendre,  éprouver 
une  mauvaise  impression. 

II. 

449.  —  Les  genres  de  musique  sacrée. 

3.  —  Ces  qualités  se  rencontrent  au  plus  haut  degré  dans  le 
chant  grégorien,  qui  est  par  conséquent  le  chant  propre  de  l'Eglise 
romaine,  le  seul  chant  qu'elle  ait  hérité  des  anciens  pères,  chant 
qu'elle  a  gardé  jalousement  pendant  des  siècles  dans  ses  règles 
liturgiques  et  qu'elle  propose  aux  fidèles  comme  étant  directement 
le  sien,  qu'elle  prescrit  exclusivement  dans  certaines  parties  de  la 
liturgie,  et  que  les  études  les  plus  récentes  ont  si  heureusement 
restitué  dans  son  intégrité,  dans  sa  pureté. 

Pour  ces  motifs,  le  chant  grégorien  a  toujours  été  considéré 
comme  le  modèle  suprême  de  la  musique  sacrée.  On  peut,  en  effet, 
poser  avec  raison  la  loi  générale  que  voici  :  Une  composition  pour 
Véglise  est  d^autant  plus  sacrée  et  litîirgique,  qu'elle  s'approche 
davantage  dans  sa  marche,  dans  son  inspiration  et  dans  sa  saveur^ 
de  la  mélodie  grégorienne  ;  elle  est  d'autant  moins  digne  du  temple 
qu'on  la  reconnaît  plus  éloignée  de  ce  suprême  modèle. 

L'ancien  chant  grégorien  traditionnel  devra  donc  être  rétabli 
largement  dans  les  fonctions  du  culte,  et  tout  le  monde  doit  tenir 
pour  assuré  qu'une  fonction  ecclésiastique  ne  perd  rien  de  sa 
solennité  quand  elle  n'est  accompagnée  d'aucune  autre  musique 
que  celle-là. 

Que  l'on  s'efforce  en  particulier  de  ramener  le  peuple  à  l'usage 
du  chant  grégorien,  afin  que  les  fidèles  prennent  de  nouveau  part 
plus  attentivement  aux  offices  de  l'Eglise,  ce  qu'ils  avaient  coutume 
de  faire  anciennement. 

4.  —  Les  qualités  susdites  sont  possédées  à  un  degré  excellent 
par  la  polyphonie  classique,  spécialement  par  l'Ecole  Romaine, 
laquelle  atteignit  au  XVI^  siècle  le  maximum  de  sa  perfection, 
grâce  à  Pierluigi  de  Palestrina,  et  continua  à  produire  dans  la  suite 


168  Appendice. 

des  compositions  d'un  excellent  mérite  liturgique  et  musical.  La 
polyphonie  classique  approche  fort  bien  du  modèle  suprême  de 
toute  musique  sacrée,  qui  est  le  chant  grégorien,  et  pour  cette 
raison  elle  a  mérité  d'être  accueillie  avec  le  chant  grégorien  dans 
les  fonctions  les  plus  solennelles  de  l'Eglise,  telles  que  celles  de  la 
Chapelle  Pontificale.  Elle  devra  donc,  elle  aussi,  être  rétablie 
largement  dans  les  fonctions  ecclésiastiques,  spécialement  dans  les 
plus  insignes  basiliques,  dans  les  églises  cathédrales,  dans  celles 
des  séminaires  et  des  autres  institutions  ecclésiastiques,  où  les 
moyens  nécessaires  ne  font  pas  d'ordinaire  défaut. 

5.  —  L'Eglise  a  toujours  reconnu  et  favorisé  le  progrès  des  arts, 
en  admettant  au  service  du  culte  tout  ce  que  le  génie  a  su  trouver 
de  bon  et  de  beau  dans  le  cours  des  siècles,  à  la  condition  que  les 
règles  liturgiques  soient  toujours  respectées.  En  conséquence, 
la  musique  la  plus  moderne  est  elle-même  admise  dans  l'Eglise,  vu 
qu'elle  offre,  elle  aussi,  des  compositions  si  bonnes  et  si  graves, 
qu'elles  ne  sont  nullement  indignes  des  fonctions  liturgiques. 

Néanmoins,  comme  la  musique  moderne  est  principalement 
employée  à  des  usages  profanes,  on  devra  prendre  garde,  avec  une 
grande  attention,  que  les  compositions  musicales  de  style  moderne 
qui  sont  admises  dans  les  églises  ne  contiennent  rien  de  profane, 
n'offrent  point  de  réminiscences  de  motifs  de  théâtre,  et  ne  soient 
point  conformes,  même  dans  leurs  formes  extérieures  seulement, 
à  la  marche  des  morceaux  profanes. 

6.  —  Parmi  les  divers  genres  de  musique  moderne,  celui  qui  a 
paru  le  moins  propre  à  accompagner  les  fonctions  du  culte  est  le 
style  théâtral  qui  fut  en  grande  vogue  durant  le  dernier  siècle, 
surtout  en  Italie.  Par  sa  nature,  ce  style  présente  la  plus  grande 
opposition  avec  le  chant  grégorien  et  la  polyphonie  classique,  et 
par  conséquent  avec  la  loi  la  plus  importante  de  toute  bonne 
musique  sacrée.  En  outre,  la  structure  intime,  le  rythme  et  ce  que 
l'on  appelle  le  conventionnalisme  de  ce  style  ne  se  plient  que  mal 
aux  exigences  de  la  vraie  musique  liturgique. 

III. 

450.  —  Le  texte  liturgique. 

7.  —  La  langue  propre  de  l'Eglise  Romaine  est  le  latin.  Il  est 
donc  interdit,  dans  les  fonctions  liturgiques  solennelles,  de  chanter 
quoi  que  ce  soit  en  langue  vulgaire;  il  l'est  bien  plus  encore  de 
chanter  en  langue  vulgaire  les  parties  variables  ou  communes  de  la 
Messe  et  de  l'Office. 

8.  —  Les  textes  qui  peuvent  être  mis  en  musique  et  l'ordre  dans 
lequel  ils  doivent  se  suivre  étant  déterminés  pour  chaque  fonction 


Législation  ecclésiastique.  169 

liturgique,  il  n'est  permis  ni  d'intervertir  cet  ordre,  ni  de  remplacer 
les  textes  prescrits  par  d'autres  ad  libitum,  ni  de  les  omettre  en 
entier  ou  seulement  en  partie,  si  les  rubriques  n'autorisent  pas  à 
remplacer  par  l'orgue  certains  versets  du  texte,  quand  ceux-ci  sont 
simplement  récités  au  chœur.  Il  est  seulement  permis,  d'après  la 
coutume  de  l'Eglise  Romaine,  de  chanter  un  motet  au  Saint- 
Sacrement  après  \q  Benedictîis  aç^s  Messes  solennelles.  Il  est  permis 
aussi,  après  qu'on  a  chanté  l'Offertoire  prescrit  de  la  Messe, 
d'exécuter  dans  le  temps  qui  reste  un  court  motet  sur  des  paroles 
approuvées  par  l'Eglise. 

9. —  Le  texte  liturgique  doit  être  chanté  tel  qu'il  se  trouve  dans 
les  livres,  sans  altération  ni  postposition  des  mots,  sans  répétitions 
indues,  sans  séparation  des  syllabes,  et  toujours  d'une  manière 
intelligible  aux  fidèles  qui  écoutent. 

IV. 

451.  —  La  forme  externe  des  cofnpositions  consacrées. 

10.  —  Les  diverses  parties  de  la  Messe  et  de  l'Office  doivent 
conserver,  même  musicalement,  ce  concept  et  cette  forme  que  la 
tradition  ecclésiastique  leur  a  donnés,  et  qui  se  trouvent  très  bien 
exprimés  dans  le  chant  grégorien.  Autre  donc  est  la  manière  de 
composer  un  introït,  un  gradúale,  une  antiphone,  un  psaume,  une 
hymne,  un  Gloria  in  excelsis,  etc. 

11.  —  En  particulier,  on  doit  observer  les  règles  suivantes  : 

ci)  Le  Kyrie,  le  Gloria,  le  Credo,  etc.,  de  la  Messe  doivent 
maintenir  l'unité  de  composition  propre  à  leur  texte.  Il  n'est  donc 
point  permis  de  les  composer  par  morceaux  séparés,  de  telle  sorte 
que  chacun  de  ces  morceaux  forme  une  composition  musicale 
complète  et  telle  qu'elle  puisse  être  détachée  du  reste  et  remplacée 
par  une  autre. 

U)  Dans  l'office  des  Vêpres,  on  doit  ordinairement  suivre  la 
règle  donnée  par  le  Caere^noniale  episcoporum,  qui  prescrit  le  chant 
grégorien  pour  la  psalmodie  et  permet  la  musique  figurée  pour  les 
versets  du  Gloria  Patri  et  pour  l'hymne. 

Il  sera  néanmoins  permis,  dans  les  solennités  plus  grandes,  de 
faire  alterner  le  chant  grégorien  du  chœur  avec  ce  que  l'on  appelle 
\^%  faux-bourdons  ou  avec  des  vers  convenablement  composés  dans 
une  semblable  manière. 

On  pourra  aussi  concéder  quelquefois  que  les  divers  psaumes 
soient  exécutés  entièrement  en  musique,  pourvu  que  dans  ces 
compositions  soit  conservée  la  forme  propre  de  la  psalmodie,  c'est- 


170  Appendice. 

à-dire  pourvu  que  les  chantres  semblent  psalmodier  entre  eux,  ou 
avec  des  motifs  nouveaux,  ou  encore  avec  des  motifs  pris  dans  le 
chant  grégorien,  ou  imités  de  celui-ci. 

Restent  donc  pour  toujours  exclus  et  interdits  les  psaumes 
Sippelés  />sauf nés  di  concerto. 

c)  Dans  les  hymnes  de  l'Eglise,  on  doit  garder  la  forme  tradi- 
tionnelle de  l'hymne.  Il  n'est  donc  point  permis  de  composer,  par 
exemple,  le  Tantmn  ergo  de  telle  façon  que  la  première  strophe 
présente  une  romance,  une  cavatine,  un  adagio,  et  le  Genitori,  un 
allegro. 

(T)  Les  antiennes  des  Vêpres  doivent  être  présentées  d'ordinaire 
avec  la  mélodie  grégorienne  qui  leur  est  propre.  Si,  dans  quelque 
cas  particulier,  on  les  chante  en  musique,  elles  ne  devront  jamais 
avoir  la  forme  d'une  mélodie  de  concerto,  ni  l'ampleur  d'un  motet 
et  d'une  cantate. 

V. 

452.  —  Les  Chantres. 

12.  —  En  dehors  des  mélodies  propres  au  prêtre  qui  célèbre 
à  l'autel  et  à  ceux  qui  l'assistent,  lesquelles  doivent  toujours  être 
en  chant  grégorien  seul  sans  aucun  accompagnement  d'orgue, 
tout  le  reste  du  chant  appartient  au  chœur  des  lévites;  or,  les 
chantres  des  églises,  même  s'ils  sont  séculiers,  composant  à  pro- 
prement parler  le  chœur  ecclésiastique,  il  s'ensuit  que  les  musiques 
qu'ils  exécutent  doivent,  au  moins  dans  leur  majeure  partie,  con- 
server le  caractère  de  musique  de  chœur. 

Cela  ne  veut  pas  dire  que  la  voix  unique  soit  tout  à  fait  exclue. 
Mais  celle-ci  ne  doit  jamais  prédominer  dans  l'office,  de  sorte  que 
la  plus  grande  partie  du  texte  liturgique  soit  traitée  de  cette  façon. 
Elle  doit  plutôt  avoir  le  caractère  de  simple  indication  ou  point 
mélodique,  et  être  liée  étroitement  avec  le  reste  de  la  composition 
en  forme  de  chœur. 

13.  —  Du  même  principe  il  suit  que  les  chantres  ont  dans 
l'église  un  véritable  office  liturgique,  et  que  par  conséquent  les 
femmes  étant  incapables  d'un  tel  office,  ne  peuvent  être  admises 
à  faire  partie  du  chœur  ou  de  la  chapelle  musicale.  Si  donc,  on 
veut  employer  des  voix  aiguës  de  soprani  et  de  contralti,  ce  devra 
être  des  voix  d'enfants,  conformément  à  l'usage  très  ancien  de 
l'Eglise. 

14.  —  Enfin,  que  l'on  n'admette  à  faire  partie  de  la  chapelle  de 
l'église  que  des  hommes  dont  on  connaît  la  piété  et  la  probité, 
lesquels,  par  leur  attitude  modeste  et  dévote  durant  les  fonctions 
liturgiques,  se  montrent  dignes  du  saint  office  qu'ils  exercent.   Il 


Législation  ecclésiastique.  171 

sera  convenable  aussi  que  les  chantres,  pendant  qu'ils  chantent  à 
l'église,  portent  l'habit  ecclésiastique  et  le  surplis,  et  que,  s'ils  se 
trouvent  dans  des  tribunes  trop  exposées  aux  regards  du  public, 
ils  soient  protégés  par  des  grillages. 

VI. 

453.  —  V orgue  et  les  instruments. 

.15.  —  Bien  que  la  musique  propre  de  l'église  soit  la  musique 
purement  vocale,  l'accompagnement  d'orgue  est  néanmoins  permis. 
En  certains  cas  particuliers,  dans  les  limites  et  avec  les  précautions 
convenables;  on  pourra  admettre  aussi  d'autres  instruments,  mais 
jamais  sans  autorisation  spéciale  de  l'Ordinaire,  conformément 
à  la  prescription  du  Caeremoniale  episcoporum. 

16. —  Comme  le  chant  doit  toujours  avoir  le  dessus,  l'orgue  ou 
les  instruments  doivent  simplement  le  soutenir,  et  ne  peuvent 
jamais  le  couvrir. 

17.  —  Il  n'est  pas  permis  de  faire  précéder  le  chant  par  de  longs 
préludes,  ni  de  l'interrompre  par  des  morceaux  d'intermède. 

18.  —  Le  son  de  l'orgue  dans  les  accompagnements  du  chant, 
dahs  les  préludes,  les  interludes  et  autres  choses  semblables,  non 
seulement  doit  être  conduit  selon  la  propre  nature  de  cet  instru- 
ment, mais  doit  participer  à  toutes  les  qualités  de  la  véritable 
musique  sacrée  qui  ont  été  ci-dessus  énumérées. 

19.  : —  L'usage  du  piano  est  interdit  à  l'église,  et  aussi  celui  des 
instruments  tapageurs  ou  d'un  caractère  léger,  tels  que  le  trom- 
bone, la  grosse  caisse,  les  cymbales,  les  clochettes  et  autres 
semblables. 

20.  —  Il  est  rigoureusement  interdit  aux  sociétés  des  fanfares 
de  jouer  à  l'église;  seulement-  dans  un  cas  spécial,  avec  le  con- 
sentement de  l'Ordinaire,  il  sera  permis  d'admettre  un  choix 
limité,  judicieux  et  proportionné  au  milieu  ambiant,  d'instruments 
à  vents,  pourvu  que  l'accompagnement  à  exécuter  par  ces  instru- 
ments soit  écrit  dans  un  style  grave,  convenable,  et  ressemblant 
en  tout  à  celui  qui  est  propre  à  l'orgue. 

'21.  — -  Dans  les  processions  hors  de  l'église,  les  fanfares  peuvent 
être  autorisées  par  l'Ordinaire  à  jouer,  pourvu  qu'elles  n'exécutent 
en  aucune  façon  des  morceaux  profanes.  Il  serait  désirable,  en  cette 
occasion,  que  le  concert  musical  se  bornât  à  accompagner  quelque 
cantique  en  latin  ou  en  langue  vulgaire  exécuté  par  les  chantres 
ou  par  les  congrégations  qui  prennent  part  à  la  procession. 


172  Appendice. 


VIL 


454.  —  Etendue  de  la  musiqtie  sacrée. 

22.  —  Il  n'est  pas  permis  de  faire  attendre  le  prêtre  à  l'autel  à 
cause  du  chant  ou  de  la  musique  instrumentale  plus  que  ne  le 
comporte  la  cérémonie  liturgique. 

Suivant  les  prescriptions  ecclésiastiques,  le  Sanctiis  de  la  Messe 
doit  être  achevé  avant  l'élévation  ;  mais  aussi  le  célébrant  doit,  sur 
ce  point,  avoir  égard  aux  chantres.  Le  Gloria  et  le  Credo,  selon  la 
tradition  grégorienne,  doivent  être  relativement  courts. 

23.  —  En  général,  il  faut  condamner  comme  abus  très  grave  le 
fait  que,  dans  les  fonctions  ecclésiastiques,  la  liturgie  apparaisse 
chose  secondaire  et  pour  ainsi  dire  au  service  de  la  musique,  alors 
que  la  musique  est  simplement  une  partie  de  la  liturgie  et  son 
humble  servante. 

VIII. 

455*  —  Moyens  principaux, 

24.  —  Pour  l'exacte  exécution  de  tout  ce  qui  est  établi  ici,  que 
les  Evêques  instituent,  dans  leurs  diocèses,  s'ils  ne  l'ont  déjà  fait, 
une  Commission  spéciale  de  personnes  vraiment  compétentes  en 
matière  de  musique  sacrée,  commission  à  laquelle  sera  confiée,  de 
la  manière  qu'ils  jugeront  la  plus  opportune,  la  charge  de  veiller 
sur  les  musiques  que  l'on  exécute  dans  leurs  églises.  Qu'ils  ne 
veillent  pas  uniquement  à  ce  que  les  musiques  soient  bonnes  par 
elles-mêmes,  mais  à  ce  qu'elles  correspondent  aux  forces  des 
chantres  et  soient  toujours  bien  exécutées. 

25.  —  Que  dans  les  Séminaires  des  clercs  et  dans  les  Instituts 
ecclésiastiques,  conformément  aux  prescriptions  du  concile  de 
Trente,  tous  cultivent  avec  soin  et  amour  le  chant  grégorien  tradi- 
tionnel, et  que  les  Supérieurs  soient  en  cette  matière  prodigues 
d'encouragements  et  d'éloges  pour  leurs  jeunes  subordonnés.  Que 
de  même,  partout  où  la  chose  est  possible,  on  pousse  à  la  formation 
pour  les  clercs  d'une  ScJiola  Cantoi'uni,  en  vue  de  l'exécution  de  la 
polyphonie  sacrée  et  de  la  bonne  musique  liturgique. 

26.  —  Dans  les  leçons  ordinaires  de  liturq;ie,  de  morale,  de  droit 
canonique  qui  sont  données  aux  étudiants  en  théologie,  qu'on 
n'omette  pas  de  toucher  aux  points  qui  se  rapportent  plus  particu- 
lièrement aux  principes  et  aux  lois  de  la  musique  sacrée,  afin  que 
les  jeunes  clercs  ne  sortent  pas  du  Séminaire  dépour\'us  de  toutes 
ces  notions  nécessaires  à  la  parfaite  culture  ecclésiastique. 


I 


Législation  ecclésiastique.  173 

27.  —  Que  l'on  ait  soin  de  rétablir,  du  moins  près  des  églises 
principales,  les  anciennes  Scholae  Cantorum^  comme  cela  a  déjà  été 
pratiqué  avec  beaucoup  de  fruits  dans  un  bon  nombre  d'endroits. 
Il  n'est  pas  difficile  au  clergé  zélé  d'établir  des  écoles  de  ce  genre 
même  auprès  des  églises  de  moindre  importance  et  même  de 
campagne;  il  y  trouve  même  un  moyen  fort  facile  de  réunir  autour 
de  lui  les  enfants  et  les  adultes,  avec  utilité  pour  eux  et  édification 
pour  le  peuple. 

28.  —  Que  l'on  cherche  à  soutenir  et  à  promouvoir  par  les 
meilleurs  moyens  possibles  les  Ecoles  supérieures  de  musique 
sacrée  là  où  il  en  existe  déjà  et  de  contribuer  à  en  fonder  là  où  il 
n'y  en  a  pas  encore.  C'est  une  chose  d'une  extrême  importance  que 
l'Eglise  elle-même  pourvoie  à  l'instruction  de  ses  maîtres,  orga- 
nistes et  chantres,  suivant  les  vrais  principes  de  l'art  sacré. 

IX. 
456.  —  Conclusion. 

29.  —  Enfin  l'on  recommande  aux  maîtres  de  chapelle,  aux 
chantres,  aux  personnages  du  clergé,  aux  supérieurs  des  Sémi- 
naires, des  Instituts  ecclésiastiques  et  des  Communautés  reli- 
gieuses, aux  curés  et  aux  recteurs  d'églises,  aux  chanoines  des 
collégiales  et  des  cathédrales  et  par  dessus  tout  aux  Ordinaires 
diocésains  de  favoriser  de  tout  leur  zèle  ces  sages  réformes  depuis 
longtemps  désirées  et  appelées  de  commun  accord,  afin  que  l'auto- 
rité même  de  l'Eglise  qui  les  a  conseillées  à  plusieurs  reprises  et 
les  inculque  maintenant  de  nouveau,  ne  tombe  point  en  discrédit. 

Donné  de  Notre  Palais  Apostolique,  au  Vatican,  en  la  fête  de  la 
vierge  et  martyre  sainte  Cécile,  le  22  novembre  1903,  en  la  pre- 
mière année  de  notre  Pontificat. 

Pie  X,  Pape. 


LETTRE    DE    PIE   X   AU    CARDINAL   RESPIGHI 

VICAIRE   GÉNÉRAL  DE    ROME. 

457.  «  Monsieur  le  Cardinal, 

<L  Le  désir  de  voir  refleurir  partout  l'honneur,  la  dignité  et  la 
sainteté  des  fonctions  liturgiques.  Nous  a  déterminé  à  faire  con- 
naître par  un  écrit  personnel  quelle  est  Notre  volonté  par  rapport 
à  la  musique  sacrée  qui  aide  si  largement  au  service  du  culte. 
Nous  avons  la  confiance  que  tout  le  monde  secondera  cette  restau- 
ration désirée,  non  pas  seulement  par  cette  soumission  aveugle, 
toujours  louable  en  elle-même,  avec  laquelle  on  accepte  par  pur 


174  Appendice. 

esprit  d'obéissance  des  commandements  onéreux  ou  contraires  à 
sa  propre  façon  de  penser  et  de  sentir,  mais  avec  cette  promptitude 
de  volonté  qui  naît  de  la  persuasion  intime  du  devoir  d'en  agir 
ainsi  par  des  motifs  dûment  établis,  clairs,  évidents,  irréfutables. 

«  En  effet,  pour  peu  qu'on  réfléchisse  à  la  fin  très  sainte  en 
vue  de  laquelle  l'art  a  été  admis  au  service  du  culte,  et  à  la 
souveraine  convenance  de  n'offrir  au  Seigneur  que  des  choses 
bonnes  en  soi  et,  autant  que  possible,  excellentes,  on  reconnaîtra 
tout  de  suite  que  les  prescriptions  de  l'Eglise  en  ce  qui  concerne 
la  musique  sacrée  ne  sont  autre  chose  que  l'application  de  ces 
deux  principes  fondamentaux.  Quand  le  clergé  et  les  maîtres  de 
chapelle  en  sont  pénétrés,  la  bonne  musique  sacrée  refleurit 
spontanément,  ainsi  qu'on  l'a  observé  et  qu'on  continue  de  l'observer 
en  maints  endroits. 

«  Au  contraire,  quand  ces  principes  sont  transgressés,  il  n'y  a  ni 
prières,  ni  admonitions,  ni  ordres  sévères,  fussent-ils  répétés,  ni 
menaces  de  peines  canoniques  qui  réussissent  à  rien  changer;  tant 
la  passion  et,  à  son  défaut,  une  honteuse  et  inexcusable  ignorance 
trouve  le  moyen  d'éluder  la  volonté  de  l'Eglise  et  de  maintenir, 
pendant  des  années  et  des  années,  le  même  état  de  choses. 

«  Cette  promptitude  de  volonté,  Nous  Nous  la  promettons  d'une 
façon  spéciale,  du  clergé  et  des  fidèles  de  Notre  chère  ville  de 
Rome,  centre  du  christianisme  et  siège  de  la  suprême  autorité  de 
l'Eglise.  Il  semble,  en  vérité,  que  personne  ne  doive  mieux  sentir 
l'influence  de  Notre  parole  que  ceux  qui  l'entendent  directement 
de  Notre  bouche,  et  que  l'exemple  d'amoureuse  et  filiale  soumission 
à  Nos  invitations  paternelles  ne  devrait  être  donné  par  personne 
avec  plus  de  sollicitude  que  par  la  première  et  plus  noble  portion 
du  troupeau  de  Jésus-Christ,  à  savoir  l'Eglise  de  Rome  confiée 
tout  spécialement  à  Notre  charge  pastorale  d'évêque. 

«  Ajoutons  que  cet  exemple  doit  être  donné  à  la  face  du  monde 
entier.  En  effet,  de  partout  viennent  continuellement  ici  évêques  et 
fidèles,  pour  révérer  le  Vicaire  de  Jésus-Christ  et  pour  retremper 
leur  esprit  en  visitant  Nos  vénérable^  basiliques  et  les  tombes  des 
martyrs  et  en  assistant,  avec  un  redoublement  de  ferveur,  aux 
solennités  qui  se  célèbrent  avec  beaucoup  de  pompe  et  de 
splendeur,  en  tout  temps  de  l'année. 

«  Optamus  ne  nioribus  nos  tris  offensi  recédant^  disait  de  son  temps 
Benoît  XIV,  Notre  prédécesseur,  dans  sa  lettre  encyclique  Annus 
qui^  où,  parlant  de  la  musique  sacrée,  il  dit  : 

«  Nous  désirons  qu'ils  ne  retournent  pas  dans  leur  patrie^  scandalisés 
par  nos  habitudes.  » 

«  Et  plus  loin,  parlant  de  l'abus  des  instruments,  qui  était  alors 
flagrant,  le  même  Pape  disait  : 


Législation  ecclésiastique.  175 

€  Qîielle  opÍ7iio7i  se  formeront  de  nous^  ceiix  qui  y  venant  de  pays  oîi 
on  ne  se  sert  pas  d'insti'uinents  dans  l'église,  les  entendront  dans  nos 
églises  ni  phis  ni  7noins  que  cela  se  pratique  dans  les  théâtres  et  les 
endroits  profanes  ?  Il  en  viendra  peut-être  d'endroits  et  de  pays  où 
l'on  chante  et  l'on  fait  du  bruit  musical,  comme  aujourd'hui  dans 
nos  églises.  Mais,  s'ils  sont  gens  de  bon  sens,  ils  se  lamenteront  de  7ie 
pas  trouver  dans  notre  musique  ce  remède  aux  7naux  de  leurs  églises 
qu'ils  étaient  venus  chercher.  » 

«  En  d'autres  temps,  on  remarquait  peut-être  beaucoup  moins, 
dans  les  musiques  qu'on  avait  coutume  d'exécuter  dans  les  églises, 
leur  désaccord  avec  les  lois  et  les  prescriptions  ecclésiastiques  et 
peut-être  d'aventure,  le  scandale  était-il  plus  restreint,  surtout 
parce  que  l'inconvénient  était  plus  répandu  et  plus  général. 

«  Mais  aujourd'hui,  quand  des  hommes  illustres  se  sont  appliqués 
avec  tout  le  zèle  à  mettre  en  lumière  les  règles  de  la  liturgie  et 
celles  de  l'art  pour  Le  service  du  culte,  lorsque,  dans  tant  d'églises 
du  monde,  on  a  obtenu  de  si  consolants  et  splendides  résultats 
pour  la  restauration  de  la  musique  sacrée,  et  cela  malgré  les  très 
graves  difficultés  qu'on  opposait  et  qui  furent  heureusement 
surmontées;  enfin,  quand  la  nécessité  d'un  changement  de  choses 
complet  est  entrée  dans  tous  les  esprits,  tout  abus  dans  la  matière 
devient  intolérable  et  doit  être  écarté. 

<L  Vous  donc.  Monsieur  le  Cardinal,  dans  la  haute  fonction  que 
vous  occupez  à  Rome  comme  Notre  Vicaire  pour  les  choses 
spirituelles,  avec  la  douceur  qui  vous  est  propre,  avec  une  fermeté 
non  moindre,  vous  travaillerez.  Nous  en  avons  la  certitude,  pour 
que  les  musiques  qui  s'exécutent  dans  les  églises  et  les  chapelles, 
soit  par  le  clergé  séculier,  soit  par  le  clergé  régulier  de  cette  ville 
de  Rome,  répondent  pleinement  à  Nos  instructions. 

«  Il  y  a  beaucoup  de  choses  qu'il  faut  écarter  ou  corriger  dans 
les  chants  des  Messes,  des  litanies  de  la  sainte  Vierge,  de  l'hymne 
eucharistique;  mais  ce  qui  a  besoin  d'un  renouvellement  complet, 
c'est  le  chant  des  Vêpres  dans  les  fêtes  qui  se  célèbrent  dans 
diverses  églises  et  basiliques. 

*L  On  ne  rencontre  plus  les  prescriptions  liturgiques  du  Cérémonial 
des  évêques  et  les  belles  traditions  musicales  de  la  classique  école 
romaine.  A  la  pieuse  psalmodie  du  clergé  que  le  peuple  lui-même 
accompagnait,  on  a  substitué  d'interminables  compositions  musi- 
cales sur  les  paroles  des  psaumes,  toutes  fuguées  à  la  manière  des 
vieilles  œuvres  théâtrales,  et  d'une  si  pauvre  valeur  artistique  qu'on 
ne  les  tolérerait  pas  dans  les  concerts  profanes  de  médiocre  mérite. 
La  dévotion  et  la  piété  chrétiennes  n'en  reçoivent  à  coup  sûr  aucun 
accroissement  :  on  satisfait  ainsi  la  curiosité  de  certaines  gens  peu 
intelligents,  mais  le  grand  nombre  en  reçoit  plutôt  du  dégoût  et 
du  scandale,  et  l'on  s'étonne  qu'un  si  grand  abus  dure  encore. 


176  Appendice. 

«  Nous  donc,  Nous  voulons  que  cet  abus  disparaisse  absolument 
et  que  la  solennité  des  Vêpres  soit  entièrement  célébrée  selon  les 
règles  que  Nous  avons  indiquées. 

«  Les  basiliques  patriarcales  donneront  l'exemple,  grâce  aux 
soins  minutieux  et  au  zèle  éclairé  de  MM.  les  Cardinaux  qui  sont 
à  leur  tête,  et  ainsi  feront  ensuite  les  basiliques  mineures,  les 
églises  collégiales  et  paroissiales  comme  les  églises  et  chapelles  des 
ordres  religieux. 

«  Pour  vous,  Monsieur  le  Cardinal,  n'usez  pas  d'indulgence  et 
ne  souffrez  aucun  délai.  A  différer,  la  difficulté  ne  diminue  pas,  elle 
augmente,  et,  puisque  la  chose  est  à  faire,  qu'on  la  fasse  immédia- 
tement, résolument.  Que  tous  aient  confiance  en  Nous  et  en  Notre 
parole,  qui  emporte  avec  elle  la  grâce  et  la  bénédiction  céleste. 

«  Tout  d'abord  la  nouveauté  produira  de  l'étonnement  chez 
quelques-uns  des  maîtres  de  chapelle  et  des  directeurs  de  chœur  ; 
mais  peu  à  peu  la  chose  prendra  d'elle-même,  et,  dans  la  parfaite 
correspondance  de  la  musique  aux  règles  liturgiques  et  à  la  nature 
de  la  psalmodie,  tous  découvriront  une  beauté  et  une  bonté  qui 
leur  avaient  échappé  tout  d'abord. 

«  Il  est  vrai,  la  solennité  des  Vêpres  sera  ainsi  notablement 
raccourcie.  Mais  si  les  recteurs  des  églises  veulent,  en  quelque 
circonstance,  prolonger  un  peu  les  fonctions,  afin  de  retenir  le 
peuple  qui  a  si  louablement  coutume,  aux  heures  des  Vêpres,  de 
se  rendre  à  l'église  où  l'on  célèbre  la  fête,  rien  n'empêche  —  et  ce 
sera  même  autant  de  gagné  pour  l'édification  et  la  piété  des  fidèles 
—  que  l'on  fasse  suivre  les  Vêpres  d'un  sermon  approprié  et  qu'on 
les  termine  par  une  bénédiction  solennelle  du  Très-Saint-Sacrement. 

«  Nous  désirons  enfin  que  la  musique  sacrée  soit  cultivée  avec 
un  soin  spécial  et  dans  une  mesure  convenable  dans  tous  les 
séminaires  et  collèges  ecclésiastiques  de  Rome,  où  il  y  a  une  troupe 
si  nombreuse  et  si  choisie  de  jeunes  clercs  venus  de  toutes  les 
parties  du  monde  pour  se  former  aux  sciences  sacrées  et  au 
véritable  esprit  ecclésiastique.  Nous  savons,  et  cela  Nous  est  d'un 
grand  réconfort,  que,  dans  plusieurs  établissements,  la  musique 
sacrée  est  tellement  florissante  qu'ils  peuvent  servir  de  modèle  aux 
autres.  Mais  certains  séminaires  et  certains  collèges,  soit  par 
l'incurie  des  supérieurs,  soit  par  l'incapacité  ou  le  mauvais  goût  des 
personnes  auxquelles  sont  confiées  l'instruction  du  chant  et  la 
direction  de  la  musique  sacrée,  laissent  beaucoup  à  désirer. 

«  Vous  voudrez  donc  bien.  Monsieur  le  Cardinal,  pourvoir  encore  à 
cela  de  toute  votre  sollicitude,  en  insistant  surtout  pour  que,  selon  les 
prescriptions  du  concile  de  Trente  et  d'autres  innombrables  conciles 
provinciaux  et  diocésains  de  toutes  les  parties  du  monde,  le  chant 
grégorien  soit  étudié  avec  une  diligence  spéciale  et  ordinairement 
préféré  dans  les  cérémonies  publiques  et  privées  de  l'établissement. 


Législation  ecclésiastique.  177 

«  A  dire  vrai,  en  d'autres  temps,  le  chant  grégorien  était  devenu 
méconnaissable,  ses  livres  ayant  été  corrigés,  altérés,  tronqués. 
Mais  les  études  longues  et  attentives  qu'y  ont  apportées  des 
hommes  remarquables  qui  ont  bien  mérité  de  l'art  sacré,  ont  changé 
la  face  des  choses.  Le  chant  grégorien  ramené  d'une  manière  si 
satisfaisante  à  sa  pureté  primitive,  tel  qu'il  fut  transmis  par  nos 
pères  et  qu'il  se  trouve  dans  les  manuscrits  des  diverses  églises 
apparaît  doux,  suave,  très  facile  à  apprendre  et  d'une  beauté  si 
nouvelle  et  inattendue  qu'il  ne  tarde  pas  à  exciter  un  véritable 
enthousiasme  chez  les  jeunes  chanteurs.  Or,  quand  l'amour  entre 
dans  l'accomplissement  du  devoir,  tout  se  fait  avec  plus  d'entrain 
et  avec  un  fruit  plus  durable. 

«  Nous  voulons  donc  que,  dans  tous  les  collèges  et  séminaires 
de  cette  très  haute  ville  de  Rome,  on  introduise  de  nouveau  le  très 
antique  chant  romain,  qui  résonnait  autrefois  dans  nos  églises  et 
basiliques  et  faisait  les  délices  des  générations  passées,  aux  plus 
beaux  temps  de  la  piété  chrétienne.  Et,  comme  autrefois  ce  chant 
s'était,  de  Rome,  répandu  dans  toutes  les  autres  Eglises  d'Occident, 
ainsi  Nous  souhaitons  ardemment  que  les  jeunes  clercs,  instruits 
sous  nos  yeux,  le  reportent  et  le  répandent  de  nouveau  dans  leurs 
diocèses  quand  ils  y  retournent  comme  prêtres  pour  travailler  à  la 
gloire  de  Dieu. 

«  Notre  âme  se  réjouit  d'édicter  ces  dispositions,  quand  Nous 
sommes  sur  le  point  de  célébrer  le  XI 11^  centenaire  de  la  mort  du 
grand  et  incomparable  Pape,  saint  Grégoire  le  Grand,  à  qui  une 
tradition  ecclésiastique  de  plusieurs  siècles  attribue  la  composition 
de  ces  saintes  mélodies  auxquelles  même  on  a  appliqué  son  nom. 
Que  Nos  très  chers  jeunes  gens  s'exercent  diligemment  à  ces 
mélodies.  Il  Nous  sera  très  agréable  de  les  entendre  si,  comme 
on  Nous  l'a  rapporté,  ils  se  réunissent  ensemble,  lors  des  prochaines 
fêtes  du  centenaire,  dans  la  basilique  vaticane,  auprès  de  la  tombe 
du  saint  Pape,  afin  d'exécuter  les  mélodies  grégoriennes  durant  la 
sainte  fonction  liturgique  que  Nous  célébrerons,  s'il  plaît  à  Dieu, 
en  cette  heureuse  circonstance. 

«  En  attendant,  comme  témoignage  de  Notre  particulière  bien- 
veillance, recevez.  Monsieur  le  Cardinal,  la  Bénédiction  apostolique 
que  Nous  donnons  du  fond  du  cœur  à  vous,  au  clergé  et  à  tout 
Notre  peuple  bien  aimé. 

«  Du  Vatican,  en  la  fête  de  l'Immaculée,  l'année  1903. 

«  Pie  X,  Pape.  » 

458.  —  Par  un  décret  de  la  Sacrée  Congrégation  des  Rites,  en 
date  du  8  janvier  1904,  le  même  Souverain  Pontife  ordonnait  que 
son  Motu  proprio  fût  reçu  avec  respect  et  observé  avec  soumission 


X78  Appendice. 

par  toutes  les  églises,  nonobstant  les  privilèges  et  exemptions  dont 
on  aurait  pu  se  prévaloir. 

459.  —  Le  25  avril  de  la  même  année,  Pie  X  publiait  un  second 
Motu proprio,  celui-ci  en  vue  d'une  édition  vaticane  des  livres  de 
chant  grégorien.  La  rédaction  en  était  confiée  aux  moines  de 
l'abbaye  de  Solesmes  et  la  révision  à  une  Commission  Pontificale 
présidée  par  le  R"^e  \^  Joseph  Pothier  et  dont  faisait  partie  le 
directeur  de  l'Ecole  de  Solesmes,  D.  André  Mocquereau,  ainsi  que 
d'autres  bénédictins. 

460.  —  Un  mois  plus  tard,  le  22  mai,  S.  S.  confirmait  au  R"^^  P. 
abbé  de  Solesmes,  D.  Paul  Delatte,  ce  qu'elle  avait  réglé  dans  son 
dernier  Motu  proprio,  le  remerciait  de  ses  efforts  et  de  son  abnéga- 
tion, et  le  louait,  lui  et  ses  moines,  du  grand  zèle  et  de  l'intelligence 
qu'ils  déployaient  dans  la  poursuite  des  études  liturgiques.  «  Nous 
savons,  disait  le  Pape,  votre  amour  de  l'Eglise  et  du  Saint-Siège, 
votre  zèle  pour  la  beauté  du  culte  divin,  votre  fidélité  aux  saintes 
prescriptions  de  la  vie  monastique.  C'est  la  pratique  de  ces  vertus 
qui  jusqu'à  l'heure  présente  a  valu  le  succès  de  vos  savantes 
recherches  ;  c'est  elle  encore  qui  les  couronnera.  A  vous  les  fils  de 
saint  Benoît  s'applique  bien  la  parole  de  saint  Grégoire  sur  votre 
père  :  Sa  doctrine  ne  pouvait  quêtre  conforme  à  sa  vie  ».  Et  le  Pape 
ajoutait  :  «  Nous  espérons  que  toutes  facilités  et  tous  secours  seront 
accordés  à  vos  études  et  que  les  bibliothèques  se  prêteront  à  vos 
recherches  des  anciens  manuscrits  ». 

461.  —  Mais,  le  24  juin  1905,  une  lettre  de  S.  E.  le  cardinal 
Merry  del  Val  à  Dom  Pothier  venait  modifier  la  marche  que  la 
Rédaction  et  la  Commission  avaient  suivie  jusque-là.  Le  R"^^  Dom 
Pothier  restait  seul  chargé  de  l'édition  vaticane.  Solesmes  n'en 
continua  pas  moins,  pour  son  propre  compte  et  en  prévision  de 
l'avenir,  ses  travaux  grégoriens;  car  ce  ne  fut  jamais  la  pensée  du 
Saint-Siège  que  l'édition  typique,  qu'il  allait  donner  à  l'Eglise, 
serait  le  dernier  mot  de  la  science. 

462.  —  La  première  partie  de  cette  édition,  le  Graduel,  parut  en 
1909.  Le  7  août  1907,  il  avait  été  précédé  d'un  décret  de  la  Sacrée 
Congrégation  des  Rites  qui  disait  :  «  Afin  que  cette  édition  arrive 
à  être  en  usage  dès  maintenant  dans  toutes  les  églises,  il  a  été 
réglé  que  toutes  les  autres  éditions  du  chant  romain,  quelles 
qu'elles  soient,  n'étant,  d'après  les  décrets  antérieurs,  tolérées  que 
pour  un  temps,  elles  ne  jouissent  plus  désormais  d'aucun  droit  qui 
leur  permette  de  remplacer  l'édition  typique  ». 

463.  —  Vint  ensuite  la  publication  de  l'Office  des  Défunts  et,  plus 
tard,  celle  de  V Antiphonaire  diurnal  qui  fut  imposé  par  décret  de  la 
Sacrée  Congrégation  des  Rites,  en  date  du  8  décembre  1912.  Voici 


Législation  ecclésiastique. 


179 


le  passage  essentiel  de  ce  document  :  «  La  Sacrée  Congrégation  des 
Rites  déclare  cette  même  édition  officielle  pour  tous  ceux  qui 
suivent  le  rite  de  l'Eglise  Romaine,  et  décrète  que  désormais  les 
mélodies  grégoriennes  contenues  dans  les  futures  éditions  doivent 
être  conformes  à  cette  édition  type,  sans  qu'on  puisse  déroger  aux 
décrets  de  la  Sacrée  Congrégation  des  Rites  en  date  du  1 1  avril  1911, 
n.  4263,  sur  réditiort  vaticane  et  sa  repi'oduction  dans  les  livres 
liturgiques  grégoriens^  et  du  8  juillet  191 2  relativement  à  r exécution 
des  ino7iosyllabes  ou  des  mots  hébreux  dans  les  leçons^  versets  et 
psaumes. 

L'importance  de  ces  deux  décrets,  que  la  Sacrée  Congrégation 
des  Rites  entend  sauvegarder,  nous  engage  à  les  reproduire  ici 
intégralement  et  dans  le  texte  latin.  Le  premier  est  en  faveur  des 
signes  rythmiques^  et  le  second  approuve  la  suppression  de  mediantes 
rompues  réclamée,  au  nom  de  la  science,  de  la  tradition  et  de  l'art, 
par  l'Ecole  de  Solesfnes. 

C'est  ainsi  que  l'Eglise,  soucieuse  du  légitime  progrès  des  arts, 
sait  toujours  et  partout  le  reconnaître  et  lendre  hommage  à  ses 
auteurs. 


464.  DECRETUM 

seu  declaratio  super  editione  vaticana 
ejusque  reproductione  quoad  libros 
litúrgicos  gregorianos. 

Cum  postulatum  fuerit,  an  Episcopi 
possint  propriam  approbationem  do- 
nare libris  cantus  gregoriani,  melo- 
días Vaticanae  editionis  adamussim 
reproductas  continentibus,  sed  cu?n 
signorum  rythmicorum  indicatione., 
privata  auctoritate  additorum  f 

Sacra  Rituum  Congregatio,  ad  ma- 
jorem  declarationem  Decreti  n.  4259, 
25  Januarii  vertentis  anni,  responden- 
dum  censuit  : 

465.  DECRETUM 

circa  modulandas  monosyllabas  vel 
hebraicas  voces  in  lectionibus.,  versi- 
Cîdis  et  psalmis. 

A  quibusdam  cantus  gregoriani 
magistris  sacrae  Rituum  Congrega- 
tioni  sequens  dubium  pro  opportuna 
solutione  expositum  fuit  ;  nimirum  : 

An  in  cantandis  Lectionibus  et  Ver- 
siculis,  praesertim  vero  in  Psalmorum 
mediantibus  ad  asteriscum,  quando 
vel  dictio  monosyllaba  vel  hebraica 
vox  occurrit,  immutari  possit  clausula, 


Editionibus  in  subsidium  scholarum 
cantorum,  signis  rythmicis,  uti  vocant, 
privata  auctoritate  ornatis,  poterunt 
Ordinarii.,  in  sua  quisque  Diœcesi, 
apponere  Imprijnaiur^  dummodo  con- 
stet,  cetera,  quae  in  Decretis  Sacrae 
Rituum  Congregationis  injuncta  sunt, 
quoad  cantus  gregoriani  restauratio- 
nem,  fuisse  servata. 

Quam  resolutionem  Sanctissimo 
Domino  nostro  Pio  Papa  X,  per 
Sacrorum  Rituum  Congregationis  Se- 
cretarium  relatam,Sanctitas  Suaratam 
habuit  et  probavit. 

Die  II  Aprilis  1911. 

vel  cantilena  proferri  sub  modulations 
consueta  f 

Et  sacra  eadem  Congregatio,  appro- 
bante  sanctissimo  Dorhino  nostro  Pio 
Papa  X,  rescribere  :  Affirmative  ad 
îiirumgue. 

Die  8  julii  1912. 

Fr.  s.  Card.  Martinelu, 
S.  R.  C.  Praefectus. 
L.  t  S. 

f  Petrus  La  Fontaine,  Episc. 
Charystien.,  Secretarius. 


180 


Appendice. 


DÉCRET   DE   LA   S.    C    DES   RITES   SUR 
LES   SYLLABES  HYPERMÈTRIQUES   DANS   LES   HYMNES. 


46Ó. 


DUBIUM. 


De  syllabis  hyperînetricis  quoad  can- 
tu7n. 

A  sacra  Rituum  Congregatione  plu- 
ries  expostulatum  fuit  :  <L  An  regula  de- 
scripta in  Antiphonario  Vaticano  circa 
syllabas  hypermetricas,  quae  fréquen- 
ter occurrunt  in  cantu  hymnorum, 
scilicet  quod  ipsae  non  elidantur,  sed 
distinctae  pronuncientur  propriaque 
nota  cantentur,  stricte  et  rigorose 
interpretanda  sit,  vel  e  contra  liceat 
etiam  ipsas  syllabas  elidere,praesertim 
si  in  praxi  id  facilius  et  convenientius 
censeatur?  > 


Et  sacra  eadem  Congregatio,  audita 
specialis  Commissionis  pro  cantu 
litúrgico  gregoriano  sententia,  propo- 
sitae  quaestioni  re  sedulo  perpensa 
ita  rescribendum  censuit  :  «  Négative 
ad  primam  partem,  affirmatixe  ad 
secundam  >. 

Atque  ita  rescripsit  et  declaravit 
die  14  maii  1915. 


L.  t  S. 


A.  Card.  Vico, 
Pro-Praefectus. 

t  Petrus  La  Fontaine, 
Secretarius. 


REGLEMENT  POUR  LA  MUSIQUE  SACREE  A  ROME. 

A  MM.  les  Qirés,  les  Recteurs  et  Supérieurs  de  toutes  les  églises  et 
des  oratoires,  du  clergé  tant  séculier  que  7'égulier,  aux  Supérieurs 
des  Séminaires,  des  Collèges  et  des  Instituts  ecclésiastiques 
d' éducation,  aux  R*""  Préfets  et  aux  Maîtres  de  chapelle  de 
Rome,  etc. 

467.  —  En  communiquant  au  clergé  et  aux  fidèles  de  Rome  le 
Motuproprio  de  Sa  Sainteté  Pie  X  sur  la  musique  sacrée  (22  novem- 
bre 1903),  nous  observions  que  les  dispositions  contenues  dans  ce 
document  étaient  si  claires  qu'elles  ne  requéraient  pas  de  nouveaux 
éclaircissements,  et  que  du  reste  la  Commission  Romaine  pour  la 
musique  sacrée  était  chargée  d'examiner  et  d'approuver  les 
compositions  musicales  sacrées  et  de  veiller  sur  les  exécutions 
dans  les  églises  de  cette  illustre  cité. 

Aujourd'hui,  afin  d'activer  la  restauration  de  la  musique  sacrée  à 
Rome,  il  Nous  plaît  d'agréer  le  secours  de  l'Association  italienne 
de  Ste  Cécile,  canoniquement  instituée  par  Nous  et  inaugurée  dans 
Notre  ville  le  28  avril  19 10.  De  son  action  on  est  en  droit  d'attendre 
beaucoup  pour  la  mise  en  pratique  de  la  réforme  musicale  sacrée, 
et  Nous  invitons  les  R.  R.  Curés,  les  Supérieurs  et  Recteurs  des 
églises  et  instituts  et  tous  ceux  qui  ont  à  cœur  le  développement 
de  la  liturgie  et  la  beauté  du  culte  sacré  à  se  faire  inscrire  dans 
cette  association  pour  mieux  coopérer  au  but  si  important  que  le 
Saint-Père  s'est  proposé  dans  son  Motu  propj'io. 


Législation  ecclésiastique.  181 

Pour  réaliser  cette  fin,  l'action  positive,  énergique,  éclairée  du 
clergé  tant  séculier  que  régulier  est  absolument  nécessaire;  il  faut 
surtout  que  les  jeunes  clercs  et  religieux  reçoivent,  au  cours  de  leur 
formation  dans  les  Séminaires,  Collèges  ecclésiastiques.  Instituts 
religieux,  une  sérieuse  et  bonne  instruction  dans  le  chant  liturgique 
et  la  musique  sacrée.  Il  est  juste  que  Nous  adressions  un  éloge 
mérité  aux  Instituts  ecclésiastiques  de  Rome,  qui  avec  tant  de  zèle 
secondent  les  désirs  du  Saint-Père;  mais  pour  cela  même  Nous  ne 
devons  cesser  de  les  presser  à  persévérer  dans  la  bonne  voie  avec 
une  ardeur  encore  plus  grande. 

C'est  la  volonté  formelle  de  Sa  Sainteté  que  dans  tous  les 
Instituts  d'éducation  ecclésiastiques  et  même  des  réguliers  on  donne 
une  grande  importance  à  l'étude  du  chant  liturgique  et  de  la 
musique  sacrée,  comme  à  des  matières  du  plus  haut  intérêt  pour  le 
clergé.  C'est  pourquoi  sont  dignes  du  plus  grand  éloge,  les 
Supérieurs  qui  ont  su  introduire  pour  tous  les  clercs  indistinctement 
un  cours  quotidien  de  chant  et  de  musique  sacrée,  si  bref  qu'il  soit. 
Mais,  sous  aucun  prétexte,  on  ne  devra  permettre  que  dans  chaque 
Institut  et  pour  tous  les  élèves  indistinctement,  on  consacre  moins 
de  deux  heures  entières  par  semaine  à  l'étude  sérieuse  et  pratique 
de  la  musique  sacrée,  en  donnant  la  préférence  au  chant  grégorien  ; 
dans  ces  deux  heures  on  ne  doit  pas  comprendre  le  temps  des 
répétitions  nécessaires  pour  les  exécutions. 

Nous  Nous  réjouissons  à  cet  égard  que  la  très  méritante 
Association  Cécilienne  ait  ouvert  ici  à  Rome  une  Ecole  supérieure 
de  chant  grégorien  et  de  musique  sacrée;  Nous  ne  doutons  pas  en 
effet  que  beaucoup,  ecclésiastiques  et  laïcs,  pourront  en  fréquenter 
les  cours,  spécialement  pour  la  partie  grégorienne,  avec  le  grand 
avantage  de  se  former  tous  à  la  même  méthode  dans  la  bonne 
interprétation  des  mélodies  liturgiques. 

Afin  de  donner  une  plus  grande  régularité,  promptitude  et 
précision  à  ce  qui  intéresse  la  musique  et  le  chant  sacré,  le  Saint- 
Père  a  daigné  confier  toute  cette  partie  disciplinaire  pour  la  ville 
de  Rome  au  premier  office  de  Notre  Vicariat,  à  la  Sacrée  Visite 
Apostolique,  qui  aura  ainsi  pleine  autorité  sur  toutes  les  églises  du 
clergé  séculier  et  régulier,  sans  excepter  les  Basiliques  Patriarcales, 
les  chapelles  et  les  oratoires  des  communautés  religieuses,  même 
de  femmes,  des  Séminaires,  Instituts,  Sociétés,  Congrégations, 
Associations,  Confraternités,  exempts  de  quelque  façon  que  ce  soit 
et  même  spécialement. 

Nous  avons  la  confiance  que  les  RR.  Curés,  les  Recteurs  et 
Supérieurs  des  églises  et  des  Instituts,  les  Préfets  de  la  musique 
dans  les  Chapitres,  les  directeurs  des  chapelles  et  des  chœurs, 
pénétrés  de  l'esprit  des  sages  prescriptions  du  Saint-Père,  mettront 
tout   leur  zèle    pour  en    assurer  le   parfait   accomplissement,   en 


182  Appendice. 

procurant  par  les  meilleurs  moyens  la  restauration  de  l'art  vraiment 
digne  de  la  divine  liturgie. 

Pour  aider  une  œuvre  si  importante,  il  Nous  a  paru  opportun  de 
donner  quelques  règles  pratiques  auxquelles,  par  ordre  du  Saint-Père, 
devront  se  conformer  ceux  qui,  à  un  titre  quelconque,  s'occupent 
des  exécutions  musicales  dans  les  églises  et  chapelles  de  Rome. 

468.  —  Règles  pour  les  Maîtres,  Organistes  et  Chantres. 

1.  —  C'est  la  vraie  et  authentique  tradition  ecclésiastique  du 
chant  et  de  la  musique  sacrée  que  l'assemblée  entière  des  fidèles 
s'associe,  au  moyen  du  chant,  aux  offices  liturgiques,  en  suivant 
les  parties  du  texte  qui  sont  confiées  au  chœur,  et  qu'une  Schola 
cantorum  spéciale  alterne  avec  le  peuple,  exécutant  les  autres 
parties  du  texte  des  mélodies  plus  riches  et  qui  leur  sont  réservées 
spécialement. 

Pour  ce  motif,  le  Saint-Père  Pie  X,  dans  son  Motu  proprio  du 
22  novembre  1903,  au  paragraphe  3,  fait  cette  prescription  :  «  Que 
l'on  s'efforce  de  rétablir  l'usage  du  chant  grégorien  parmi  le 
peuple,  afin  que  de  nouveau  les  fidèles  prennent,  comme  autrefois, 
une  part  plus  active  dans  la  célébration  des  offices.  »  Et  au  para- 
graphe 27  :  «  Qu'on  ait  soin  de  rétablir,  au  moins  dans  les  églises 
principales,  les  anciennes  Scholae  cantorum  comme  cela  s'est 
réalisé  déjà,  avec  les  meilleurs  fruits,  dans  un  bon  nombre 
d'endroits.  Il  n'est  pas  difficile  au  clergé  zélé  d'établir  ces  Scholae 
jusque  dans  les  moindres  églises  et  dans  celles  de  la  campagne; 
il  y  trouve  même  un  moyen  très  aisé  de  grouper  autour  de  lui  les 
enfants  et  les  adultes,  pour  leur  propre  profit  et  l'édification  du 
peuple.  » 

2.  —  Les  Maîtrises,  composées  d'un  groupe  de  chanteurs 
choisis,  sous  la  direction  d'un  maestro,  destinées  à  remplacer  le 
peuple  et  les  Scholae  cantorum,  sont  d'institution  plus  récente, 
mais  cependant  parfaitement  légitime.  ,, 

3.  —  Comme  non  seulement  l'exécution  du  chant  grégorien, 
mais  aussi  celle  de  certaines  compositions  anciennes  et  modernes 
sont  confiées  aux  Maîtrises,  comme  dans  le  choix  de  ces  pièces 
et  la  façon  de  les  interpréter  il  y  a  danger  plus  encore  de  manquer 
aux  prescriptions  ecclésiastiques,  il  est  nécessaire  de  s'assurer  que 
tous  les  membres  de  la  Maîtrise  donnent  pleine  garantie  de  leurs 
capacités  techniques  et  de  leur  volonté  d'observer,  en  ce  qui  les 
concerne,  toutes  et  chacune  des  susdites  prescriptions  ecclésias- 
tiques et  de  travailler  à  l'application  du  Motu  proprio  pontifical. 

C'est  pourquoi  personne,  même  offrant  les  conditions  requises  et 
pour  cela  approuvé,  ne  sera  admis  à  faire  partie  d'une  Maîtrise  à 
Rome,  qu'il  n'ait  auparavant  signé  et  remis  à  la  S.  Visite  Apos- 


Législation  ecclésiastique.  183 

tolique  une  déclaration  par  laquelle  il  s'oblige  à  accepter  et  à 
observer  scrupuleusement  toutes  les  règles  de  la  liturgie  et  du 
cérémonial,  —  les  décisions  et  prescriptions  de  l'autorité  ecclé- 
siastique sur  la  musique  sacrée  et  le  chant  grégorien,  et  d'une 
façon  spéciale  le  Motu  proprio  de  S.  S.  le  Pape  Pie  X,  —  le 
présent  règlement  et  les  avis  éventuels  de  la  Commission  romaine 
de  musique  sacrée.  Il  va  sans  dire  que  l'autorité  ecclésiastique  de 
plein  droit,  en  cas  de  transgression,  pourra  retirer  à  quiconque 
l'autorisation  accordée  pour  l'exercice  de  son  art  dans  les 
églises. 

4.  —  Aucune  Maîtrise  ou  Schola  cantorum  ne  pourra  se  cons- 
tituer à  Rome  sans  la  permission  préalable  de  la  S.  Visite  Apos- 
tolique et  sans  avoir  à  sa  tête  un  maître  ou  directeur  approuvé  et 
un  organiste  également  approuvé.  Le  maître  ou  directeur  de  Cha- 
pelle ou  Schola,  avant  tout  autre,  est  responsable  devant  l'autorité 
de  toutes  les  infractions  aux  règlements  ecclésiastiques  qui  seraient 
commises  par  sa  Chapelle  ou  Schola. 

5.  —  On  n'entend  pas  défendre  l'établissement  temporaire  d'une 
Maîtrise  pour  un  service  particulier  plus  solennel  en  telle  ou  telle 
église  ;  mais  cela  ne  peut  se  faire  qu'avec  le  conseil  et  sous  la 
direction  et  responsabilité  d'un  des  maîtres  approuvés.  La  même 
règle  regarde  les  services  que  les  chanteurs  de  Rome  seraient 
appelés  à  rendre  dans  le  Latium  ou  les  autres  diocèses  d'Italie*. 

6.  —  Personne  ne  pourra  exercer  dans  une  église  ou  oratoire 
quelconque  de  la  ville  ou  du  diocèse  de  Rome,  pour  une  cérémonie 
sacrée  quelle  qu'elle  soit,  la  fonction  de  maître-directeur,  d'orga- 
niste ou  de  chantre,  sans  en  avoir  reçu  la  faculté  de  l'autorité 
ecclésiastique  compétente,  après  avis  de  la  Commission  romaine 
pour  la  musique  sacrée. 

Afin  d'obtenir  une  telle  autorisation,  les  qualités  et  les  conditions 
suivantes  sont  nécessaires  : 

a)  La  capacité  artistique  pour  la  musique  sacrée,  suivant  les 
diverses  fonctions,  justifiée  par  des  diplômes  réguliers,  et,  dans  des 
cas  spéciaux,  par  des  titres  équivalents. 

b)  La  moralité,  l'honnêteté  de  vie  et  les  sentiments  religieux 
qui  conviennent  à  celui  qui  doit  exercer  son  art  dans  le  temple  et 
pour  la  liturgie  sacrée,  conformément  au  Motu  proprio  prescrivant 
de  n'admettre  «  à  faire  partie  de  la  Maîtrise  que  des  hommes 
d'une  piété  et  d'une  probité  de  vie  reconnues,  qui,  par  leur  main- 
tien modeste  et  pieux  durant  les  fonctions  liturgiques,  se  mon- 
trent dignes  de  l'office  qu'ils  remplissent.  »  Il  est  donc  défendu 
aux  maîtres-directeurs,  aux  organistes  et  aux  chantres  de  faire 
partie  des  associations  hostiles  à  l'Eglise  catholique,  et  de  remplir 


184  Appendice. 

une  fonction  dans  les  églises  ou  chapelles  hétérodoxes,  par  des 
exécutions  musicales  qui  en  quelque  façon  peuvent  ou  jeter  le 
discrédit  sur  la  religion  et  la  morale  ou  môme  seulement  sont 
incompatibles  avec  la  charge  de  chantre  d'église. 

c)  La  complète  soumission  demandée  au  n^  3  dont  la  déclaration 
est  remise. 

7.  —  La  Commission  romaine  de  musique  sacrée  appréciera  les 
divers  titres  des  candidats  à  l'office  de  maître-directeur,  d'organiste 
ou  de  chantre,  et  quand  elle  le  jugera  opportun,  pourra  exiger  de 
chacun  un  examen  qui  démontrera  leurs  capacités  artistiques.  Si 
les  candidats  ne  sont  pas  encore  suffisamment  familiarisés  avec  le 
chant  grégorien,  ils  ne  pourront  entrer  en  fonction,  si  ce  n'est  provi- 
soirement, jusqu'à  ce  qu'ils  obtiennent  le  certificat  nécessaire 
d'aptitude. 

8.  —  La  S.  Visite  Apostolique  établira  un  registre  pour  y  inscrire 
les  noms  des  maîtres-directeurs,  organistes  et  chanteurs  reconnus 
idoines  et  habiles  à  exercer  leur  art  dans  les  églises  de  Rome. 

9.  —  Les  églises  ou  chapelles  qui  voudraient  ouvrir  des  concours 
spéciaux  pour  les  fonctions  de  maître-directeur,  d'organiste  ou  de 
chantre,  devront  agir  de  concert  avec  la  S.  Visite  Apostolique  et 
la  Commission  romaine  de  musique  sacrée,  suivant  les  prescriptions 
du  présent  Règlement,  auquel,  par  la  volonté  expresse  de  S.  Sain- 
teté, seront  soumises  les  basiliques  patriarcales,  églises,  chapelles 
ou  autres  sociétés  jouissant  même  d'une  exemption  particulière. 

10.  —  Pourront  être  nommés  chapelains-chantres  de  chœur 
seulement  ceux  qui  ont  pleine  connaissance  du  chant  grégorien, 
constatée  par  notre  Commission. 

11.  —  Dans  les  Communautés  religieuses  et  dans  les  Instituts, 
le  chant  et  la  musique  pour  les  fonctions  sacrées  pourront  être 
réglés  par  les  sujets  compétents  de  l'Institut,  s'il  y  en  a,  mais  tou- 
jours conformément  aux  règlements  donnés  et  d'accord  avec  la 
S.  Visite  Apostolique  et  la  Commission  romaine. 

12.  —  Les  femmes  ne  peuvent  chanter  dans  les  fonctions  litur- 
giques, si  ce  n'est  en  tant  qu'elles  font  partie  du  peuple  ou  le 
représentent  ;  il  leur  est  donc  défendu  de  chanter  des  tribunes  ou 
des  cantories,^  soit  seules,  soit  surtout  comme  partie  de  la  Maîtrise. 
Cependant,  les  religieuses  vivant  en  communauté,  et,  avec  elles, 
leurs  élèves,  pourront  dans  leurs  propres  églises  ou  oratoires 
chanter  durant  les  fonctions  sacrées,  conformément  aux  décrets 


'  Les  cantories  sont  de  petites  tribunes  où  se  placent  ordinairement  les 
chantres;  elles  sont  munies  de  grilles  serrées  qui  défendent  aux  regards  du 
peuple  la  vue  des  chantres. 


Législation  ecclésiastique.  185 

de  la  S.  Congrégation  des  Evêques  et  Réguliers.  Toutefois,  nous 
leur  défendons  absolument  le  chant  en  solo,  et  Nous  désirons  que 
dans  les  messes  et  au  chant  des  vêpres  on  donne  la  préférence 
aux  mélodies  grégoriennes,  exécutées  si  possible  par  toute  la 
communauté. 

469.  —  Règles  pour  les  Supérieurs  des  Eglises. 

13.  —  Les  RR.  Curés,  les  Supérieurs  des  églises  et  chapelles, 
comme  aussi  les  Préfets  de  la  musique  dans  les  chapitres,  doivent 
parfaitement  connaître  les  prescriptions  ecclésiastiques  relatives  à 
la  musique  sacrée,  et  les  faire  connaître  aux  maîtres-directeurs, 
aux  organistes  et  aux  chantres,  en  imposant  et  en  exigeant 
l'observation.  Ils  seront  considérés  comme  directement  respon- 
sables, solidairement  avec  le  maître-directeur,  des  transgressions 
qu'à  cet  égard  l'on  aurait  à  déplorer  dans  leurs  églises. 

14.  —  Ils  ne  pourront  confier  la  musique  qu'aux  maîtres 
approuvés  par  l'Autorité  ecclésiastique  compétente  et  inscrits  sur 
le  registre  de  la  S.  Visite  Apostolique  ;  ils  ne  devront  permettre  et 
tolérer  l'exécution  de  compositions  non  approuvées. 

15.  —  Ils  veilleront  à  ce  que  les  compositions  choisies  soient 
convenablement  interprétées  par  un  nombre  suffisant  de  chantres, 
capables  d'une  exécution  digne  de  la  liturgie  et  de  l'art,  et  c'est 
pourquoi  les  chantres  devront  ,se  réunir  périodiquement  pour  les 
répétitions  jugées  nécessaires.  Mais  pour  cela,  il  est  nécessaire  que 
les  maîtres  et  exécutants  soient  équitablement  rétribués.  Par  con- 
séquent, dans  le  budget  annuel  de  chaque  église,  on  devra  fixer  la 
somme  destinée  à  cette  fin,  et  pour  ce  motif  aussi  on  devra  dimi- 
nuer les  dépenses  des  pompes  ou  solennités  fastueuses. 

16.  —  Dans  les  instructions  paroissiales  ou  autres  occasions 
propices,  par  eux-mêmes  ou  par  le  secours  d'orateurs  sacrés,  ils 
devront  expliquer  les  intentions  élevées  du  Saint-Père,  en  insistant 
sur  la  réforme  de  la  musique  sacrée,  invitant  les  fidèles  à  les 
seconder  spécialement  en  prenant  une  part  active  aux  fonctions 
saintes  par  le  chant  des  parties  communes  de  la  Messe  solennelle 
{Kyrie,  Gloria,  etc.),  par  le  chant  de  la  psahnodie,  des  hymnes 
plus  connues  et  des  cantiques  en  langue  vulgaire. 

17.  —  Dans  ce  but,  que  les  RR.  Curés,  Recteurs  et  Supérieurs, 
spécialement  des  églises  principales,  mettent  tout  leur  zèle,  en  se 
servant  de  l'aide  d'une  personne  compétente  et  capable,  à  fonder 
leur  Schola  cantoruni  particulière.  Que  les  Congrégations,  les 
Confraternités  et  les  Sociétés  catholiques  de  Rome,  les  écoles 
populaires  et  les  patronages,  etc.,  s'emploient  à  promouvoir 
efficacement  l'instruction  de  leurs  membres  dans  le  chant  sacré 


186  Appendice. 

populaire;  enfin  que  la  Direction  diocésaine  et  chacune  des 
Directions  paroissiales  agissent  dans  le  même  sens,  faisant  en 
sorte  que  cette  noble  entreprise  soit  accueillie  par  les  diverses 
associations  et  établie  dans  leurs  statuts.  En  même  temps,  que 
les  Congrégations  et  les  Instituts  d'éducation  de  femmes  l'acceptent 
comme  leur  œuvre  propre,  afin  que  les  filles  et  les  garçons, 
prenant  part  aux  fonctions  sacrées,  chantent  eux  aussi  la  partie 
qui  regarde  le  peuple,  servant  d'exemple  et  d'encouragement  au 
reste  des  fidèles. 

i8.  Pour  éviter  les  excès  et  abus  de  quelque  genre  que  ce  soit 
dans  les  mélodies  et  dans  les  chants  populaires,  tous  devront 
agir,  et  toujours,  conformément  aux  directions  et  sous  la  surveil- 
lance de  notre  Commission  romaine  de  musique  sacrée,  aidée  par 
l'appui  de  l'Association  italienne  de  Sainte-Cécile. 

470.  —  Dispositions  particulièf'es. 

19.  —  Toute  ScJiola  cantoruin  ou  Maîtrise  aura  sa  bibliothèque 
musicale  particulière  pour  les  exécutions  ordinaires  de  l'église,  et 
possédera  avant  tout  un  nombre  suffisant  des  livres  grégoriens  de 
l'édition  vaticane.  Pour  plus  grande  uniformité  dans  l'exécution 
du  chant  grégorien  dans  les  diverses  églises  de  Rome,  on  pourra 
les  adopter  avec  l'adjonction  des  signes  rythmiques  de  Solesmes. 

Les  compositions  musicales  destinées  aux  fonctions  d'église,  si 
elles  n'appartiennent  pas  à  l'antique  polyphonie  classique,  devront 
avoir  l'approbation  de  Notre  Commission  romaine  de  musique 
sacrée;  en  général  on  peut  considérer  comme  approuvées  ces 
messes  publiées  et  approuvées  déjà  par  l'Association  Sainte-Cécile 
d'Italie  et  d'Allemagne. 

L'approbation  sera  refusée  à  toutes  les  compositions  de  style 
défendu,  quand  bien  même  elles  seraient  présentées  avec  des 
coupures  et  des  modifications.  Le  Motii  proprio  déclare  en  effet 
que  la  «  structure  intime,  le  rythme,  et  ce  qu'on  appelle  le  conven- 
tiofialisine  de  ce  style  ne  se  plient  que  malaisément  aux  exigences 
de  la  vraie  musique  sacrée.  » 

20.  —  Rappelons  qu'il  n'est  pas  permis  d'omettre  le  chant  de 
quelqu'une  des  parties  prescrites,  propres  ou  communes,  de  la 
messe,  de  l'office  ou  d'autres  fonctions.  Quand  le  rite  l'exige  on 
devra  donc  répéter  intégralement  toutes  les  antiennes  des  psaumes 
et  des  cantiques.  Quand  parfois  il  est  permis  qu'une  partie*' du 
texte  liturgique  soit  suppléée  par  l'orgue,  ce  texte  devra  être  récité 
à  voix  bien  intelligible,  au  chœur,  ou  par  les  chantres  eux-mêmes 
recto  tono.  En  outre,  on  doit  faire  disparaître  l'usage  de  ce  qu'ori 
appelle  les  contrepoints  exécutés  par  cœur;  dans  le  chant  et  dans 
la  répétition  des  antiennes,  dans  les  répons  et  traits,  etc.  Quand  ces 


Législation  ecclésiastique.  187 

parties  ne  s'exécutent  pas  en  grégorien,  elles  devront  être  chantées 
d'une  façon  qui  leur  soit  propre  et  qui  demeure  convenable. 

21.  —  La  voix  seule  ne  doit  pas  entièrement  dominer  dans  une 
composition  musicale  sacrée,  mais  avoir  seulement  le  caractère  de 
simple  passage  ou  trait  mélodique  strictement  lié  au  reste  de  la 
composition. 

22.  —  Au  sujet  des  vêpres,  Nous  rappelons  que,  conformément 
aux  prescriptions  du  Cérémonial  des  EvêqueSy  cet  office  doit  être 
exécuté  en  grégorien,  suivant  la  vraie  et  pure  tradition  de  l'Eglise, 
par  le  chant  psalmodique  et  antiphonique.  Le  caractère  propre  de 
cette  prière  liturgique  n'est  pas  cependant  dénaturé  quand  les 
psaumes,  les  hymnes  et  les  cantiques  se  chantent  en  grégorien 
alterné,  comme  le  dit  le  Motu  pjvprio,  avec  ce  qu'on  appelle  les 
faux-bourdons  ou  avec  des  versets  du  même  genre  composés 
convenablement' Nous  recommandons  donc  vivement  qu'on  géné- 
ralise l'usage  de  chanter  ainsi  les  vêpres,  en  faisant  prendre  ainsi 
une  part  active  au  clergé  et  au  peuple  en  plus  de  la  Maîtrise  ou 
de  la  Schola.  Bien  que  par  concession,  on  puisse  exécuter  les 
psaumes  entièrement  composés  en  musique,  pourvu  que  cette 
composition  conserve  le  caractère  de  la  psalmodie,  nous  avertissons 
qu'on  devra  user  de  cette  concession  avec  une  grande  réserve  et 
seulement  quelquefois  et  non  pour  tous  les  psaumes  des  vêpres 
(la  même  règle  s'applique  aux  complies  solennelles),  afin  de  ne 
pas  transformer  la  fonction  liturgique  en  un  divertissement 
musical,  auquel  le  clergé  et  le  peuple  se  contentent  d'assister  sans 
y  prendre  une  part  active.  Par  conséquent  les  Révérendissimes 
chanoines  et  les  religieux  astreints  au  chœur  devront  mettre  tout 
leur  soin  et  leur  diligence  pour  bien  psalmodier  et  bien  exécuter 
les  mélodies  liturgiques,  soit  qu'ils  chantent  seuls,  soit  qu'ils 
alternent  avec  les  chantres,  nonobstant  toute  coutume  contraire, 
gardant  pour  certain  le  principe  général  du  Âiotu  proprio^  qu'un 
office  religieux  ne  perd  rien  de  sa  solennité  quand  il  n'est  accom- 
[)agné  d'aucune  autre  musique  que  du  chant  grégorien. 

23.  —  Les  organistes,  dans  l'accompagnement,  devront  avoir 
très  grand  soin  de  ne  pas  écraser  les  voix  par  une  régistration 
habituellement  trop  forte,  spécialement  par  l'abus  des  anches; 
cette  discrétion  s'observera  surtout  dans  l'accompagnement  du 
chant  grégorien.  Ils  devront  faire  usage,  même  dans  les  intermèdes, 
de  morceaux  écrits  et  approuvés. 

24.  —  Sans  une  autorisation  spéciale,  qu'on  demandera  chaque 
fois  à  la  S.  Visite  Apostolique,  il  n'est  pas  permis  de  jouer  d'autre 
instrument  à  l'église  en  dehors  de  l'orgue  et  de  l'harmonium,  et 
nous  prévenons  qu'il  n'est  pas  dans  notre  intention  d'accorder  une 
telle  permission,  si  ce  n'est  en  quelque  cas  particulier  et  tout  à  fait 


188  Appendice. 

exceptionnel.  Cette  autorisation  sera  donc  demandée  à  chaque 
fois  pour  permettre  aux  sociétés  musicales  de  jouer  dans  les  pro- 
cessions en  dehors  de  l'église,  à  condition  toutefois  que  dans  ces 
circonstances  le  concert  musical  se  borne  à  exécuter  des  morceaux 
religieux  expressément  composés  à  cette  fin,  ou  mieux  encore 
pour  accompagner  quelque  cantique  exécuté  en  latin  ou  en  langue 
vulgaire  par  les  chanteurs  ou  les  fidèles. 

25.  —  On  montrera  un  soin  spécial  pour  le  choix  de  la  musique 
dans  les  fonctions  cardinalices  ou  episcopales  suivant  l'importance 
de  la  solennité  prescrite.  (Décret  de  la  S.  C.  de  la  Cérémoniale, 
30  mars  191 1).  Ce  même  décret  rappelle  la  règle  qui  exige  que  les 
messes  célébrées  par  un  Révérendissime  Cardinal  soient  accom- 
pagnées du  chant  grégorien  ou  de  la  musique  à  voix  seules. 
Pendant  ces  messes  pontificales  on  n'entend  pas  exclure  le  jeu  de 
l'orgue  pour  l'accompagnement  du  grégorien  ou  dans  les  inter- 
mèdes, conformément  à  la  rubrique. 

26.  —  Dans  les  fériés  et  dans  les  dimanches  de  l'Avent  et  du 
Carême,  sauf  les  dimanches  Gaudete  et  Laetare,  le  jeu  d'un 
instrument  quelconque  est  défendu,  même  comme  simple  accom- 
pagnement des  voix.  Toutefois  on  pourra  tolérer  l'accompagnement 
discret  de  l'orgue  ou  de  l'harmonium  uniquement  pour  soutenir 
les  voix,  seulement  quand  on  exécute  le  chant  grégorien  et  dans 
le  cas  de  vraie  nécessité  reconnu  par  Nous.  Le  jeu  d'un  instrument 
quelconque,  même  comme  simple  accompagnement  des  voix, 
reste  absolument  défendu  dans  les  offices  liturgiques  des  trois 
derniers  jours  de  la  Semaine  Sainte. 

27.  —  Dans  les  messes  chantées  de  Requiem^  on  pourra  tolérer 
l'usage  de  l'orgue  ou  de  l'harmonium,  mais  seulement  pour  accom- 
pagner les  voix.  Aux  messes  privées  de  Requiem  le  jeu  d'un 
instrument  quelconque  n'est  pas  permis. 

28.  —  Pendant  les  messes  basses  célébrées  avec  solennité  on 
pourra  chanter  des  motets  ou  jouer  de  l'orgue  conformément  à  la 
rubrique.  Toutefois,  on  s'arrangera  de  façon  à  ce  que  les  chants  et 
les  morceaux  d'orgue  se  fassent  entendre  en  dehors  du  temps  où 
le  prêtre  récite  les  Oraisons  à  haute  voix,  c'est-à-dire  :  pendant  le 
temps  de  la  préparation  et  de  l'action  de  grâces,  de  \ Offertoire  à  la 
Préface,  du  Sanctus  au  Pater,  de  \  A  gnus  Dei  à  la  Postcommunion, 
en  faisant  cesser  opportunément  le  chant  et  le  jeu  de  l'orgue 
pendant  la  récitation  du  Confíteor  et  de  VEcce  Agnus  Dei,  si  on 
donne  la  communion. 

29.  —  Pendant  les  messes  privées  et  dans  les  offices  qui  ne  sont 
pas  strictement  liturgiques  (ex.  :  triduum,  neuvaine,  etc.),  à  l'expo- 


Législation  ecclésiastique.  189 


sition  du  T.  S.  Sacrement  sont  permis  les  chants  même  en  langue 
vulgaire,  pourvu  que  le  texte  littéraire  et  musical  ait  été 
approuvé  par  l'Autorité  ecclésiastique  compétente.  En  exposant 
le  T.  S.  Sacrement,  on  ne  devra  chanter  que  des  invocations  ou 
motets  eucharistiques;  le  chant  du  Tantum  ergo  et  du  Genitori, 
avant  la  bénédiction  du  T.  S.  Sacrement,  devra  être  suivi  immé- 
diatement de  \Oreinus  et  de  la  bénédiction;  il  n'est  pas  permis 
pendant  ces  cérémonies  successives  de  chanter  autre  chose  en 
latin  ou  en  langue  vulgaire. 

30.  —  Nous  faisons  rem.arquer  que  c'est  une  erreur  d'admettre, 
comme  quelques-uns  l'ont  imaginé,  des  offices  non  strictement 
liturgiques  ou  extraliturgiques  pendant  lesquels  on  puisse  exécuter 
des  compositions  musicales  de  style  libre  et  déjà  condamnées  ou 
inadmissibles  pour  les  offices  liturgiques.  Il  convient,  au  contraire, 
d'exiger  le  style  digne  et  sérieux  pour  toute  musique  qu'on 
exécute  dans  le  lieu  saint,  dans  une  fonction  sacrée  quelconque; 
pour  celle  de  la  liturgie  solennelle  d'autres  règles  particulières 
sont  prescrites. 

31.  —  Dans  les  six  mois  qui  suivront  la  publication  du  présent 
Règlement,  toutes  les  cantories  devront  être  pourvues  de  jalousies 
ou  de  grilles,  qui  puissent  cacher  aux  fidèles  la  vue  des  chantres, 
en  même  temps  on  supprimera  les  rehaussements  intérieurs  qui 
rendent  inutiles  l'apposition  des  grilles. 

32.  —  Les  plans  de  restauration  et  d'acquisition  de  nouvelles 
orgues,  tant  pour  le  côté  technique  que  pour  le  point  de  vue  artis- 
tique, comme  aussi  pour  la  place  ou  la  construction  des  cantories^ 
devront  être  soumis  à  la  Commission  romaine  de  musique  sacrée  ; 
il  est  en  effet  inutile  de  remarquer  qu'un  bon  instrument  est  un 
facteur  principal  pour  obtenir  de  bonnes  exécutions  de  la  musique 
sacrée. 

De  notre  Résidence,  le  2  février  191 2. 

PlETRO,  Card.  Vicario. 


471.  —  Par  son  inspiration  et  son  importance,  la  Lettre  pasto- 
rale de  S.  Em.  le  cardinal  Dubois  archevêque  de  Paris  sur  «  Le 
plain-chant  gi'égorien  et  la  prononciation  romaine  du  latin  »  s'élève 
à  la  hauteur  des  documents  romains.  Elle  sera  d'autant  plus  à  sa 
place  ici,  qu'au  témoignage  de  la  Semaine  Religieuse  de  Paris 
(numéro  du  15  avril  1922,  p.  545)  :  «  elle  fera  époque  dans 
l'histoire  de  la  restauration  grégorienne  ». 


190  Appendice. 

LE   PLAIN-CHANT   GRÉGORIEN 
ET   LA    PRONONCIATION    ROMAINE    DU    LATIN. 

LETTRE   PASTORALE 

DE    S.    Ém.    LE   CARD.    DUBOIS,   ARCHEVÊQUE   DE   PARIS 

ET   ORDONNANCE 

portant  promulgation  des  livres  de  chant  liturgique  de  l'édition  vaticane. 

Nos  très  chers  Frères, 

Le  moment  nous  paraît  venu  d'introduire  officiellement  dans  le 
diocèse  de  Paris  la  réforme  du  plain-chant  grégorien  préparée  et 
promulguée  par  Pie  X. 

L'acte  pontifical  qui  la  rendait  obligatoire  pour  toute  l'Eglise 
laissait  aux  évêques  une  certaine  latitude  motivée  soit  par  les 
délais  nécessaires  pour  l'impression  des  nouveaux  livres,  soit  par 
des  circonstances  locales  dont  ils  restaient  juges. 

Notre  vénéré  prédécesseur,  le  cardinal  Amette,  n'avait  pas  perdu 
de  vue  cette  réforme  ;  il  se  préparait  à  la  réaliser  quand  la  guerre 
éclata.  Il  lui  fallut  la  remettre  à  des  temps  meilleurs  ;  mais  sa  mort 
inopinée  ne  lui  laissa  pas  le  loisir  d'exécuter  son  dessein.  A  nous 
de  le  reprendre.  Un  an  déjà  s'est  écoulé  depuis  notre  élévation  au 
siège  de  Paris  :  nous  ne  croyons  pas  pouvoir  tarder  davantage  à 
entrer  dans  la  voie  d'une  réforme  voulue  par  le  Pape. 

Quelques  notes  rapides  sur  le  plain-chant  grégorien  éclaireront 
l'opportunité  et  le  sens  de  cette  mesure  où  le  goût  de  la  beauté 
musicale  s'allie  si  bien  avec  le  souci  de  la  dignité  du  culte  et  la 
recherche  de  l'unité  liturgique. 

I. 

Le  culte  extérieur  est  un  des  éléments  essentiels  de  la  religion. 
Il  s'impose  à  l'homme  —  individu  et  société  —  comme  un  devoir 
envei-s  Dieu,  créateur,  bienfaiteur  et  principe  de  toute  autorité  et 
de  toute  puissance. 

L'Eglise  en  a  minutieusement  réglé  l'ordonnance,  voulant  en 
faire  tout  ensemble  un  digne  hommage  à  Dieu,  un  aliment  et  un 
appui  pour  la  foi  et  la  piété  des  fidèles. 

Le  chant  sacré  y  a  sa  place  —  une  place  d'honneur.  —  Il 
rehausse  la  beauté  des  cérémonies,  il  touche  et  élève  les  âmes,  il 
donne  au  sentiment  religieux  sa  plus  pénétrante  expression.  11  est 
comme  l'explosion  naturelle  et  sainte  des  dispositions  intimes  du 
fidèle  qui  adore,  loue  et  prie  en  commun  avec  ses  frères. 


Législation  ecclésiastique.  191 

Ce  chant  s'appelle  grégorien.  Mais  il  est  bien  antérieur  au  pape 
saint  Grégoire  qui  lui  a  donné  son  nom. 

Ses  origines  plongent  au-delà  de  l'ère  chrétienne,  dans  les 
cérémonies  rituelles  de  l'Ancien  Testament.  Quelques-unes  des 
mélodies  qui  le  composent  nous  apportent  comme  un  écho  des 
chants  de  la  Synagogue.  Les  premiers  chrétiens,  issus  du  judaïsme, 
en  avaient  conservé  le  souvenir  et,  partiellement  du  moins,  la 
pratique.  «  Les  psaumes,  les  hymnes  et  les  cantiques  spirituels  »  * 
que  saint  Paul,  recommande  aux  fidèles  d'Éphèse,  de  Colosses  et  de 
Corinthe,  sont  à  n'en  pas  douter,  ceux-là  mêmes  qu'ils  chantaient 
avant  leur  conversion.  Ils  possédaient  de  mémoire,  sinon  par  écrit, 
un  recueil  de  chants  liturgiques  qui  leur  était  commun  avec  leurs 
frères  des  Synagogues. 

La  diffusion  de  l'Evangile  contribua  à  enrichir,  sans  trop  le 
déformer  d'abord,  ce  répertoire  mélodique.  Les  réunions  exclusive- 
ment composées  de  fidèles  orientaient  les  âmes  dans  un  sens 
nouveau  :  la  croyance  au  Christ-Dieu,  Sauveur  et  Rédempteur,  la 
pratique  des  mystères  sacrés,  les  sentiments  que  suscitait  chez  ses 
adeptes  le  culte  chrétien  renouvelèrent,  en  la  stimulant,  l'inspiration 
religieuse. 

Ce  qu'était  à  cette  époque  lointaine  le  chant  en  usage  dans 
l'Eglise,  nous  le  savons  par  des  témoignages  assez  nombreux  et 
suffisamment  précis  des  auteurs  contemporains. 

La  psalmodie  y  eut  longtemps  la  part  la  plus  large.  Familiarisés 
avec  le  psautier  et  certains  passages  lyriques  de  l'Ancien  et  du 
Nouveau  Testament,  les  fidèles  chantaient  eux-mêmes,  tantôt 
reprenant  en  chœur  un  répons  ou  un  verset,  tantôt  exécutant  le 
psaume  tout  entier  en  deux  chœurs.  Chants  d'une  simplicité 
pénétrante  qui  touchaient  si  profondément  saint  Augustin  et  lui 
arrachaient  des  larmes  :  «  Et  awrebant  lacrimae  et  bene  inihi  erat 
cum  mis  2.  Et  mes  larmes  coulaient  et  j'en  éprouvais  une  douce 
jouissance  ». 

Aux  psaumes  et  aux  cantiques  s'ajoutèrent  peu  à  peu  des 
hymnes,  surtout  à  l'époque  de  saint  Ambroise  ;  puis  à  partir  du 
I V^  siècle,  des  mélodies  ornées,  où  s  exerce  un  art  plus  raffiné, 
mais  toujours  respectueux  du  sentiment  religieux.  Parfois  même 
la  mélodie  reste  seule,  exprimant  sans  parole  les  divers  sentiments 
de  l'âme  :  c'est  la  vocalise  pure,  «  la  jubilation  ».  «  Celui  qui  jubile, 
dit  saint  Augustin,  ne  prononce  pas  de  mots,  mais  c'est  un  chant 
de  joie  sans  paroles.  C'est  la  voix  du  cœur  se  fondant  dans  la  joie 
et  cherchant  le  plus  possible  à  exprimer  des  sentiments  quand 
même  il  n'en  comprend  pas  la  signification.  »  3 

'  Eph.  v.  19;  Col.  III,  16;  /.  Co7'.  XIV,  26. 

=•  Conf.,  lib.  IX,  c.  XIV. 

3  E narrai,  in  Psahn.  XCIX. 


192  Appendice. 

Ainsi,  du  IV^  au  VI I^  siècle,  le  chant  s'accrut  d'éléments 
nouveaux  et  assez  mêlés  pour  que  saint  Grégoire  ait  résolu  de  le 
réformer  en  l'organisant. 

Ce  grand  Pape  fut  en  effet  —  et  surtout  —  un  réformateur.  Le 
répertoire  romain  des  chants  liturgiques  était  constitué  à  son 
avènement;  mais  déjà  l'usage  y  avait  introduit  des  abus.  Il  les 
combattit  efficacement  avec  une  renommée  qui,  aujourd'hui  encore, 
auréole  son  nom  et  son  œuvre. 

L'œuvre  grégorienne  fut  à  la  fois  pratique  et  administrative.  Le 
biographe  de  saint  Grégoire  —  le  diacre  Jean  —  la  résume  ainsi  : 
«  Dans  la  maison  du  Seigneur,  comme  un  autre  savant  Salomón 
et  à  cause  de  la  componction  et  de  la  douceur  de  la  musique,  le 
plus  zélé  des  chantres  compila  très  utilement  l'antiphonaire  centón  : 
il  constitua  aussi  la  Schola  cantoruni,  qui  chante  encore  dans 
l'Eglise  romaine  d'après  les  mêmes  principes.  »  ^ 

IMoine  et  abbé  bénédictin  avant  d'être  pape,  Grégoire  savait 
chanter.  Le  pape  saint  Léon  IV  le  rappelle  à  sa  louange;  il  vante  la 
douceur  de  son  chant  et  «  la  manière  réglée  par  lui  de  chanter  et 
de  lire  dans  l'Eglise  ».  Et  il  ajoute  :  «  Toutes  les  églises  ont  reçu 
avec  avidité  et  un  courageux  amour  la  dite  tradition  de  Grégoire...  » 
Les  quelques  résistances  rencontrées  ici  et  là  ne  font  que  souligner 
l'importance  et  l'étendue  de  son  action  réformatrice. 

Celle-ci  s'exerça  surtout  par  la  Schola  cantorum  qu'il  fonda,  dota 
et  soutint,  et  dont  il  fit  comme  un  institut  professionnel  de  chant 
liturgique  en  même  temps  qu'une  école  de  chant  pour  les  autres 
diocèses. 

Durant  plusieurs  siècles,  l'impulsion  grégorienne  continua  à  se 
faire  sentir  dans  le  même  sens.  Rome  était  devenue  pour  le  chant, 
comme  elle  le  fut  toujours  pour  le  dogme,  la  morale  et  la  discipline, 
la  maîtresse   des   autres   Eglises.   Ainsi   voyons-nous   saint   Rémi 

—  frère  de  Pépin  le  Bref,  —  archevêque  de  Rouen,  créer  dans  sa 
ville  épiscopale  une  école  de  chantres  dont  les  maîtres  avaient  été 
formés,  au  préalable,  sous  les  yeux  de  Paul  I'^^,  à  la  Schola 
cantorum  fondée  par  saint  Grégoire.  Charlemagne  tint  la   main 

—  une  main  parfois  très  dure  —  à  assurer  l'usage  du  chant  romain 
dans  toute  l'étendue  de  son  empire.  La  raison  qu'il  donnait  parfois 
de  ses  exigences  était,  du  moins,  accessible  à  tous.  Une  année,  au 
cours  des  fêtes  de  Pâques  qu'il  célébrait  à  Rome,  une  vive  querelle 
s'éleva  entre  les  chantres  romains  et  ceux  de  la  chapelle  impériale. 
La  dispute  s'envenima  et  parvint  jusqu'aux  oreilles  de  l'empereur. 
Charles  dit  à  ses  chantres  :  «  Quelle  est  l'eau  la  plus  pure  et  la 
meilleure,  celle  qu'on  prend  à  la  source  vive  d'une  fontaine  ou  celle 
des  canaux  qui  n'en  dérivent  que  de  loin?  »  —  Tous  dirent  que 

'  Jean,  diacre,  Vita  S.  Gres^orii,  lib.  II,  c.  VI.  {P.  Z.,  t.  LXXV,  col.  90.) 


Législation  ecclésiastique.  193 

l'eau  de  la  source  était  la  plus  pure  et  celle  des  canaux  d'autant 
plus  trouble  et  plus  chargée  d'impuretés  qu'elle  venait  de  plus 
loin.  —  «  Remontez  donc,  reprit  l'empereur,  à  la  fontaine  de  saint 
Grégoire,  car,  manifestement,  vous  avez  corrompu  les  cantilènes 
ecclésiastiques.  Revertiniini  vos  ad  fontem  Sancti  Gregorii  gi4ta 
tnanifeste  co^^rupistis  cantilenam  ecclesiasticani.  ^ 

L'Eglise  d'Occident  avait  dès  lors  son  chant  liturgique  univer- 
sellement en  usage.  A  mesure  que  se  développe  la  liturgie,  il 
s'enrichit  lui-même,  et  malgré  d'inévitables  fluctuations,  il  se 
conserve  à  peu  près  intact  durant  de  longs  siècles,  «jusqu'à  ce  que 
certaines  idées  nouvelles  viennent  faire  de  cet  édifice  majestueux 
un  amas  de  ruines  informes  dans  la  seconde  moitié  du  XVI« 
siècle.  » 

On  perdit  peu  à  peu  le  sens  du  rythme  traditionnel  et  avec  lui 
—  c'était  fatal  —  le  goût  pour  les  mélodies  grégoriennes  qui, 
comparées  à  la  musique,  semblaient  fades,  bien  pauvres  d'expression 
et  fort  peu  intéressantes. 

Un  moment  même,  sous  Grégoire  XIII,  le  plain-chant  courut 
grand  risque  d'être  corrigé  suivant  les  lois  de  l'art  musical  : 
autrement  dit,  il  faillit  périr.  Il  survécut  néanmoins,  mais  le  plus 
souvent  mal  compris,  défiguré  par  des  retouches  malheureuses, 
mutilations  ou  surcharges,  encombré  de  pièces  nouvelles  où  le 
particularisme  et  la  fantaisie  s'étaient  donné  libre  cours.  L'œuvre 
d'art  et  d'unité,  si  parfaitement  réalisée  par  saint  Grégoire,  allait 
toujours  se  défigurant  jusqu'à  ce  qu'on  vît  enfin,  dans  la  seconde 
moitié  du  XIX^  siècle,  grâce  surtout  aux  religieux  Bénédictins,  la 
renaissance  du  chant  liturgique. 

Pie  X  la  compléta  et  la  consacra  de  sa  suprême  autorité. 

Dès  le  début  de  son  pontificat,  il  publiait,  le  22  novembre  1903, 
en  la  fête  de  sainte  Cécile,  un  Motu  proprio  suivi  d'instructions 
pratiques  sur  «  la  musique  sacrée  ».  Les  principes  énoncés,  les 
directions  tracées  constituent  le  code  qui  doit  régler  désormais, 
dans  les  églises,  l'exécution  du  chant  et  l'emploi  des  instruments 
de  musique. 

Quelques  mois  plus  tard,  le  25  avril  1904,  un  nouveau  Motu 
proprio  complétait  le  premier.  Le  Pape  y  ordonnait  la  publication, 
par  une  Commission  spéciale,  des  mélodies  grégoriennes  «  rétablies 
dans  leur  intégrité  et  leur  pureté,  conformément  aux  manuscrits 
les  plus  anciens  ». 

Le  travail,  confié  aux  Bénédictins  de  Solesmes,  fut,  grâce  à  leurs 
études  antérieures  et  à  leur  compétence,  rapidement  mené  à  bonne 
fin.  En   1908  paraissait  le  Graduel  et  en  191 2  l'Antiphonaire.  Ces 

*  Vita  Caroli  magni  per  ^notiachum  Engolismensein . 
N»  674.  —  7 


194  Appendice. 

deux  ouvrages  remplaçaient  dès  lors  officiellement  toutes  les  autres 
éditions  antérieurement  parues.  Leur  usage  devenait  obligatoire 
dans  toute  l'Eglise  latine. 

Le  Code  de  droit  canonique  se  référant  aux  documents  publiés 
par  Pie  X  confirme  ainsi  définitivement  la  réforme  ^, 

La  restauration  du  chant  grégorien  était  l'œuvre  d'un  pape  qui 
offrait  avec  saint  Grégoire  plus  d'un  trait  de  ressemblance.  Comme 
son  illustre  prédécesseur,  Pie  X,  familier  avec  la  tradition  et  la 
pratique  du  chant  de  l'Eglise,  était  digne  du  titre  de  cantorum 
studiosissùnus,  et  tous  deux  méritent  bien  l'éloge  inscrit  au  livre 
de  V  Ecclésiastique  :  Viros  gloriosos  et  parentes  nos  tros...  in  peritia 
requirentes  modos  músicos. 

* 
*  * 

L'édition  vaticane  des  livres  de  chant  liturgique  ne  donne  pas 
seulement  le  texte  restauré  des  mélodies  grégoriennes.  Elle  s'ouvre 
par  une  magistrale  préface  où  sont  nettement  exposés  les  carac- 
tères d'un  chant  vraiment  religieux. 

Pour  atteindre  son  but,  qui  est  de  rehausser  la  solennité  des 
offices  et  d'aider  à  la  sanctification  des  fidèles,  ce  chant  doit  être 
vraiment  sacré,  distinct  des  mélodies  profanes  par  son  inspiration, 
son  allure  générale  et  sa  méthode  d'exécution... ^r<2z/^,  comme  tout 
ce  qui  touche  au  culte  divin,  portant  au  recueillement,  fermant 
pour  ainsi  dire  les  yeux  aux  choses  extérieures  et  ouvrant  les 
cœurs  aux  inñuences  surnaturelles...  expressif,  donnant  à  l'âme  une 
voix  pour  traduire  sa  prière,  son  adoration,  sa  louange  ;  se  faisant 
l'écho  de  ce  monde  intérieur  qui  est  en  chacun  de  nous  et  où 
vibre,  parfois  si  vivement,  le  sentiment  religieux...  catholique,  c'est- 
à-dire  accessible  aux  hommes  de  toutes  les  races,  de  tous  les 
pays,  de  tous  les  âges...  simple  enfin,  d'une  simplicité  qui  n'exclut 
pas  l'art,  au  contraire  :  une  mélodie  claire  et  pure  exprime  souvent 
une  beauté  plus  haute  que  les  combinaisons  musicales  les  plus 
savantes. 

Or,  ces  caractères  sont  précisément  ceux  du  plain-chant  gré- 
gorien. On  y  goûte  une  saveur  à  la  fois  artistique  et  religieuse  ; 
une  vertu  spéciale  semble  s'en  dégager  qui  exprime  parfaitement 
la  prière  liturgique. 

A  une  condition  cependant  ;  c'est  que  ce  chant  soit  bien  exécuté. 

Nous  voudrions  maintenant,  nos  très  chers  Frères,  vous  donner 
à  cet  égard  quelques  directions  pratiques. 

^  Can.  1264  §  I.  —  Musicae  in  quitus  sive  órgano  aliisve  instrumentis,  sive 
cantu,  lascivunt  aut  impuruyn  aliquid  7nisceatur,  ab  ecclesîis  omnino  arceantur : 
et  leges  liturgicae  circa  musicam  sacram  serventur. 


Législation  ecclésiastique.  195 


II. 

Chanter  dans  une  église  est  une  fonction  religieuse  ;  il  faut  la 
remplir  dignement. 

Dieu,  dit  le  Psalmîste,  est  le  roi  de  toute  la  terre;  chantez  avec 
sdigç^ssQ.  Rex  omnis  terrae  Deus ; psallite  sapienter.'^  Avec  sagesse, 
c'est-à-dire  d'une  manière  digne  de  ce  Roi  suprême;  digne  aussi, 
pouvons-nous  ajouter,  des  ineffables  condescendances  dont  l'Incar- 
nation du  Fils  de  Dieu  est  pour  nous  la  source  inépuisable. 

Ne  chante  pas  bien  qui  veut.  Pour  bien  chanter,  il  faut  de  la 
voix,  une  belle  voix. 

C'est  quelque  chose,  assurément.  Ce  n'est  pas  assez.  La  voix  est 
un  instrument  naturel  susceptible  de  perfectionnement.  Elle 
réclame  d'être  cultivée  et  assouplie,  formée,  en  un  mot,  par  des 
exercices  méthodiques.  Travail  inutile,  dira-t-on.  Non,  puisqu'il 
s'agit  ici  du  service  divin  et  de  cette  offrande  que  l'Ecriture 
appelle  Hostiani  vociferationis  :  l'offrande  des  voix  qui  chantent  à 
la  gloire  de  Dieu. 

De  plus,  le  chant  sacré  est  un  art  où,  si  belle  voix  qu'on  ait,  on 
ne  saurait  s'improviser  maître.  Il  y  faut  au  préalable  une  initiation 
progressive.  La  foule,  à  coup  sûr,  en  doit  être  dispensée.  Elle  n'a 
ni  les  moyens  ni  les  loisirs  de  la  recevoir.  Et  la  part  qu'elle  est 
appelée  à  prendre  aux  chants  liturgiques  est  d'ailleurs  des 
plus  simples. 

Mais  cette  initiation  s'impose  au  clergé  et  à  tous  ceux  qui  ont 
l'honneur  de  chanter  au  lutrin. 

Au  clergé  en  premier  lieu. 

Dans  son  Motu  proprio  sur  la  musique  sacrée.  Pie  X  lui  trace 
son  devoir  en  édictant  certaines  prescriptions  relatives  aux  clercs 
des  Séminaires  et  aux  prêtres  des  paroisses.  Voici  les  principales. 
Elles  montrent  la  place  importante  occupée  par  la  réforme  dans 
la  pensée  du  Souverain  Pontife. 

«  Dans  les  Séminaires  des  clercs  et  dans  les  institutions  ecclé- 
siastiques, d'après  les  prescriptions  du  Concile  de  Trente,  on  fera 
cultiver  par  tout  le  monde,  avec  diligence  et  amour,  le  plain-chant 
grégorien  traditionnel;...  et  les  supérieurs  seront  en  cette  matière 
très  larges  d'encouragements  envers  les  jeunes  gens  qui  leur  sont 
confiés.  De  la  même  façon,  si  la  chose  est  possible,  on  encouragera 
parmi  les  clercs  la  fondation  d'une  Schola  cantoruni  pour 
l'exécution  de  la  polyphonie  religieuse  et  de  la  bonne  musique 
liturgique. 

^  Ps.  XLVI,  8. 


196  Appendice. 

5>  Dans  les  cours  ordinaires  de  liturgie,  de  morale,  de  droit 
canonique,  donnés  aux  étudiants  en  théologie,  on  ne  laissera  pas 
de  toucher  les  points  qui  regardent  plus  particulièrement  les 
principes  et  les  lois  de  la  musique  sacrée,  et  on  cherchera  à 
adjoindre  à  la  doctrine  quelques  instructions  spéciales  sur  l'esthé- 
tique de  l'art  religieux,  añn  que  les  clercs,  sortis  du  Séminaire, 
possèdent  toutes  ces  notions  nécessaires  à  une  complète  culture 
ecclésiastique. 

»  On  aura  soin  de  restituer,  au  moins  près  des  principales 
églises,  les  antiques  Scholae  cantorum^  comme  on  l'a  déjà  pratiqué 
avec  d'excellents  résultats  en  bon  nombre  de  lieux.  Il  n'est  point 
difficile  à  un  clergé  zélé  d'instituer  même  de  telles  Scholae  dans 
les  petites  églises  et  celles  de  campagne,  et  il  trouvera  ainsi  \¡w 
moyen  assez  facile  de  grouper  autour  de  lui  les  enfants  et  les 
jeunes  gens  pour  leur  propre  profit  et  l'édification  du  peuple.^  » 

Le  clergé  doit  donc,  pour  se  conformer  aux  prescriptions  de 
Pie  X,  se  faire  le  propagateur  éclairé  du  plain-chant  grégorien 
auprès  des  laïques,  des  chantres  plus  spécialement  et  des  enfants. 
Ceux-ci,  une  fois  instruits,  en  propageront  peu  à  peu  la  pratique 
parmi  les  autres  fidèles. 

Elle  s'est  répandue  déjà  dans  ce  diocèse,  grâce  en  particulier  à 
M.  Bordes,  à  la  Schola  cantoruDi  et  à  un  certain  nombre  d'autres 
Scholae  florissantes.  Enfants,  jeunes  gens,  jeunes  filles  aussi,  y 
rivalisent  de  bonne  volonté  et  de  goût  artistique.  Nous  les 
félicitons  vivement  ainsi  que  leurs  bienfaiteurs  et  leurs  maîtres 
dévoués,  ecclésiastiques  et  laïques.  Nous  comptons  sur  eux  pour 
assurer  chez  nous  le  succès  de  la  réforme  grégorienne. 

Plusieurs  méthodes  sont  proposées  pour  la  bonne  exécution  du 
chant  grégorien.  Elles  ne  diffèrent  pas  essentiellement  :  leur  point 
de  départ  est  marqué  par  des  principes  communs.  Question  de 
nuances,  surtout.  Il  ne  s'agit  donc  que  de  chercher  la  meilleure 
réalisation  pratique  de  ces  principes  dans  l'interprétation  des 
mélodies  sacrées. 

Il  nous  est  bien  permis  d'avoir  nos  préférences,  amplement 
motivées,  d'ailleurs  :  elles  vont  à  la  méthode  de  Solesmes.  C'est 
elle  que  nous  recommandons.  Depuis  plus  de  cinquante  ans,  les 
moines  de  cette  célèbre  abbaye  ont  fait  du  chant  grégorien  l'objet 
continuel  de  leurs  travaux.  Des  résultats  de  leurs  recherches  mis 
en  commun  est  née  cette  méthode  qui,  au  dire  des  plain-chantistes 
les  plus  experts,  est  la  plus  rationnelle  et  donne  les  meilleurs 
résultats.  Elle  est  la  plus  facile  enfin,  grâce  aux  signes  rythmiques, 
qui  dans  les  éditions  solesmiennes  guident  les  chantres  et  per- 
mettent aux  groupements  les  plus  divers  d'origine  d'exécuter  les 

*  Motu proprio  du  22  novembre  1903,  n°^  25,  26  et  27. 


Législation  ecclésiastique.  197 

mélodies  dans  une  harmonieuse  unité.  Nous  verrons  donc  volon- 
tiers ces  éditions  exclusivement  adoptées  dans  nos  paroisses  et 
nos  communautés.^ 

*  * 

Montons  plus  haut  que  ces  considérations  d'ordre  technique. 

Les  formules  chantées  dans  nos  églises  ne  sont  point  des  paroles 
profanes.  L'Eglise  les  a  tirées  des  Saints  Livres  ou  empruntées 
aux  textes  les  plus  vénérables  de  la  littérature  sacrée.  La  foi  la 
plus  ardente  les  a  inspirées;  elles  nous  arrivent  toutes  chargées  de 
la  dévotion  de  nos  ancêtres;  elles  sont  la  prière  authentique  de 
l'Eglise.  C'est  d'elles  qu'on  a  pu  dire  avec  raison  qu'une  loi  iden- 
tique règle  et  la  croyance  et  la  prière,  lex  orandi,  ¿ex  credendi.  Et 
les  neumes  eux-mêmes,  les  jubili,  traduisent  par  la  succession 
mélodieuse  de  leurs  notes  sans  paroles  des  sentiments  vraiment 
religieux  et,  comme  le  dit  saint  Augustin,  «  la  joie  de  l'âme  qui 
comprend  que  les  paroles  ne  sauraient  exprimer  ce  que  chante 
le  cœur.  »2 

Pratiquement  donc,  comment  faut-il  chanter  à  l'Eglise? 

Tout  d'abord,  avec  modestie  :  reverenter.  C'est  la  recomman- 
dation du  Concile  de  Trente.  Une  église  n'est  pas  une  salle  de 
spectacle,  mais  un  temple.  On  doit  y  respecter  la  présence  de 
Dieu.  Les  voix  s'y  feront  donc  entendre  sans  affectation  ni 
recherche  de  vanité.  «  Vocis  sonum  vibret  modestia,  dit  saint 
Ambroise.  Que  la  modestie  fasse  vibrer  votre  voix.  »3 

Plus  encore;  il  faut  chanter  avec  dévotion,  d'esprit  et  de  cœur 
en  même  temps  que  de  bouche.  Seule,  l'âme  pénétrée  par  le 
sentiment  religieux  donne  aux  mélodies  sacrées  leur  puissance 
d'émotion  et  leur  assure  leur  action  bienfaisante.  Elle  seule  en 
fait  vraiment,  pour  Dieu,  un  sacrifice  de  louange  et  pour  les 
auditeurs  un  appel  à  la  prière.  Saint  Augustin  le  dit  excellemment  : 
<iPsallam  sph'itu,  psallani  et  mente...  non  quaer entes  sonum  vocis, 
sed  himen  cordis.'^  Je  chanterai  avec  mon  esprit,  je  chanterai  aussi 
avec  toute  mon  âme...  ne  cherchant  pas  le  son  qui  flatte  l'oreille, 
mais  la  lumière  qui  éclaire  le  cœur.  »  Et  ailleurs  à  propos  des 
psaumes  :  «  Si  orat  psalmus,  orate  ;  si  gémit,  gemite;  si  gratulatur, 
gaudete;  si  sperat,  sperate;  si  timet,  timete.s   Si  le  psaume  prie, 

^  Sur  la  légitimité,  la  diffusion  et  l'utilité  des  éditions  solesmiennes  de  plain- 
chant  grégorien,  voir  la  brochure  Les  Editions  rythmiques  de  Solesmes  à  propos 
d^une  ^.association  cécilienne française .!>  Brochure  in-8°,  50  pages.  Desclée  et  C'^ 
Paris,  Lille,  Tournai. 

""  S.  Aug.  Conwi.  in  Psalm.  XXXI l. 

3  De  off.  I,  xviii. 

4  In  Psalm.,  XLVI. 

5  In  Psalm.  XXX. 


198  Appendice. 

priez  ;  s'il  gémit,  gémissez  ;  s'il  chante  la  joie,  réjouissez-vous  ;  s'il 
parle  d'espérance,  espérez;  s'il  exprime  la  crainte,  craignez.  » 

Est-ce  possible,  diront  la  plupart  des  fidèles  :  nous  ignorons  le 
latin.  Comment  nous  associer  à  des  sentiments  exprimés  en  un 
langage  inconnu? 

C'est  vrai,  la  langue  ofiicielle  de  l'Eglise  n'est  pas  comprise  du 
grand  nombre.  Que  ceux-là  du  moins  qui  le  peuvent  se  pénètrent 
bien  du  sens  des  paroles.  Leur  dévotion  y  gagnera,  leur  chant  en 
sera  plus  expressif  et  plus  beau. 

Les  autres,  avec  un  peu  de  bonne  volonté,  arriveront  à  un  même 
résultat.  Les  textes  liturgiques  ont  été  traduits  fidèlement.  Suivez 
ces  traductions,  nos  très  chers  Frères  ;  consultez-les.  Lisez  d'avance 
attentivement  les  textes  français  des  offices  ;  vous  vous  impré- 
gnerez facilement  du  sens  général  des  paroles  que  vous  aurez 
à  chanter. 

Et  à  défaut  de  cette  préparation  pourtant  facile,  la  pensée  de 
la  présence  de  Dieu,  la  persuasion  qu'en  chantant  à  l'église  vous 
remplissez  une  fonction  sainte,  n'est-ce  pas  suffisant  pour  orienter 
vos  âmes  dans  un  sens  religieux  et  les  tenir  recueillies  sous  le 
regard  de  Dieu  adoré,  loué,  supplié  avec  les  paroles  de  la  liturgie? 

III. 

La  perfection  du  plain-chant  grégorien  est  intimement  liée  à 
une  correcte  prononciation  des  paroles. 

Sans  doute,  la  mélodie  est  en  elle-même  indépendante  du  texte; 
mais  elle  fait  corps  avec  lui  dans  l'exécution.  Disons  plus  :  la  pro- 
nonciation des  mots  latins  a  exercé  une  inñuence  active  et  parfois 
déterminante  sur  la  formation  de  certaines  phrases  grégoriennes. 

Or,  les  grégorianistes  sont  unanimes  à  le  dire,  notre  pronon- 
ciation française  du  latin  est  incompatible  avec  la  restauration 
intégrale  des  ^mélodies  prescrites  par  le  Saint-Père. 

x^ussi  que  voyons-nous?  Partout  où  s'introduit  en  France  la 
réforme  du  chant  liturgique,  celle  de  la  prononciation  est,  tôt  ou 
tard,  adoptée.  On  y  est  tout  naturellement  amené  par  le  souci  de 
l'art  musical,  par  le  désir  de  donner  toute  leur  valeur  aux  divers 
éléments  de  la  mélodie. 

Ce  n'est  point  ici  le  lieu  d'entrer  dans  de  multiples  détails.  Pour 
ne  citer  que  deux  exemples  :  le  rythme  mélodique  ne  saurait  être 
parfaitement  rendu  si  on  ne  fait  pas  sentir  comme  il  faut  l'accent 
tonique  ;  et  les  vocalises  si  nombreuses  dans  le  répertoire  grégorien 
perdent  leur  caractère  esthétique  si  on  les  exécute  sur  des  syllabes 
nasales  ou  sur  la  lettre  u  prononcée  à  la  française. 


Législation  ecclésiastique.  199 

La  réforme  de  la  prononciation  du  latin  n'est  donc  pas,  comme 
d'aucuns  le  croient,  l'effet  d'un  caprice  ou  d'une  fantaisie,  l'abandon 
trop  facile  d'une  tradition  où  d'autres  voudraient  voir,  bien  à  tort, 
une  défaillance  du  patriotisme;  c'est  une  mesure  parfaitement 
motivée  :  elle  a  sa  place  dans  l'ensemble  même  de  la  réforme  du 
plain-chant.  Celle-ci  sans  celle-là  serait  incomplète.  Ne  faisons  pas 
les  choses  à  demi  ;  et  même  s'il  en  coûtait  à  notre  amour-propre 
ou  à  nos  habitudes,  sachons,  dans  l'intérêt  de  la  beauté  du  culte  et 
du  chant  religieux,  leur  imposer  un  sacrifice  nécessaire. 

* 
*  * 

Est-ce  bien  un  sacrifice,  d'ailleurs?  Envisageons  la  question  à 
un  point  de  vue  plus  général.  Nous,  Français,  n'hésitons  pas  à 
ravouer,'nous'prononçons  mal  le  latin,  si  mal  que  nous  parvenons 
à  nous  faire  comprendre  difficilement  en  cette  langue  des  étrangers 
qui  la  connaissent.  Des  faits  nombreux  le  prouvent.  A  Rome,  en 
particulier,  où  le  latin  est  d'usage  assez  courant,  on  en  fait  cons- 
tamment l'expérience. 

Nous  sommes  les  héritiers  d'une  évolution  linguistique  qui,  à 
mesure  qu'elle  s'éloigne  de  son  point  de  départ,  s'écarte  aussi 
davantage  de  la  correction  originelle.  Cette  évolution  s'est  produite 
chez  toutes  les  nations  issues  du  démembrement  de  l'empire 
romain  après  l'invasion  des  Barbares.  «  En  conflit  avec  leurs  rudes 
langues,  le  latin  y  devait  perdre  fatalement  la  pureté  de  son 
accent  et  se  fractionner  en  mille  courants,  en  se  pliant  aux  habi- 
tudes phonétiques  des  peuples.  »  ^ 

Nulle  part  le  latin  ne  s'est  trouvé  plus  défiguré  que  chez  nous, 
surtout  à  partir  de  la  Renaissance.  La  prononciation  du  français 
a  exercé  sur  celle  de  la  langue  dont  il  dérive  une  fâcheuse 
influence.  Plus  d'accent  tonique  régulièrement  placé,  multiplication 
des  syllabes  nasales,  modification  de  certaines  voyelles  et  diph- 
tongues, toutes  choses  qui  ont  notablement  changé,  en  France,  la 
physionomie  normale  de  la  langue  latine. 

Ce  fait  attirait,  il  y  a  quelques  années,  l'attention  de  l'Université 
où  se  formait  un  mouvement  réformiste.  Un  certain  nombre  de 
ses  membres  —  professeurs  de  Lycée  ou  de  Faculté  —  se  faisaient 
les  partisans  d'une  réforme  qui  fut  mise  à  l'ordre  du  jour  du 
Conseil  supérieur  de  l'Instruction  publique  et  bienveillamment 
accueillie  pour  lors  par  le  ministre. 

Dans  l'enseignement  libre,  on  luttait  pour  la  même  cause.  Son 
plus  ardent  champion  était  M.  l'abbé  Ragon,  philologue  distingué, 
professeur  à  l'Institut  catholique  de  Paris.  Il  poursuivait,  avec  sa 
ténacité  habituelle  et  sa  compétence,  l'idée  savamment  et  prati- 

*  J.  Delporte,  La  Prononciation  romaine  du  latin^  p.  4. 


200  Appendice. 

quement  motivée  de  «  modifier  la  leçon  incorrecte  et  insolite  dont 
les  Français  seuls  au  monde  prononcent  le  latin.  » 

Savamment,  disons-nous,  au  nom  de  la  vérité  linguistique.  Et 
pratiquement  aussi. 

«  N'est-il  pas  convenable  et  en  même  temps  utile,  disait-il,  que 
la  langue  officielle  de  l'Eglise  catholique  soit  prononcée  à  peu 
près  de  la  même  façon  par  tous  ses  enfants  ;  qu'un  prêtre  français 
puisse  converser  en  latin  avec  un  prêtre  étranger,  qu'un  étudiant 
français  puisse  suivre  les  cours  d'un  théologien  italien,  qu'un 
évêque  puisse  chanter  la  Messe  en  tout  pays  sans  être  dérouté  ni 
dérouter  ceux  qui  l'entendent?»^ 

Aux  Congrès  de  1'  «  Alliance  des  maisons  d'éducation  chré- 
tienne »,  en  1902  et  en  1907,  la  question  fut  posée  et  elle  reçut  un 
accueil  favorable.  Le  Congrès  de  191 1  émit  le  vœu  suivant,  adopté 
à  l'unanimité  : 

«  Que  dans  toutes  les  maisons  alliées,  la  réforme  de  la  pronon- 
ciation du  latin  se  fasse  avec  l'agrément  et  sous  la  haute  direction 
de  NN.  SS.  les  évêques  selon  les  lois  normales,  à  commencer  par 
l'accentuation.  »2 

Nous  avons  assisté  en  spectateur  très  sympathique  à  ce  mou- 
vement de  réforme  qui  servait  plus  ou  moins  directement  la  cause 
grégorienne. 

Déjà,  il  nous  a  paru  opportun  de  la  promouvoir  nous-même  et 
d'apporter  ainsi  notre  part  de  collaboration  à  une  œuvre  qui  nous 
était  particulièrement  chère. 

Dès  1880,  en  notre  diocèse  d'origine,  nous  avions  vu  les  Béné- 
dictins de  Solesmes,  restaurateurs  avisés  du  chant  grégorien, 
abandonner  en  connaissance  de  cause  notre  prononciation  du  latin 
pour  prendre  celle  de  Rome.  Sous  cette  nouvelle  parure,  il  nous 
semblait  que  les  textes  liturgiques,  pieusement  et  savamment 
modulés,  avaient  à  la  fois  plus  de  vie  et  de  puissance  d'expression. 

Plus  tard,  en  conformité  avec  ces  souvenirs  et  dès  que  fut  pro- 
mulgué le  Motu  p7'oprio  de  Pie  X,  nous  avons  pris  nous-même 
l'initiative  de  la  réforme  dans  notre  diocèse  de  Verdun.  En  même 
temps,  une  mesure  analogue  était  adoptée  dans  plusieurs  diocèses 
de  France.  A  Bourges,  sans  même  que  nous  eussions  à  intervenir 
personnellement,  la  réforme  s'introduisit  dans  les  Séminaires  et 
dans  un  certain  nombre  de  paroisses,  après  avoir  été  accueillie 
spontanément  par  le  Chapitre  primatial. 

Et  c'est  au  cours  de  notre  ministère  episcopal  en  Berry  que  le 
Souverain  Pontife  nous  a  honoré  à  ce  sujet  d'une  lettre  qui  était 

*  D Enseigne?nent  chrétien^  I907i  P-  201. 

"  Alliance  des  maisons  d'éducation  chrétienne.  —  Vingt-six  Congrès  péda- 
gogiques (rapport  de  M.  l'abbé  Mouchard),  p.  989. 


Législation  ecclésiastique.  201 

un  pressant  encouragement  à  persévérer  dans  la  voie  où  nous 
avions  cru  devoir  entrer.  Nous  ne  saurions  mieux  faire  que  de  la 
reproduire  ici  : 

A  Notre  Véîiérable  Frère  Louis-Ernest  Du  BOIS, 
Archevêque  de  Bourges. 

VÉNÉRABLE  Frère, 

Votre  lettre  du  21  juin  dernier,  comme  aussi  celles  que  nous 
avons  reçues  d'un  grand  nombre  de-  pieux  et  distingués  catho- 
liques français,  Nous  ont  appris,  à  Notre  grande  satisfaction,  que, 
depuis  la  promulgation  de  Notre  Motu proprio  du  22  novembre  1903 
sur  la  musique  sacrée,  on  s'applique  avec  un  très  grand  zèle,  dans 
divers  diocèses  de  France,  à  faire  en  sorte  que  la  prononciation  de 
la  langue  latine  se  rapproche  de  plus  en  plus  de  celle  qui  est 
usitée  à  Rome,  et  que  l'on  cherche,  en  conséquence,  à  rendre  plus 
parfaite,  selon  les  meilleures  règles  de  l'art,  l'exécution  des  mélo- 
dies grégoriennes,  ramenées  par  Nous  à  leur  ancienne  forme 
traditionnelle.  Vous-même,  quand  vous  occupiez  le  siège  episcopal 
de  Verdun,  vous  étiez  entré  dans  cette  voie  et  vous  aviez  pris  pour 
y  réussir  des  dispositions  utiles  et  importantes.^  Nous  apprenons, 
d'autre  part,  avec  un  vif  plaisir,  que  cette  réforme  s'est  déjà 
répandue  en  beaucoup  d'endroits,  et  qu'elle  a  été  introduite  avec 
succès  dans  un  grand  nombre  d'églises  cathédrales,  de  séminaires, 
de  collèges  et  jusque  dans  de  simples  églises  de  campagne.  C'est 
que,  en  effet,  la  question  de  la  prononciation  du  latin  est  inti- 
mement liée  à  celle  de  la  restauration  du  chant  grégorien,  objet 
constant  de  nos  pensées  et  de  nos  recommandations  depuis  le 
commencement  de  notre  pontificat.  L'accent  et  la  prononciation 
du  latin  eurent  une  grande  influence  sur  la  formation  mélodique 
et  rythmique  de  la  phrase  grégorienne,  et,  par  suite,  il  est  impor- 
tant que  ces  mélodies  soient  reproduites  dans  l'exécution,  de  la 
manière  dont  elles  furent  artistiquement  conçues  à  leur  origine. 
Enfin,  la  diffusion  de  la  prononciation  romaine  aura  encore  cet 
autre  avantage,  comme  vous  l'avez  fort  bien  remarqué,  de  conso- 
lider de  plus  en  plus  l'œuvre  de  l'unité  liturgique  en  France,  unité 
accomplie  par  l'heureux  retour  à  la  liturgie  romaine  et  au  chant 
grégorien.  C'est  pourquoi  nous  souhaitons  que  le  mouvement  de 
retour  à  la  prononciation  romaine  du  latin  se  continue  avec  le 
même  zèle  et  les  mêmes  succès  consolants  qui  ont  marqué  jusqu'à 
présent  sa  marche  progressive,  et,  pour  les  motifs  énoncés  plus 
haut,  nous  espérons  que,  sous  votre  direction  et  celle  des  autres 
membres  de  l'épiscopat,  cette  réforme  puisse  heureusement  se 
propager  dans  tous  les  diocèses  de  France.  Comme  gage  des 
faveurs  célestes,  à  Vous,  Vénérable  Frère,  à  vos  diocésains  et  à 


202  Appendice. 

tous  ceux  qui  Nous  ont  adressé  des  demandes  semblables  à  la 
vôtre,  Nous  accordons  de  tout  cœur  la  bénédiction  apostolique. 
Du  Vatican,  le  lo  juillet  1912. 

Plus  PP.  X. 

Notre  ligne  de  conduite  est  nettement  tracée.  Le  Pape  n'impo- 
sait aucune  obligation,  mais  sa  pensée  était  clairement  exprimée. 
Pouvions-nous  hésiter  à  poursuivre  une  réforme  si  hautement 
désirée,  si  conforme  aux  vœux  du  Souverain  Pontife? 

Le  vœu  de  Pie  X  est  aujourd'hui  celui  de  Benoît  XV  :  il  n'est 
peut-être  pas  inutile  de  l'affirmer.  A  plusieurs  reprises,  il  a 
manifesté  son  désir  de  voir  aboutir  partout,  en  France,  la  réforme 
heureusement  inaugurée.  Il  l'exprimait  personnellement  à  S.  Em.  le 
cardinal  Maurin  et  à  nous-même  le  jour  où,  par  une  bienveillance 
dont  nous  demeurons  touché,  il  daignait  imposer  de  ses  mains  le 
pallium  à  l'archevêque  de  Lyon  et  à  l'archevêque  de  Rouen  le 
jour  de  leur  entrée  au  Sacré-Collège.  Plus  récemment,  lors  de  la 
publication,  dans  le  diocèse  de  Rouen,  d'un  nouveau  Livre  d'offices, 
il  voulait  bien  nous  honorer  d'une  lettre  entièrement  autographe, 
où  il  appuyait  de  son  autorité  les  dispositions  prises  par  nous 
dans  ce  diocèse.  Enfin,  l'an  dernier  encore,  le  10  juin  1920, 
S.  Em.  le  cardinal  Gasparri  adressait  au  nom  du  Saint-Père  une 
lettre  très  élogieuse  à  M.  l'abbé  J.  Delporte,  de  Roubaix,  à  l'occa- 
sion de  la  nouvelle  édition  de  son  opuscule  sur  la  Prononciation 
romaine  du  latin  :  lettre  caractéristique  où  s'ajoutent  aux  encou- 
ragements et  aux  vœux  de  Benoît  XV  les  vues  les  plus  hautes 
sur  les  heureux  résultats  —  religieux  et  sociaux  —  qu'on  est  en 
droit  d'attendre  de  cette  réforme. 

Pour  des  fils  soumis  et  respectueux,  le  désir  d'un  père  est  un 
ordre.  Nous  réformerons  donc,  nos  très  chers  Frères,  notre  pronon- 
ciation du  latin. 

Ecartons  d'abord  une  formule  par  trop  simpliste  et  quelque  peu 
naïve.  Pour  beaucoup,  la  réforme  doit  consister —  exclusivement  — 
«  à  prononcer  en  ou  ».  Oui,  vraiment,  c'est  trop  simple.  S'en  tenir  là, 
ce  serait  émailler  notre  prononciation,  nullement  modifiée  par 
ailleurs,  de  sonorités  qui  détonneraient  dans  l'ensemble  et  la 
feraient  paraître  plus  défectueuse  encore.  N'est-ce  pas  une  des 
raisons  pour  lesquelles  la  réforme  suscite  parfois  des  critiques  et 
rencontre  des  oppositions? 

Mieux  comprise,  elle  doit  rallier  tous  les  suffrages. 

Un  premier  point  d'abord  —  de  tous  le  plus  important.  —  Il 
s'agit  de  l'accentuation. 

Habitués  à  prononcer  les  mots  latins  comme  les  mots  français, 
nous  faisons  porter  notre  voix  sur  les  syllabes  finales.  Rien  n'est 
plus  contraire  au  génie  de  la  langue  latine.  Dans  tous  les  mots 


I 


Législation  ecclésiastique.  203 

latins  qui  ont  un  sens  complet,  une  syllabe  au  moins  se  distingue 
des  autres  par  ce  que  les  grammairiens  nomment  un  ictus^  une 
impulsion  de  la  voix.  Cette  syllabe  est  plus  énergiquement  frappée, 
à  la  fois  plus  aiguë  et  plus  forte,  mais  non  pas  nécessairement  plus 
longue.  Elle  apparaît  comme  en  relief  dans  le  corps  même  du  mot; 
elle  n'en  est  pas,  comme  en  français,  la  finale.  L'accent  —  l'accent 
tonique,  comme  on  l'appelle  —  est  l'âme  des  mots;  il  leur  donne 
la  souplesse  et  la  variété  de  la  vie.  «  Mal  accentué,  non  seulement 
le  latin  perd  beaucoup  de  son  harmonie,  de  sa  fermeté,  de  sa  clarté, 
mais  il  devient  incompréhensible  pour  ceux  qui  l'accentuent  cor- 
rectement... De  plus,  lorsqu'on  chante,  la  violation  des  règles  de 
l'accentuation  a  quelque  chose  de  particulièrement  choquant  : 
aussi,  la  connaissance  de  l'accent  latin  importe  grandement  à  la 
bonne  exécution  de  la  psalmodie  et  du  chant  liturgique.  »  ^ 

On  veillera  donc,  tout  particulièrement,  à  bien  accentuer.  Nous 
adressons  tout  spécialement  cette  recommandation  aux  élèves  de 
nos  Séminaires  et  de  nos  maisons  secondaires  d'éducation.  Ce  qu'ils 
font  pour  les  langues  étrangères,  l'allemand  et  l'italien  par  exemple, 
pourquoi  ne  le  feraient-ils  pas  pour  le  latin?  Il  existe,  à  cet  égard, 
un  laisser-aller  inexplicable,  comme  si  l'on  pouvait,  sans  scrupule, 
se  permettre  de  déformer  la  langue  latine,  sous  prétexte  qu'elle  est 
une  langue  morte. 

Et  cela  même  n'est  pas  tout  à  fait  exact.  Le  latin  n'a  jamais 
cessé  d'être  —  il  est  encore  aujourd'hui  —  une  langue  vivante. 
C'est  la  langue  de  l'Eglise  romaine,  qui  la  parle  par  la  bouche  de 
ses  Papes,  de  ses  Conciles,  de  ses  Congrégations,  de  ses  théologiens, 
de  ses  canonistes.  C'est  la  langue  de  l'administration  ecclésiastique, 
de  la  liturgie  catholique  occidentale.  Et  c'est  aussi,  par  tout  le 
monde,  la  langue  des  esprits  cultivés,  la  vraie  langue  internationale 
dont  l'usage  généralisé  éviterait  aux  différentes  nations  certains 
froissements  d'amour-propre  et  servirait  utilement  la  cause  de  la 
pacification  des  peuples.  Elle  a  constitué,  à  travers  les  siècles,  une 
littérature  incomparable,  illustrée  par  de  nombreux  chefs-d'œuvre 
profanes  et  sacrés  et  dont  les  trésors,  grâce  à  l'Eglise,  n'ont  cessé 
de  s'enrichir.  Le  latin  est  parlé  à  Rome  depuis  plus  de  deux  mille 
ans  sans  interruption  jusqu'à  nos  jours. 

Dès  lors,  à  qui  pose  cette  question  :  Comment  convient-il  de 

prononcer  le  latin?  nous  répondons  sans  hésiter,  avec  Pie  X  et 

Benoît  XV  :  comme  à  Rome. 

* 

Et  c'est  le  second  point  de  la  réforme. 

Nous  ne  prétendons  pas,  en  effet,  restaurer  intégralement  la 
prononciation  classique.  Cette  restauration,  qui  sourit  aux  univer- 

*  E.  Ragon,  r Enseignement  chrétien^  1905?  P-  io3- 


204  Appendice. 

sitaires  partisans  de  la  réforme,  n'irait  pas  sans  difficultés...  Serait- 
elle  même  possible?  La  prononciation  classique  n'est  pas  tellement 
connue  aujourd'hui,  même  des  savants,  qu'il  ne  règne  à  son  sujet 
quelque  indécision.  Où  commence-t-elle?  Où  finit-elle?  Peut-on 
en  préciser  les  éléments  avec  une  certitude  absolue?  A  la  Renais- 
sance, des  savants  comme  Juste  Lipse  s'y  sont  essayés  :  ils  n'ont 
pas  résolu  tous  les  problèmes  de  linguistique  soulevés  par  cette 
question...  Nous  comprenons  d'ailleurs  la  satisfaction  raffinée  de 
s'essayer  à  imiter  d'aussi  près  que  possible  le  parler  de  César  ou  de 
Cicerón.  Mais  telle  n'est  pas  notre  intention. 

Nous  ne  faisons  pas  d'archéologie. 

Notre  but  est  tout  pratique  :  assurer  la  bonne  exécution  du 
plain-chant  grégorien.  Et  pour  l'obtenir,  il  n'est  pas,  croyons-nous, 
de  meilleur  moyen  que  d'adopter  la  prononciation  romaine  du 
latin.  Prononçons  donc  le  latin  comme  on  le  prononce  à  Rome 
aujourd'hui. 

Pourquoi?  Parce  que  le  Pape  le  désire?  Oui,  certes,  et  cela  doit 
suffire  à  des  catholiques. 

Mais  le  désir  du  Pape  est  scientifiquement  motivé.  Il  vise  la 
perfection  des  mélodies  grégoriennes,  il  s'appuie  sur  les  conclusions 
les  mieux  établies  de  l'histoire  des  langues.  Une  simple  réflexion 
suffira,  pensons-nous,  à  le  prouver. 

Comme  toute  langue  vivante,  le  latin  a  évolué  suivant  des  lois 
phonétiques  connues.  Mais,  à  Rome,  cette  évolution  n'en  a  pas 
corrompu  la  prononciation;  elle  l'a  modifiée  normalement.  Il  n'en 
fut  pas  de  même  dans  les  autres  pays;  de  là  de  notables  divergences 
qui  constituent  aujourd'hui  les  particularités  des  différentes 
prononciations  nationales.  «  Il  va  de  soi  que  le  pays  d'origine  d'une 
langue  fera  subir  à  cette  dernière  des  transformations  plus  en 
rapport  avec  son  génie  intime  que  ne  peuvent  le  faire  les  provinces 
où  cette  langue  n'a  jamais  été  qu'une  importation.  Rome  est 
toujours  restée,  pour  le  latin,  ce  que  sera  toujours  l'Ile-de-France 
pour  le  français,  la  Castille  pour  l'espagnol.  En  outre,  il  n'est  pas 
inutile  d'observer  que  les  Barbares,  qui  se  fixèrent  à  peu  près 
partout  dans  l'Empire  romain,  ne  firen^  jamais  que  passer  à  Rome. 
En  sorte  que  cette  cause  si  profonde  de  l'altération  du  langage  n'a 
pas  existé,  en  proportion  notable,  pour  le  Latium.  Aussi,  la 
prononciation  romaine  actuelle  du  latin  peut-elle,  à  bon  droit,  être 
considérée  comme  le  résultat  de  l'évolution  la  plus  normale  qui 
puisse  être.  »  ^ 

Nous  l'adopterons  dans  notre  diocèse  de  Paris.  C'est  fait  déjà 
dans  quelques-unes  de  nos  paroisses  et  dans  nombre  de  nos 
communautés.  Le  Chapitre  métropolitain,  sollicité  par  le  cardinal 

*  Dom  Jeannin,  la  Prononciation  rotnaine  du  latin^  p.  15  et  1 6. 


Législation  ecclésiastique.  205 

Amette,  en  avait  accepté  le  principe  dès  le  3  janvier  191 3,  dans 
une  de  ses  réunions  capitulaires. 

Nous  faisons  maintenant  appel  à  la  bonne  volonté  de  tous, 
ecclésiastiques  et  laïques.  Au  cours  des  dernières  retraites  pastorales, 
nos  prêtres  nous  ont  témoigné,  à  cet  égard,  un  empressement  qui 
nous  fut  fort  sensible  et  dont  nous  tenons  à  les  remercier.  Nous 
n'en  saurions  douter,  les  autres  membres  du  clergé  et  tous  nos 
fidèles  imiteront  ce  bel  exemple  de  déférence  et  de  docilité. 

Ainsi  contribuerons-nous  tous,  pour  notre  modeste  part,  à 
réaliser,  suivant  le  désir  du  Souverain  Pontife,  l'unité  de  pronon- 
ciation du  latin,  pour  qu'un  jour  prochain  soit  vraie,  dans  toute 
l'Eglise  romaine,  la  belle  formule  d'unité  religieuse  :  unus  cultus^ 
U7t7is  cantus,  una  lingua  :  un  seul  culte,  un  seul  chant,  une  seule 
langue. 

Nous  aimons  à  le  dire  en  terminant;  la  splendeur  du  culte  nous 
est  particulièrement  à  cœur.  Rien  ne  nous  paraît  trop  beau  pour  le 
service  de  Dieu.  Nous  nous  plaisons  à  voir  tous  les  arts  concourir 
dans  nos  églises  et  par  elles  à  rendre  un  merveilleux  concert 
d'hommages  à  Celui  qui  en  est  l'âme  et  qui  s'y  immole  pour  nous. 

De  ce  concert  magnifique,  les  mélodies  liturgiques  sont  la  voix 
la  plus  expressive  pourvu  qu'elles  soient  clairement  comprises, 
bien  senties,  parfaitement  exécutées. 

C'est  à  cette  perfection  de  louange  religieuse  que  nous  vous 
convions,  nos  très  chers  Frères,  heureux  de  penser  que  notre 
invitation,  qui  est  celle  même  du  Souverain  Pontife,  trouvera  dans 
vos  âmes  un  fidèle  écho. 

A   CES   CAUSES  :  etc.. 

Donné  à  Paris,  en  notre  palais  archiépiscopal,  sous  notre  seing 
et  notre  sceau  et  le  contre-seing  du  chancelier  de  notre  archevêché, 
le  9  octobre  1921,  en  la  fête  de  saint  Denis,  premier  évêque 
de  Paris. 

f  Louis,  cardinal  DuBOlS, 
aixhevêque  de  Paris. 

Par  mandement  de  Son  Eminence, 
E.  WlESNEGG,  chanoire  honoraire^  chancelier. 

472.  —  Ce  remarquable  document  a  valu  à  son  éminent  auteur 
la  lettre  suivante  de  S.  S.  Pie  XI  par  laquelle  nous  terminons,  et 
dont  la  portée  et  îe  sens  n'échapperont  à  personne. 


206  Appendice. 

A  Notre  cher  Fils, 
le  cardinal  Louis  Dubois,  du  titre  de  Sainte-Marie  in  Aquiro, 

archêque  de  Paris. 

Pie  XI,  Pape. 

Notre  Cher  Fils, 

Salut  et  bénédiction  apostolique. 

Il  nous  a  été  très  agréable  de  recevoir  le  filial  hommage  que 
vous  Nous  avez  fait  de  votre  Lettre  pastorale  portant  promulgation 
dans  votre  archidiocèse  de  Paris  des  livres  de  chant  liturgique  de 
l'édition  vaticane. 

Et  volontiers,  Nous  voulons  saisir  cette  occasion  pour  déclarer, 
dès  le  début  de  Notre  pontificat,  combien  Nous  aussi,  joignant 
Notre  voix  à  celles  de  Nos  vénérés  prédécesseurs,  notamment  des 
Papes  Pie  X  et  Benoît  XV,  de  sainte  mémoire.  Nous  avons  à  cœur 
de  promouvoir  et  d'assurer  la  perfection  et  la  splendeur  du  culte 
liturgique,  très  spécialement  en  ce  qui  regarde  le  chant  sacré. 

C'est  pourquoi,  est-ce  avec  un  vif  intérêt  que  Nous  avons  pris 
connaissance  de  votre  Lettre  pastorale.  En  une  rapide  synthèse, 
vous  instruisez  vos  pieux  fidèles,  et,  après  leur  avoir  fait  connaître 
l'histoire  des  origines  vénérables  et  de  la  restauration  du  chant 
grégorien,  vous  leur  donnez  des  directions  propres  à  en  assurer 
efficacement,  dans  une  exécution  pratique,  le  caractère  tout  à  la 
fois  religieux  et  artistique.  Aussi  bien  la  présente  Lettre  pastorale 
est-elle  une  preuve  nouvelle  des  nobles  efforts  que  vous  n'avez 
cessé  de  prodiguer,  depuis  de  longues  années  déjà,  pour  seconder 
les  désirs  de  Nos  vénérés  prédécesseurs  au  sujet  de  la  prononciation 
du  latin.  Il  Nous  plaît  donc.  Notre  cher  Fils,  de  vous  exprimer,  à 
Notre  tour.  Nos  félicitations  et,  en  témoignage  de  Notre  paternelle 
bienveillance,  et  comme  gage  des  faveurs  divines.  Nous  vous 
accordons  de  tout  cœur  à  vous-même,  Notre  cher  Fils,  ainsi  qu'au 
clergé,  aux  communautés  religieuses  et  aux  fidèles  de  votre  archi- 
diocèse, la  bénédiction  apostolique. 

Donné  à  Rome,  près  Saint-Pierre,  en  la  fête  de  saint  Grégoire 
pape,  le  12  mars  1922. 

Plus  PP.  XI. 


->x<* 


TABLE  DES  MATIERES. 


Au  R.  P.  Dom  André  Mocquereau iv 

Préface  de  l'auteur v 

Préface  du  traducteur Vil 

PREMIÈRE  PARTIE. 

Première  Leçon.  —  Définition  de  la  musique  et  du  chant  grégo- 
rien. —  Les  notes  et  leurs  noms.  —  La  note  ordinaire  et  ses 
modifications.  —  La  clef.  —  Le  guidon.  —  La  virgule.  —  Les 
lignes  de  séparation i 

Deuxième  Leçon.  —  ÉcheUe  diatonique.  —  Tons  et  demi-tons.  — 

Le  bémol.  ^=—  Le  bécarre.  —  Échelle  chromatique         ...  4 

Troisième  Leçon.  —  Intervalle.  —  Intervalles  conjoints  et  dis- 
joints. —  Intervalle  de  seconde  :  majeure  et  mineure.  —  Exercices.  5 

Quatrième  Leçon.  —  Parfaite  émission  des  notes.  —  Exercices  de 

solfège  par  intervalles  de  seconde.         ......  6 

Cinquième  Leçon.  —  Neumes  :  de  deux,  de  trois  et  de  quatre 

notes.  —  Neumes  spéciaux.  —  Exercices      .....  8 

Sixième  Leçon.  —  Émission  de  la  voix  :  règles.  —  Vocalisation  : 

règles  :  exercices    ..........  10 

Septième  Leçon.  —  Style  lié.  —  Avertissements.  —  Règles.  — 

Exercices 12 

Huitième  Leçon.  —  Intervalles  de  tierce  :  majeure  et  mineure.  — 

Exercices 14 

Neuvième  Leçon.  —  Intervalle  de  quarte  :  juste  et  augmentée.  — 

Exercices        ...........  15 

Dixième  Leçon.  —  Intervalle  de  quinte  :  juste  et  diminuée.  — 

Exercices        ...........  17 

Onzième  Leçon.  —  Intervalles  de  sixte,  de  septième  et  d'octave      .  18 

Douzième  Leçon.  ' —  Importance  de  la  bonne  lecture.  —  Règles 

essentielles.  —  Prononciation  :  voyelles,  consonnes,  syllabes        .  19 

Treizième  Leçon.  —  Accentuation.  —  Accent  tonique.  —  Accents 

principal  et  secondaire  .........  21 

Quatorzième  Leçon.  —  Phrasé.  —  Union  et  distinction.  —  Mots  : 
incises  :  membres  :  phrase.  —  Accents  phraséologiques.  — 
Exercices 21 

DEUXIÈME  PARTIE. 

Chapitre  premier. 

Tonalité  grégorienne.  —  Son  importance.  —  Gamme  fondamen- 
tale. —  Eléments  constitutifs  du  ton.  —  Extension  mélodique.  — 
Tons  et  demi-tons.  —  Toniques.  —  Dominantes  :  leur  impor- 
tance. —  Tableau  complet.  —  Tonique  et  dominante  de  chaque 
mode.  —  Tons  transposés  :  mixtes.  —  Modulations  :  Chan- 
gements de  mode.  —  La  modulation  grégorienne  est  riche  et 
mixte.  —  Exercices 25 


208  Table  des  Matières. 

Chapitre  deuxième. 

Chant  des  psaumes.  —  Leur  tonalité.  —  Psalmodie.  —  Parties 
dont  se  compose  im  verset.  —  Tableau  des  huit  tons.  —  La 
dominante  et  la  finale.  —  Manière  d'adapter  le  texte.  — 
Cadences  fixes  :  cadences  variables.  —  Cadences  à  un  accent  : 
cadences  à  deux  accents.  —  Règle  unique.  —  Intonation  : 
teneur  :  flexe  :  mediante  :  terminaison.—  Tonus  peregrinus.  — 
Mediantes  solennelles.  —  Tonus  <L  in  directum  >.  —  Remarque.  — • 
Diapason    ...........  41 

Chapitre  troisième. 

Dît  ryth7ne.  —  Avertissement  préliminaire.  —  Qu'est-ce  que  le 
rythme  :  matière  et  forme.  —  Arts  de  repos  et  arts  de  mou- 
vement. —  Qu'est-ce  qui  détermine  la  forme  du  rythme.  — 
Rythme  élémentaire  ou  à  temps  simples.  —  Arsis,  thésis.  — 
Temps  composé.  —  Rythme  simple  à  temps  conjposés.  — 
Neutralité  des  groupes.  —  Rythme  composé  :  par  juxtapo- 
sition, par  contraction.  —  Thésis  masculine,  thésis  féminine.  — 
L'ictus  rythmique.  —  Différence  entre  accent,  impulsion  et 
ictus.  —  L'accent  tonique  dans  ses  relations  avec  le  rythme,  — 
Indivisibilité  du  temps  simple.  —  Rythme  mesuré  et  rythme 
libre.  —  La  mesure.  —  La  syncope.  —  Accidents  du  rythme    .  59 

Chapitre  quatrième. 

Du  rythme  des  mots  et  des  neumes.  —  Des  pauses.  —  Rythme  des 
mots  :  mots  isolés,  mots  associés.  —  Mots-rythmes  :  succession 
par  enchaînement.  —  Mots-temps  :  succession  par  juxtapo- 
sition. Rythme  des  neumes  :  neumes-temps,  neumes-rythmes.  — 
Neumes-rythmes  :  doublement  de  la  dernière  note  ou  simple 
appui.  —  Leur  succession  :  par  juxtaposition,  par  enchaîne- 
ment. —  Notes  intérieures  d'un  neume,  note  finale.  —  Pause  : 
d'incise,  de  membre,  de  phrase,  pause  finale.  —  Mora  vocis     .  75 

Chapitre  cinquième. 

Exécution  particulière    à   certains   iieumes.   —   Strophicus.   — 

Pressus.  —  Oriscus.  —  Quilisma        ......  85 

Chapitre  sixième. 

I^s  appuis  rythmiques.  —  Les  divisions  binaires  et  ternaires  : 
leur  importance.  —  Règles  pour  les  déterminer.  —  Texte  : 
rythme  des  mots.  —  Mélodie  :  notes  modales,  dessins  mélo- 
diques, neumes,  pauses,  manuscrits  rythmiques  ...  89 

Chapitre  septième. 

Du  rythîne  des  incises  et  des  7nembres.  —  Les  incises.  —  Causes 
déterminantes  :  le  texte  :  la  mélodie  :  les  exigences  du  sens 
esthétique  :  le  rythme.  —  Les  mêmes  facteurs  maintiennent 
l'unité  interne  des  incises.  —  Phrases  d'une,  de  deux,  de  trois 
et  de  quatre  incises 99 

Chapitre  huitième. 

Du  rythme  de  la  phrase.  —  L'unité  de  la  phrase.  —  Moyens  de 
l'obtenir.  —  Lien  mélodique  :  ce  qu'il  est  :  protase  et  apodóse. 

—  Lien  dynamique  :  place  de  l'accent  général  ou  phraséolo- 
gique  :  soin  qu'on  doit  apporter  à  son  interprétation.  —  Lien 
proportionnel  :  en  quoi  il  consiste  :  part  qui  revient  au  chantre. 

—  Lien  d'articulation  :  comment  il  se  fait.  —  Résultat  final      .  loi 


Table  des  Matières.  209 


Chapitre  neuvième. 

De  la  direction  du  chant,  —  Chironomie.  —  A)  Par  temps 
simples;  B)  par  rythmes  simples  élémentaires;  C)  par  ternps 
composés.  —  Remarques  :  Classification  du  rythme  :  Dessins 

mélodiques.    —   Mouvement. Conseils    au    directeur.   — 

Expression  ....•••••••  ^^^ 

Chapitre  dixième. 

Exemples  pratiques.  —  Ordre  dans  l'analyse.  —  In  medio.  — 

Ostende.  —  Videns  Dominus.  —  Exsurge.  —  Justus         .         .     .      117 

TROISIÈME  PARTIE. 

Chapitre  premier. 

Des  hym7ies.  —  A)  Leur  composition.  —  L'ictus  métrique  :  son 
rôle  :  son  indépendance  :  sa  nature  :  sa  place.  —  B)  Leur 
exécution.  —  Mélodies  simples  :  ornées.  —  Mouvement.  — 
Syllabes  survenantes •         •  132 

Chapitre  deuxième. 

Des  ions  cofumuns.  —  Avertissements.  —  Tons   des  leçons   : 

commun  :  solennel  :  ancien.  —  Prophéties.  —  Leçon  brève      .  136 

Chapitre  troisième. 

Récitatifs  liturgiques.  —  Versets.  —  Bénédictions.  —  Capitule.  — 

Epître.  —  Evangile.  —  Oraisons 139 

Chapitre  quatrième. 

De  r excellence  du  chant  grégorien.  —  Elle  repose  sur  son  carac- 
tère liturgique  :  son  rythme  :  sa  simplicité.  —  Nécessité  de 
bien  l'exécuter 145 

Chapitre  cinquième. 

De  V accompagnement.  —  De  l'harmonie  diatonique.  —  Des 
rapports  de  l'harmonie  avec  l'accent  latin.  —  De  l'accompa- 
gnement proprement  dit 151 

Chapitre  sixième. 

Aperçu  historique.  —  Période  de  formation.  —  Période  de  per- 
fection. —  Période  de  décadence.  —  Période  de  restauration   .  i6ï 

Appendice. 

Législation  ecclésiastique.  —  Motu  proprio.  —  Lettre  de  Pie  X 
au  cardinal  Respighi.  —  Décret  du  8  janvier  1904.  —  Motu 
proprio  pour  l'Edition  vaticane.  —  Lettre  à  l'abbé  de  Solesmes.  — 
Lettre  du  cardinal  Merry  del  Val  à  D.  Pothier  (juin  1905).  — 
Décret  du  mois  d'août  1907.  — '  Décret  de  décembre  191 2  pour 
la  publication  de  l'Antiphonaire.  —  Décrets  d'avril  191 1  et  de 
juillet  19 12  se  rapportant  aux  signes  rythmiques  et  aux 
mediantes.  —  Règlement  du  cardinal  Vicaire  pour  la  musique 
sacrée  à  Rome.  —  Lettre  pastorale  de  S.  Em.  le  cardinal 
Dubois,  archevêque  de  Paris,  sur  le  plain-chant  grégorien  et  la 
prononciation  romaine  du  latin.  —  Lettre  de  Pie  XI  au  cardinal 
Dubois         .         .         .         .         .         .         .         .         .         .         .  164 

1    »    % 


No  674. 


'mi^^rmmmtmfiifr''^9''^<^t^mr^immtmm^miti 


UNIVERSITY  OF  TORONTO 
MU  SIC  l:ohary 


Imprimé  en  Belgique  par  la  Société  S.  Jean  l'Évangéliste,  Desclée  &  Cie,  Tournai.  — 


3797 


No  674 


.iji,  I  ,   iwijwa—i WT' 


ÜNIVERSITY  OF  TORONTO 


EDWARD  JOH^^SON 
MüSIC  LIBRAR  Y 


a50é2û 

Sunol,   Gregorio  Maria 
kethode  complete  de 
chant  Grégorien, 

7.   éd. 


Musifl 


Sunol,    Gregorio  Marie 

Méthode  complete  de 
chant  Grégorien. •  7.   éd.